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Archives pour 6 décembre, 2019

Les trois prochains jours (The next three days) – Paul Haggis – 2010

28. Les trois prochains jours - The next three days - Paul Haggis - 2010Pétard mouillé.

   4.5   J’ai un faible pour le film choral, je le confesse. Par la force des choses, j’ai donc aussi un faible pour Paul Haggis, parce que Collision. Avec ses défauts, ses lourdeurs, sa tentation pour le pompiérisme, ce fut un choc pour moi, à l’époque de sa sortie. Je ne l’ai jamais revu (avant de le revoir dans la foulée de celui-ci) mais j’en gardais un fort souvenir, de purs éclats de sidération.

     En dépit de ses qualités et son utilité de film post 9/11 et constat amer sur la guerre en Irak, Dans la vallée d’Ellah, son film suivant, m’avait semblé un peu prisonnier de son sujet, trop académique, impersonnel, complaisant et propre sur lui pour éveiller autre chose qu’une indifférence polie.

     On était en 2007 et je me rendais compte qu’Haggis – qui était loin d’être un nouveau Paul Thomas Anderson ou Robert Altman (Collision avait été comparé à Short cuts ou Magnolia, si mes souvenirs sont bons) – et moi ça fonctionnait uniquement sur le terrain de l’émotion : Parvenait-il, oui ou non, à créer des personnages et des situations susceptibles de m’attraper et ne plus me lâcher ? 

     Puis, comme Iñarritu, je l’ai perdu de vue. Pour tout dire, Les trois prochains jours fit un tel four chez nous que je n’avais même pas connaissance qu’un nouveau Paul Haggis était sorti. Sans doute aussi parce que je n’avais pas encore vu non plus le film original, Pour elle, de Fred Cavayé – dont il est le remake revendiqué – un film d’action efficace, qui fonctionne à l’énergie et à l’économie et repose en grande partie sur la prestation de Vincent Lindon.

     Quand j’ai vu le Cavayé et appris, plus tard, que Paul Haggis en avait fait un remake, ça ne m’intéressait plus. Il ne m’intéressait plus. Un jour qu’il passait à la télé je l’ai enregistré, puis je l’ai laissé moisir sur le disque dur. Entre-temps j’avais partiellement recroisé la route de Paul Haggis à l’époque de la sortie de Show me a hero, sublime série créée par David Simon. Haggis était alors l’unique réalisateur des six épisodes.

     Où je veux en venir ? En fait, depuis quelques temps je caressais l’envie de revoir Collision. Mais vraiment, j’en faisais une obsession, quasi maladive. Avant de le revoir incessamment sous peu, c’est tout naturellement que je me suis dit : Et si je découvrais Les trois prochains jours, d’abord, plutôt que de le laisser à tout jamais tomber aux oubliettes, comme Bing Bong l’est par Riley dans Vice-Versa ? C’était le moment.

     Et c’est chose faite. Que dire ? Le film ne s’extirpe malheureusement jamais de sa fonction de pâle remake d’autant qu’il étire (assez laborieusement) là où le Cavayé était plus ramassé : On parle d’une heure supplémentaire, tout de même. Il luit là où Pour elle avait quelque chose d’un peu plus sombre, rêche et frontal. Il américanise tout dans ce que le terme a de plus péjoratif et pontifiant.

     Et si les acteurs font le boulot, il est difficile de passer derrière Lindon – d’autant que Russell Crowe est peu crédible en monsieur-tout-le-monde. C’est ce type de rôle (hérité aussi bien du thriller politique que du survival horrifique) qui a pourtant besoin de ça pour fonctionner, besoin de ce truc qu’Harrisson Ford dégageait si bien dans un film comme Le fugitif, d’Andrew Davis : C’est certain il ne vaut mieux pas les comparer.

     Toutefois, Les trois prochains jours parvient à trouver son tempo, son rythme de croisière, qui des années 90, s’inspire pour le coup moins du genre choral que des petits thrillers domestiques. Jusqu’à joliment s’envenimer quand le récit entre dans l’entonnoir : Ce moment où il ne reste au personnage plus que le délit de l’évasion. On attend un peu trop longtemps cet instant, je pense.

     Il faut alors passer outre les invraisemblances, hasardeuses, chanceuses, elles sont énormes, mais si c’est le cas, le film produit son petit effet. Un effet physique, immédiat. Qui retombe aussitôt : Notamment avec cette double fin visant à lever les doutes et à nous convier du côté des Experts. Vraiment pas une bonne idée. C’était comme ça dans Pour elle ? Aucun souvenir.

     Et le film retombe encore plus vite dès l’instant qu’il s’en est allé. Quand on se rend compte de son inutilité totale. Du pétard mouillé qu’il est et qu’on a mis 2h30 à comprendre qu’il n’exploserait pas. A vrai dire je ne pense pas que Paul Haggis soit un bon cinéaste. Mais il a écrit de belles choses pour Clint Eastwood et aura au moins œuvré à la réalisation sur Show me a hero et Collision. C’est déjà beaucoup.

Dans la vallée d’Elah (In the valley of Elah) – Paul Haggis – 2007

174_cinemovies_d58_239_5fd3bf055c41eee3b399bb72ca_movies-124739-26Le poids du déshonneur.

[Critique écrite en Novembre 2007]

   5.5   Plus qu’un film sur le conflit Irakien, Dans la vallée d’Elah parle d’une Amérique dominée par ses convictions, ses idéaux patriotiques et sa naïveté face aux ravages psychologiques produit par la guerre. Ainsi, par l’intermédiaire de Hank – campé sobrement par un Tommy Lee Jones au charme eastwoodien – qui est un ancien soldat du Vietnam considérant la guerre comme un moyen courageux et essentiel de renforcer son appartenance au pays, Paul Haggis nous fait découvrir les aléas du conflit (grâce notamment aux vidéos de portable du jeune soldat), mais principalement ses répercussions sur les consciences, détruites dès le premier jour de combat. L’enquête sur la disparition du jeune homme n’est qu’un support basique pour nous amener à une réflexion plus subtile, remettant en question les bonnes consciences républicaines. C’est donc une démarche antimilitariste intéressante, qui même si de facture classique et parsemée d’effets de mise en scène symboliques superflus (comme la mise en berne du drapeau étoilé), préserve son impact humaniste et pédagogique. Au final, on peut d’ores et déjà imaginer que Hank ne racontera plus son histoire sur David & Goliath de la même manière. Paul Haggis reste dans un univers post 9/11 mais change d’axe et offre l’un des premiers films sur les conséquences viscérales d’une guerre qui n’a probablement pas fini d’occuper les écrans de cinéma.


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