The overload.
8.5 La série continue de déployer son rythme qui est le sien, engourdi, alangui, éloquent mais choisit cette fois moins la quête du profiling qu’elle ne se penche sur une véritable affaire, à savoir la vague d’assassinats de jeunes noirs dans l’Atlanta du début des années 80. En optant pour les voies classiques du polar (Des crimes à élucider, un tueur à démasqué) elle aurait pu se fourvoyer. Au contraire on a rarement vu une œuvre (film ou série) tenter de détruire à ce point les mythes. Et réussir, haut la main. Dans une ère où tout est à la nostalgie ou à la répétition, esprit doudou ou sequel, assister à quelque chose qui prend l’exact contrepied de ce qu’on attend, fait un bien fou.
Cette seconde salve s’étire sur neuf épisodes. Trois réalisateurs sont aux commandes. Déjà présent lors de la première saison, David Fincher s’occupe des trois premiers. Andrew Dominik (L’assassinat de Jesse James) se charge des deux suivants. Et Carl Frankin (valeur sûre de l’univers sériel) des quatre derniers. Qu’importe ce déséquilibre numérique, qu’importe le capitaine à la barre, la réalisation sera brillante du premier au dernier épisode, homogène et virtuose, épique et glaçante, sans pour autant se révéler froide ni clinquante. En un sens c’est déjà un petit exploit de trouver le parfait équilibre.
On attendait que les techniques (de profiling) réalisées par Holden, Bill & Wendy et introduites durant la première saison soient exploitées dans la seconde. C’est le cas. Enfin pas vraiment car on s’attendait moins à n’y voir que le produit de leur inefficacité sinon quelque chose de complètement embryonnaire et approximatif. Et la série joue là-dessus à travers sa forme, ne tombant jamais dans l’excès, jamais dans un spectaculaire morbide. Ainsi que dans son traitement des personnages : Holden plus autiste que jamais, affronte diverses crises de panique ; Bill est plongé en plein problème familial, avec son enfant de huit ans, ce qui parasite sa présence au sein de l’enquête principale ; Wendy quasi absente, tente de nouer laborieusement une relation amoureuse.
Difficile de faire plus anti-glamour que Mindhunter, saison 2. Dur pur Fincher – ces personnages éclairés incapables d’interagir avec leur monde – en somme tant la série parvient, on ne sait par quel miracle à s’avérer émouvante, en un dialogue, un regard, un silence. Je regardais Le bazar de la charité en parallèle, c’était très bizarre ce sentiment d’assister à deux shows complètement opposés, tous deux d’un autre temps. N’en déplaise aux sceptiques, le futur c’est Mindhunter. Ça ne fait aucun doute. Cette magie du récit documenté, de l’ambiance immersive où l’on ne te prend jamais la main. Où l’on ne verse à aucun instant dans une opulence glamour maladroite. A ce titre, la résolution, pleine de suspension et de frustration, va complètement dans ce sens.
Et en filigrane plane une troublante fascination. Brian, le fils de Bill Tench, incarne l’enfant mystérieux, cet enfant du futur (super flippant) qui plane sur le film et sur l’Amérique toute entière. Un héritier d’Holden, quelque part. Un futur Zuckerberg. Est-ce un sociopathe en herbe ? Ou est-il le produit d’un traumatisme plus global, mondial ? Cette saison n’est traversée que par l’ambiguïté. Jusqu’au bout. L’entretien fleuve avec Charles Manson au milieu restera comme l’un des hauts faits de la série. A part ça il me semble avoir eu un petit orgasme quand retentit The overload, de Talking Heads, durant le générique final de l’épisode 1.
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