Archives pour avril 2020



La symphonie pastorale – Jean Delannoy – 1946

20. La symphonie pastorale - Jean Delannoy - 1946Rivalité aveugle.

   4.  Un film aussi terne formellement qu’il est rocambolesque narrativement. Une histoire d’orpheline aveugle recueillie par un bon pasteur, qui jure de l’élever comme sa propre fille. Qu’il élèvera mieux que sa propre fille, en fait, c’est tout le problème, occasionnant moult jalousies (de sa propre femme, essentiellement), ambiguïtés et non-dits embarrassants. Jusqu’au jour où cette jeune demoiselle devenue femme, arborant les traits de Michèle Morgan, parvienne, après opération, à recouvrer la vue. Dommage que Delannoy s’intéresse si peu aux lieux dans lesquels ses personnages évoluent : Cette auberge, cette église et ce village de montagne. Il y a de beaux instants dans la neige, mais il y a surtout de longs dialogues théâtraux qui alourdissent tout le film. Et puis tout est beaucoup trop programmatique. Chaque réplique ou rebondissement pèse une tonne. On sent que Delannoy est écrasé par le roman d’André Gide. Que le film partage le grand prix de Cannes en 1946 avec entre autre Brève rencontre ou Rome ville ouverte, ne lui fait pas que du bien.

Le dindon – Jalil Lespert – 2019

18. Le dindon - Jalil Lespert - 2019« Alors, infidèle, on s’en va sans dire au revoir ? »

   0.5   Comment ça lui est venu à Jalil Lespert, cette idée d’adapter une pièce de Feydeau en la filmant comme un épisode de Scènes de ménages ? A quel moment s’est-il dit « Je tiens quelque chose » en réunissant Dany Boon, Laure Calamy, Guillaume Gallienne, Alice Pol et Ahmed Sylla ? Je suis toujours surpris quand je vois un acteur, que j’adorais (Lespert a jadis joué chez Cantet, Beauvois, Resnais ou Guédiguian) devenir un cinéaste aussi médiocre. Son Yves Saint Laurent n’avait déjà pas beaucoup d’intérêt, mais on pouvait lui accorder le bénéfice du doute lié à la commande. Avec Iris, il trouvait un drôle de ton, sans toutefois qu’on sache si ça devait l’orienter vers un cinéma vénéneux ou flirtant avec le nanar. Et là, Lespert va mettre tout le monde d’accord, le voilà qu’il se danyboonise, un peu comme le cinéma de Cavayé – qui aura fait Radin ! et Le jeu, alors qu’il avait d’abord offert A bout portant et Pour elle. Difficile d’expliquer ce genre d’évolution. Comme il est tout aussi difficile d’expliquer le pourquoi de la présence d’Holt McCallany (aka Bill dans Mindhunter) dans Le dindon. Va comprendre. Toujours est-il que le film est une catastrophe à tous les niveaux. D’abord parce que les acteurs sont tous extrêmement mauvais, jouent comme des mauvais acteurs de théâtre (mais j’imagine que c’est fait exprès) en exagérant chaque articulation, mimique ou gesticulation. Ensuite parce que le film fit un bide absolu en salle, comme quoi parfois même au public, on ne lui fait pas : Purée, quatorze millions pour jouer les vaudevilles sur l’infidélité entre quatre murs, ça fait cher. Si encore le film justifiait la transposition de sa situation dans les années 60, mais même pas. Tout est affreux.

Nous finirons ensemble – Guillaume Canet – 2019

41. Nous finirons ensemble - Guillaume Canet - 2019Mes amis, mes amours mes emmerdes…

   4.0   Il s’agit donc de la suite directe des Petits mouchoirs. Dix ans plus tard. Rien de nouveau sous le soleil du Cap Ferret. Toujours la même sensation de voir le film d’un type qui s’excuse d’avoir le fric et la réussite, au point qu’il l’intègre maintenant dans le récit : Max (François Cluzet, son héros dépressif) ne s’attaque plus aux fouines qui vadrouillent dans ses cloisons, mais il doit vendre sa maison de vacances car il a fait un mauvais placement. Heureusement ses potes sont là. Ce sera évidemment un poil plus compliqué que ça, mais au final ils seront là, le sauveront du suicide et feront en sorte qu’il garde sa jolie baraque.

     Avec Nous finirons ensemble, il devient évident que Canet ait voulu réaliser son dyptique à la Yves Robert. Rien que le titre évoque Nous irons tous au paradis. S’il ne lui arrive évidemment pas à la cheville, c’est moins pour sa faculté à créer un groupe et des individualités fortes, que dans sa propension à jouer les cyniques. Il y a d’abord  ce vulgaire étalage sans vergogne : Ils ont leurs bateaux, catamarans, golfettes privées, ils font des sauts en parachute, se louent un chalet gigantesque, bref c’est un joli cadre de dépression et ça semble tout à fait normal. C’est la normalité de toute bande de potes, semble dire le film. Mais le pire c’est ce mépris de classe permanent : Quasi tout le monde est moqué là-dedans c’est terrible. Le film ne cesse de dire : Les gens sont cons. Alors évidemment il n’est pas très tendre avec ses personnages principaux non plus, mais ce sont des personnages qui existent donc on s’y attache, on les apprécie avec leurs défauts, tandis que les autres ne font que passer, ce sont tous des connards en une (le vacancier sur le parking, les acheteurs) ou plusieurs (la nourrice, l’agent immobilier) apparitions. On ne leur donne pas de place pour être autre chose. Et c’était déjà ça dans Les petits mouchoirs. C’est vraiment ça le problème, le fléau du « film de potes ». Quand on regarde les films de Sautet ou ceux d’Yves Robert, ça ne tombe jamais là-dedans. Il n’y a pas un personnage qui va déverser sa haine (Lellouche dit clairement « La grosse » puis « Ferme Ta Gueule » sans qu’on ne lui en veuille, le pauvre, avec la tentative de suicide de son poto sur les bras) sur une nounou relou, qu’on va regarder partir en nous obligeant presque à penser qu’il a raison. Franchement je ne comprends pas qu’on puisse écrire un truc comme ça.

     Bref, c’est souvent dégoulinant de gêne, parfois carrément gerbant de condescendance (Tous ces figurants réduits à n’être que des pantins méprisés, sacrifiés pour servir la soupe à un membre de la team-Caneton) mais il y a aussi des instants plus réussis dans l’intimité, où le film réussit à nous faire croire en l’existence de ce groupe, cette amitié électrique, fragile et tenace. Et le fait de l’ancrer dix ans après l’original lui permet de trouver une mélancolie dont il ne se cache pas (Dujardin fera même une apparition) et sans doute aussi une plus grande liberté avec le côté chronique, parfois même burlesque – Merci Laurent Lafitte, qui se prend toujours autant de râteaux, continue d’être toujours aussi maladroit (« Le crabe c’est pour elle ! ») et qui malgré tout, reste un personnage assez attachant. Bonus tronche de Coluche dans Banzai, le pauvre : Une vilaine histoire de chenilles récalcitrantes, juste après qu’il ait dit aux ados d’arrêter de jouer avec leurs téléphones, qu’ils sont des gamins chiants, que lui quand il était petit il écrivait des poèmes, faisait des cabanes dans les arbres.

     Si comme le premier je n’arrive pas vraiment à détester ça (quand bien même j’abhorre ce qu’il véhicule, socialement, humainement, cinématographiquement) c’est en grande partie parce que les acteurs sont excellents, chacun dans leur registre. Il faut passer outre de nombreux frissons de la honte, certes, mais je ne vais pas mentir : Le film me fait parfois rire, sur une vanne ; Sait m’émouvoir, sur un regard.

     Au final je le préfère à l’original, je crois, car je m’y sens beaucoup moins manipulé. Entre le terrible plan-séquence d’ouverture, l’homosexualité refoulée du copain, le crescendo mélodramatique, Jean-Louis et le « T’es une belle personne », le chantage émotionnel des Petits mouchoirs, c’était quelque chose. Là il me semble que le film est plus doux. Ou alors c’est parce qu’on a compris son petit manège. L’inondation musicale ne choque même plus.

Les hirondelles de Kaboul (Zabou Breitman & Eléa Gobbé-Mévellec) – 2019

20. Les hirondelles de Kaboul - Zabou Breitman & Eléa Gobbé-Mévellec - 2019Afghanistan, destins croisés.

   5.0   Si le film de Zabou Breitman & Eléa Gobbé-Mévellec est plutôt réussi visuellement – Le dessin, à base d’aquarelle, m’ayant beaucoup rappelé celui du magnifique Ernest et Célestine – il est en revanche très programmatique et convenu dans sa narration. Du pur scénario filmé comme si on avait seulement fait un effort plastique pour transposer tel quel le roman de Yasmina Khadra. C’est pas toujours très subtil – Loin s’en faut – mais c’est pas mal, le récit est très dur et les sonorités des extérieurs y sont très bien reproduites. Bref, des deux réalisatrices suscitées, le gros du mérite revient donc à la seconde, conceptrice graphique.

Gibier de potence – Roger Richebé – 1951

23. Gibier de potence - Roger Richebé - 1951L’emprise.

   3.5   Un scénario filmé avec une platitude désarmante. Un ensemble d’interprètes qui à l’image d’Arletty (que je ne supporte pas, au point de la mettre aux côtés de Daniel Auteuil en haut de ma blacklist) en font des caisses, quand ils ne sont pas d’une fadeur totale (au hasard : Georges Marchal), ce qui désincarne davantage encore ces dialogues insupportablement préfabriqués. Le fameux « cinéma de papa » dans ce qu’il a de plus désuet, en somme. Et j’en veux d’autant plus à Roger Richebé que Gibier de potence, sur le papier, est doublement passionnant puisqu’il entreprend de peindre la question de la prostitution masculine en l’accompagnant d’une folle histoire d’amour crucifiée, mais que je n’y ressens strictement rien car rien ne fonctionne. Le temps fut bien long.

Going to Brazil – Patrick Mille – 2017

09. Going to Brazil - Patrick Mille - 2017Very sad trip.

   4.0   Trois amies parisiennes sont invitées au mariage de leur amie d’enfance qui s’apprête à épouser un riche brésilien. Tandis que la future mariée les plante à l’aéroport de Rio sous prétexte d’avoir été enlevé par ses amies locales pour son enterrement de vie de jeune fille, toutes trois vont passer la soirée dans une fête où l’une d’elle tuera accidentellement un garçon qui était sur le point de la violer et qui n’est autre… que le futur marié. S’ensuit une cavale entre le Brésil et la Guyane, afin d’échapper aux tueurs envoyés par le mafieux de père du défunt. Quand le film s’achève on ne sait pas vraiment si le modèle c’était Very bad trip, Spring breakers, Boulevard de la mort ou Revenge ? Car le film n’est pas vraiment drôle, loin d’être brillant et assez maladroit si on le considère du seul point de vue féministe. Déjà, on ne ressent à aucun moment la possibilité que ces filles soient amies : Leur groupe ne fonctionne pas. Et scénaristiquement c’est n’importe quoi. Et ce n’est pas comme s’il fallait uniquement avalé que le mec qu’elles tuent lors d’une soirée soit le futur mari de leur copine. Non, tout est comme ça. Et c’est trop sordide pour être « le film d’aventures » qu’il souhaite être. Mais Going to Brazil regorge malgré tout de quelques bonnes situations loufoques, de très mauvais goût donc assez réjouissantes. Et surtout, il bouge en permanence, il y a du rythme, on sent que Mille a la bougeotte comme un De Broca (Pas un hasard s’il tourne à Rio, à mon avis) reste à savoir ce qu’il pourrait en faire avec un scénario plus dense et de vrais acteurs. Je dis ça mais j’ai un gros crush pour Alison Wheeler, j’avoue.

Nous (Menk) – Artavazd Pelechian – 1969

25. Nous - Menk - Artavazd Pelechian - 1969Cosmos.

   7.0   Dans une démarche frénétique plus canalisée, Nous témoigne une nouvelle fois de l’originalité folle d’un auteur en marge, véritable magicien du montage, véritable orchestration musicale, même lorsque la musique n’est pas, comme ici. C’est un film très sonore en effet, dénué de paroles – Ce que n’aura cessé de faire Pelechian, à travers son œuvre pour le moins ramassée – mais sa musicalité s’en remet cette fois aux bribes du réel, à la manière d’une musique concrète. Il suffit que l’on passe du plan d’une montagne à celui d’une explosion pour comprendre son ambivalence, son attirance pour la beauté et la cruauté. Que l’on voit le visage grave d’un enfant remplacé par une cérémonie funéraire pour apprivoiser tout son caractère humaniste et mortifère. Un peu comme lorsque cet homme, sur sa mobylette, semble disparaître dans le nuage de gaz d’échappement produit par le camion qui le précède dans un embouteillage. Le Nous du titre, c’est bien entendu le peuple arménien, mais c’est aussi l’histoire du XXe siècle, c’est toute l’humanité, condensés dans un regard, une explosion, une disparition, une répétition, une étreinte et des larmes, de tristesse (d’un visage enfantin) et de joie (de retrouvailles). Ce montage incroyable permet au film d’être touché par la grâce tant il semble idéalement accordé aux variables qui animent l’humanité toute entière. C’est puissant.

Au début (Skisb) – Artavazd Pelechian – 1967

24. Au début - Skisb - Artavazd Pelechian - 1967Je pense donc je suis.

   6.0   Pour le cinquantième anniversaire de la Révolution d’Octobre, Pelechian réalise cet essai fulgurant, dix minutes expérimentales, au rythme d’un montage effréné fait d’images d’archives, extraits de fictions préexistantes et prises de vues réelles, bref de sources infinies, assemblées ici dans un catalogue endiablé, quasi subliminal. La musique et les divers effets sonores remplacent les commentaires. Aucune voix en effet, aucune donnée offerte pour servir de repère ni délimiter le contexte. Ça semble inspiré de Vertov (L’homme à la caméra) et avoir inspiré Reggio (Koyaanisquatsi). Il y a ce même désir de vitesse, d’image perturbée et de gravité générale. Rien d’étonnant à ce que le film se ferme sur le visage d’un enfant, ce même visage qui ouvrira Nous, deux ans plus tard.

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silencio


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