Lost in exaltation.
5.5 En repêchant Bill Murray au sortir du piètre dernier Jarmusch, Sofia Coppola tente de réinvestir le terrain de l’une de ses plus belles réussites : Lost in translation. Exit Tokyo, place à New York. A travers l’histoire d’une mère de famille, écrivaine en panne d’inspiration qui soupçonne son mari en pleine réussite professionnelle (au sein d’une étrange boite qui festoie ses milliers de followers) de la tromper avec son associée, Coppola fille va refaire Somewhere et donc nous plonger dans une retrouvaille entre une fille et son père.
Et tout ce qui se joue autour de cette relation fera tout l’intérêt du film, à défaut d’en être le cœur, qui sera une banale histoire de soupçon d’adultère et de comédie de remariage. Quel plaisir en effet de revoir Bill Murray cabotiner de la sorte dans un rôle taillé sur mesure, de séducteur compulsif, papa maladroit et tardif, vieil homme errant, nonchalant mais brisé malgré tout. Il est drôle, émouvant, parfait. Le film lui doit presque tout. Presque oui, car Rachida Jones n’est pas en reste, à sa façon – tant c’est un rôle plus ingrat – dans ce portrait délicat d’une femme tourmentée, arrivée à un carrefour où tous les feux virent au rouge.
Dommage que le film soit si grossier dès qu’il s’agit notamment de multiplier les apparitions d’une copine, plutôt une autre maman d’élève, en plein délire de régression adolescente, mais aussi de vieilles cyniques avachies sur des sofas. Dommage que l’on appuie tant sur ces marqueurs quotidiens d’une vie moderne décharnée, via des inserts peu subtils d’un aspirateur autonome ou d’un Thermomix. Coppola vaut beaucoup mieux que ça, ne serait-ce que lorsqu’elle crée de cette opulence obscène un sublime ballet pop, dans Marie Antoinette.
Difficile de savoir où elle en est : The bling ring marquait un retour fulgurant ; Les proies un égarement en forme d’hommage pénible. On the rocks est un bonbon, délicieux un moment, indigeste l’instant suivant. Le milieu du film est plutôt chouette, parfois très drôle (le contrôle de police) merci Bill, mais la partie Mexique fait tout retomber et le final nous laisse un goût de « Tout ça pour ça ? » très gênant.