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Archives pour décembre 2020



À travers le miroir (Såsom i en spegel) – Ingmar Bergman – 1962

01. À travers le miroir - Såsom i en spegel - Ingmar Bergman - 1962La possibilité d’une île.

   7.5   Ile de Faro. Quatre personnages. Coincés entre crise d’angoisse et Delirium tremens, solitude et hypocondrie. La mer, le cri des mouettes d’un côté. L’épave d’un bateau échoué et un grenier en soupente avec une tapisserie mystique de l’autre. Une apparition divine derrière un mur, un hôpital psy au large des eaux. Un huis clos insulaire rassurant, un noir et blanc écrasant. L’inceste et le martyre. La transe et l’horreur. Les hurlements chez Bergman sont toujours insoutenables, peut-être plus encore ici. Et Harriet Andersson est la plus grande actrice du monde. « Le miracle c’est Harriet Andersson » disait Bergman. A travers le miroir est un très beau Bergman, un autoportrait éclaté, d’une terrifiante beauté.

Sacrées sorcières (The witches) – Robert Zemeckis – 2020

10. Sacrées sorcières - The witches - Robert Zemeckis - 2020Potion tragique.

   4.0   Zemeckis adapte un Roald Dahl que je n’ai pas lu, mon fils non plus d’ailleurs – Il commence à être familier du bonhomme : Matilda, La potion magique de George Bouillon, Les deux gredins, Le bon gros géant. Tiens, faudrait que je tente le Spielberg, aussi. Pas lu le roman, pas vu non plus la première adaptation qu’en fait Roeg il y a trente ans. Bref j’y allais un peu à reculons – C’est une veine Zemeckis qui ne m’intéresse pas tellement sur le papier, celle de La mort vous va si bien, disons – d’autant que le film semblait surproduit, par Cuaron & DelToro notamment. Alors ce n’est pas la catastrophe non plus, il y a un certain savoir-faire, un imaginaire, une bonne dose de cruauté, mais visuellement c’est très embarrassant, aussi bien tout ce qui touche aux sorcières que lorsque le film exploite son versant Stuart Little / Ratatouille. Trop de numérique, trop d’effets spéciaux, trop de caméra embarquée, un Alan Silvestri passe-partout, une interprétation en roue libre. Ça se regarde hein, mais après Bienvenue à Marwen ça fait un peu de la peine.

Peau d’âne – Jacques Demy – 1970

22. Peau d'âne - Jacques Demy - 1970« Mon enfant »

   6.5   Un revisionnage pour le faire découvrir à mon garçon. Pas mon préféré des films de Jacques Demy, loin s’en faut, mais chouette film, bien barré, toujours agréable à revoir, notamment grâce à la mise en scène, aux compositions, aux couleurs. Rien que la confection des robes : Couleur du temps. De lune. De soleil. Et ce parti pris de faire un film bleu, puis rouge. C’est quasi du Warhol par instants. N’ayons pas peur du ridicule et ce sera magnifique, semble dire Demy qui revient tout juste de son séjour à Los Angeles, où il y avait tourné l’une de ses merveilles : Model shop. Peau d’âne récupère, assez clairement, l’influence du Flower power.

     Mais le film marque aussi par sa décomplexion absolue. Il a ce côté flamboyant et cheap qui le caractérisent. Des décors somptueux et une figuration plus rudimentaire. Capable de lancer Catherine Deneuve dans sa peau d’âne courant au ralenti à travers bois jusqu’à la ferme – Un ralenti d’une élégance assez inédite. De proposer l’entrée fracassante d’une fée, incarnée par la non moins superbe Delphine Seyrig. On y chante la recette d’un cake d’amour. Il faut un grand Michel Legrand, une fois encore. Qui nous rappelle combien on l’associe quasi systématiquement à Demy. Impossible de ne pas songer aux paroles de Maxence (Les demoiselles de Rochefort) lorsque le prince aka Jacques Perrin chante l’amour qu’il cherche.

     Et Peau d’âne c’est aussi un esprit délicieusement paradoxal et subversif, que l’on pourrait résumer par les mots de son auteur : « Je voulais avoir d’un côté le sujet enfantin, merveilleux, qui plairait aux gosses et la vision adulte d’un récit complètement pervers ». Et c’est vrai qu’il est aussi un beau film pour les enfants. Et c’est assez curieux tant le film est très bizarre, la magie, miraculeusement, opère. Le film semble hors du temps, hier comme aujourd’hui. Où folie et bizarrerie s’élève contre l’inceste. Un conte de Perrault transposé dans l’œuvre de Demy, qui en tire quelque chose de très pop et délicieusement anachronique : L’apparition du roi à bord d’un hélicoptère à la toute fin, fallait oser.

Les Looney Tunes passent à l’action (Looney Tunes, Back in Action) – Joe Dante – 2003

Brendan FraserQui veut la peau de la Warner ?

   5.5   C’est un Joe Dante mineur, indéniablement. Mais quel plaisir, tout de même. Le film a pourtant tout pour être insupportable – il l’est parfois un peu – mais il est tellement compensé par une générosité folle, d’idées, de références, de trouvailles, de petites virtuosités éparses que ça en devient par moment un magma absolument réjouissant. On est certes loin de la réussite d’un Qui veut la peau de Roger Rabbit ? mais on retrouve un dispositif similaire, soit le mélange d’animation et de prises de vues réelles.

     Bugs Bunny & Daffy Duck, qui en a marre du traitement de faveur que les studios réservent au lapin (Le film reprend là où Dante les avait laissés dans l’intro et la conclusion de Gremlins 2, en somme) y côtoient Brendan Fraser, Jenna Elfman, Steve Martin, Angelina Jolie, Ron Perlman et bien d’autres (Et si c’était le film le plus cher de Joe Dante ?) dans un déluge de clins d’œil cinéphiliques : Ici Bugs Bunny rejoue la scène de la douche de Psychose, là Timothy Dalton rendosse son simili-rôle d’agent 007 ou Kevin McCarthy reprend le nom qu’il arborait dans L’invasion des profanateurs de Sépultures, de Siegel.

     Le film sort l’artillerie dès qu’il s’emploie à disséminer divers gadgets empruntés à la pop culture, ici une carotte sabre-laser, là une batmobile. Sans parler des autocitations comme lorsque Dante reprend ouvertement le thème de Gremlins. Et se permet des moments de jubilation pure comme lors de cette célèbre scène au Musée du Louvre où Daffy Duck & Buggs Bunny entrent dans « Le Cri » de Munch ou « La persistance de la mémoire » de Dali.

     Un pot-pourri bien garni, hystérique, loufoque, méta, usant, excitant. Un fantasme de gosse biberonné aux cartoons. Et un peu à l’encontre de ce qui se faisait alors. Joe Dante avait d’ailleurs surnommé ce projet « L’anti Space Jam » tant il déteste le film, ceci étant, sans lui faire offense étant donné que la Warner ne lui laissa que peu de liberté, son produit fini ressemble davantage à celui de Joe Pytka qu’à celui de Zemeckis.

     Mineur donc, mais réjouissant. Car déglingué. Mais ça reste éreintant à découvrir (ou à revoir) aujourd’hui. C’est encore Joe Dante qui, pour Rockyrama, en parle le mieux : « Je pense qu’il y a de bonnes choses dans le film. Mais c’est tout de même un peu le foutoir et si c’était à refaire, je ne le ferais pas ». D’autant que le film ne rentre pas dans ses frais.

Que la lumière soit (Let there be light) – John Huston – 1946

35. Que la lumière soit (Let there be light) - John Huston - 1946Going back to civilian life.

   6.0   En 1942, John Huston rejoint le centre cinématographique de l’armée américaine. Là, il signera, sous son nom, trois documentaires militaires dont celui-ci. Let there be light s’intéresse aux séquelles psychologiques des soldats rescapés de la guerre : Ceux qui n’ont pas de blessures physiques apparentes mais qui sont traumatisés de l’intérieur. Les autorités décidèrent, à l’époque, de ne pas distribuer le film. Les spectateurs ne purent visionner ce document que, lors du Festival de Cannes 1981, dans la section Un certain regard. Il faut noter que sa découverte de l’inconscient et l’hypnose rapprocha Huston de Freud, ce qui le poussa à faire Freud, passions secrètes, en 1962. Si le matériau est réel, Huston le met en scène, clairement et son dispositif est parfois un peu schématique, authentique mais fabriqué. C’est un cinéma de propagande, à la gloire des psychiatres de l’armée et de leurs différentes méthodes médicales : Groupe de parole, hypnose. On y découvre un homme retrouvant miraculeusement l’usage de ces jambes, un autre celui de la parole, un autre sa mémoire. Là où le film trouble tant – Et c’est sans doute là-dessus qu’il doit sa longue interdiction – c’est que malgré le traitement favorable que font les images de l’institution militaire, on y découvre malgré tout en face des visages abimés, des regards perdus, des voix bégayantes, des corps tremblotants, bref pas vraiment des héros de guerre que la propagande lambda se doit de représenter.

The white rose – Bruce Conner – 1967

34. The white rose - Bruce Conner - 1967The massive picture.

   6.0   Jay DeFeo a commencé à peindre « The white rose » en 1957. Lorsque la peinture inachevée a été enlevée huit ans plus tard, elle pesait plus d’une tonne. Et Bruce Conner vient capter son déménagement : Le récit d’un immense tableau que l’on retire de l’atelier d’un artiste. Si imposant, si lourd qu’il a fallu couper le mur et le soulever à l’aide d’une grue. Conner filme cet évènement comme une commémoration : les images sélectionnées et le montage donnent l’impression d’assister à une cérémonie mystique.

Rail – Geoffrey Jones – 1967

33. Rail - Geoffrey Jones - 1967Retour vers le futur.

   7.0   Inspiré par le succès de Snow, Geoffrey Jones réalise un deuxième film pour la British Transport Films. Le film rend noblesse aux chemins de fer d’antan, aux locomotives à vapeur avant leur extinction. Les premières minutes captent l’ambiance cathédrale des gares, celle sacrée des cabines de conduite des locomotives, la puissance de deux trains à vapeur qui se croisent, les appareillages, le mécanisme des roues motrices. Le film est encore très doux, accompagné de beaux travellings embarqués. Un moment donné, le plan s’arrête sur un pont au loin : Un train le traverse, crache ses volutes de fumée et semble prêt à disparaître. Puis le rythme s’endiable. Les trains électriques ou thermiques contaminent la mise en scène, le montage, dans un tourbillon frénétique. La musique, composante essentielle du matériau, passe de la valse aux percussions. Plus qu’un voyage en train, Rail est un voyage dans le temps, du train d’avant au train moderne.

Ville haute, ville basse (East side, west side) – Mervyn Leroy – 1949

08. Ville haute, ville basse - East side, west side - Mervyn Leroy - 1949Faux-semblants.

   7.0   Film tellement féminin – et écrit par une femme : Isobel Lennart – qu’il apparait presque comme une sorte de Johnny Guitar du film noir. D’une élégance rare, le film offre un terrain de jeu imparable pour la crème de la crème des stars hollywoodiennes qu’il réunit : Un casting hallucinant puisqu’on y trouve Barbara Stanwyck, Ava Gardner & Cyd Charisse, mais aussi James Mason & Van Heflin. Excusez du peu.

     Ville haute, ville basse s’ouvre sur un laius de Jessie à propos de sa ville, New York, dont elle adore la respiration, les battements de cœur, ainsi que son impossible communication entre l’east side et le west side. On apprend bientôt qu’elle est mariée à un certain Brandon et qu’ils filent tous deux le parfait amour. Chaque jeudi, ils se retrouvent chez ses parents (à elle) pour un diner. Mais quelque chose cloche. Lors de l’un de ces jeudis, les tensions apparaissent subtilement. On découvre un garçon très séducteur avec sa belle-mère, ça pourrait avoir l’air de rien, mais ça nous prépare au personnage. Lorsqu’ils partent, les parents de Jessie s’inquiètent à l’idée de leurs querelles passées. Derrière les apparences feutrées, la réalité naît. L’apparence de bonheur se fêle insidieusement. L’idylle amoureuse est à l’image du portrait idéal que brossait Jessie de sa ville : La facticité plane.

     Et le film va s’employer à détruire ces apparences, à inverser les rôles, à multiplier les trahisons, les rebondissements. Le décès étrange d’une ancienne conquête de Brandon. Sa rencontre avec Rosa tandis que Jessie de son côté, tombera sous le charme de Mark, l’enquêteur. La lutte des classes, promise par le titre, se transforme en lutte des femmes et en récit d’une lucide renaissance. Très beau.

Délits flagrants – Raymond Depardon – 1994

27. Délits flagrants - Raymond Depardon - 1994Portrait de France.

   8.0   Une ouverture sur le parvis du Palais de justice de Paris. Une fermeture sur ce même Parvis. Entre ces deux pôles, se succèdent des personnes arrêtées pour des flagrants délits qui sont reçues dans un bureau par le substitut du procureur, pour un entretien. Ce même substitut qui deviendra par la force des choses avocat général dans la suite du procès, hors-champ ici.

     Les prévenus ont chacun leur histoire : Drogue, violence, alcool, insulte à agent, tag, situations irrégulières, prostitution, vol. Il y a des aveux, des regrets, des prévenus qui se taisent, d’autres qui s’enlisent dans leur mensonge. Certains jouent de la présence de la caméra, d’autres semblent ne même pas y prêter attention. Le cadre : Un bureau simple, un téléphone, une pièce vide. C’est un dispositif implacable. Sans aucun commentaire en voix off ni intervention du réalisateur.

     C’est le documentaire le plus confortable de Depardon. Derrière lui, Arte, Canal, l’avance sur Recettes, une pellicule en 35mm, cinq semaines de tournage dans un lieu exceptionnellement autorisé. Quarante heures de rushs, Quatre-vingt-cinq personnes filmées, quatorze seront retenues. Interrogatoires filmés en plan fixe, selon un dispositif identique. Jusqu’à ce que Depardon consacre du temps d’entretien avec l’avocat commis d’office.

     Hormis quelques plans fixe dans les sous-sols du tribunal et un autre mobile accompagnant un prévenu entre sa cellule de la Préfecture de Police et les bureaux de la 8e section du Palais de justice, Délits flagrants sera un pur huis clos, qui fait un magnifique portrait réaliste de la France, de Paris. Le film nous offre une position inédite, entre le système et le déferré, le pouvoir et la foule. Très fort.

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silencio


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