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Archives pour 26 février, 2020

La valse dans l’ombre (Waterloo bridge) – Mervyn LeRoy – 1940

07. La valse dans l'ombre - Waterloo bridge - Mervyn LeRoy - 1940The river of a memory.

   9.0   C’est une véritable déflagration. Un récit qui nous saisit de la première à la dernière seconde. Une histoire qui s’ouvre et se ferme sur un pont, véritable témoin triste du temps. Sur un fondu enchaîné sur un visage, nous voilà convié au sein d’un souvenir. Celui de Roy, un officier britannique de la seconde guerre, traversant le Waterloo bridge (qui donne son nom au titre original) un talisman dans la creux de la main. Il se souvient d’y avoir rencontré ici-même une femme, jadis, dans une autre vie, lors d’émeutes en plein pendant les bombardements de la première guerre. Il y a déjà une symétrie, temporelle et géographique. Elle c’est Myra, elle est ballerine dans un ballet.

     C’est donc au moyen d’un immense flashback que s’articule la narration de La valse dans l’ombre. C’est un film en apesanteur. Qui épouse l’état d’esprit de ses deux personnages, magnifique couple tragique, incarnés par deux acteurs au sommet : Vivien Leigh (qui sort d’Autant en emporte le vent) et Robert Taylor. Evidemment, la mise en scène de Mervyn LeRoy et la sublime photo de son chef opérateur Joseph Ruttenberg (Fury, Brigadoon, entre autre) est superbe à tous les égards, mais si le film est un vertige permanent, il leur doit beaucoup. Et notamment à Vivien Leigh, sublime Myra – puisque c’est elle que l’on suit quand lui devient hors champ – dont il est très difficile de ne pas tomber amoureux éperdu, de ressentir chaque soubresauts, enchantés ou désespérés.

     Un moment donné il y est question d’une danse dans un café. Il s’agit évidemment de la valse promise par le titre français, cette dernière danse sur Ce n’est qu’un au-revoir qui s’ouvre à la lumière et se clôt dans l’obscurité – toutes les chandelles à mesure s’éteignent – quand les musiciens cessent peu à peu de jouer, que la musique se tut ; et qui peut se voir en parabole du récit tout entier à venir (car on est encore dans le premier tiers) : Cette histoire d’amour, lancée sur un coup de foudre, terminée sur un coup de hache et qui n’aura cessé de s’évaporer à petit feu, à l’image de l’extinction progressive des chandelles, jusqu’à atteindre la pénombre.

     Le plus délicat pour un cinéaste, quand il raconte ce type de passion amoureuse contrariée c’est de nourrir une empathie pour ses personnages proportionnels aux dégâts affectifs qu’ils traversent. La valse dans l’ombre y parvient tellement qu’on tremble pour Myra lorsqu’on la voit déboussolée sur ce pont, qu’on pleure déjà quand on comprend ce qu’elle est sur le point de faire. Au risque de me répéter, mais tant pis : Il est rare de se sentir autant en communion avec un personnage au cinéma, de pleinement ressentir la descente aux enfers d’un personnage. Et LeRoy s’y risque avec une pudeur incroyable, choisissant par exemple de laisser la guerre et la prostitution hors champ.

     Quelle tragédie c’est de voir Myra s’évaporer physiquement et moralement, constater qu’elle doit affronter sa chute sociale et affective, sous le poids de la tristesse et de la honte. Et refuser, quand il réapparait miraculeusement, de revoir celui qu’elle aime tant elle ne peut supporter d’avoir eu à se prostituer pour survivre – Cette dernière rencontre, tout en regards désespérés, avec une vieille femme sur le pont, est un moment palpable, terrible de rencontre avec le double (à venir) en somme la mort, qui s’évapore d’ailleurs dans le brouillard. La valse dans l’ombre c’est aussi l’histoire d’une conscience torturée vécue via le prisme d’un tragique souvenir. C’est une sorte de mélodrame ultime, rêvé. C’est le film le plus triste du monde.

La grande illusion – Jean Renoir – 1937

03. La grande illusion - Jean Renoir - 1937La ronde des hommes.

   8.5   Comme beaucoup j’imagine, c’est par ce film-là que j’ai jadis fait connaissance avec le cinéma de Renoir. Ce fut donc un moment très émouvant de le revoir.

     Si La grande illusion marque plusieurs tournants, hante la filmographie de Gabin – il y aura un avant et un après – autant que celle de Renoir (qui vient d’avoir quarante ans) – qui  reviendra au genre vingt-cinq ans plus tard avec Le caporal épinglé, quasi son auto-remake, versant seconde guerre – il existe aussi comme l’un des derniers témoignages de la grande guerre juste avant la suivante.

     De cette guerre nous ne verrons pourtant pas grand-chose, Renoir lui préférant l’ambiguïté des relations humaines, ces camps de prisonniers avec ses affrontements de classes et de patries. C’est un film sur les frontières et les possibilités de les abolir. Aussi bien au sein d’un camp où se côtoient toutes classes sociales ce qui n’empêche guère d’entonner La marseillaise tous ensemble ; que dans cette étrange relation entre capitaines, allemand et français. Le film est par ailleurs plutôt dans la nuance, il ne montre pas de gentils soldats français et de méchants tortionnaires allemands. Chaque personnage est scrupuleusement dessiné, défini. A l’image du capitaine Rauffenstein, homme tout aussi redoutable qu’il s’avère ambigu.

     Et ce trouble habite tout le film, tant l’utopie guette son réalisme. Dans Le caporal épinglé, il me semble que cette dimension utopique aura complètement disparu. Le film sera aussi parcouru de légèretés mais sera aussi davantage gagné par la cruauté. Dans La grande illusion, le titre annonce déjà le programme. Cette illusion s’illustre dans cette longue première partie, c’est d’abord celle de ses personnages, qui creusent un trou dans leur cellule, et croient en leur avenir grâce à ce tunnel, mais qu’on va déplacer de campement – un transfert dans une forteresse médiévale réputée infranchissable – la veille de leur tentative d’évasion.

     Cette illusion c’est celle que va incarner ce capitaine allemand (joué par Erich von Stroheim) qui traite ses prisonniers avec beaucoup de respect, de loyauté, à l’image d’un dialogue très marquant avec son homologue français. Avant qu’il n’ait à le tuer lors de son évasion ou plutôt de sa parade en guise de piège pour que ses copains puissent s’évader. L’illusion d’une abolition des frontières de classes est soudain plus forte que celle de frontière nationaliste. Et l’illusion c’était aussi de montrer qu’au préalable deux aristocrates de nationalité différente pouvaient se lier, quand bien même leur pays respectif soit en guerre, plus facilement qu’un capitaine d’état-major et un lieutenant d’aviation, Boïeldieu (Pierre Fresnay) et Maréchal (Jean Gabin) restant assez distant durant le film, finalement, à l’image de leur discussion commune autour du vouvoiement.

     La grande illusion fascine aussi de par sa construction, quasi musicale, c’est d’abord un récit de prison, avec de nombreux personnages, ces officiers prisonniers plein de vie et de folie, un quotidien parfaitement documenté, la préparation délicate d’une évasion. Puis le récit va se resserrer sur quelques-uns d’entre eux, qu’on enferme dans un lieu aux dimensions infiniment plus romanesques, comme si Renoir nous conviait à la Tragédie. Avant de nous emmener dans une toute petite ferme, dans un récit plus intime, à trois personnages. Le film foisonne de possibles dans sa première heure avant de se fermer plus tard, sur l’avancée lointaine de deux silhouettes dans la neige.

     C’est un grand film humaniste, qui prône la diversité et la quête de l’harmonie par la diversité. Aussi bien du point de vue des classes (la prison) que des nationalités (les capitaines des deux camps) et des langues (la ferme). C’est ce qui semble naître dans cet endroit isolé où Maréchal et Rosenthal échouent, chez une jeune veuve de guerre allemande. L’illusion de l’évasion se nimbe d’utopie pure quand elle reçoit nos évadés comme n’importe quel invité épuisé à sauver – Le dernier film de Sam Mendes, 1917, va le citer ouvertement lors de son escale à Escout, ville détruite.

     Et pourtant là encore cet embryon de bonheur – Une idylle naît – est rattrapé par l’illusion : Pour sauver sa peau il faut à tout prix qu’ils franchissent la frontière suisse. Cette illusion c’est aussi de façon plus abstraite, cruelle et prémonitoire l’ombre imminente de la seconde guerre mondiale.


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