« Je ne vois que l’envers de l’endroit que je tisse » (Cocteau)
5.0 « Selon un vieux mythe païen, l’année était divisée en lunaisons occupées par les semailles, les moissons, les vendanges, etc. Entre la dernière nouvelle lune d’hiver et la première pleine lune de printemps, il s’écoulait une période de quarante jours, le Carnaval, où les morts revenaient sur terre. Duelle se passe pendant ce laps de temps, au cours duquel la déesse de la Lune, Leni, et la déesse du Soleil, Viva, s’affrontent pour retrouver la bague qui leur permettra de rester sur terre, et qui est tombée dans les mains de plusieurs mortels : Pierrot, sa sœur Lucie, et sa maîtresse Jeanne, qui se fait appeler Elsa. Lucie aura de dernier mot, à l’issue d’un combat nocturne sous l’arbre du Noroît »
Voici le très beau résumé qu’en a proposé Hélène Frappat, dans son ouvrage Jacques Rivette, secret compris. Pourtant, sur ces quelques mots de présentation, c’est sans aucun doute le Rivette qui me tentait le moins. Mais sitôt qu’on remplace les prénoms Leni & Viva par Juliet Berto & Bulle Ogier, l’envie réapparait. Duelle fait partie d’une trilogie inachevée : Scènes de la vie parallèle. Noroît sera l’autre volet. A cette époque il faut dire que Rivette sort d’Out1 : Noli me tangere (qu’il va vraiment falloir que je me décide à regarder) sa fresque post-soixante-huitarde de douze heures et Céline et Julie vont en bateau, film-somme, ludique, réversible, fantastique, à la lisière du film de fantômes. Duelle en est-il un prolongement ?
Pas vraiment tant il fait office de parenthèse à l’opposé de toute forme de réalisme. Versant dans une dimension purement fantastique, hanté par des revenantes, le film laisse moins de place au jeu, à l’aspect interactif que l’on retrouvera notamment dans La bande des quatre. Rivette s’efface presque derrière ses actrices, leur laisse le champ libre pour faire gagner la rêverie de la fiction : Une histoire de magiciennes craignant l’ombre pour l’une, la lumière pour l’autre, mais partageant le même but : S’enquérir d’une mystérieuse pierre. Le projet ne devait pas au préalable s’appeler « Les filles du jeu » pour rien. Néanmoins, de jeu Duelle en manque. Cette lutte entre deux déesses passionne moins que leurs seules apparitions dans le champ. Le film est radical en ce sens que son mystère ne se rattache à aucune réalité, aucun espace connu. Hermétique en ce sens qu’il ne ressemble à rien. On peut en être admiratif, je l’ai été par instants – le film est très beau visuellement – mais ce n’est pas toujours facile de s’y investir, de saisir les codes et de s’en accaparer une lecture.
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