Blue steel – Kathryn Bigelow – 1990

15. Blue steel - Kathryn Bigelow - 1990Pain & gun.

   7.0   Entre Near dark (1987) & Point break (1991), Kathryn Bigelow réalise ce savoureux mélange de portrait de femme, de récit initiatique et familial, de polar saupoudré de film de serial killer.

     Si Ron Silver est littéralement en roue libre en psychopathe possédé, déployant tout une batterie de grimaces embarrassantes, Jamie Lee Curtis se révèle souveraine, habitée, bouleversante dans le rôle ambigu de cette femme animée par un désir de justice, de l’uniforme, une obsession pour l’autorité, tout en sous-tendant une vision plus contestataire, cette volonté de faire entrer manu militari la femme dans un monde d’hommes. On y verrait un sous-texte méta qu’on ne serait pas si hors-sujet.

     Et c’est sans doute pour cette dimension théorique que Blue steel s’avère si passionnant. Moins pour cette mise en abyme de cinéaste trouvant son alter-égo fictif, que dans son fétichisme de l’arme à feu. Le générique s’ouvre sur ce flingue, le canon, les douilles. Il servira de catalyseur. Il érotise, il diabolise. Il est même déclencheur de l’intrigue.

     Tandis qu’elle vient d’entrer dans la police, une nuit lors de sa première ronde, Megan Turner (Jamie Lee, donc) doit intervenir lors d’un hold-up. Menacée par l’agresseur, elle l’abbat, froidement. Elle lui vide son chargeur sur la tronche. Elle ne remarque pas que dans la foulée de son intervention, un inconnu, alors au sol, s’empare de l’arme du braqueur tombée près de lui, et disparait.

     L’homme, un riche trader, se découvre bientôt une passion pour ce flingue, le meurtre et une obsession maladive pour Turner, qu’il séduit avant de la persécuter. Entre-temps, Turner se retrouve suspendue de ses fonctions pour son intervention musclée sur un agresseur dont finalement rien ne prouve qu’il était armé. Tout se joue bientôt entre Turner & Hunt. Entre Megan & Eugene.

     On comprend très vite que l’un n’existe pas sans l’autre. Eugène est touché par une sorte de révélation, il est persuadé d’avoir trouvé son double, sa victime à lui, le monstre. Et quand son collègue (Génial Clancy Brown) lui demande pourquoi elle est devenue flic, Turner répond « For him ». Le film tient entièrement sur ce dispositif quasi abstrait. Réalisme et vraisemblance n’ont pas leur place. C’est sans doute la limite du film, c’est aussi ce qui fait son originalité, tant le geste, à la limite du fantastique, fascine.

     Il faut par ailleurs signaler que Blue steel s’ouvrait comme un présage de cette séquence pivot : Turner y faisait ses gammes, lors d’un examen musclé, où elle devait intervenir sur une fausse scène de ménage à main armée. Elle y abattait l’homme avant de se faire surprendre par la femme de ce dernier qui se saisissait de son arme pour la retourner contre la policière novice.

     A l’image du nom de l’antagoniste « Hunt » et du jeu que Silver lui adjoint, le film n’est pas exempt de lourdeurs, Mais l’ambiance new-yorkaise, essentiellement nocturne, est très troublante, anxiogène, renforcée par la musique métallique d’un Brad Fiedel qui semble très inspiré de sa création sur le Terminator, de James Cameron.

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