Bronx – Olivier Marchal – 2020

11. Bronx - Olivier Marchal - 2020Avis de mistral.

   4.0   Certes, j’étais jeune, mais je me souviens que 36 quai des orfèvres m’avait impressionné lors de sa sortie, en 2004. Son face à face Auteuil/Depardieu, BRI/BRB, sa dimension opératique, son univers à la fois métallique et glauque, ses retournements de situations, sa sécheresse, sa cruauté, ses nombreux personnages secondaires.

     C’était ni du Michael Mann ni du James Gray (que je ne connaissais pas encore) mais il y avait une manière originale de proposer du polar en France, et de brosser le monde de la police, un peu à la manière de Boukfrief, qui la même année, s’était lui aventuré sur le terrain des convoyeurs de fond.  Et puis il y avait quelque chose d’assez excitant et salutaire à voir cet ancien flic débouler dans le cinéma, avec sa patte, cette ambition, cette virtuosité. Le film est ce qu’il est, probablement douteux sur de nombreux points, mais fidèle à lui-même.

     Dans la foulée j’avais rattrapé Gangsters, son premier long, plus confidentiel, plus fauché aussi, qui marquait par son exiguïté topographique, son interprétation survitaminée, son écriture minimaliste et sa brutalité. Un de ces jours je tenterai de revoir ces deux films.

     Puis après ça, plus rien. Soudain tout était nul, des produits décalqués de ces deux films, avec tout l’attirail en trop : flingues, noirceur, burnes, dialogues, gueules cassées, travellings sans intérêt. Tu croyais découvrir un nouveau Corneau, mais en fait c’était un Arcady. Films et séries comprises. De MR73 aux Lyonnais, en passant par Braquo et Section zéro.

     En 2020, Marchal sort Bronx. Sur Netflix. En fait, au départ le film appartenait à Gaumont qui devait le sortir en salle, avant de le céder finalement à la plateforme because Covid. C’est sans doute pas plus mal. Enfin moi je serais jamais allé voir ça en salle, donc peu m’importe, mais vraiment je trouve que c’est un produit de télévision, que ça doit se consommer ainsi. Je ne vois vraiment pas l’intérêt de sortir ça en salle.

     Bronx s’appuie sur un fait réel, pour mieux s’en débarrasser ensuite : La tuerie du bar du téléphone, survenue dans le 14e arrondissement de Marseille, en Octobre 1978. Il l’injecte dans sa fiction en tant que point d’ancrage, pour ne produire encore et toujours qu’un affrontement entre deux services de police, avec ses entités loyales et ses agents corrompus, pris en tenaille dans la guerre des gangs, entre corses et caïds du quartier nord. Rien de neuf si ce n’est qu’il est troublant de voir Marchal emprunter une lumière si vive et un Marseille doux, solaire, minimaliste, en contraste avec la violence permanente qui s’y joue.

     Le film dissémine menaces bien grasses et sommes de cadavres. Il s’ouvre sur le flashforward d’un suicide – de Stanislas Mehrar, qu’est-ce qu’il fou là ? – et se ferme sur une somme de petits règlements de compte. Car quand le film semble fini, Marchal libère une dernière cartouche et tue tout le monde. Chaque survivant fragile que le film déploie. Tous. Un par un. C’est évidemment Le Parrain (avec une surprise de taille : Une godmother en haut de la pyramide, incarnée par… Claudia Cardinale, enfin ce qu’il en reste) qu’on vise, mais n’est pas Coppola qui veut. Et ces minutes ne dégagent rien, aucune puissance, aucun intérêt. C’est totalement gratuit.

     Et en matière de répliques beaufs, on est bien servis une fois de plus. Avec tout plein d’insultes et de proverbes, c’est très drôle. Deux parmi d’autres, signées d’un habitué du cinéma de Marchal, Alain Figlarz, dit « le gros » ici :

« A force de fréquenter les cadavres, tu vas finir par te marier avec un cercueil »

« Si je peux te donner un conseil, tu te casses d’ici avant que je te fasse arracher les yeux et les couilles et que je les donne à bouffer à mes chiens »

     Au rayon références, Marchal sort l’artillerie lourde. D’entrée combat de joutes verbales entre Lanvin & Gautry sur Anna Karenine, de Tolstoi. Oklm. Puis Bronx tente une scène à la Seven, celle de la course-poursuite, sans la pluie mais avec un type à poil. Puis c’est Michael Mann qu’on entrevoit ci et là, encore et toujours. Et bien sûr, Le parrain, pour finir. Accompagné par Immortels de Bashung. On sent que Marchal se donne les moyens pour avoir de la classe. Ça ne fonctionne pas, mais il faut saluer la tentative. Un peu à l’image de la séquence de la fusillade à l’aube sur la plage : On ne voit strictement rien, on ne comprend rien. Et ça vaut pour chaque scène d’action du film, tout est raté.

     Bref, la recette Marchal est toujours la même. Du polar, qui tâche. A chaque fois néanmoins, il ajoute un peu de gras.  Bronx est donc un nouveau maxi best of, condensé en deux heures : Quelque part il vaut mieux se farcir celui-là que les huit heures de Section zéro ou  celles de la série Marseille, qui ressemblait déjà beaucoup à du Marchal et à laquelle on pense beaucoup devant Bronx. Il y a une vraie ambition de fresque policière, quoi qu’il en soit.

     Je suis prêt à parier que Marchal abreuvera la plateforme tous les ans, maintenant. Il est bien chez Netflix. Il a posé son cul sur les sièges rouges, ses verres de whisky sur les tables en chêne massif, ses flingues sur les étagères en marbre, sa plaque d’ancien inspecteur de la PJ dans un cadre à moulures dorées, et il peut tranquillement dire à tout le monde, cigares Montechristo entre les lèvres, d’aller se faire enculer.

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