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Archives pour novembre 2019



Terminator Genisys – Alan Taylor – 2015

12. Terminator Genisys - Alan Taylor - 2015Pops’obsolète.

   2.5   J’ai les yeux qui saignent. Trop c’est trop. Si Mostow jouait assez malicieusement avec la comédie tout en optant in extremis pour un surprenant jugement dernier, McG faisait le parti de situer l’action après l’apocalypse nucléaire. On pense ce qu’on veut de ces deux films, au moins ils choisissaient un angle d’approche original. Taylor sort l’artillerie lourde, lui, puisqu’il va à la fois piétiner leurs plates-bandes, en jouant la carte de l’humour et de la bourrinade, tout en optant pour le reboot mais un reboot qui veut montrer qu’il connait les opus de Cameron sur le bout des doigts. En y réfléchissant, cette franchise se gaufre chaque fois dans la table rase des suites des films de Cameron. A ce petit jeu, Alan Taylor gagne par KO. Terminator Genisys est un film épouvantable. Laid, abscons, insupportable. Enfin c’est un film amusant quinze minutes puis très vite ça devient une sorte de pot-pourri nauséabond où toutes les fleurs séchées sont les bienvenues pourvu qu’elles se superposent couches sur couches façon millefeuille. Epouvantable, vraiment.

     Outre de faire comme si les deux précédentes suites n’avaient pas existé, l’idée de Genisys est de multiplier les temporalités, de nous plonger dans une chronologie modifiée par une ligne temporelle alternative, occasionnant moult ressorts spatio-temporels. C’est une idée héritée de Retour vers le futur 2, j’imagine. Très bien, faisons comme ça. Le problème c’est que c’est déjà une idée problématique chez Zemeckis, selon moi. Mais comme c’est un cinéaste talentueux, que c’est la suite de son  propre film, ça ne casse pas entièrement : C’est grotesque mais ludique. Taylor n’étant pas Zemeckis, loin s’en faut, il ne reste plus que le grotesque. Sitôt détachées de la caution fan-service, les répliques sont nulles. Quant au charabia visant à régulièrement expliquer les soubresauts scénaristiques pour ne pas nous perdre, c’est très embarrassant. Il enchaine alors tout plein de clins d’œil à sa petite cinéphilie : Hellboy, Le monde perdu, L’épreuve de force et j’en passe. Et le fait avec de tels sabots. Ceci étant, que pouvait-on attendre de la part du réalisateur de Thor, Le monde des ténèbres, franchement ?

     Genisys commence par tout reproduire, afin de donner des petits coups d’épaule amicaux aux afficionados. Taylor semble nous chuchoter « T’as vu comment je connais bien Terminator. Lumière, répliques, plans, j’ai pensé à tout » mais ils les vident de leur sens, de leur pouvoir de fascination au point qu’il ne reste plus que de la gêne. Un peu à l’image de notre bon vieux Schwarzy, que Sarah surnomme « Pops », qui n’arrête pas de répéter qu’il est « old but not obsolete » on peine à prendre cette lourde plaisanterie au sérieux. Sur l’affiche on pouvait pourtant lire un petit mot élogieux de Cameron. Vous allez adorer Terminator Genisys disait-il. Le film étant ce qu’il est et Cameron étant qui il est, on attendait qu’il revienne sur sa déclaration et reconnaisse qu’il avait lâché cette ânerie pour ne pas froisser son pote Schwarzy. Et ce fut le cas. L’honneur est sauf. Car franchement, il n’y a aucune raison valable, autre que l’amitié, l’argent ou la folie, à écarteler les films maladroits de Mostow & McG et pas l’étron de Taylor. Aucune.

     Par ailleurs, on a beaucoup craché sur Nick Stahl & Christian Bale (Les Connor de T3 & T4) mais je pense que le vrai problème de casting se trouve ici. En particulier Kyle Reese : Jai Courtney (déjà nul en fils McClane dans le nullissime Die Hard 5 : Le mec salit vraiment tout) n’est pas Michael Biehn. Il n’est même pas l’endive qui voudrait ressembler à Michael Biehn. Quant à John Connor, l’idée Jason Clarke pour un type passant du côté obscur (Virage tardif dans le film mais la bande-annonce nous avait honteusement prévenu) est plutôt intéressante sur le papier (Ce mec a une vraie gueule bien burinée) le problème c’est qu’il dégage trop de côté obscur pour qu’on s’attache d’abord à lui en tant que leader charismatique de la résistance. Sa transformation ne surprend pas, en somme. Mais en méchant, il fait le job, là oui. Quant à Emilia Clarke, elle fait ce qu’elle peut pour se sentir concernée, mais elle n’est pas Linda Hamilton. Bref, oublions vite cette sortie de route, que dis-je, cette catastrophe industrielle.

Terminator Renaissance (Terminator Salvation) – McG – 2009

07. Terminator Renaissance - Terminator Salvation - McG - 2009Mad miettes.  

   5.0   Il y a une grande idée dans Renaissance. Qui à elle seule, vaut qu’on s’y plonge avec intérêt : Le fait de situer l’action dans le futur, entièrement, mais dans un futur plus proche que celui évoqué jusqu’ici dans la franchise. Si les trois premiers films s’échinaient à montrer des voyages dans le temps, en 1984 d’abord, en 1994 ensuite puis en 2004, chaque fois dans des périodes précédant la guerre nucléaire, le récit se situe ici bien après, en 2018. « The war against the machines » rugit depuis déjà un bon bout de temps. Et cette idée en occasionne forcément d’autres. Formelles, d’abord : L’impression de plonger dans un univers à la Mad Max 2. Narratives, ensuite : Le rêve de voir Kyle Reese rencontrer John Connor, va prendre forme. C’est tout l’enjeu. Les germes d’une transmission fondamentale.

     On appréhende donc le tout nouveau Connor (pas l’interprète, le personnage, celui du futur : Je n’ai rien contre Christian Bale, qu’on se le dise) plus fidèle à cette image de héros que nous l’avions vu précédemment, qui dirige ses troupes, se comporte en militaire, perçu tel un messie (qui envoie ses recommandations par radio à travers le monde) et essaie de trouver la faille dans le système de Skynet grâce aux cassettes instructives que sa mère lui a laissées. Sarah Connor est morte d’une leucémie avant la guerre, ça on le savait dans l’opus précédent, mais elle semble avoir une importance capitale, vivante ou non. Elle trace – a tracé – des lignes à suivre, c’est le chemin à suivre depuis sa rencontre avec Kyle Reese, et sa foi quasi immédiate concernant la tragique destinée de l’humanité. Même ce con de Silbermann s’inclinerait, dorénavant. Plus le choix.

     McG va complexifier (bêtement) un peu tout ça : Marcus Wright sera son héros malade. Il apparaît en 2018, dans une ambiance d’apocalypse, il dit ne se souvenir que d’une chose, être passé par le couloir des condamnés à mort. Il va tenter de survivre dans cet enfer puis fera la rencontre du jeune Kyle Reese, avant de le perdre et de rencontrer Connor. Ce dernier doit donc découvrir d’où vient ce curieux bonhomme (qui dit connaître Kyle Reese, son père) tout en préparant l’offensive contre les bases de Skynet qui a décidé d’annihiler la résistance toute entière. Les idées sont là, intéressantes quand il s’agit de se pencher sur ce personnage hybride, mais sous-exploitées là où on attendait davantage : Faut-il rappeler que si Kyle Reese meurt dans cet opus, il ne pourra pas, dix ans plus tard être envoyé par Connor, dans le passé ? Le paradoxe temporel c’est aussi le cœur de Terminator. Là c’est comme si l’on n’y croyait plus. Comme si McG s’en tenait à la rencontre tant attendue, mais qu’il ne la faisait déboucher sur rien, lui préférant le destin chaotique de Marcus Wright, qui aura au moins cette importance de léguer son cœur au héros de la résistance.

     Néanmoins, Renaissance est un pur film d’action. Un quatrième opus qui récupère l’intensité des précédents volets mais perd dans la dimension charismatique de ses personnages. Ils ne provoquent pas l’ennui mais un manque total d’empathie, à l’image de ce « I’ll will be back » qui n’a jamais paru aussi gratuit, décharné. Le film déballe ses saynètes, parfois aussi impressionnantes techniquement que les nombreux gadgets des machines (les motos-Terminator, notamment) mais on ne dépasse pas le cadre de l’action pour l’action. Le dernier quart est assez imbuvable. Une soupe pyrotechnique digne de Michael Bay – Avec le frisson de la honte suprême à l’apparition du T800, incarné par notre bon vieux Schwarzy, en images de synthèse – couronnée d’une conclusion un brin tire-larmes.

     Et il y a un autre souci : McG se prend beaucoup trop au sérieux. Il dit être admirateur de Cameron, et rejeter en bloc l’opus de Jonathan Mostow, très bien, c’est son droit – à mon avis, ce bien qu’il soit nettement en-dessous des deux premiers, il est tout de même mieux que le sien – mais il y avait aussi de la légèreté chez Cameron, une histoire d’amour. Tout s’est évaporé, ici. Cela dit il y a quand même la satisfaction de voir un film qui respecte le cahier des charges, le matériau de base tout en prenant le risque de développer une temporalité qui restait jusqu’ici hors champ. De choisir celle où le T800 est encore à l’état de conception, quelques années avant son voyage dans le temps. C’est déjà pas mal.

Terminator 3, Le soulèvement des machines (Rise of the Machines) – Jonathan Mostow – 2003

25. Terminator 3, Le soulèvement des machines - Terminator 3, Rise of the Machines - Jonathan Mostow - 2003Le voyage de la dernière chance.

   6.0   Terminator, Rise of the machines. C’est écrit dans le titre, les machines vont se rebeller, l’heure est venue. C’est la première grande idée du film de Jonathan Mostow. Avant que le Terminator protecteur n’apprenne à Connor que le jugement dernier interviendra ce jour à 18h18 le spectateur est comme le futur chef de la résistance, il ne sait pas pourquoi nos deux habituels voyageurs temporels sont encore de mise. Dans le premier la naissance de John est imminente. Dans le second la programmation de Skynet est sur le point d’aboutir. Mais ici, quel est le véritable enjeu ? Et le film en joue au point que l’on se demande longtemps s’ils viennent pour John Connor ou pour Katherine Brewster – d’autant qu’en parallèle la TX liquide d’autres cibles mystérieuses. Il faut bien une heure avant d’y voir clair. C’est ludique, rythmé, c’est du bon Mostow.

     Mais voilà, il y a ce titre. La deuxième partie du film n’est donc plus vraiment une surprise du coup, plus tout à fait seulement car la fin reste malgré tout surprenante tant jamais encore au sein de la franchise nous n’avions ressenti cet abandon définitif, cette idée que pour une fois le destin aboutira, que la guerre nucléaire aura lieu. Ce même si l’espoir domine dans cette toute dernière scène. Bref, je pense que la fin de Terminator 3, le soulèvement des machines est de ce point de vue une vraie réussite. Qui aurait pensé finalement que le jugement dernier était inévitable ? Qu’il avait simplement été retardé ? Que l’unique espoir était centré sur la survie du simple mortel John Connor, qui n’était pas né dans le premier film, ado bidouilleur dans le second, adulte épave dans ce troisième volet ? C’est une belle manière de préparer la résistance. Le monde après l’apocalypse nucléaire.

     Résumons rapidement : Cette fois, le même T800 revient protéger John Connor. Le même, pas vraiment : un maillon de la chaîne, puisqu’il le dit, ils sont faits en série – Dans ce cas, pourquoi le voir « se rappeler » que les clés de voiture sont parfois cachées dans le pare-soleil ? Incohérence absolue, mais c’est pas grave. En face, encore un nouveau prototype, le TX, dérivé du T1000 en plus évolué encore, sous une apparence féminine. Un robot encore plus fort qui sait fabriquer avec son corps des armes de tirs, a toujours ce pouvoir de transformation et c’est une nouveauté, peut, au moyen d’une sonde, guider les gens et les objets à distance. Bref, notre petit Schwarzy semble bien obsolète à côté, lui qui n’a subi quasi aucune transformation depuis le premier de la saga. Si l’on était pinailleur, on dirait que ça va un peu loin : Il est tout bonnement impossible de combattre cette créature, à moins de réduire ses capacités au moyen de petits tours de magie scénaristiques. 

     On est bien entendu loin de l’ambiance (Terminator) et de l’efficacité (Terminator 2) Cameronienne, il n’empêche que Mostow s’en sort plutôt bien. Il y a quelques couacs à l’image de cette première scène où l’on voit le futur et Connor à la tête d’une armée humaine et un drapeau américain à ses côtés. Que vient-il faire là ? Le quatrième volet réalisé ensuite par McG aura au moins eu l’intelligence de situer sur un pied d’égalité Russes et Américains. Mais en ce qui concerne l’action pure, Mostow assure (Son Breakdown avec Kurt Russell était par ailleurs un excellent film d’action) même si d’une part les effets spéciaux bavent un peu et la caméra bouge beaucoup trop. Et d’autre part si sa propension à capitaliser sur ses percées humoristiques reste un peu trop fonctionnelle. Le dosage entre l’humour et l’action fonctionne, mais pas toujours – L’automatisme abusé de certaines répliques, certains mouvements trop répétitifs. N’est pas Cameron qui veut. Ceci étant c’est une bonne comédie, malgré tout et c’est peut-être ce qui fait que j’y suis attaché, car elle parvient étrangement à ne pas dénigrer les magnifiques opus de Cameron.

Terminator 2, Le jugement dernier (Judgment day) – James Cameron – 1991

29907647e241428a695e75c959b89283No fate.

   10.0   N’ayons pas peur des mots, c’est un chef d’œuvre absolu. Si j’en avais fait l’un de mes films de chevet durant mon adolescence, je l’avais aussi, depuis, un peu laissé de côté, au profit d’autres types de cinéma, plus nobles en théorie disons, mais aussi au profit du premier volet, plus cheap, plus sombre, plus sale, plus romantique aussi, que j’ai tellement reconsidérer au point qu’il était devenu meilleur dans mon esprit. En fait je crois bien que j’aime T2 autant que j’aime Titanic. C’est immense. Je n’arrive plus à m’en détacher depuis plusieurs semaines, je l’ai revu, puis revu encore (afin de l’intégrer dans ma rétro qui aboutira à Dark fate, je suis fébrile) bref, j’y pense sans cesse. Je me demande comment j’ai pu le « laisser de côté » durant tant d’années.

     Cameron renverse l’idée motrice de son premier opus : Arnold Schwarzenegger incarnait le robot envoyé par les machines du futur pour tuer Sarah Connor, la mère du futur héros de la résistance. Son visage, sa voix, son corps symbolisaient l’apparition du Mal. Il sera dorénavant celui envoyé par le John Connor de 2029 – la résistance ayant réussi à kidnapper un programme de Skynet – afin de se protéger lui-même, lui, fils de Sarah Connor. La construction en un montage alterné et un lent crescendo imparables, vise à converger vers cette rencontre, en forme de morceau de bravoure dantesque : Offrant l’une des courses-poursuites les plus dingues que le cinéma d’action ait offerte, s’ouvrant à pied dans la salle d’arcade d’un centre commercial et se fermant en Honda XR, semi-remorque et Harley-Davidson dans un canal de contrôle des inondations. Une séquence qui brouille les repères, redistribue toutes les cartes. Quand j’étais gamin, il m’arrivait de la regarder en boucle.

     Il est pourtant bien délicat au départ, ce même si les indices sont nombreux, d’être certain de la véritable identité du tueur et du protecteur. Cameron ne masque rien, tout est relativement clair – Et le visage de Robert Patrick est le plus froid et robotique qui puisse exister – mais il renverse tellement de choses, ne serait-ce que par cet uniforme de policier (porté par le T1000 qui provient du premier homme qu’il a neutralisé dès son arrivée mais qui renvoie aussi à la voiture de police volée par le T800 dans le précédent film : L’ironique « To protect and to serve »  peut-on lire sur la portière dans les deux cas) que l’on sera définitivement certain des identités de chacun pile au même moment où le sera John Connor, dans ce couloir exigu, véritable entonnoir à fusillade. D’autant que, encore une fois, ce visage-là est resté, pour nous (John Connor, lui n’était pas né durant l’action du premier volet) comme étant celui du Mal. On imagine sans peine la déflagration d’angoisse qui saisit Sarah lorsqu’elle le voit, plus tard à l’hôpital psychiatrique, pour la première fois au sortir de cet ascenseur à l’instant de sa tentative d’évasion.

     Le risque quand tu décides que ton grand méchant du premier film (qui était surpuissant) sera le gentil du second, c’est de s’exposer à de la frustration. Il faut alors mettre le paquet pour retrouver un antagoniste (au moins aussi) fort. Heureusement, on peut compter sur Cameron et Terminator 2 pour être à la hauteur. Une générosité qui n’aurait pu se distinguer qu’en matière d’effets visuels – après tout, le budget est multiplié par vingt. Que nenni. Le T1000 est une création de génie. Son design, sa texture en métal liquide. Ses blessures arrondies qui se referment. Le fait qu’il puisse prendre la forme de tout ce qu’il touche, se glisser dans la peau d’un autre personnage, se transformer en armes blanches,  s’immiscer à travers des ouvertures. Il envoie tous les méchants à la retraite. On se souviendra longtemps de la neutralité terrifiante de sa voix quand il dit « Je sais que ça fait mal » à Sarah, le doigt planté dans son épaule ; De ses nombreuses transformations, en tutrice de John, en pilote d’hélicoptère ou en Sarah Conor ; de sa rapidité à se régénérer, après avoir été gelé et dispersé en éclats de glaçons, après avoir encaissé des rafales de balles, après être resté dans l’explosion d’un semi-remorque. Tout semble si fragile autour de lui, lui qui est si invincible. Et sa mort est in fine aussi belle et poétique (cette cruelle façon de se débattre en récupérant ses transformations antérieures, jusqu’à effectuer un cri infini qui n’est pas sans rappeler la toile d’Edward Munch) que celle du Jaws, de Spielberg : Monstres de sang ou de métal, engloutis par les eaux ou les flammes.

     Et bien entendu il y a Sarah Connor. Le retour de Sarah Connor. Sa première apparition impressionne. La petite serveuse qui tentait de sauver sa peau s’est évaporée au profit d’une vraie machine de guerre, prête à en découdre avec la fin du monde au point qu’elle est internée pour avoir tenté de faire exploser une société d’ordinateurs car elle sait que la fin du monde est entre les mains des grands informaticiens. Dès son entrée elle est captée de dos, en train de faire des pompes dans sa chambre à l’asile. La transformation physique est hallucinante. Elle est à l’image du film tout entier. Au paroxysme de sa rage, de sa détermination, sa lucidité sauvage. Elle explose. Utilise le fusil à pompe comme un T800. Et pourtant, sa dureté se brise à mesure, sa carapace se fend, c’est ce qui est très beau ici – au moins autant que de voir retirer les attributs de machine à tuer au T800, jusque dans ce jeu avec John qui lui commande de ne plus tuer personne. Sarah s’adoucit lorsque elle voit son fils jouer avec le Terminator, père de substitution nettement plus à la hauteur que tous ceux que John a rencontré auparavant. Et elle craque à l’instant où elle est convaincu de tuer Dyson, le directeur des programmes spéciaux de Cyberdine mais se grippe brutalement, retrouve son humanité, un peu de sa sensibilité du premier film.

     Il faut voir T2 comme une version plus spectaculaire et confortable du premier film. C’est quasi son remake. Mais un remake qui renverse tout. Evidemment, « remake » est un mot qui n’a plus vraiment de sens au regard des deux produits finis. C’est comme lorsque Cameron fait True lies, remake de La totale. Il a beau reprendre des pans entiers du sympathique film de Claude Zidi, préservé l’esprit, par une magie dont il a le secret – une sorte de balance parfaite entre le pouvoir budgétaire et le talent – son film est plus généreux, plus limpide, plus drôle, plus fou, plus tout : C’est un autre film. Ou tout est dans la démesure. C’est encore plus passionnant sur le matériau Terminator dans la mesure où c’est le sien. Il le reprend, le triture, le dynamite. On y retrouve des motifs, une similitude dans certains plans, la matérialisation des corps nus, la double quête, le découpage, le polaroid, la reprise d’une réplique, le final en miroir dans les usines, mais rien qui ne laisse présager une telle différence technique, un tel tourbillon de violence et d’action pure, jusque dans les pulsations musicales du générique d’ouverture qui comme le premier opus structure le film tout entier mais de façon multipliée ici, opératique et magmatique.

     Le dernier quart est une plongée dans les enfers. Littéralement. C’est une course folle, nocturne, sur un échangeur désert, à bord d’une voiture et d’un hélicoptère, puis d’une camionnette et d’un camion-citerne. Avant une agonie malade dans une fonderie, sur des passerelles brulantes, où l’on navigue entre fumées ardentes et éclaboussures de braises. Jusque dans une cuve pleine de métal en fusion ! C’est aussi une affaire de brasier, T2 puisque le film s’ouvre en pleine guerre futuriste dans un dédale de ruines où l’image qu’on a des batailles dans les tranchées est remplacée par un champ de débris métalliques. C’est un enfer gris, sans couleur, sans chaleur, post-apocalyptique rythmé par le bruit des machines et des armes. Si cette ouverture dans les décombres calcinés de balançoires, tricycles, tourniquets et cheval à bascule, est d’emblée un sommet – Effets visuels déments répondant aux moyens rudimentaires de la même séquence inaugurale dans le premier volet – le générique qui suit effectue un bond en arrière pour nous convier dans les flammes. On nous offre le jugement dernier dans ce même parc pour enfants : De ce décor brulant, soudain, émerge un monstre de métal, au regard figé, qui s’avance droit vers nous. Par son ahurissant décor, le final, en forme de boucle, convoque aussi cette apocalypse. Il s’agit là aussi de regarder le(s) robot(s) dans les yeux, en train de mourir.

     Le happy-end a toujours un goût amer, chez Cameron. Ici, lorsqu’enfin, le poly-alliage mimétique que compose le T1000 disparait dans la lave en fusion, il faut aussi bien pour John que pour nous, spectateurs, affronter une dernière épreuve : Faire nos adieux à cet ange gardien, cette machine, cette chose plus humaine que les humains, qui comprend ce qui cloche dans nos yeux. La réplique « I know now why you’re cry » est une réponse à celle de Kyle qui disait à Sarah que le Terminator ne ressentait ni la pitié, ni le remords, ni la peur. Brad Fiedel se surpasse dans ce dernier morceau, militaire, brulant, funéraire, mélancolique. « It’s over » en effet, sur des larmes et le pouce-en-l’air le plus bouleversant de l’histoire des pouces-en-l’air. Si le récit de T2 se déroule en 1994, on peut considérer que le jugement dernier (initialement prévu pour août 1997) est évité, étant donné que la puce permettant de développer les programmes Skynet est détruite. La tirade finale prononcée par Sarah Connor, qui évoque l’espoir de ce futur inconnu « Because if a machine, a Terminator, can learn the value of human life, maybe we can too » fait office de fin parfaite, inquiète mais ouverte, une fin à l’image de notre monde, une fin à l’image de James Cameron.

     Bref, c’est en effet le Cameron (avec True lies) le moins romantique au sens large du terme. Son souffle est avant tout spectaculaire, démesuré – Ce qui en soit me convient déjà : C’est le dernier grand film d’action à mon sens, avec les Die Hard de McTiernan. Et à la fois j’ai l’impression qu’il atteint une totale liberté / maturité dans la limpidité de sa narration et dans le développement de ses personnages. Il faut voir avec quelle aisance il renverse les codes du premier volet, jusqu’à reprendre « l’enveloppe » du robot qui venait tuer Sarah Connor en le faisant revenir pour protéger son fils. On les connaît par cœur ces deux films donc on ne s’en rend plus compte, mais quelle idée de génie absolument casse-gueule, franchement. Et puis il y a ce que le film fait éclore comme dans le premier. C’était l’histoire d’amour entre un homme du futur et la mère du futur chef de la résistance. C’est ici la complicité entre un adolescent et un cyborg. Un robot qui, juste avant de disparaître, finit par comprendre pourquoi on pleure. Cameron romantique, toujours. Même quand c’est moins évident dans ce film de feu, de sang et de métal.

Terminator – James Cameron – 1985

76635662_10156935346247106_705424760342839296_nStorm is coming.

   10.0   Il y a dans ce premier fauché volet – d’une désormais incontournable saga, qui continue  de faire de (mauvais) émules si l’on en juge les nombreuses piètres suites qui s’enchaînent à n’en plus finir – une noirceur inédite que l’on ne retrouvera plus. C’est un film quasi exclusivement nocturne. Fauché, certes, mais Cameron utilise l’héritage de son passage chez Roger Corman, lorsqu’il était directeur artistique des Mercenaires de l’espace ainsi que sa participation express à la réalisation de Piranha 2 – Il faut noter que James Horner, déjà, faisait la musique de ce film et qu’il retrouvera Cameron pour Aliens. Il est important d’évoquer tout cela, afin de rappeler que derrière l’efficacité de cette machinerie et l’aura culte qu’il a su créer, c’est un film qui respire la bricole. Mais Terminator c’est avant tout un scénario de science-fiction magnifique. Qui, tel le veut la légende, découle d’un rêve fiévreux (que fit l’auteur) d’endosquelette anthropomorphe venu du futur pour le tuer.

     Le point de départ est aussi simple (mais aucunement simpliste) qu’il est inventif : On apprend qu’une guerre nucléaire a décimé la plupart des êtres humains. Le film s’ouvre en 2029 dans un champ de ruines bleu métal, véritable amas de squelettes dans laquelle une poignée d’humains résistants armés, survivants de la radiation affrontent des machines, robots aux apparences variées, entre bulldozers et bombardiers volants. Si le combat fait rage, les hommes résistent et font peut-être plus que résister puisqu’une armée menée par un certain John Connor est sur le point de renverser la situation. Aussi, les machines, par l’intermédiaire de leur unité centrale Skynet, envoient dans le temps – En 1984, pour être précis – l’un des leurs, un Terminator (Un squelette métallique recouvert de tissus organiques, afin qu’il prenne l’apparence humaine) pour tuer Sarah Connor, future mère du futur chef de la résistance, qui n’est pas encore né. En parallèle, la Résistance parvient à envoyer in extremis (avant que la machine ne soit détruite) l’un des leurs, Kyle Reese, à travers le temps pour protéger Connor. C’est pourtant simple, mais le Dr Silbermann – dans le volet suivant – n’y croira pas une seconde, faisant de Sarah sa patiente « gagne-pain » en l’érigeant monstre de foire,  hystérique et fabulatrice. L’une des pires ordures de l’histoire du cinéma ce personnage, mais ça, nous « l’apprécierons » pleinement dans l’épisode suivant.

     Si le premier (vrai) long métrage de James Cameron est bien ancré dans les années quatre-vingt à l’image de la musique utilisée durant la somptueuse séquence au Tech noir – qui n’est pas sans rappeler certains thèmes du Scarface, de Brian de Palma, sorti un an plus tôt – il y a dans cette même séquence une esthétique métallique, caverneuse, qui le renvoie aussi à Alien ou New York 1997. La musique de Brad Fiedel y est pour beaucoup tant elle épouse à merveille cette forme schizophrène, autant qu’elle épouse la quête de Reese et celle du T-800, en étant à la fois très rythmée – comme une machine – et symbiotique : Fiedel disait de ce score qu’il décrivait « a mechanical man and his heartbeat ».

     Qu’elles se situent en 2029 ou en 1984, certaines séquences, toutes plus huilées les unes que les autres, sont inoubliables et forment ce que l’on peut aujourd’hui aisément considérer comme un manifeste du cinéma d’action. Certes, le manque de moyen se ressent ici ou là, quand il s’agit de mettre en mouvement cette zone de guerre ou de façon plus intime, quand le Terminator, improvisé chirurgien, répare son œil devant le miroir au Tiki motel, mais ça fait partie de l’ambiance primitive et crépusculaire du film. Dans l’étonnante séquence du Tech Noir, Cameron use du ralenti comme s’il mettait en place un balai du crime, avec un tueur sans émotion, sans âme, face à une victime féminine, innocente, dans le flou le plus total. Plus tard, celle du commissariat est un magma de brutalité pure, terrifiante, sans issue. Un peu plus tôt, les scènes de recherches de Sarah sont superbes : Tandis que le Terminator a besoin d’un annuaire pour débusquer la cible qu’il doit éliminer, témoignant d’un développement encore bas de gamme – Si l’on effectue un comparatif avec les machines des opus suivants – l’homme qui est venu pour la protéger n’est pas seulement accompagné d’une photo : Il l’aime, il l’a toujours aimée. Un somptueux montage alterné suit cette double quête. Quand l’un doit checker trois lignes d’annuaire, l’autre connaît ce visage par cœur. Celui qui patauge semble intouchable, celui qui est plus efficace parait complètement vulnérable. Le T-800 éclot tout luisant d’un nuage électrique et d’un flash blanc, quasiment en lévitant, tandis que le ciel semble avoir craché au sol Kyle et son corps scarifié par les cicatrices gravées par les années de guerre. Et puis il y a dans ce déluge de violence une poursuite finale, plus angoissante, plus dingue encore, haut fait du cinéma Cameronien, reprise et amplifiée dans T2 – Où l’usine déserte sera remplacée par la fonderie.

     Et puis il y a ces innombrables répliques qui font mouche et une partie du charme du film. Celles du Terminator, évidemment, aussi méchant soit-il. A l’image de sa première requête aux loubards punks qu’il rencontre : « Your clothes… Give them to me, now ». Cameron ne nous avait pas encore bien renseigné sur sa capacité à apprendre – Il se rattrapera largement dans le film suivant – mais déjà, le Terminator, tente de se la jouer humain et met en application ce qu’il entend. Le « Fuck you, asshole » en réponse au garçon d’étage qui en passant devant la porte de sa chambre, se plaint d’une odeur de chat crevé, n’est autre qu’une insulte lâchée par l’un des punks de sa première rencontre ». Quant au fameux « I’ll be back » prononcé dans un moment de silence, réflexif, opératique avec toute l’impassibilité flippante de Schwarzy, la punchline a beau avoir un sens comique (par son automatisme, son ton et la situation qui la déclenche) on sait que s’il revient, et c’est ce qu’il se passe, l’avenir du commissariat, des policiers et de Connor est vraiment compromis. Car même si ce T800, premier cyborg d’une longue série en chaîne, est envoyé trop tôt, donc pas suffisamment perfectionné, il survit aux balles, aux accidents de voitures, il peut modifier sa voix et se faire passer ici pour un policier en patrouille, là pour la mère de Sarah, mais aussi se retirer un œil à sa guise jusqu’à garder son instinct de machine à tuer ôté de ses deux « jambes ».

     Terminator révèle la fascination de Cameron pour la création de l’Homme, la machine, l’intelligence artificielle. En somme, Terminator annonce doublement Avatar : De façon diégétique ou non. Ici, les machines crées par l’Homme ont pris le pouvoir en ayant accédé à la conscience. Dans Avatar, on retrouvera les bulldozers et les bombardiers volants, mais de façon plus pessimiste puisque les Hommes seront toujours à leurs commandes. Et c’est cette opposition sur laquelle s’appuie le cinéaste, par des détails une fois nettement visibles d’autres fois plus discrets, entre l’homme et la machine, qui semble parcourir tout le film au point d’être son cœur battant, au moins autant que la traversée temporelle, par amour, d’un vulnérable sauveur. Kyle observe le retard – sur la machine – que l’Homme accumule sans s’en apercevoir. Ce retard qui le fait courir à sa perte quelques décennies plus tard, en guerre contre ses propres inventions. La séquence rêvée où il voit ce véhicule de chantier en l’assimilant (par une ellipse magnifique) à ceux qu’il affronte quarante années plus tard a ceci d’épatant qu’il prend conscience à quel point l’homme s’est fait écrasé par sa création, ses armes de défenses, à quel point il contrôlait ses monstres d’acier avant de devoir les affronter pour y survivre.

     Le film a pourtant tout pour être celui d’un acteur : Arnold Schwarzenegger, exceptionnel, pure révélation, avait crée un mythe, ce monstre massif, sans émotion, musculature imposante, arborant des lunettes noires, armés de quelques répliques cultes crachées froides, robotiques. Génie de Cameron alors à son galop d’essai : Terminator est un grand film de cinéaste effronté, qui invente un genre en soi avec cet ovni hybride à la croisée du film d’action et du film de monstre, de la science-fiction et du survival, du voyage temporel et du récit post apocalyptique, du néo-noir et de la romance. Quel auteur peut se targuer de réussir chacun de ces films en n’en pondant qu’un seul ?

     J’ai longtemps déconsidérer ce premier volet, pourtant. Aussi bien au sein de la filmographie de Cameron qu’en rapport avec le suivant. J’ai longtemps gardé le souvenir d’un film mal rythmé. T1 était celui que je voyais peu étant môme, nettement battu à la concurrence par T2. Il a ceci d’un peu hermétique, moins aimable, moins attachant au premier abord mais il est in fine très différent, plus tranchant, plus sidérant. Et puis c’est le premier, celui qui nous plonge dans l’univers, celui qui met en place les promesses d’un récit ouvert, celui qui découvre (Sarah) ou évoque (John) des personnages qui reviendront ensuite, celui qui voit les débuts de Sarah Connor, bientôt seule à croire au destin tragique imminent de l’humanité.

     Et déjà chez Cameron (Il faut rappeler que c’est son premier film), le récit est guidé par son histoire d’amour. « I came across time for you, Sarah. I love you, I always love you » avoue Kyle à Sarah lors d’une séquence magnifique. Une parmi d’autres, dont on pourrait signaler celle finale au Mexique, qui fait passerelle avec cette photo dont Kyle parle un peu plus tôt, ce cliché de Sarah qu’il a longtemps minutieusement gardé et observé – avant qu’il ne périsse dans les flammes d’une guerre éternelle – jusqu’à tomber amoureux d’elle. Il décide de traverser le temps, par amour, et de ne plus jamais revenir. Quel Sublime héros romantique, ce Kyle Reese. Parvenir à injecter cette douceur et cette lumière au sein d’un récit si brutal à l’esthétique aussi noire, prouve encore à quel point le génie Cameronien est sans limite et inébranlable.

Mad Men – Saison 4 – AMC – 2010

4.01&02&034.01, 4.02 & 4.03

27/11/18

« Qui est Don Draper ? »

    Cette saison s’ouvre sur ces mots, prononcés par un journaliste, venu pour interviewer Don Draper, qui ne se livrera évidemment pas, mais dira que l’intégralité de son temps sert à la croissance de l’entreprise. Ça manque de glamour, ce que l’article n’oubliera pas de mentionner, faisant par la même occasion une pub assez ingrate pour la firme.

     Thanksgiving approche et sa suite logique : Noel, puis le nouvel an. Si on avait laissé la série au lendemain de l’attentat de Kennedy, on comprend rapidement que ce n’est pas 1963 qui s’achève ici mais 1964. Mad Men s’est encore permis une ellipse. Une année durant laquelle une nouvelle agence répondant au nom de SCDP (pour Sterling, Cooper, Draper & Pryce) a vu le jour et vit depuis un danger permanent puisque les actionnaires ne cesseront de le répéter durant ces trois premiers épisodes : les deux/tiers du chiffre concerne le dossier Lucky Strike. Surtout depuis que Draper envoie bouler ceux qui refusent son audace, je vais y revenir.

     Qui dit nouvelle agence, dit nouveau décor. C’est d’abord très déstabilisant : ça manque de stores vénitiens, de moquette dans le bureau de Cooper, d’une grande pièce carrée centrale cernée par les bureaux vitrés individuels, mais on va vite s’y faire, d’autant qu’on retrouve bientôt les festivités d’antan, les danses endiablées, les déguisements, les cadeaux. On retrouve aussi Freddy, qui revient avec un portefeuille à 2M.

     Mais le premier épisode est surtout l’occasion d’effectuer une passionnante mise en abyme par l’intermédiaire de Don : Suite à une interview désastreuse pour son image, il ira jusqu’à remballer des clients pudibonds avant de se racheter en revendiquant ses ambitions et en se dévoilant davantage à un journaliste du Times. Le message est clair : C’est une promesse, les créateurs annoncent que Mad Men ne se reposera pas sur ses lauriers. Tant mieux, attendons de voir, maintenant.

     Avec Betty tout cela ne s’est pas arrangé, bien au contraire. Ils vont se croiser deux fois durant l’épisode 2, la première lorsqu’il vient chercher les enfants pour le week-end, la seconde lorsqu’il lui redépose. Leur relation semble tellement loin, maintenant. C’est à peine s’ils se regardent pour chaque remarque qu’ils s’envoient. La série aura finalement choisit tout l’opposé de ce à quoi des aveux promettent : depuis que Don a révélé à Betty sa véritable identité, elle s’est définitivement éloigné. Il s’est ouvert pour rien.

     Quant au dernier épisode de 1964, on y voit essentiellement Don alors qu’il effectue un voyage professionnel vers Acapulco, faire une escale en Californie pour aller visiter Mme Draper, la vraie, dont il apprendra, par l’intermédiaire de sa sœur qui préfère lui cacher la vérité, qu’elle est mourante. Le monde s’ébranle sous Don. On comprend (et il le dira lui-même) que cette relation était bien plus que ce qu’elle laissait apparaître : Don avait besoin de la présence de cette femme. Ces voyages lui permettaient de desserrer la cravate et de redevenir celui qu’il est, dans le fond. De redevenir Dick Whitman.

4.04&054.04 & 4.05

22/09/19

Inutile de revenir sur le trou béant qui sépare mes visionnages des épisodes 4.03 et 4.04. Il n’y a pas d’explication. Ou si : J’avais soudain perdu l’envie de lancer du Mad Men, c’est aussi simple que cela. Peut-être que le 4.03 faisait office de fin de quelque chose pour moi. Qu’importe. Ces temps-ci je pensais beaucoup à Mad Men, donc c’est reparti.

     Cet échange de regards entre Peggy & Pete qui clôt l’épisode ajoute un supplément de mélancolie à ces quarante-cinq minutes qui n’en manquaient pas. La vie de ces deux-là, qui auraient jadis pu finir ensemble, ne résonne plus qu’en oppositions, désormais. Pete apprend qu’il va être papa. Il l’apprend du père de Trudy tandis qu’il était sur le point de lui dire qu’ils arrêtaient la collaboration avec Clearasil. Quant à Peggy, sa rencontre avec Joyce incarnée par Zosia Mamet, la sublime Shoshanna de Girls, l’embarque dans une fête warohlienne (au doux son d’un Velvet underground-like) où elle fera la rencontre d’un rédacteur branché plutôt sensible à ses charmes. Affaire à suivre. On apprend par ailleurs la mort de Malcolm X, on peut donc en déduire que les faits se déroulent en février 1965. A noter aussi que ce bel épisode est réalisé par John Slattery.

     « Je ne sais pas m’en occuper. Je suis soulagé quand je les ramène. Et après ils me manquent » : Cette phrase de Don, au sujet de sa culpabilité à propos de l’éducation de ses enfants déchire le cœur, une fois de plus. Voici un épisode « The Chrysanthemum and the Sword » qui marie l’intimité des parents Draper, au téléphone ou chez la psy, leur discorde au sujet de leur fille Sally, qui, en plein rejet de l’ordre, des modèles, de l’éclatement familial à moins qu’il ne soit simplement question d’entrée dans l’adolescence, en profite pour se couper les cheveux et se masturber publiquement, avec le débat japonais chez SCDP à propos d’une potentielle signature de Honda : Roger Fait beauf-barrière puisqu’il est resté bloqué sur le « différend » de la seconde guerre mondiale. A moins qu’il ne jouisse de mettre des bâtons dans les roues de Pete. Je peux le comprendre. Episode absolument génial.

4.06&074.06 & 4.07

01/10/19

Un flashback surprenant fait irruption dans les premières minutes de « Waldorf stories » le sixième épisode de cette quatrième saison. Il va nous raconter la rencontre entre Roger Sterling et Don Draper quand le premier vient récupérer une fourrure pour Joan, dans le magasin du premier. C’est un épisode qui renforce, si besoin était, la ténacité de Don malgré les apparences. Il fallait en effet beaucoup de sang-froid pour affronter cet homme qui lui fait signe qu’il a de l’avenir dans la publicité avant de le renvoyer platement à sa fragile condition. Il lui en faudra là aussi pour affronter à nouveau Roger qui souhaite faire entrer le fils d’un oncle qui n’a semble-t-il pas vraiment le profil (recherché par Don) pour faire partie de la boite, d’autant que son book est rempli de gentils plagiats. Et il lui en faudra encore davantage lorsqu’il devra tenir, encore bourré de la cérémonie de récompense de la meilleure publicité, sa réunion autour du slogan d’une entreprise de céréales. Mais c’est aussi le moment de montrer combien la ténacité de Don a ses revers de médailles, ne serait-ce que dans le récit que fait Peggy d’une pub qu’elle a créé et qu’il s’est accaparé en modifiant un simple détail, sans jamais la remercier. Et si la série nous disait que Don devient Roger ? C’est aussi ce qui témoigne de la jalousie de Roger pour Don, qui rappelle qu’il n’y a pas de récompense pour son travail. Si Mad Men en gardait indéniablement sous le pied pour l’épisode à suivre, toute la séquence où Peggy est cloitrée (nue) à l’hôtel avec Stan pour chercher les meilleurs slogans, est un pur régal.

     « The suitcase » se déroule un 25 mai. On le sait pour deux raisons. Tout d’abord parce que c’est l’anniversaire de Peggy. Ensuite parce que c’est le jour du match de boxe historique entre Ali & Liston : Le 25 mai 1965. Pendant que la plupart des employés SCDP a filé voir le combat en question, Peggy – qui a pourtant un rendez-vous galant avec son petit ami, sans soupçonner que c’est un diner de famille qui l’attend – se retrouve coincée au bureau par Don qui lui impose de trouver le meilleur slogan Samsonite. Et c’est aussi un combat qui attend la pauvre Peggy. Les mots de Don seront parfois très durs, avant que tout finisse par retomber dans une ambiance beaucoup plus alcoolico-mélancolique. Car c’est une journée spéciale pour lui aussi, un épisode qui le verra repousser un coup de téléphone terrible et boire ad nauseam pour oublier d’avoir à passer ce coup de téléphone terrible. Et pendant qu’Ali met KO Liston en quatre-vingt-dix secondes sur le ring, Duck Philipps bourré, reviendra mettre son bourref-pif à Don, bourré aussi, sous prétexte que Peggy ne veuille pas le suivre dans sa volonté d’émancipation professionnelle parallèle. C’est un épisode dans lequel Don ira vomir, sa tristesse et la boisson. Un épisode où il finira par s’effondrer sur Peggy puis éclater en sanglots devant elle, avant de finir par trouver, le lendemain, le slogan idéal qu’il recherchait, en le combinant à la Une sportive. Une fin d’épisode qui verra Don choisir de laisser la porte ouverte, une fin à double signification : Son cœur est ouvert, béant de tristesse mais pourtant il s’est ouvert à Peggy, qui dans un sublime moment de transmission spirituelle (Le fantôme d’Anna qui traverse le bureau, c’est somptueux) pourrait être celle qui connaîtra Don, Dick donc, aussi bien que cette mère spirituelle qui s’en est allé. C’est déchirant. J’ai terminé en miettes. Officiellement l’un des trois plus beaux épisodes de la série, toute saison confondue. 

4.08&094.08 & 4.09

17/10/19

C’est un épisode qui marque un tournant – Rien d’étonnant en soi, après l’épisode précédent. Don semble avoir vieilli, dans sa façon d’observer les autres, mais aussi de tousser après quelques longueurs de piscine. Et sa voix, en off, accompagne ces quarante-cinq minutes, une première que de le voir se confier dans un journal intime. Si ça peut sembler perturbant au premier abord, là aussi on peut mettre en lien ce besoin d’écrire avec le douloureux départ d’Anna : Don n’a plus personne à qui se confier.

     Aussi, cet épisode est marqué par l’idée du fossé. Entre les hommes et les femmes, entre les créateurs et les secrétaires. Et entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, pour reprendre les termes de l’amie de Betty qui lui rappelle que sa vie est probablement plus belle que sa vie à lui. Pourtant c’est l’ambiguïté qui domine. Comme lorsqu’ils se croisent au restaurant. On ne sait pas bien si Betty dit détester Don parce qu’elle ne supporte pas de le voir impuni ou si, quelque part, elle le regrette. C’est troublant. Le « We have everything » qu’elle lâche en posant un baiser à Henry ressemble beaucoup plus à une volonté d’auto-persuasion qu’à une prise de conscience que la pseudo certitude de son ton laisse paraître.

     A noter que nous sommes arrivés à l’été 65. Et pour la première fois, il me semble on y évoque assez clairement – et à plusieurs reprises, dans les discussions ainsi qu’à la télévision – le Vietnam.

     « The beautiful girls » joue davantage sur un  terrain conceptuel, puisque c’est un épisode quasi entièrement féminin, qui se clôt d’ailleurs sur un très beau plan dans un ascenseur captant les trois regards forts, chacun dans une direction, de Joan, Peggy & Faye que nous avons méticuleusement suivies quarante-cinq minutes durant : Trois femmes actives aux trajectoires bien différentes. Trois femmes dont on peut clairement douter qu’elles puissent partager quoique ce soit de plus un jour.

     Les prémisses de ces scissions étaient lancées dans l’épisode précédent, lorsque Peggy prenait la défense de Joan, en virant Joey, avec autorité, mais se heurtait à la colère froide de Joan, qui ne supportait pas d’être prise pour la petite secrétaire qu’il faut défendre, d’autant qu’elle est obnubilée par sa tristesse de voir partir son homme au Vietnam.

     Curieux épisode qui d’une part verra débarquer Sally en pleine fugue – J’ai toujours eu un faible pour les instants où Sally et Don passent du temps ensemble dans Mad Men – et qui verra mourir Miss Blankenship. Et en son absence c’est Megan, la réceptionniste, qui s’impose. Elle semble s’occuper de tout et de tout le monde, du cadavre d’une secrétaire et de la tristesse de la fille de son patron. Comme si elle forçait son entrée. C’est très beau. C’est la première fois, véritablement, qu’on « voie » ce personnage. Qu’elle existe. M’est avis qu’on la reverra davantage.

4.10&114.10 & 4.11

30/10/19

Que dire si ce n’est que j’ai encore l’impression d’avoir assister à un épisode somptueux, charnière, puissant, avec « Hands & Knees » qui fait le pari de mettre à genoux trois de ses actionnaires, de façon aussi violente qu’imprévue. Lane tente de présenter sa petite amie, une serveuse noire du Playboy club, à son père, mais ça ne se déroule pas comme il l’escomptait. Don se voit persécuté par des officiers de police à cause d’une réhabilitation de sécurité demandée par un de leurs clients, ce qui menace la dissimulation de son identité et son secret de désertion et le pousse (« Je suis fatigué de tout cela » dit-il)  à tout révéler à Faye, quand il échappe à une énorme crise de panique sous les yeux de la jeune femme, et demander à Pete de noyer le poisson auprès de ses contacts en plus de virer son nouveau budget à 4 millions, un peu trop scrupuleux. Quant à Roger, il apprend d’une part que Joan est enceinte et que ça le concerne directement puisque Greg est au Vietnam, d’autre part qu’il perd Lucky Strike : Dans les deux cas, il n’y peut rien. Cette fois, son charme blagueur et ses jolis chèques n’y feront rien, American Tobacco et Joan sont libres. Superbe scène de retour en bus pour Joan, une sorte de plan à la Edward Hopper, complètement suspendu, à la fois déchirant et mystérieux. C’est un épisode tout en tension, mais ce qui frappe c’est la direction artistique. Mad Men est souvent irréprochable sur ce point, mais lorsque chaque plan est à ce point extraordinaire, il faut le mentionner. J’avais l’impression d’être dans un film de Todd Haynes, quarante-cinq minutes durant, jusque dans les moindres détails : La robe de grossesse de Trudy, nom de dieu. Le film s’en va sur « Do you want to know a secret », des Beatles, car oui, la bonne nouvelle de cet épisode pour Don, c’est qu’il récupère deux places pour aller voir le groupe britannique avec Sally. Que dire de plus, devant tant de perfection, franchement ? D’autant que l’épisode suivant, efficace, marque les conséquences de tout cela, tout en faisant entrer dans le jeu celles qu’on avait oubliées dans la danse : Peggy, en pleine love story et Megan, qui confirmation, s’impose tellement vite dans le récit (standardiste puis secrétaire remplaçante de Mme Bkankenship, elle désire à l’avenir, dit-elle ouvertement, faire ce que Peggy fait) qu’elle tombe déjà dans les bras de Don. Quoiqu’il en soit, une odeur de fin du monde s’est installée une nouvelle fois dans l’Agence. Elle s’est relevée d’impasses mais celle-ci semble bien gratinée. Et on va pas se le cacher, on est un peu inquiet pour Roger.

4.12&134.12 & 4.13

08/11/19

     Que de bouleversements dans ce season finale. Enfin dans ces deux derniers épisodes, en fait, tant ils se complètent brillamment. Déjà dire que je ne m’attendais pas, quatre épisodes en arrière – quand je disais qu’on allait sans doute davantage voir Megan – à ce qu’elle et Don soient fiancés pour la fin de saison. Tout est un peu trop rapide, au même titre que le déménagement de Betty & Henry (Et fatalement leurs enfants, Sally est inconsolable) – Ce dernier verre de fortune qu’elle partage avec Don dans la cuisine déserte, juste avant l’arrivée de l’agent immobilier : Magnifique. Ou le retour éphémère et intéressée de Midge (la belle Rosemarie DeWitt, qu’on n’avait pas vue depuis quand, la première saison ?) qui ne peint plus que pour payer ses doses d’héroïne. Ou le congé brutal de la bonne Carla : C’est fou ce que j’ai pu aimer Betty, jadis, tant son égocentrisme capricieux m’agace profondément maintenant. Ou les licenciements en masse chez SCDP (Cette réplique d’ores et déjà cultissime de Roger : « Well, I’ve gotta go learn a bunch of people’s names before I fire them ») accompagnés du départ précipité (m’étonnerait que ce soit définitif, quand même) de Bert Cooper, après la publication non moins soudaine de la lettre de Don contre l’industrie du tabac. Tout est à l’image de Sterling, Cooper, Draper & Pryce au sein du monde publicitaire : Pris dans un étau à la fois salvateur et dangereux provoqué par un monde en pleine mutation. Les temps changent vite, et pourtant il y a de la lumière dans cette fin de saison. Sur Don, notamment – Même si le virage (Megan) est suspect, un peu trop impulsif alors qu’il était en train de construire quelque chose de solide et franc avec Faye. Il y a du Two lovers dans l’air, là-dedans. Lumière aussi sur Joan, promue. Et sur SCDP, aussi, grâce en partie à Peggy, à la lettre de Don et à la complicité subtile entre lui et Pete. Les deux derniers épisodes de cette saison, « Blowing smoke » et « Tomorrowland » sont respectivement réalisés par John Slatery (Il en fait pas mal, in fine, faut bien qu’il compense la paresse de son personnage, j’imagine) et Matthew Weiner, himself. Deux merveilles narratives et esthétiques, qui parachèvent une saison frôlant la perfection.

Yves – Benoît Forgeard – 2019

27. Yves - Benoît Forgeard - 2019« Carrément rien à branler »

   2.0   Le peu de crédit que j’accordais à Forgeard après le déroutant et assommant Gaz de France c’était dans sa faculté à s’approprier un univers absurde et un regard moderne, critique. Il enterre ces éventuelles promesses avec Yves, film sans aucune cohérence, entre la gentille folie de son récit de Hal-Frigo qui nourrit l’inspiration et l’indigence (pour ne pas dire l’inexistence) formelle qui l’enveloppe. C’est simple on ne retient rien. Pas une idée intéressante ni un plan farfelu, rien. Le néant. La palme du frisson de la honte étant atteinte lors de ce concours de l’Eurovision chanté par une cafetière italienne, un aspirateur portugais ou une machine à laver allemande. Il faut attendre les deux dernières minutes pour apprécier un semblant d’étirement surprenant, de subversion érotique. Mais il est déjà trop tard, malheureusement. Et puis Cronenberg est passé par-là avant. Et puis un frigo – hormis sa giclée de glaçons finale – a quand même moins de personnalité, d’élégance et de propension au fantasme qu’une voiture. Le sentiment qui nous parcourt durant tout le film est parfaitement résumé par le refrain (quasi méta, du coup) de la chanson de Jérem « Carrément rien à branler » d’autant que les dialogues et l’humour sont de ce niveau, insipides, la romance complètement idiote et les seconds rôles affreux : Katerine lui-même semble se demander pourquoi il est là. C’est par ailleurs la première fois que je trouve William Leghbil insupportable. Il tente de jouer comme Vincent Lacoste, sans doute pour récupérer un peu de sa magistrale énergie de loser qui mange des bananes dans Les beaux gosses, mais ça ne fonctionne pas. Est-ce que c’est en tournant avec dans Première année qu’il a été contaminé ? Qu’importe, un Leghbil lacostisé n’en vaut pas deux. Dans le registre de la comédie française absurde 2019, Yves, comme Convoi exceptionnel, de Blier, ont raté le coche. Ruez-vous plutôt sur le magnifique dernier Dupieux : Le daim.

El Camino – Vince Gilligan – 2019

16. El Camino - Vince Gilligan - 2019Better forget Jesse.

   5.5   Contrairement à l’excellence miraculeuse de la série Better Call Saul, voici un « spin off » plus attendu, complètement anecdotique mais plutôt soigné et efficace – car réalisé par Vince Gilligan lui-même – dans la lignée formelle et narrative de Breaking bad. Reste que ça ne fonctionne que si on a vu Breaking bad, autrement ce n’est pas sans intérêt, mais presque. Le film se situe pile après le final de la série, lorsque Jesse Pinkman s’échappe du carnage au repaire de Jack au volant de la Chevrolet El Camino de Todd – toujours incarné par un autre Jesse, Plemons, le blondinet qu’on a depuis vu dans Game night, Fargo S2, The master ou Black mirror S4, entre autre – qu’on va beaucoup revoir ici. En effet, le film va jusqu’à insérer, dans la fuite de Jesse (vers l’Alaska) après son évasion et la mort de Walter, des flashbacks visant à réintégrer certains personnages comme Mike, Todd, Jane ou bien évidemment Walt, dans une scène sans fonction – mais qui joue sur la corde nostalgique – sinon pour satisfaire l’aficionado qui désespère de le voir apparaître dans BCS. Ainsi que de nombreux personnages auparavant très secondaires, comme Skinny Pete & Badger, ou Ed Galbraith, incarné par le regretté Robert Forster. Non franchement c’est pas mal, c’est un joli cadeau en forme de petit prolongement, les miettes d’une retrouvaille avec une série qui aura marqué son temps, mais pas de quoi se relever la nuit : Gilligan sait construire des séquences, créer de la tension, surprendre sans trop jouer au petit malin, mais le format long métrage lui convient moins bien que le format série.

Des hommes d’honneur (A few good men) – Rob Reiner – 1992

19. Des hommes d'honneur - A few good men - Rob Reiner - 1992Jugeons-les « coupables ».

   5.0   Deux enquêteurs militaires sont envoyés sur une base de l’US Marine Corps à Guantánamo pour élucider la mort d’un soldat après une mesure disciplinaire officieuse qui aurait mal tourné. Ils font face, au début, à un « mur de silence et d’obéissance » de la part des autorités militaires et des soldats en place là-bas. J’attendais peu de la réalisation de Rob Reiner, adaptant un projet d’Aaron Sorkin puisqu’il s’agit au préalable de la pièce de théâtre de ce dernier. A raison tant on s’aperçoit vite qu’elle s’efface au profit du génial cabotinage de son interprétation – Un casting assez parfait, qui convoque Tom Cruise, Demi Moore, Jack Nicholson, Kevin Bacon et Kiefer Sutherland. Incroyable de voir combien Des hommes d’honneur pourrait se dérouler entre quatre murs, dans trois pièces (ou plutôt sur trois plateaux) différentes : Un tribunal, un appartement de jeune avocat militaire et un bureau d’officier des marines. 95% du film se déroule là-dedans. L’enrobage est donc on ne peut plus classique, ne sort jamais des rangs, si j’ose dire, et l’on sent la quête d’Oscars des premiers et seconds rôles. Néanmoins, par une sorte de savoir-faire des studios hollywoodiens, le film a son petit charme, qui découle évidemment de ce parti pris : En tant que banal film de procès, il se suit, n’ennuie jamais, avec sa vocation de raconter la politique interne du corps des marines, cet espèce de code d’honneur que le film fait passer pour une absurdité – Le code rouge comme un resucée de bizutage universitaire. Si le film peut sembler dur envers l’armée américaine, il dit aussi que c’est un corps qui se juge de l’intérieur, sait faire son autocritique, donc qu’il sait trier ses orgueilleux dangereux de ses héros samaritains. Ça reste donc assez peu subversif in fine, pour le dire poliment.

L’oeil du témoin (Eyewitness) – Peter Yates – 1981

14. L'oeil du témoin - Eyewitness - Peter Yates - 1981Les bas-fonds.

   5.0   Très déçu tant j’avais placé de grandes attentes en ce film post-hitchcockien, que j’imaginais déjà en parfait chainon manquant entre Fleischer et De Palma. On se rend malheureusement vite compte que Yates n’est pas plus intéressé par son intrigue (Cette histoire de meurtre de notable vietnamien, toutes les scènes avec les commanditaires, la famille fortunée, le sujet sur la fuite des juifs de l’URSS, tout ça manque vraiment de relief) que par ses personnages, qu’il installe pourtant bien mais qu’il ne développe pas. Il y a pourtant cette belle idée du personnage solitaire, vétéran du Vietnam gardien dans un centre d’affaires, qui vit seul avec son chien et qui est secrètement amoureux de la présentatrice télé locale. Avant de virer vers la romance improbable, le film séduit d’abord en déployant cette étrange amitié / opposition entre deux entités du Vietnam sur lesquelles l’Amérique de Reagan s’est bâtie – Le héros solitaire réintégré et le traumatisé, lâche et arriviste : Si l’ami incarné par James Woods vit de petits larcins et d’ambitieux rêves c’est avant tout pour contrer ce passé de perdant du Vietnam qui lui colle à la peau – avant de dilapider ses promesses dans quelque chose d’un peu foutraque, maladroit, peut-être raccord avec la respiration de l’époque, mais assez peu canalisé à l’écran. On ne sait finalement pas trop ce que Yates a voulu faire tant il noie la politique et la sociologie, le mystère et la romance. Plus surprenant : Lui qui est pourtant réalisateur de Bullitt, rate complètement ses scènes d’action, de poursuites. On dira qu’il avait la tête ailleurs, encore dans son film précédent, probablement, le magnifique Breaking away. On sauve quelques jolies séquences (intimes) malgré tout. Ainsi que la lumineuse présence de Sigourney Weaver. Mais ça reste un film un peu raté, je pense.

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silencio


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