Fin de siècle.
5.0 Après avoir traité de l’orpaillage dans la série Guyane, Fabien Nury s’attaque au contexte politique et à l’institution policière du début du siècle dernier, manipulant tout ce qui faisait la fragilité implosive de l’époque, entre ligues antisémites d’un côté, anarchistes de l’autre ; Dreyfusards et antidreyfusards. L’ambition est revendiquée, imposante, jusque dans sa reconstitution et son étonnante construction narrative. A ce petit jeu, c’est l’anti-Lupin, tant elle ne s’embarrasse jamais de plaire. C’est à double tranchant : Difficile de s’y investir, d’en être passionné, de vibrer pour tel ou tel personnage, tous antipathiques. Et pour plein de raisons.
Deux problèmes majeurs à mes yeux : Formellement, c’est un peu lourd. La série affiche son goût pour la pénombre, les éclairages en contre-jour, c’est trop sombre, trop sale, on y ressent qu’une complaisance pour une crudité glauque – Dans la même époque mais outre-Atlantique et en milieu hospitalier, il me semble que Soderbergh réussissait mieux « sa forme » dans The Knick. Ce qui occasionne mon autre grief : Sa surenchère gore tant on y déploie des trésors de morbidité. Il faut montrer les morceaux de corps, les cochons éventrés, les fix d’héro, les sévices en tout genre. On nous met gracieusement le nez dans la merde. Et elle colle aux narines.
Je ne finis donc par ne sentir que ça, me désintéresser de ce qu’on m’y raconte, des personnages qui la composent et leurs interactions : par ailleurs est-ce un problème d’écriture ou d’incarnation, les dialogues m’ont semblés ratés. J’en oublie que la série me propose une plongée folle dans cette belle époque, enfin sa face sombre puisqu’elle n’a de belle que son appellation. En un sens, elle colle par sa forme au climat de 1899 en osant des trucs qu’on ne voit jamais à la télévision, aussi bien visuellement que narrativement. Un peu à l’image de ses premières minutes, sur les chapeaux de roues, puisque Paris Police 1900 s’ouvre sur la mort de Felix Faure. Et faut voir comment.
Quant à sa part de fiction, Paris Police 1900 ne l’assume pas pleinement. J’étais bien plus sensible au scénario concocté par Nury dans le magnifique roman graphique dessiné par Sylvain Vallée : Il était une fois en France. Ici « L’affaire de la valise sanglante » si elle n’est pas non plus traitée par-dessus la jambe, ne prend jamais vraiment. La série se venge sur un autre tableau : Sa kyrielle de personnages féminins forts. Et si elles émergent péniblement de cette peinture froide, elles se révèlent au fil des épisodes complexes, ambivalentes, condamnées à braver un monde marqué par le pouvoir des hommes.
Bref, l’ambition oui, tant on y sent un grand boulot de documentation et une volonté de mêler la fiction et les faits historiques. Pour la fascination, on repassera. Dans la même période et sur un registre plus passe-partout, plus télévisuel disons, une série comme Le Bazar de la charité m’a nettement plus ému et passionné. Je reste néanmoins curieux de regarder la suite, qui se déroulera vraisemblablement en 1905. Mais ses personnages ne vont pas me manquer.