Archives pour avril 2020

Mes petites amoureuses – Jean Eustache – 1974

38. Mes petites amoureuses - Jean Eustache - 1974L’adolescence nue.

   10.0   Beaucoup d’émotion lors de mes retrouvailles avec Mes petites amoureuses, de Jean Eustache – Découvert lors de sa ressortie (?) en salle il y a pile dix ans. Retrouvailles d’un acabit similaire à celles vécues il y a quelques mois devant L’argent de poche, de François Truffaut : Deux films qui partagent peu, de prime abord, sinon leur fascination pour la beauté cruelle de l’enfance, mais aussi pour les lieux de France. Pessac puis Narbonne, ici, sont captée avec une passion sans égal, une proximité singulière que seul un originaire ou habitant passager (Et Eustache vécu son enfance entre ces deux villes) peut traduire de cette manière. Difficile de l’expliquer, ça se ressent pleinement, c’est tout.

     C’est probablement ce qui me touche en priorité ici, plus encore que les visages de ces adolescents, leurs gestes et déplacements – Eustache y porte une attention étonnante. Jamais je n’ai vu des lieux filmés de cette façon. Ou bien c’est plus récemment, chez Guiraudie et c’est donc un autre temps. A ce titre, il ne faut pas oublier de saluer la photo du plus grand chef opérateur du monde, Nelson Almendros, qui fait des merveilles ici – C’est d’une beauté hallucinante de chaque plan, vraiment – peut-être plus encore que dans La collectionneuse, Les deux anglaises et le continent, La vallée ou Le genou de Claire, c’est dire.

     Mes petites amoureuses c’est aussi cette étrange juxtaposition d’évènements sans enchainement véritable ou systématique, que viennent encadrer ces doux fondus au noir. Il n’y a pas de mouvement dramatique comme c’est souvent le cas dans ce genre de récit d’initiation adolescente. Rien à voir avec Les quatre cents coups, par exemple. La démarche formelle se situerait plutôt à la croisée de Rouch et Bresson. Il y a le portrait ethnographique de l’un et la gestuelle méticuleuse et universelle de l’autre. Un film situé entre Chronique d’un été et Le diable probablement, en somme.

     Le récit de Daniel est aussi celui d’une dissolution progressive, continue. Si le ton de sa voix semble si détaché, en in comme en off, c’est pour mieux souligner son état d’esprit. Vers la fin du film, il lui faudra traverser un canal. Un peu comme le font les enfants dans l’ouverture de L’ile au trésor, de Guillaume Brac. Il lui faut entrer dans l’autre monde. Et il ne s’agit que de ça dans le film d’Eustache, de glissements, de variations, infimes ou non, vers un autre monde pour l’adolescent. Rien d’étonnant à ce que le film s’ouvre sur une étrange scène de communion. Là, alors que la caméra d’Eustache capte le rite et le temps alloué à ce rite, voilà que surgit en off, la voix de Daniel, qui excité par la demoiselle qui le devance, nous confie vouloir lui montrer, en s’appuyant franchement contre elle, qu’il est en érection.

     C’était donc il y a dix années tout juste. J’aurais eu cette chance de découvrir Mes petites amoureuses, de Jean Eustache, dans une salle de cinéma. D’Eustache, alors, je ne connaissais qu’Une sale histoire. Il me semble que le film m’avait beaucoup surpris, décontenancé, probablement en attendais-je tout autre chose, il est bien délicat de me remémorer mon état d’esprit d’époque. Il m’en restait une ambiance forte, insolite, insondable, mais il s’était aussi vite volatilisé dans ma mémoire, terrassé quelques temps plus tard, par ma rencontre, un autre choc, avec La maman et la putain. Je n’avais encore jamais revu ces films d’Eustache. Tous trois si différents et qui pourtant se répondent très largement. Ravi d’avoir revu Mes petites amoureuses, merveille absolue qui à ce jour, concernant Eustache, a ma nette préférence.

The Jericho mile – Michael Mann – 1979

36. The Jericho mile - Michael Mann - 1979Sympathy for the runner.

   8.0   Premier film de Michael Mann, The Jericho mile est en réalité un téléfilm qui devint un classique du petit écran au point d’être exploité ci et là en salle. Un peu comme le fut Duel, de Spielberg, quelques années plus tôt. Si dans le fond le film semble s’inspirer de La solitude du coureur de fond, de Tony Richardson, c’est pourtant à un autre auquel on songe, un grand (télé)film britannique, signé Alan Clarke : Scum. Qui aura lui aussi d’ailleurs droit à une version modifiée et augmentée pour le cinéma. Ici aussi, il y a quelque chose de l’uppercut bien sale et frontal, quand bien même Mann soit déjà tenté par une dimension plus romantique et romanesque. Quoiqu’il en soit, le film reçoit de nombreuses distinctions : Mann est lancé. Il s’agit de son laissez-passer pour le cinéma. Peu de temps après, il s’offrira James Caan, pour Thief.

     Mais revenons à ce premier essai. Tournage dans la prison de Folsom, avec notamment de vrais détenus de l’époque. D’emblée, le décor en impose. Et la précision naturaliste de ce décor a son importance. Il est immense, mais jamais clinique, au contraire il transpire, il est fait de visages, de corps, de diverses communautés ethniques, noirs, blancs, latinos, néo-nazis, formant un véritable microcosme de la société américaine. Dès l’introduction, qui capte la vie carcérale, s’immisce un peu partout, dans la cour, les cellules, les décorations sur les murs, les tatouages sur les peaux, on comprend qu’il y a des centaines d’histoires à raconter et autant de points de vue à développer. Mais c’est ce curieux bonhomme qui retient l’attention de Mann. Rain Murphy, l’homme qui court, incarné par Peter Strauss, acteur magnétique, une sorte de Kevin Bacon plus sauvage.

      Comme toute prison, Folsom a ses codes, ses gangs, ses mules, ses types qu’il vaut mieux ne pas trop chercher. Murphy, lui est seul. C’est tout juste s’il parle au détenu de sa cellule mitoyenne, Stiles, qui lui, trempe plus ou moins dans le business, avec comme unique objectif les visites de sa femme et sa fille. La relation (à la fois dure et tendre) entre ces deux-là sera le ciment des films de Mann à venir. Murphy est là pour avoir tué son père, il purge sa peine, ne reçoit jamais de visite. Et quand il sort de sa cellule c’est pour courir. Il court tellement vite (le mile en moins de quatre minutes) qu’il affole bientôt le comité olympique. C’est alors qu’on vient l’entraîner à la course à pied dans l’enceinte de la prison, puis bientôt autour de la prison en vue de le faire participer aux éliminatoires officiels qui se tiendront ici même, à Folsom, sur une piste intégralement bâtie par ses détenus.

     Si en plus de confirmer les attentes le rendant susceptible d’être sélectionné pour les prochains jeux olympiques, l’aventure de Murphy semble transcender les frontières raciales – piquet de grève imposé par les blancs suprématistes bientôt empêché par une armée de clans alliés – il reste un meurtrier impénitent aux yeux du comité qui espérait l’entendre revenir sur le meurtre de son père. Il devra donc se contenter d’un record pour lui, dans l’enceinte de Folsom, où la prison toute entière, réunie comme lors de la grève, en fera son grand champion. Et c’est aussi l’histoire du film que de faire coopérer les clans – Pas moins de six cents détenus faisant de la figuration, trente inclus ayant un rôle pivot – pour donner vie au récit.

     Evidemment, d’un point de vue formel The Jericho mile est assez peu inventif, téléfilm oblige, mais Mann compense par une énergie folle – accompagné par cette rengaine musicale calquée sur le Sympathy for the devil, des Stones – et une captation très brute, notamment dans les moments plus survoltés (Une course, un meurtre, une bagarre, une émeute) où il déploie (en douce) une efficacité exemplaire ; Et une description très documentée de cet univers. Et surtout, via Murphy, l’écriture de Mann est déjà là, tant il condense à lui seul d’autres personnages à venir, aux desseins évidemment très différents, mais tout aussi autistes et obsessionnels. Alors oui, Mann se fait la main. C’est un brouillon, mais quel beau brouillon !

Le deuxième souffle – Jean-Pierre Melville – 1966

07. Le deuxième souffle - Jean-Pierre Melville - 1966Violentes solitudes.

   8.0   Melville reprend les codes du Doulos, mais remplace l’aspect ramassé de ce dernier par une densité avec laquelle il semble entièrement à son aise. Le polar, en tant que genre, est transcendé au point qu’il semble acquérir, au fil des minutes, une pureté sans précédent. Par son esthétique, son ambiance (Une utilisation musicale discrète, notamment), sa durée et son écriture : Moins de tiroirs, davantage d’épure. Pas de gras, un équilibre idéal tandis que le film avoisine les 2h30.

     Qu’il se déploie dans les extérieurs marseillais, en ville ou dans ses routes de campagne, ou bien dans les intérieurs de ces appartements, le film est très méticuleux. De nombreuses scènes resteront sans dialogue, à l’image de cette ouverture, évasion d’une prison parisienne, course à travers la forêt puis le train ; ou plus tard lors du hold-up d’un fourgon transportant une demi-tonne de platine sur la route des Crêtes.

     Impressionnante séquence – un sommet du genre, clairement – qui prépare, entre autre, tout le cinéma de Michael Mann (qui saura se souvenir de Melville, c’est évident) et évoque très largement Le salaire de la peur, de Clouzot voire Cent mille dollars au soleil, de Verneuil (déjà avec Lino Ventura) notamment dans sa façon de s’accaparer l’immensité de ce paysage, désert, rocheux et ces routes en bord de falaise.

     Meurisse & Ventura forment un superbe duo de flic et voyou qui évoque celui formé par Pacino & De Niro dans Heat, trente années plus tard. Il suffit de voir comment Melville les présente, chacun dans une introduction légendaire, pour se convaincre qu’il aime infiniment les personnages qu’il a écrits, pensé. Leur affrontement à distance sera le cœur du film. Et inévitablement, le final en sera déchirant.

Un étrange voyage – Alain Cavalier – 1981

44. Un étrange voyage - Alain Cavalier - 1981Vague à l’âme à deux voies.

   7.5   On s’en tiendrait à son pitch qu’Un étrange voyage, d’Alain Cavalier, serait déjà pas loin d’être formidable : Pierre se retrouve à écumer les bords de la voie ferrée entre Troyes et Paris, en compagnie de sa fille de vingt ans, espérant trouver sa mère qui n’a plus donné de nouvelles depuis ce trajet de train, dans lequel il semble qu’elle soit bien montée mais jamais sortie. C’est une idée de road-movie mais aussi de quête familiale et existentielle assez originale puisqu’il s’agit de suivre la route – la voie de chemin de fer, en l’occurrence – mais pas de l’emprunter : On arpente les sentiers étroits, les ravins, les fourrés. Et de chaque côté (heureusement ils sont deux) car rien ne certifie, selon Pierre, qu’il faille chercher de ce côté-ci mais pas de ce côté-là.

     La (double) grande trouvaille c’est cet étonnant duo. Il y a d’abord Jean Rochefort, absolument génial, qui trimbale avec lui son habituelle grâce infinie, ce ton à la fois léger et mélancolique, cette allure paumée et déterminée. Il est fabuleux, drôle (« Et si elle avait rebondi ? »), émouvant (« Maman, revient ! »). Et à ses côtés, Cavalier y glisse et y fait exister sa propre fille, la jolie Camille de Casablanca, en troublante adolescente, révoltée boulimique, qui prend plaisir (une sorte de revanche) à partager cette aventure avec ce père qui fut beaucoup absent. C’est surtout de cette relation dont il est question, en fin de compte : Passer du temps l’un avec l’autre, se confier, s’écouter, se regarder.

     Si la jeune actrice (et scénariste du film) est la fille de l’auteur, ce dernier n’avait pas cœur à jouer dans son propre film à l’époque (Il faudra attendre Pater pour qu’il franchisse cette barrière) mais c’est évidemment de ses névroses dont il est question, sa volonté de filmer son enfant et celle de s’habituer au départ de sa propre mère. Le film glisse et se perd un peu parfois, mais il revient toujours à l’essentiel, cette voie ferrée et cette retrouvaille entre un père et sa fille. C’est très beau.

Le révélateur – Philippe Garrel – 1968

26. Le révélateur - Philippe Garrel - 1968La fuite éternelle pour horizon.

   6.0   S’il est encore loin de produire ce qu’il a fait de plus beau, Garrel rectifie le tir avec Le révélateur, film toujours en noir et blanc mais sans piste son, autrement plus intéressant que Marie pour mémoire, sorti sur les écrans la même année. Il y a avant tout de superbes idées visuelles qui érigent à elles seules le film vers les cimes de la rêverie. C’est un voyage très mystérieux sur lequel il semble que le spectateur ait le loisir de construire le sien, de voyage. Un film tourné avec une lampe de poche. Il s’agit d’une fuite, d’un couple et leur petit garçon, une fuite à travers champs, escalier, route, forêt, tunnel. Mais que fuient-ils ? Un ennemi menace, mais il est aussi invisible que le film est insaisissable. C’est une sorte de cauchemar nocturne, labyrinthe épuré, traversé d’éclats de folie ou de poésie, duquel à mesure s’extirpe cet enfant qui s’émancipe du pouvoir parental et de ses obsessions maladives. Bernadette Lafont aura aussi incarné ce personnage étrange de mère possédée. C’est troublant de voir à quel point c’est un film dur sur le couple, comme s’il préparait ses films ultérieurs. Mais Garrel n’a pas vingt ans, il tourne ça pendant les événements de 68 mais en le jouant loin de ce folklore, déjà dans la fin du rêve – Garrel semble ne plus croire en la révolution – un peu comme le Wanda, de Barbara Loden.

Un homme et une femme – Claude Lelouch – 1966

10. Un homme et une femme - Claude Lelouch - 1966Naissance d’une passion.

   5.0   Les impressions positives laissées par mes récentes découvertes de La bonne année (1973) et plus récemment encore de Le voyou (1971) – qui par ailleurs le citent allègrement le temps d’une scène, c’est dire la reconnaissance que Lelouch lui porte – m’ont naturellement poussé à revoir Un homme et une femme, réalisé quelques années plus tôt. Son film le plus connu, probablement. Celui qui le révéla, certainement.

     Un succès critique (Palme d’or à Cannes et Oscar du meilleur film étranger) et public (Quatre millions d’entrées, le meilleur score de Lelouch à ce jour) qui surprend d’autant plus aujourd’hui tant on se demande bien quel critique ou quel public serait en mesure de défendre ou d’aimer ça si un tel film sortait maintenant.

     Une script-girl rencontre un coureur automobile. Ils sont tous deux parents uniques et veufs. Elle a perdu son mari, cascadeur, lors d’un accident sur un tournage. Il a perdu sa femme, qui s’est suicidé quand elle a cru le perdre le jour où il fit une sortie de route au Mans. Deux tragédies qui se chevauchent et qui révèleront l’impossibilité de leur histoire d’amour, autant que son inéluctabilité.

     L’idée est bien plus belle que le rendu, malheureusement car ça devrait être terrassant mais Lelouch fait trop joujou pour pas grand-chose, à l’image de cette découverte mutuelle qui se joue au gré de leurs discussions, proposés par flashbacks, en couleur. Et puis cette ritournelle signée Francis Lai c’est pas possible. Reste qu’Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant sont étincelants et forment « un couple » magnifique, habité par leur mélancolie respective. Si le film laisse quelques traces – j’y suis un peu attaché, malgré tout – c’est en grande partie grâce à ces deux-là.

The rock – Michael Bay – 1996

24. The rock - Michael Bay - 1996« J’ai l’estomac qui fait du yoyo autour de mon trou de balle »

   6.0   Il faudra que je revoie l’autre mais je crois pouvoir dire que The rock et Les ailes de l’enfer (Deux prod. Bruckheimer à 75M) sont mes deux plus gros plaisirs coupables, un peu inavouables – Nic Cage aime ça. Enfin ils sont attachés à mon enfance, disons. En partie grâce à leurs répliques qu’il peut encore m’arriver d’utiliser dans mon langage courant. Voilà, c’est dit. Et donc j’ai revu The rock. Non sans craintes, au lancement. Pourtant, c’est sans appel, j’aime toujours.

     Le mauvais goût couplé à la générosité de Bay trouve avec ce deuxième film (dans la foulée de Bad boys) une pleine mesure – d’équilibre et de stimulation, de bourinade et de savoir-face dans le timing comique – qu’il ne réitèrera plus, d’abord par la gestion de son ample casting improbable, son scénario malin (et qu’importe ses incohérences), ses punchlines à gogo, sa démesure d’action movie et son ancrage géographique – Ici, Alcatraz – et sa volonté de le détruire.

     En réalité, de par sa finesse légendaire, il rate ce qui se joue autour. C’est la musique pompière et omniprésente de Hans Zimmer. C’est son nombre considérable de plans, qui la plupart du temps (la poursuite dans les rues de San Francisco, notamment, qui a tout du climax parfait mais qui s’avère insupportable d’illisibilité) brise les accélérations. Et c’est paradoxalement ce qui me fascine dans le cinéma de Bay : Il tente des plans souvent hallucinants mais leur force est systématiquement noyée sous le poids de leur extrême brièveté.

     C’est donc un film épuisant certes, mais il y a une certaine virtuosité, séduisante par sa pyrotechnie généreuse, son rythme incroyablement soutenu et sa façon de ne jamais s’appesantir, son cachet de parfait film-défouloir, l’humour irrésistible d’un Sean Connery en super-espion aussi dangereux que touchant, qui le place dans le haut du panier de ces films de genre à la solde de Jerry Bruckheimer. Et il y a Nicolas Cage. 

Le terminal (The terminal) – Steven Spielberg – 2004

09. Le terminal - The terminal - Steven Spielberg - 2004No man’s land.

   5.0   Pas revu depuis sa sortie. J’en gardais un très mauvais souvenir. En fait c’est pas mal, c’est un Spielberg mineur, oui, mais c’est pas mal. Une sorte de fable à la mode de Capra, gentillette, pas très subtile mais pas désagréable pour autant. Il y a un certain savoir-faire, difficile de le nier.

     Ceci étant, la comédie romantique n’est pas ce qui sied le mieux à Spielberg : Les ressorts comiques, notamment, sont usés. Les seconds rôles ne sont pas très intéressants, quand ils ne sont pas carrément grossiers – cf le chef des douanes. Difficile, qui plus est, de ne pas y voir qu’un simple plaisir récréatif entre deux films plus imposants, incarnés et forts que sont Arrête moi si tu peux et La guerre des mondes.

     On peut lister tout ce qui ne va pas c’est sûr, c’est un film vraiment problématique à de nombreux niveaux, mais j’étais d’humeur à observer ses qualités et Spielberg a un certain talent de conteur. Et puis Tom Hanks c’est le gars parfait, la star adéquate pour ce rôle. C’était pas gagné, n’importe qui d’autre aurait été un gros miscast. Lui on assimile assez vite qu’il incarne un touriste simili-bulgare.

     Mais surtout il y a un lieu. Et Spielberg en fait quelque chose. C’est vraiment sur ce point que le film m’a cette fois un peu séduit, y a vraiment du boulot pour rendre crédible cet étrange espace et pour l’incarner dans le temps. L’aéroport JFK est ici un décor reconstitué. Un lieu de transit intégralement recrée. Et Spielberg propose beaucoup de choses, son film est en mouvement permanent.

     Le terminal s’inspire de l’histoire de Mehran Karimi Nasseri, réfugié iranien sans papiers et déchu de sa nationalité, bloqué à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle de 1988 à 2006 – Philippe Lioret en avait déjà fait un film, son tout premier, intitulé Tombés du ciel, avec Jean Rochefort. Tiré d’une histoire vraie, certes, mais Spielberg va broder lui un film de pure fiction ne serait-ce que dans le choix du pays d’origine du personnage : La Krakozie, un pays de l’est complètement fictif. Son pays entre en guerre et Viktor se voit indésirable et réfugié dans une section abandonnée de la porte 67 de l’aéroport JFK.

     On a le sentiment que Spielberg a voulu faire un film plein de bonnes intentions, de bons sentiments, un divertissement parfait façon Les évadés, de Frank Darabont – Il y a clairement des similitudes entre Viktor et Andy Dufresne : Lui aussi prend le temps d’orchestrer sa propre évasion, afin d’accomplir un but bien précis. Reste que l’un est un pur modèle de narration, d’une efficacité redoutable. L’autre reste un film attachant mais plus anecdotique. Plutôt reposant, avant d’enchaîner sur La guerre des mondes puis Munich. Une pause goûter. Un film de transit(ion).

La dernière femme – Marco Ferreri – 1976

05. La dernière femme - Marco Ferreri - 1976L’orgueil de la bite.

   4.0   C’est probablement l’un des premiers films à établir son ancrage dans les grands ensembles de la ville nouvelle d’île de France, ici un quartier de Créteil. Rohmer qui fera sa spécialité durant les années 80 (Les nuits de la pleine lune, L’ami de mon amie) venait tout juste de produire pour la télé la série « Ville nouvelle » en forme de documentaire de quatre heures. Le film de Ferreri sera lui pure fiction.

     Ingénieur touché par le chômage technique de son usine, Gérard récupère son fils à la crèche et y fait la connaissance d’une puéricultrice avec qui il entretiendra vite une liaison. Cette dernière, qui devait partir avec son amant d’occasion choisit finalement de s’installer avec Gérard et son petit garçon, dans cet environnement triste, monotone, qu’ils pimentent d’une sexualité plutôt inventive et épanouie.

     C’est un film qui sent tellement la provocation qu’il en oublie ses personnages et son récit. Les dialogues, la plupart du temps improvisés, n’ont aucun sens. Les situations, souvent mal agencées, zéro cohérence, si ce n’est pour satisfaire l’ego puéril d’un auteur en roue libre, persuadé qu’il peut déblatérer sans bosser. Qu’il s’agisse d’en parler ou de le faire, le sexe y est omniprésent, au point que Depardieu est à poil quasiment durant tout le film.

     Et Muti aussi. Elevée au rang de femme-objet qui arrive là en personnage concept pour compenser le départ de celle (la mère de l’enfant) qui s’engage sur le front du Mouvement de Libération des femmes. Cette femme et mère « de rechange » prend part aux obsessions de Gérard – Ils baisent devant l’enfant, jouent avec son petit zizi, exhibe leurs parties devant ses yeux, pauvre gamin, c’est minable – pour qui le sexe est l’unique évasion.

     Mais il comprend bientôt, en érection ou non, saucisson entre les jambes ou non, qu’il est l’esclave de son propre empire. Le film ira jusqu’au bout, Gérard finira par se couper la bite – Le film est connu pour ça. Quoiqu’il en soit, c’est un film exténuant, vraiment. Et souvent embarrassant. On est proche de La grande bouffe, in fine : Les bourgeois y crevaient dans leur propre excès de consommation aussi. C’est de la philo de provocateur de pacotille, n’est pas Pasolini qui veut. Pas sûr de revoir un Ferreri de sitôt.

The invisible man – Leigh Whannell – 2020

11. The invisible man - Leigh Whannell - 2020See evil.

   5.5   The Insibile man se situe moins dans la roue des précédentes adaptations de H.G.Wells (Whale, Carpenter, Verhoeven…) que très clairement dans la lignée de ces nouveaux petits maîtres de l’horreur à l’américaine, à savoir Jordan Peele (Get out, Us) ou Ari Aster (Hérédité, Midsommar) puisque c’est l’ambiance pesante qui le guide, de savants mouvements de caméra (à deux doigts de la pose) et une gestion adroite de la durée des séquences, de la dissémination des surprises. C’est bien fichu, joli, flippant. Cette épure du décor et ce refus des effets ostentatoires séduisent. Mais contrairement aux films suscités ça ne fonctionne pas très bien. D’abord parce que le film se repose beaucoup sur la présence silencieuse d’Elisabeth Moss : On ne voit qu’elle et le casting autour d’elle n’est vraiment pas bon. Ensuite car la construction manque à la fois d’originalité et de folie. On aimerait que le film soit davantage gagné par la fièvre d’un It follows que par la torpeur d’un Conjuring. Je schématise, évidemment, mais il y a vraiment un problème dans la dynamique et la mise en place de son crescendo. Du coup le film ennuie quand on voudrait le voir exploser et un peu à l’image de la séquence finale, il n’enfonce jamais le clou. Bref c’est petit bras. Il y a de beaux moments de sidération, toutefois, mais ils sont noyés dans un ensemble un peu trop corseté pour véritablement marquer. Mais bonus pour l’avoir découvert en plein confinement contre le Covid19.

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