Down by law – Jim Jarmusch – 1986

42. Down by law - Jim Jarmusch - 1986The we and the I.

   8.5   C’est une partition à la Jarmusch. Un concerto à deux instruments, deux personnages isolés d’abord, chacun leur tour, chacun de leur côté, dans sa bulle de lose respective. Puis ils se réunissent dans la même prison. La partition fait naître un troisième instrument, un personnage qui avait tenté de faire incursion dans le premier mouvement mais qui aussitôt s’était évaporé. A trois cordes, l’évasion peut commencer, s’épanouir, errer dans un autre décor, immense : Le bayou remplace la prison, l’immensité se substitue à l’exiguïté. Bientôt, c’est une quatrième corde qui se greffe dans une guinguette, quasi abandonnée en bord de route. On danse pour fêter ça. Puis chacun devra reprendre sa propre vie, son individualité. Il faudra ce carrefour et ces deux chemins de forêt formant un V. C’était une traversée dans Permanent Vacation. Un avion à prendre ou non dans Stranger than paradise. Ici, chacun sa route. Il ne reste que des solistes dans plusieurs nouvelles partitions et un hors champ à composer. C’est probablement le film le plus doux de Jarmusch, son film le plus « musical » en un sens, son plus emblématique, aussi : Par la légèreté de ses rencontres, le minimalisme de sa forme, son noir et blanc fulgurant.

     Quand je (re)voie un film comme celui-ci aujourd’hui, je ne peux que l’associer à la figure de proue du cinéma américain indépendant actuel : Les frères Safdie. Les réalisateurs de Lenny & the kids ou plus récemment du non moins superbe Uncut gems, auraient pu faire un film à la Down by law. D’ailleurs ils l’ont plus ou moins fait et traduit dans Good time et Mad love in New York. C’est un cinéma fragile, si replié sur lui-même qu’il peut s’avérer très hermétique, mais si l’on parvient à s’y fondre, on y trouve une générosité à nulle autre pareille, pour des personnages forts et des lieux qui sont leur propre reflet. Down by law, c’est l’Amérique du bayou de la Louisiane. Soient les mes(aventures) de Zack & Jack, deux losers magnifiques, deux types au parcours très différent (le premier est DJ, le second est proxénète) sinon qu’ils se retrouvent dans la même cellule de prison, pour des crimes qu’ils n’ont pas commis. Le casting de Down by law épouse à merveille l’univers de l’auteur. John Lurie & Tom Waits, bientôt rejoints par Roberto Begnini, le touriste italien. Difficile de faire plus jarmuschien que cette association-là.

     Le film est rempli de trouées toutes simples mais géniales à l’image de cette chanson improvisée « I scream, you scream, we all scream for ice cream » d’abord fredonnée avant qu’elle ne devienne un hymne chanté à tue-tête par la prison toute entière. Si l’on devait résumer le cinéma de Jarmusch, on pourrait s’en tenir à cette séquence magnifique. Mais il y a aussi cette fenêtre tracée à la craie sur une paroi de cellule qui suffit à garder le moral et entretenir le désir d’évasion. Ou plus loin cette escale dans une maisonnette perdue qui rejoue – et c’est aussi l’humour très jarmuschien – la cellule de prison, avec ces lits superposés et cette unique fenêtre ouverte sur un horizon illusoire. Et plus simplement encore, il y a cette ouverture qui, accompagnée par la voix de Tom Waits et son « Jockey full of Bourbon » multiplie les travellings sur des paysages urbains désertés, les rues, les habitations d’une ville-fantôme, qui entre en écho avec le final de L’éclipse d’Antonioni, référence parmi d’autres. Ou encore cette jolie partie de cartes, qui ne débouche sur rien d’autre qu’un début de cohésion. La grande idée : On ne répète pas l’évasion, il suffit d’une ellipse folle pour troquer la cellule pour les égouts puis les forêts et le fleuve du bayou.

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