Archives pour mars 2020



Le cri de la victoire (Battle cry) – Raoul Walsh – 1955

04. Le cri de la victoire - Battle cry - Raoul Walsh - 1955Ces douloureuses années 40.

   7.0   Je retrouve le Walsh que j’avais tant aimé dans Les fantastiques années 20, avec cette narration si particulière, récits parallèles du quotidien de plusieurs marines, accompagnés par une superbe voix-off, très présente sans être lourde, ces ellipses, ces nombreux personnages secondaires (hommes et femmes) qui se superposent, ces ruptures, ce mélange de violence (inhérent au contexte, la bataille de Guadalcanal puis celle de Saipan) et de douceur, puisque le film s’intéresse essentiellement aux heures de permission – après une longue première partie « formation » dans le camp d’entraînement de San Diego. On est donc moins dans un film de guerre au sens propre que dans le mélodrame qu’elle charrie. Très beau.

Leur dernière nuit – Georges Lacombe – 1953

07. Leur dernière nuit - Georges Lacombe - 1953Prisonniers du passé.

   6.5   C’est la rencontre de deux êtres aux apparences trompeuses. Un bibliothécaire et une professeure d’anglais, sans histoire. Sauf qu’ils ne sont pas sans histoire, justement, ils ont chacun un lourd passé, proche ou lointain, un secret et/ou une vie parallèle. La jeune femme c’est Madeleine Robinson, elle vient de Limoges et débarque dans une pension de famille à Paris dans l’espoir de trouver une place en tant qu’enseignante. On apprendra bien plus tard qu’elle fuit une relation destructrice, noyée dans la drogue. Lui c’est Jean Gabin, un angoumois de souche, directeur de bibliothèque très apprécié dans la capitale, pour son amabilité et son immense culture. On apprendra plus tard qu’il était jadis gynécologue et qu’un avortement clandestin qu’il aurait prodigué l’aurait fait radier. Depuis, pour survivre, le voilà chef de gang la nuit. Ses livres sont sa couverture. Ce qui est très beau, subtilement romanesque c’est que ces deux-là vont se rencontrer (ils sont dans la même pension) et s’apprécier (C’est lui qui lui dégotera ce travail de professeur) mais pas du tout parce qu’ils cachent tous deux une autre vie. Ou bien c’est implicite, comme s’ils le ressentaient tous deux, comme s’ils étaient attirés l’un vers l’autre de façon naturelle. Et ce renfort mutuel (elle pour s’intégrer, lui pour se cacher) qu’ils s’apportent, avec en filigrane une sorte d’histoire d’amour naissante mais impossible, c’est évidemment ce que Lacombe trouve de plus beau à filmer, d’autant que les deux comédiens sont exceptionnels. Je regrette simplement qu’autour d’eux le film ne soit pas aussi intéressant, notamment quand on passe du temps avec les pensionnaires de la maison ou avec les filatures policières. J’aurais préféré qu’il ne montre pas cela du tout plutôt que de le montrer si maladroitement. A ce titre, la scène de la fusillade puis celle de l’évasion méritaient mieux, mais je suis trop melvillien, je crois, pour accepter qu’on accorde si peu d’intérêt et de temps aux scènes, qu’il s’agisse de creux ou non. Quoiqu’il en soit c’est un beau film. Merci Brion, pour la découverte.

La fureur de vivre (Rebel without a cause) – Nicholas Ray – 1956

05. La fureur de vivre - Rebel without a cause - Nicholas Ray - 1956Génération rebelle.

   8.0   Depuis (quasi pile-poil) trois ans et la sortie de La La Land (qui y fait d’imposants clins d’œil) je tenais à revoir La fureur de vivre, de Nicholas Ray.

     Film que j’avais découvert, comme j’en avais découvert beaucoup d’autres, quand j’avais décidé de voir tous ces grands classiques du cinéma, référencés partout. C’était il y a quinze ans, peu ou prou mais je n’en avais pas gardé un si grand souvenir. Des bribes : La longue introduction au commissariat, la course au bord de la falaise et bien entendu son final sur les marches de l’Observatoire. Des moments qui restent par ailleurs très forts.

     Ce qui m’a frappé cette fois, c’est de constater combien le film annonce par son contenu (pas totalement non plus tant l’écrin reste bourgeois), mais pas encore par sa forme, à la fois la nouvelle vague britannique de la décennie suivante et le nouvel Hollywood. En effet, on songe à Samedi soir, dimanche matin de Karel Reisz ou bien à Deep end, de Jerzy Skolimowski – Le motif de la piscine, évidemment.

     Ces films dans lesquels l’élan de jeunesse, à la fois plein de désenchantement et d’espérance, agit en totale rupture avec le monde « sans vie » des adultes. Et c’est bien tout l’intérêt paradoxal du film de Nicholas Ray, qui en plus d’être devenu le dernier film de la carrière de James Dean, semble parfois enrobé dans une parure annonçant West side story, dans sa mécanique d’affrontements, ses chorégraphies quand bien même elles ne soient pas dansées.

     Mais ce qu’on en retient, c’est surtout l’histoire d’une jeunesse en crise, enfants paumés, sans repères, en plein conflit œdipien. Les trois personnages principaux entretiennent en effet tous des rapports sinon difficiles (Jim & Judy) avec leurs parents, carrément inexistants : Platon, qui finira par mourir.

     Ravi de l’avoir revu. J’ai adoré.

Alice et le maire – Nicolas Pariser – 2019

34. Alice et le maire - Nicolas Pariser - 2019Le grand échiquier politique.

   7.5   Paul Théraneau, le maire socialiste de Lyon n’a plus d’idée. Ou comme il l’interprète : Il est une voiture de course en panne d’essence, simplement poussée par sa lancée – Trente années de mandat municipal derrière lui. C’est ainsi qu’il convoque une jeune normalienne, Alice Heimann, espérant qu’elle lui apportera ces fameuses idées, de l’eau à son moulin, d’autant qu’il arrive à un moment de sa vie professionnelle où il brigue les sommets à savoir les primaires présidentielles. Petit à petit, elle devient son bras-droit dans l’ombre. Voire une oreille pour ses confidences.

     Il est rare de voir un film français qui croit autant en l’univers politique. On peut citer récemment L’exercice de l’Etat, de Pierre Schoeller, et moins récemment 1974, Une partie de campagne, de Raymond Depardon. Il y en a surement d’autres, mais pas tant que ça finalement qui prenne leur sujet à bras le corps, avec passion, comme Nicolas Pariser le fait avec Alice et le maire. Le film ne lésine pas à offrir de longues et magnifiques plages de dialogue, d’une qualité exceptionnelle. Et à saisir le lieu dans lequel il déploie son récit : Lyon sera ce magnifique terrain de jeu.

     Le film surprend par sa liberté de ton, à la fois très loin du petit traité de cynisme que l’on pouvait craindre – Ce néant politique qui guette le personnage et la jeune garde, novice et utopique, qui lui vole la vedette – mais aussi complètement détachée d’une dimension plus légère, arborée dans le feel-good movie, politique ou non. Il y a un personnage magnifique, qui joue l’amie de l’ex petit-ami d’Alice, une jeune artiste catastrophiste (campée par la sublime Maud Wyler) que le film fait exister pleinement, dans un écrin de folie assez alarmant, très actuel, qui la rend bouleversante.

      Mais bien entendu, Alice et le maire repose énormément sur la présence de ces deux comédiens absolument épatants : Anaïs Demoustier, qui n’en finit pas d’émerveiller (Elle mérite amplement sa récompense lors de la cérémonie des Césars : C’est probablement son plus beau rôle à ce jour) et Fabrice Luchini qu’on n’avait pas vu aussi génial depuis… L’arbre, le maire et la médiathèque, tout simplement. Loin des caricatures du vieux briscard et de la jeune première, d’une apathie morbide côtoyant l’hystérie jouvencelle, c’est l’alliance homogène, d’expérience et de fraicheur, qu’ils parviennent à créer ensemble qui élève le film chaque fois davantage. Une énergie relayée, en permanence. Vers la fin, la scène de l’élaboration du discours est l’une des plus belles séquences (en plan-séquence) vues cette année.

     Bref, après le très prometteur Le grand jeu (2016) voici la confirmation que Nicolas Pariser est un auteur passionnant et unique dans le paysage cinématographique actuel. Alice et le maire est un film d’une grande intelligence, un beau film politique doublé d’un beau film sur la parole, quelque part entre Rohmer et Chabrol.

Tired of love (Nev Cottee, 2017)

R-10422084-1497108393-1183.jpegAfter the love rush.

     Outre sa place d’ores et déjà immuable au sein des disques que je retiens de la décennie écoulée, qui me sont chers au point de largement figurer dans mon panthéon personnel (Il y en a d’autres, en vrac : Depression cherry, de Beach House ; The seer, de Swans ; Skeleton tree, de Nick Cave & The Bad Seeds…) Broken flowers, le troisième album de Nev Cottee abrite une pépite, un morceau qui me submerge comme il est rare qu’un morceau me submerge.

     Huit minutes de perfection, ambiance aquatique et cathédrale, qui évoque le Theme final of Pioneer de Air, morceau aussi inconnu qu’il est puissant, composé pour l’insignifiant film d’Erick Sjolbaerg ; mais aussi Let’s go away for a while, des Beach boys. Je ressens rarement une telle symbiose musical, entre l’instrumental et les mots, paroles qui introduisent puis disparaissent, avant de réapparaitre dans un écho à la toute fin. Splendeur parmi les splendeurs, tant cet album est une merveille.

en écoute ici:  https://www.youtube.com/watch?v=7tHmFrhXbFI

Maman, je m’occupe des méchants (Home alone 3) – Raja Gosnell – 1997

30. Maman, je m'occupe des méchants - Home alone 3 - Raja Gosnell - 1997N’est pas Kevin qui veut.

   3.0   Houla. Autant j’ai beaucoup, beaucoup de tendresse pour les deux volets de Maman, j’ai raté l’avion, autant là je n’y vois que du recyclage consternant. Ils ont même repris le titre original (Home Alone) sauf qu’il n’y a plus de personnages en commun. Les méchants sont nullissimes, le petit garçon insupportable (On dira ce qu’on voudra, c’est un rôle uniquement taillé sur mesure pour Macaulay Culkin) et la situation n’est même plus crédible du tout puisque les parents laissent (trois fois!) leur gamin de huit ans, malade de la varicelle, seul à la maison. Et dire que c’est John Hugues qui a écrit ça…

Chambre 212 – Christophe Honoré – 2019

35. Chambre 212 - Christophe Honoré - 2019Les garçons et Chiara, au lit.

   1.5   Comme je le pressentais, le bouleversant Plaire, aimer et courir vite (2018) était un magnifique accident. Je n’aime pas Honoré en temps normal, il s’est bien chargé de me le rappeler avec cette Chambre 212, qui fait office de parfait ascenseur émotionnel. Ennui mortel devant cet objet exécrable – que cet étonnant casting ne parvient jamais à sauver – qui réunit tout ce que je déteste au cinéma. Une sorte de croisement boursouflé entre un dernier Resnais et un mauvais Blier, qui auraient batifolés avec Guillaume Gallienne dans un immeuble montparnassien. Des personnages qui apparaissent et rencontrent leur autre soi, plus jeune ou plus vieux ; une mise en scène qui lorsqu’elle ne sait plus comment innover avec sa cambre d’hôtel asse laide, balance des plans de surplomb, qui se dandinent au-dessus des cloisons – On s’en tiendrait uniquement à ce reproche qu’il serait déjà, pour moi, rédhibitoire. Cet attrait pour l’artificiel combine évidemment avec ce récit de couple en crise qui fait ressurgir de vieux démons et voit débarquer amants, amour de jeunesse, mère, Volonté (qui devient un personnage, façon Vice-Versa) et enfant imaginaire (espéré par l’un, rejeté par l’autre). Bref une mélancolie se dégage de ce vaudeville poétique, mais il se noie sous les vagues formelles dégoulinantes et cette écriture lourdingue. Dispositif d’un maniérisme terrible, qui n’en finit d’ailleurs plus de s’alourdir : La troisième demi-heure est un calvaire absolue. Bref c’est l’horreur. Un film qui aurait bien sa place dans mon top « nanars d’auteur » de la décennie écoulée, si je le refaisais aujourd’hui.

What did Jack do ? – David Lynch – 2020

33. What did Jack do - David Lynch - 2020Singe, tu seras toujours singe.

   5.5   Où je me suis rendu compte que je n’avais pas (re)vu de Lynch depuis Twin Peaks, The return. Ça me manquait. Ça me manque tellement que j’envisage une rétro dans les jours, semaines à venir : Avec notamment la découverte de nombreux de ses courts. Evidemment ce nouveau Lynch est aussi anecdotique par sa durée que par son contenu, mais c’est du pur Lynch quand même. Une sorte de film noir aussi bien guetté par la farce – C’est un entretien entre un policier et un suspect, avec la particularité que le premier est campé par Lynch lui-même, le second par un Sapajou capucin – que par l’irruption soudaine du mélodrame : Cette chanson qui soudain débarque évoque les envolées lyriques d’Eraserhead. Le procédé de l’entretien est simple et beau en tout cas : Un champ-contrechamp d’une grande fluidité, dans un noir et blanc charbonneux, avec cette idée d’accompagner l’un par un café, l’autre par une cigarette. Dix-sept jolies minutes.

Edmond – Alexis Michalik – 2019

37. Edmond - Alexis Michalik - 2019Rideau pour Cyrano.

   4.5   Tout est réunit pour que je déteste ça au plus haut point : Rien que le Paris 1897 en CGI dégueu dans l’intro j’étais outré. Mais après je l’ai moins vu comme un film sur cette époque ni sur Edmond Rostand que comme une comédie vaudevillesque sur Rostand faisant son chef d’oeuvre, Cyrano de Bergerac. Y a plein de trucs pas possibles, des acteurs qui en font des caisses, une photo affreuse, mais il y a du rythme, une ambition réjouissante, à la fois narrative et formelle (on sent que l’auteur, qui est aussi l’auteur de la pièce qu’il adapte, veut faire du cinéma, il s’y prend mal c’est tout : Des mouvements de caméras ostensiblement gênants) et quelques idées, malgré tout (Notamment lors de la représentation finale) qui m’ont permis de pas trouver ça affreux. Mais c’est très dispensable, évidemment. Mieux vaut revoir le film de Jean-Paul Rappeneau.

Beautiful loser – Maxime Roy – 2018

38. Beautiful loser - Maxime Roy - 2018Après la vie.

   6.5   Des films nommés dans la catégorie « court-métrage » lors de la dernière cérémonie des Césars 2020, Beautiful loser était de très loin le plus fort, intéressant, surprenant et émouvant de tous. Déjà, il y a ce premier plan, fixe, étiré sur trois minutes, accroché à François Créton, un acteur incroyable, incarnant un junky libérant sa colère et son désarroi quant à sa difficulté à concilier son sevrage et sa vie de famille, lors d’une réunion de soutien aux alcooliques anonymes. Et la suite est à l’avenant. Dans la saisie de ce quotidien précaire et suicidaire qu’il vient de nous cracher à la gueule. Avant que le film ne nous abandonne sur une dernière image bouleversante. C’est simple ça m’a rappelé la force d’un Avant que de tout perdre, de Xavier Legrand. Il parait que Roy planche sur un long métrage à partir de ce matériau, je lui souhaite évidemment le même sort que Legrand a eu dans la foulée avec Jusqu’à la garde. S’il n’a rien gagné cette fois-ci je lui souhaite que ce ne soit que partie remise car il y a dans ce portrait d’un homme, d’une famille au bord du gouffre, une atmosphère qui saisit les tripes comme rarement.

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silencio


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