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Archives pour janvier 2020



Star Wars, épisode IX, L’ascension de Skywalker (The rise of Skywalker) – J.J.Abrams – 2019

38. Star Wars, épisode IX, L'ascension de Skywalker - The rise of Skywalker - J.J.Abrams - 2019Le dernier désespoir.

   4.0   Autant les deux précédents volets, appréciés ou non, m’avaient inspiré. Autant là, j’essaie d’écrire un petit quelque chose dessus depuis quelques semaines, en vain. Je crois que ça m’a fait ni chaud ni froid en fin de compte. J’admets ne pas avoir passé un moment désagréable mais j’ai déjà presque tout oublié. Problème : le peu que j’en retiens ce ne sont que les défauts. Je me demande si je ne préférais pas le précédent, finalement, qui certes n’avait pas l’allure d’un film ancré dans une trilogie mais qui au moins tentait des choses – qu’il ratait quasi systématiquement, c’est vrai, mais qu’importe, au moins ça nous évitait cette bouillie indigeste. Car Abrams veut clairement réparer les pots cassés et faire deux volets en un.

     La facilité serait donc de penser que Rian Johnson avait déjà cassé le jouet. Tellement tout cassé (avec le huitième épisode, Les derniers Jedi) qu’Abrams ne parvient pas à recoller les morceaux aussi bien qu’il l’aurait souhaité ni aussi bien qu’ils n’avaient jeté de belles promesses (avec le septième épisode, Le réveil de la force) au préalable. Ça n’excuse pas tout. Trop de trucs sont rédhibitoires dans L’ascension de Skywalker pour que Les derniers Jedi soit unique coupable de cette déroute. Il en résulte un film qui s’occupe moins de boucler correctement les choses que de se mettre puérilement en guerre contre l’opus précédent et réconcilier les fans. En fait il y a trop de problèmes en amont.

     En effet, qu’on apprécie ou non la ligne choisie par Abrams en ouverture de cette nouvelle trilogie, au moins il choisissait. De faire un tel film de fan boy qu’il refaisait A new hope. Soit. Restait plus qu’un Keschner pour enchainer sur un nouveau L’empire contre-attaque. Oui mais non. Que l’on pense que Rian Johnson soit un cinéaste intéressant ou non, d’accord, mais il n’avait pas sa place dans cette trilogie doudou. Une trilogie est un projet qui demande un minimum de cohésion, d’homogénéité – La prélogie avait au moins cela pour elle (entre autres énormes problèmes) puisque Lucas était seul à la barre. Il aurait mieux fallu offrir à Rian Johnson de faire un Rogue one, bref un épisode indépendant : Quelque part, c’est un cinéaste pas si éloigné de Gareth Edwards, qui était le candidat idéal. Ce sont des types qui ont besoin de liberté.

     Bref je n’en veux pas à Rian Johnson mais à ceux qui l’ont choisi. En résulte une énième absurdité : Qu’Abrams récupère le projet, brise ce que son collègue a construit et ponde ce machin indigeste, ni fait ni à faire. Même l’aspect géopolitique cher à l’univers Star Wars a complétement disparu. Le film va beaucoup trop vite, en espérant qu’on n’y voit que du feu. Il y avait un truc à faire avec cette séquence des sables mouvants et du serpent. Et c’est bâclé, ridicule. Et tout est comme ça. A l’image de ce déluge de personnages qui meurent mais en fait non. C’est insupportable ça. Du coup je n’ai pas arrêté de penser à ce chef d’œuvre de dialogue d’OSS 117, Le Caire nid d’espions :

« Sidi JEFERSON !
-Hahahahaha JACK ! Jack ?
- Bonsoir, Hubert.
- Tu n’es pas mort ?
- OSS 283 est mort.
- Oui mais toi tu n’es pas mort ?
- Bah non.
- Jamais je n’aurais pu imaginer que tu étais encore vivant. D’ailleurs je pensais que tu étais mort.
- Je me suis fait passer pour mort.
- ô mon dieu »

     Véridique. Quand t’en vient à penser à une comédie parodique ce n’est pas bon signe. Dans L’ascension de Skywalker, les personnages meurent en permanence – ou bien on croit qu’ils meurent – puis ils réapparaissent. On ne s’inquiète plus jamais pour eux. Du coup, quand ils meurent vraiment, on s’en fou – Cf Leia. C’est dommage car la mort d’Han Solo dans Le réveil de la force était très réussie. Ça laissait des traces.

     Ici, Chewie explose dans un vaisseau, mais en fait non. Rosie explose avec sa planète, mais en fait non. Palpatine était mort mais en fait non. C3PO perd la mémoire mais en fait non. C’est un film « mais en fait, non ». Ceci étant c’était écrit dans l’intro sacrée, sur ce texte défilant jaune « Les morts parlent (…) » On était prévenu. Faire revenir Dark Sidious, pourquoi pas ? De toute façon il fallait pallier à la mort de Snoke. Que l’on retrouve, en guise de remplaçant de fortune, le grand méchant de la première trilogie en dit long sur les intentions de cet opus, in fine : Il faut redorer le blason, aller à la pêche aux aficionados, quitte à œuvrer sur la corde sensible. C’est donc aussi le moment adéquat de ressortir Lando Calrissian de derrière les fagots pour… Rien. Il ne sert à rien, c’est une plante. Billy Dee Williams est super content d’être là, il a le sourire greffé sur le visage, mais il est venu pour rien. Comme nous.

     Les derniers Jedi c’était clairement raté, certes, mais au moins il y avait des tentatives. Là on se contente de faire du fan service, on n’ose plus rien. Le retour de Palpatine est l’un des trucs les plus mal narrés de l’histoire des retours de méchants au cinéma. Quant à Rey, dès que ses origines sont dévoilées, les enjeux s’évaporent. Et notre intérêt avec. Tellement que la mort de Leia nous indiffère. Tellement que les réapparitions spectrales d’Han Solo & Luke font plus de peine qu’autre chose. J’ai l’impression d’un non-lieu. D’une trilogie complètement inutile, désuète avant de vieillir. C’est triste.

Autobahn (Kraftwerk, 1974)

3016a419ee6f9da1e8279d842641b8d8En route !

     Deux années se sont écoulées, durant lesquelles j’ai arrêté d’alimenter cette rubrique récapitulant, au compte-goutte, l’ensemble de mes morceaux préférés. Difficile de savoir pourquoi, probablement n’y voyais-je plus trop l’intérêt, sans doute trouvais-je l’exercice beaucoup trop délicat. Je vais essayer de m’y remettre tout doucement. 2020, nouvelles résolutions. Et pour ça, autant reprendre avec un titre fondamental.

     Autobahn c’est le Graal dans mon olympe si tu vois ce que je veux dire. Et dieu sait que Kraftwerk c’est essentiel pour moi, une discographie aussi pléthorique qu’exemplaire : Je crois même que je préfère au moins deux albums (Computer World & Man Machine) à Autobahn, l’album mais Autobahn, le morceau, c’est hors norme et sans équivalent – Un peu comme Hallogallo, chez Neu !

     Une portière qui claque, un moteur qui vrombit, un véhicule qui démarre, un épais klaxon qui retentit et c’est parti, pour vingt-deux minutes, sur une asphalte lunaire et pop. Après des disques expérimentaux et quelque peu hermétiques, les allemands ouvre la voie aux voyages thématiques – il y aura bientôt le train, l’ordinateur et autre radioactivité – et signent avec ce morceau-titre un véritable manifeste électronique.

     C’est à Kraftwerk et la musique ce qu’Il était une fois en Amérique est à Sergio Leone et au cinéma, pour le dire grossièrement. C’est un voyage total et différent à chaque écoute. C’est tantôt une route déserte encerclée par des canyons, tantôt une trois voies perdue au fin fond de la campagne bourguignonne. Tantôt l’aube, tantôt la tombée de la nuit. Alors si en plus t’écoutes ça au volant, c’est le panard absolu.

En écoute ici :

https://www.youtube.com/watch?v=x-G28iyPtz0

Présumé innocent (Presumed innocent) – Alan J. Pakula – 1990

03. Présumé innocent - Presumed innocent - Alan J. Pakula - 1990Liaison(s) dangereuse(s).

   5.0   « Brillant procureur, marié et père de famille, Rusty Sabich est soupçonné du meurtre de l’une de ses collaboratrices, autrefois sa maîtresse »

     C’est étrange comme Présumé innocent annonce les années 90, tant il est l’un des premiers films d’une série de thrillers (judiciaires ou non) efficaces mais relativement impersonnels. C’est donc un tout petit Pakula. Qui se cache derrière son malin scénario saupoudré d’un inattendu twist. La partie procédurière est formellement terne, le film ne tient que sur son bavardage. Alors évidemment celui qui réalisa jadis Les hommes du président fait le job, Harrison Ford est magnétique avec trois expressions de visage et les seconds rôles sont bien choisis (Raul Julia & Brian Dennehy, notamment). Jusqu’à, disons, la première résolution, le film coche les cases du cahier des charges et s’en tire bien. Amené autrement, le final pourrait être étourdissant mais ce monologue est un monologue de papier, la confession ne fonctionne pas très bien à l’écran.

     Le film, un moment donné, a l’idée (quasi saugrenue, au regard de sa résolution, mais c’est aussi pour agrémenter les nombreuses fausses pistes) d’intégrer des flashbacks afin de se pencher sur la liaison entre Rusty et Carolyn (Greta Scacchi, magnifique). Jusqu’alors un peu terne, le film reprend des couleurs lorsque celle-ci apparait tant on découvre une menace féminine sur ce monde d’hommes, avec son ambition et son indépendance. Ce n’est pas qu’un plaisir des yeux, puisque ça rend tout le monde suspect mais c’est surtout que la mécanique huilée s’enraye. Mollement quand même – ça ne débouche nulle part – mais elle s’enraye.

     Le film échoue surtout dans sa multiplicité. Il vise tellement à mettre en relief la perdition de son héros, souvent mutique qui plus est – ce qui nous amène à douter jusqu’au bout de son innocence – que les autres personnages, sa femme comprise, n’existent pas suffisamment. Les femmes sont par ailleurs assez peu étoffées dans l’ensemble, réduites à des caricatures, comme si on les percevait du seul point de vue perdu de Rusty, l’avocat incriminé. Mais c’est bien avec la partie adverse que Pakula s’avère le moins subtil, soit les deux avocats de l’accusation, qui seront les plus débiles et caricaturaux possible. Là-dessus, Présumé innocent manque vraiment de finesse.

Tops Bouses & Nanars des Années10

filmPictureList_630836     Aujourd’hui, j’aimerais vous partager mes plus « belles » gueules de bois cinématographiques de la décennie écoulée. J’en ai même chroniqué quelques-unes par ici.

     Voici donc mes deux Top/Flops des années 10 (soit que des films notés 1 sur SC).

Liste des 20 plus gros nanars d’auteurs de la décennie (par ordre chronologique) :

  1. Le mariage à trois – Jacques Doillon
  2. A serious man – Joel & Ethan Coen
  3. Achille et la tortue – Takeshi Kitano
  4. Biutiful – Alejandro Gonzalez Inarritu
  5. This must be the place – Paolo Sorrentino
  6. Detective Dee – Tsui Hark
  7. La nostra vita – Daniele Luchetti
  8. La taupe – Tomas Alfredson
  9. Les bêtes du sud sauvage – Benh Zeitlin
  10. Dark shadows – Tim Burton
  11. Cogan – Andrew Dominik
  12. Stoker – Park Chan-Wook
  13. Les amants passagers – Pedro Almodovar
  14. Sin City, J’ai tué pour elle – Frank Miller & Robert Rodriguez
  15. Human – Yann Arthus-Bertrand
  16. Le tout nouveau testament – Jaco Van Dormael
  17. The end – Guillaume Nicloux
  18. Halloween – David Gordon Green
  19. Laissez bronzer les cadavres – Hélène Cattet & Bruno Forzani
  20. Chacun sa vie – Claude Lelouch

 

Liste des 10 plus grosses bouses de la décennie ou La crème de la crème de la merde ou La fin de l’humanité :

  1. Protéger et servir – Eric Lavaine
  2. Thelma, Louise et Chantal – Benoit Pétré
  3. Halal Police d’Etat – Rachid Dhibou
  4. Les seigneurs – Olivier Dahan
  5. Stars 80 – Frédéric Forestier & Thomas Langmann
  6. Repas de famille – Pierre-Henry Salfati
  7. Nos femmes – Richard Berry
  8. Joséphine s’arrondit – Marilou Berry
  9. A bras ouverts – Philippe de Chauveron
  10. MILF – Axelle Lafont

 

Tellement déprimant.

Du cyanure, vite !

Spider-Man, New generation (Spider-Man, Into the Spider-Verse) – Bob Persichetti, Rodney Rothman & Peter Ramsey – 2018

02. Spider-Man, New generation - Spider-Man, Into the Spider-Verse - Bob Persichetti, Rodney Rothman & Peter Ramsey - 2018Are you ready to swing ?

   7.0   Le plus stimulant, haut la main, de tous les films – ceux de Raimi compris – crées sur les bases des aventures de l’homme araignée. C’est en tout cas le plus original, le plus fou et on a pourtant la sensation qu’il est le plus fidèle au dessin et à l’esprit du matériau d’origine, qu’il s’en inspire autant qu’il le nourrit, en somme. Le plus stimulant et le plus épuisant, aussi – Ce sera ma réserve de taille. Il y a un côté Mad Max, fury road là-dedans, dans son déluge visuel et sa mécanique rythmique effrénée, mais sans parvenir à trouver le juste équilibre qu’y trouvait George Miller. C’est donc souvent ébouriffant et parfois un peu moins inspiré : découle de ce jusqu’au-boutisme l’affrontement final interminable avec ses effusions de couleurs vives éreintantes. Mais bon, voyons le bon côté des choses : Depuis dix ans, le MCU a tout rendu terne, monochrome. Au moins, on peut dire que le Spider Verse réhabilite les couleurs. Au rayon de l’animation, on peut grossièrement assimiler Spiderman, new generation à la magie d’un Vice-Versa, l’effervescence des Indestructibles couplé à l’efficacité des Croods. Je dirais que ça manque un poil d’émotion pour moi, c’est tout. Mais autant j’aurais du mal à revoir les autres films sur Spiderman, autant celui-ci je pourrais le revoir illico tant il est exaltant.

Bataille sans merci (Gun fury) – Raoul Walsh – 1953

01. Bataille sans merci - Gun fury - Raoul Walsh - 1953La vengeance aux trois visages.

   6.5   C’est un western concis, implacable, qui va à l’essentiel, ne se disperse jamais. Il y a cette idée du groupe de trois hommes que tout oppose, assemblé pour l’occasion. Il y a d’abord quelque chose du High noon, de Zinnerman tant on a le sentiment qu’en se heurtant au désintérêt que portent les habitants à son désespoir, Ben Warren (Rock Hudson, moyennement convaincant) va se retrouver seul face au célèbre hors-la-loi Frank Slayton (Parfait Philip Carey) et ses sbires. Très vite, pourtant, le geste de solidarité apparait mais le curseur se déplace : Le personnage se retrouvant à faire équipe avec un acolyte adverse abandonné et un indien souhaitant venger le meurtre de sa sœur par ce même Slayton. Il y a de l’intérêt pour chacun – puisque tous trois tirent un avantage et un objectif de cette alliance puis de cette poursuite vers le Mexique – contrairement aux Sept mercenaires, par exemple, mais il est dévoué au point d’être quasi suicidaire, là-aussi. Le film pose admirablement son intrigue, dans de superbes paysages rouges de l’Arizona : Un récit post Guerre de Sécession où comme dans la première partie des Huit salopards, de Tarantino, il passe du temps à bord d’une diligence qui voit la plupart des personnages en discussion avant que les masques ne tombent, qu’une femme soit enlevée, son homme laissé pour mort, et l’intrigue ne se mette en branle. A noter que le film est construit pour être exploité en relief ainsi on y verra de nombreux jets de pierre / couteau etc… vers la caméra. Malgré ces petits trucs ridicules, c’est un très beau film.

The Affair – Saison 5 – Showtime – 2019

24. The Affair - Saison 5 - Showtime - 2019Les choses de la vie.

   7.0   Voilà, The Affair, c’est fini. Je ne vais pas m’étendre, je l’ai suffisamment fait lors des saisons précédentes et celle-ci est loin d’être la meilleure. Pas toujours inspirée (Ce dernier plan – entre autre – ce n’est pas possible) ni passionnante (j’ai mis du temps à regarder ces onze épisodes, c’est rarement bon signe) elle n’en est pas moins parcourue de belles fulgurances. Et d’émotion puisqu’à la manière de nos personnages, en pleine retrouvaille (on en a rêvé) lors des deux derniers épisodes, nous contemplons les pots cassés, ce qu’on a traversé pour en arriver là – Un peu comme le faisait (beaucoup mieux) Mildred Pierce, de Todd Haynes. C’est une ultime saison très inégale, mais audacieuse sur bien des points. Il y a de grands moments. Le dernier épisode en est un.

     Juste une chose : pour sa dernière sortie, la série tente quelque chose d’un peu farfelu. S’il s’agit toujours de suivre des chapitres centrés sur un personnage, jusqu’à parfois troquer Noah ou Helen pour Whitney et Sierra, l’un de ces prénoms va vraiment troubler nos habitudes : Joanie. Lors de ces chapitres (ils sont nombreux) la série choisit d’évoluer dans le futur, en 2053 plus exactement avec une Joanie incarnée par Anna Paquin (Sookie, dans Trueblood ou Malicia, dans X-Men) et si le parti pris flashforward est on ne peut plus casse-gueule – J’ai cru au carnage, au début, très franchement – c’est finalement sur ce terrain qu’elle va trouver ses plus beaux instants. En revanche tout ce qui tourne autour de la post catastrophe écologique reste superficiel. On sent que la série veut se la jouer actuel, parler du climat tout en évoquant Metoo, puisque Noah va pas mal morfler à ce sujet. Mais le cœur est ailleurs.

     Avec un peu de recul on peut dire que The Affair, qui était au-dessus du lot sur ses deux premières saisons, aura raté son prolongement. Je l’aimais bien mais la saison 3 n’était pas bonne, soyons honnêtes. En revanche la série avait su rebondir puisque la saison 4 était très forte mais laissait un (dé)goût d’achevé ou de ça-pourra-jamais-plus-être-aussi-bien. Et c’est là où les créateurs sont forts car oui Alison & Cole nous manquent cruellement, mais c’est quand même bien. Alors oui, tout n’aura pas été parfait loin de là – et cette ultime saison aura aussi été à cette image – mais c’est un adieu ému. Je me souviendrai de The Affair.

Mytho – Saison 1 – Arte – 2019

27. Mytho - Saison 1 - Arte - 2019Arrhes du mensonge.

   6.0   Cette histoire de mère de famille débordée par le quotidien, invisible des siens, s’inventant un cancer qui va lui offrir l’affection et l’attention qui lui manquaient tant, m’intriguait beaucoup. Un Breaking bad inversé à la française, pourquoi pas après tout ? Le premier épisode, laborieux, m’a beaucoup dérangé. Je détestais chaque personnage de cette famille. Je ne voyais que les épaisses coutures ou uniquement de la caricature. Et la série va jouer de cela, de ses apparences pour les déformer, à l’image de personnages secondaires comme le patron ou la pharmacienne. Mytho s’affine, trouve son rythme, surprend, rebondit tout le temps, se pare d’intrigues parallèles à priori pas fondamentales, au point qu’elle pourrait tout aussi bien s’en tenir à ce one shot que s’étirer sur d’autres saisons afin de suivre les répercussions du dévoilement du mensonge et les origines d’Elvira. On sent la patte Gobert dans la forme, ces pavillons résidentiels qui rappellent Les revenants ou Simon Werner a disparu. Tout n’est pas maitrisé, la construction est un peu approximative, le ton pas toujours très homogène. Mais il y a aussi des choses à garder et notamment tout ce qui tourne autour du pitch et du personnage incarné par Marina Hands. Marina Hands est géniale, il faut le dire. Bref je conseille, d’autant que six épisodes de 45min ça déroule.

Brooklyn affairs (Motherless Brooklyn) – Edward Norton – 2019

17. Brooklyn affairs - Motherless Brooklyn - Edward Norton - 2019If…

   5.0   C’est pas mal. Un peu désuet, un peu long, un peu mal fagoté, mais c’est pas mal. En revanche je ne vois pas trop ce qui intéresse Norton là-dedans (il paraît qu’il planche sur l’adaptation de ce bouquin depuis vingt ans) hormis le fait d’incarner (pour la performance, syndrome Joker, toujours) ce curieux personnage, privé maladroit atteint du syndrome de Gilles de La Tourette, qui pourrait être une somme de ceux qu’il a campé jadis, d’Aaron Stampler (Peur primale) à Jack Teller (The score) en passant évidemment par celui qu’il incarne magistralement dans Fight club.

     Très bien, mais il ne me montre à aucun moment que tout cela le passionne, ni cette enquête sur le meurtre du mentor (Bruce Willis, de passage éclair) ni le milieu des détectives privés en imper’noir, platement décrit ni ce New York des années 50, décharné, gris, c’est très problématique. Il n’y a que la séquence dans le club de jazz qui sorte un peu du triste lot. Et puis c’est un film noir rétro sans rebond, sans fulgurance et ça s’étire sur 2h30. C’est long. L’affrontement final est d’ailleurs à cette image : Long et vide.

     J’ai un peu dormi aussi, ceci explique sans doute cela. C’est assez chouette pour une bonne sieste, je recommande : ça ronronne, on s’assoupit, on ouvre les yeux et on profite du charme discret de Gugu Mbatha-Raw, de l’élégance naturelle de Bobby Carnavale ou de la diction désarticulée et bondée d’insultes de son héros, on s’assoupit à nouveau, on reprend et il semble qu’on n’ait pas raté grand-chose. C’est plutôt agréable comme somnifère. Avec Sibyl, je pense que ce sont les plus belles moyenneries de l’année. Rien qui ne passionne, rien qui n’agace. Il en faut.

Top20 Albums 2019

01. Nick Cave & The Bad Seeds - Ghosteen     Voici les vingt disques que je retiens cette année. Auraient pu y figurer mais restent sur le banc de touche : Tim Hecker, Felicia Atkinson, Richard Hawley, Andy Stott ou encore Bill Callahan. A noter que trois bandes originales pouvaient figurer dans ce top mais puisque je ne savais pas où les glisser, je leur offre une mention spéciale en fin de billet. Allez, le top :

Nick Cave & The Bad Seeds, Ghosteen.

     « I’m beside you / Look for me / I try to forget / To remember / That nothing is something / Where something is meant to be » C’est un véritable météore émotionnel. L’un des plus beaux disques de l’année, de la décennie. Et le complément parfait au sombre disque précédent. Un album de deuil, dur, dense et déchirant, mais aussi un album de lumière dans les ténèbres, qui se ferme là-dessus : « Everybody’s losing someone / It’s a long way to find peace of mind / And I’m just waiting now for my time to come / For peace to come » C’est beau à chialer. Sans parler des douze incroyables minutes offertes par le titre éponyme, l’un des trucs les plus beaux entendus depuis très, très longtemps. Comme Skeleton tree en 2016, difficile pour moi de voir un autre disque tout en haut en 2019.

Swans, Leaving meaning.

     Pour être tout à fait honnête, lors de la première écoute je me suis posé beaucoup de questions : C’était dense, certes, mais aussi très hermétique, je suis un peu resté sur la touche. Même si un petit Swans n’est jamais un petit disque, je ne pensais pas y revenir. Mais j’y suis revenu. Encore. Et encore. Et si c’est un disque très différent des trois précédents, qui formaient un tryptique absolument parfait, je crois finalement que je l’aime autant. Je crois que j’y suis même revenu davantage que sur Glowing man ou To be kind. On ne va pas y aller par quatre chemins, c’est un chef d’œuvre. Bref, Swans aura offert cinq immenses albums en dix ans. C’est donc haut la main le groupe des années 10.

Rafael Anton Irisarri, Solastalgia.

     Pas de Lawrence English cette année, rien de grave : Irisarri a redoré le blason de l’ambient crépusculaire à lui tout seul, en livrant ce bijou de beauté froide, six morceaux colossaux qui touchent au sublime. Il y a quelque chose d’à la fois brut et chatoyant dans les denses envolées de l’américain, nappes drone aux textures complexes, d’une profondeur abyssale tour à tour accueillante et terrifiante. Aussi puissant que le terme magnifique dont il s’empare comme titre, qui fait référence à la détresse causée par les dégradations environnementales. Fort, très fort.

Quentin Sirjacq, COMPANION.

     Auréolé d’un titre aussi humble qu’honnête tant c’est le disque idéal pour traverser l’hiver, le nouvel album de Quentin Sirjacq est une merveille, son plus beau depuis La chambre claire. Il semble convoquer les spectres d’Arvo Part et Steve Reich et se libère de son étiquette de pianiste pur afin d’explorer des contrées éclectiques, plutôt électroniques. Evidemment, le piano reste l’instrument central mais il est vite secondé par d’autres, perturbateurs, créant une nouvelle harmonie faite de tout un tas de nappes et percussions qui bouleversent cet univers que l’on aime tant. Un peu comme si Nils Frahm rencontrait Jon Hopkins. C’est somptueux.

Beth Gibbons & Krzysztof Penderecki – Henryk Górecki, Symphony No. 3.

     La chanteuse de Portishead a reçu une volée de bois vert pour cet écart d’orgueil, dirons certains / tentative effrontée, dirons les autres dont je fais partie. C’est simple j’ai trouvé cette adaptation incroyable. C’est l’une des plus belles pièces contemporaines, évidemment à te faire chialer tellement c’est beau (Malick l’utilise volontiers dans son dernier film, d’ailleurs) et ça m’a collé les frissons ici aussi. L’immense symphonie de Goreki trouve avec la voix de l’immense Gibbons qui se marie à merveille avec la direction de l’immense Penderecki, une grâce aussi fragile que bouleversante.

Samuel Kerridge & Taylor Burch, The other.

     Kerridge c’est souvent beaucoup trop brut pour moi. Son électro martiale méritait la tension mélodique que va lui offrir Burch, son acolyte féminine. Collaboration fructueuse qui accouche d’un petit choc tellurique, viscéral et distordu, parcouru par une voix de femme reprenant l’enregistrement vidéo « Jean Cocteau s’adresse à l’an 2000 ». Evidemment, c’est surpuissant. Sept transmissions pour une déflagration.

Kevin Morby, Oh my god.

    Singing saw (2016) fut ma porte d’entrée dans l’univers de ce jeune musicien américain, hyper talentueux. Oh my god est du même calibre et encore meilleur. C’est un classique instantané, qui m’a beaucoup rappelé, dans ses textures et sa richesse – et bien que les deux musiques soient très différentes – le Helplessness blues (2011) de Fleet Foxes, un autre classique (instantané) absolu.

Sylvain Chauveau, Pianisme.

     Pianisme est une collection de titres inédits ou épuisés enregistrés depuis 2004 principalement composés pour des films. C’est du piano, c’est une musique très calme, qui flirte souvent avec le silence et c’est merveilleux. Le meilleur disque de Sylvain Chauveau depuis Nocturne impalpable. Une merveille de douceur, qui m’a donné l’impression d’errer dans un film de Mikhael Hers. Le dernier morceau, In the twilight of Paris, est somptueux. Parfait pour accompagner les nuits.

Lana Del Rey, Norman Fucking Rockwell !

     Après la déception Lust for life, je retrouve ce qui m’avait tant séduit, ému dans Born to die, celui sur lequel je reviens régulièrement. Pas impossible que le temps joue en faveur de NFR ! tant il infuse différemment chaque nouvelle écoute, utilisant son imposante longueur à son avantage soit en brisant les conventions du disque de singles, de tubes et de morceaux de remplissage. C’est au contraire un vrai voyage de quatorze morceaux subtilement orchestrés, harmonieux, oscillant entre trois et dix minutes, duquel on sort bercé avec l’envie d’y replonger illico. Et puis bon, quel bonheur, cette voix. Avant le somptueux trio final il me semble que je fonds surtout pour Cinnamon girl & California.

Fennesz, Agora.

     On entre dans un disque du compositeur autrichien ou on n’y entre pas. Y a pas de juste milieu. Il arrête le temps ou bien il le rend interminable. Dans Agora, j’y suis entré d’emblée et j’aime replonger dans l’univers qu’il façonne, ses textures vaporeuses ou aquatiques, ses drones rêveurs, aussi différents les uns des autres que parfaitement complémentaires, assemblés sur quatre morceaux oscillant entre dix et douze minutes. J’aime l’homogénéité absolue de ce disque et le fait qu’il soit ponctué de discrets éclairs évanescents. Je me demande si ce n’est pas mon Fennesz préféré depuis Endless summer.

Rrose, Hymn to moisture.

     Enième cousin dérivé de Shifted, LAND, Lucy, Restive plaggona pour citer ceux qui m’ont le plus marqué dans le genre ces cinq dernières années. C’est une techno minimale on ne peut plus rugueuse, aqueuse, mais qui tend plutôt vers l’eau rouillée que vers le bain moussant, si tu vois ce que je veux dire. C’est à la fois sale, métallique, strident. C’est puissant, ça ne plaisante pas.

ASC, 1138.

     A la techno explosive de Realm of the infinite – aussi sorti cette année – je préfère largement cette autre création d’ASC, avec sa basse étouffée, gutturale, un peu plus organique, même s’il s’agit évidemment moins de danser dans la stratosphère que de ramper dans les ruines des abysses caverneuses. Pinural, le dernier morceau (qui a le bon goût de s’étirer sur dix minutes) m’a rappelé, en plus retenu, les belles heures de Tzolk’in.

Matmos, Plastic anniversary.

     J’avais oublié Matmos, depuis le sublime The Marriage of true minds, sorti en 2013. Le groupe déjanté de San Francisco revient avec un onzième disque et arpente cette fois les rives du plastique, avec un sens de l’euphorie et la surenchère assez dingue, aussi génial que de mauvais gout assumé. Il m’arrive de l’écouter et de me dire que c’est asphyxiant, ces sonorités glitchs mélangées à des semblants de mélodies carnavalesques. Mais parfois c’est une telle claque, cet ensemble hybride détonnant, que je le relance aussitôt.

Leif, Loom dream.

     Sept morceaux portant chacun un nom de plante, qui alternent de douces nappes ambiantes, parsemées de discrets field recordings, se laissant parfois aller à une percée plus transe, mélodieuse. Merci pour cette florale écoute.

Ekin Fil, Heavy.

     Des trois disques de la stambouliote sortis cette année, ma préférence ira vers cette réédition remasterisée en vinyle d’une cassette de 2016. J’y retrouve ce qui m’avait tant plu dans le somptueux Ghosts inside. Trente-et-une minutes hantées, littéralement. A conseiller illico aux fans de Grouper.

Hot Chip, A bath full of ecstasy.

     Jusqu’ici je ne comprenais pas trop ce qu’on trouvait à Hot Chip, ça m’avait toujours laissé dubitatif cette pop boursouflée. La surprise est donc totale, A bath full of ecstasy est une merveille de machine à tube, une heure d’extase pure. Absolument parfait dans son genre.

Tyler the creator, IGOR.

     Album aussi inégal que son style, hybride et déstructurée, mais fougueux, tellement loin de tout ce qui se fait de formaté dans le genre, qui me suit depuis sa sortie, que je réécoute régulièrement avec la même admiration. J’aime tout de lui, mais IGOR est de très loin ce qui me plait le plus de la part de Tyler, the creator depuis la bombe Goblin, que fut son premier album en 2011.Quarante minutes en ébullition permanente.

Nev Cottee, River’s edge.

     Après le terrassant Broken flowers, River’s edge fait office de parenthèse anodine, comme un disque retrouvé, égaré dans la discographie d’un Léonard Cohen. Mais qu’il est bon de retrouver cette merveille de raffinement folk et la voluptueuse voix du mancunien, façonnée par le tabac. A l’instar de son « cousin musical » Richard Hawley – qui aurait aussi pu être ici pour son très beau Further – je ne m’en lasse pas : L’élégance des vrais ne tarit jamais.

Cigarette after sex, Cry.

     C’est un bonbon onctueux, qui s’impose d’emblée par ses textures planantes, dès la première note, puis les premières paroles : Douce voix androgyne en parfait véhicule d’une berceuse dream pop, sorte de Beach house dénudé ou Cocteau Twins sous Prozac. C’est une confirmation confortable, sage, linéaire, certes, mais que c’est beau. Encore plus beau que l’était leur premier. Une douceur intime, chaleureuse, adéquate pour traverser l’hiver.

Daigo Hanada, Ouka.

     Je vais essayer de ne pas auto-paraphraser ce que je disais sur Ichiru il y a deux ans, mais je ne comprends pas comment le japonais parvient à trouver cet équilibre, doux et majestueux, entre harmonie complexe des accords et finesse rythmique absolue. C’est beau, lumineux, entêtant. S’il ne retrouve pas les éclats incroyables qui habitaient le disque précédent, Ouka n’en reste pas moins une beauté éphémère et suspendue qu’on réécoute en boucle.

Mentions spéciales à trois OST :

Hildur Guonadottir pour Chernobyl,
Bobby Krlic pour Midsommar,
Randy Newman pour Marriage story.
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