Le grand échiquier politique.
7.5 Paul Théraneau, le maire socialiste de Lyon n’a plus d’idée. Ou comme il l’interprète : Il est une voiture de course en panne d’essence, simplement poussée par sa lancée – Trente années de mandat municipal derrière lui. C’est ainsi qu’il convoque une jeune normalienne, Alice Heimann, espérant qu’elle lui apportera ces fameuses idées, de l’eau à son moulin, d’autant qu’il arrive à un moment de sa vie professionnelle où il brigue les sommets à savoir les primaires présidentielles. Petit à petit, elle devient son bras-droit dans l’ombre. Voire une oreille pour ses confidences.
Il est rare de voir un film français qui croit autant en l’univers politique. On peut citer récemment L’exercice de l’Etat, de Pierre Schoeller, et moins récemment 1974, Une partie de campagne, de Raymond Depardon. Il y en a surement d’autres, mais pas tant que ça finalement qui prenne leur sujet à bras le corps, avec passion, comme Nicolas Pariser le fait avec Alice et le maire. Le film ne lésine pas à offrir de longues et magnifiques plages de dialogue, d’une qualité exceptionnelle. Et à saisir le lieu dans lequel il déploie son récit : Lyon sera ce magnifique terrain de jeu.
Le film surprend par sa liberté de ton, à la fois très loin du petit traité de cynisme que l’on pouvait craindre – Ce néant politique qui guette le personnage et la jeune garde, novice et utopique, qui lui vole la vedette – mais aussi complètement détachée d’une dimension plus légère, arborée dans le feel-good movie, politique ou non. Il y a un personnage magnifique, qui joue l’amie de l’ex petit-ami d’Alice, une jeune artiste catastrophiste (campée par la sublime Maud Wyler) que le film fait exister pleinement, dans un écrin de folie assez alarmant, très actuel, qui la rend bouleversante.
Mais bien entendu, Alice et le maire repose énormément sur la présence de ces deux comédiens absolument épatants : Anaïs Demoustier, qui n’en finit pas d’émerveiller (Elle mérite amplement sa récompense lors de la cérémonie des Césars : C’est probablement son plus beau rôle à ce jour) et Fabrice Luchini qu’on n’avait pas vu aussi génial depuis… L’arbre, le maire et la médiathèque, tout simplement. Loin des caricatures du vieux briscard et de la jeune première, d’une apathie morbide côtoyant l’hystérie jouvencelle, c’est l’alliance homogène, d’expérience et de fraicheur, qu’ils parviennent à créer ensemble qui élève le film chaque fois davantage. Une énergie relayée, en permanence. Vers la fin, la scène de l’élaboration du discours est l’une des plus belles séquences (en plan-séquence) vues cette année.
Bref, après le très prometteur Le grand jeu (2016) voici la confirmation que Nicolas Pariser est un auteur passionnant et unique dans le paysage cinématographique actuel. Alice et le maire est un film d’une grande intelligence, un beau film politique doublé d’un beau film sur la parole, quelque part entre Rohmer et Chabrol.