Archives pour juin 2021

Adieu les cons – Albert Dupontel – 2021

06. Adieu les cons - Albert Dupontel - 2021L’étang moderne.

   5.5   La recette est familière, son efficacité prévisible : Après le plus consensuel Au revoir, là-haut, Adieu les cons renoue avec la verve anar de Dupontel : acerbe, hystérique, absurde, burlesque, virtuose. Dans la lignée tonale du dernier Délépine & Kervern (Effacer l’historique) mais en mieux – Ce n’était pas bien compliqué – et dans la lignée formelle d’un certain Jeunet, son pote, auquel on pense beaucoup, notamment Le fabuleux destin d’Amélie Poulain : On y retrouve cet attachement aux laissés pour compte, son rejet des grands bonnets du système, un appétit pour les gueules, les répliques fulgurantes, mais aussi, davantage sur le plan technique, un goût pour le trop-plein, des plans abracadabrants, des running-gags, pirouettes scénaristiques proposées par des coïncidences motrices, des flashbacks à gogo. Et une volonté de relayer des objets / lieux utiles : Un fusil, un ordinateur, un dossier, un journal intime, une lettre d’amour ; Le bureau des services d’administration, la cave des archives départementales, l’ascenseur d’une tour. C’est du cinéma bourrin, mais généreux. Et si son héritage se réclame davantage des pitreries de Gilliam (qui fait une apparition ici d’ailleurs, et le film fait aussi de nombreuses références à Brazil) que de celles de Chaplin, on peut entrevoir parfois une mécanique proche de celle du génie du muet, sans doute parce que le film, c’est sa grande qualité, respire l’enthousiasme et la sincérité. Disons qu’on comprend, devant, pourquoi Dupontel n’était pas présent à la cérémonie des Césars où il rafla tout, tant le film ne cesse de chier sur « les institutions » de manière générale. Rollercoaster effréné, Adieu les cons ne lésine sur rien, mais peut-être que sur ce coup-là cette quête du fils, avec un duo insolite (Effira/Dupontel, ça fonctionne super bien) entre une femme qui va mourir et un homme qui veut mourir, tous deux associés à un archiviste aveugle extra-lucide (Nicolas Marié, pitre désopilant) trouve une forme d’aboutissement comique sous la caméra de Dupontel. Il me semble qu’il y donne tout, cette fois, avec ses limites comprises : Sa mécanique burlesque désuète (des policiers débiles, un aveugle qui se cogne, un médecin illisible), sa non-subtilité pour brosser des caractères secondaires (flics, patrons mais aussi ceux qu’il défend, amoureux transi, vieil amnésique) et son nihilisme compassé, certes le film est un peu anar-vieillot dans son fond mais il est toujours en mouvement, plein de trouvailles, d’instants très drôles. Qu’importe, j’y allais le couteau entre les dents – euphémisme – mais j’ai trouvé ça très réussi, pour du Dupontel.

This is us – Saison 1 – NBC – 2016

04. This is us - Saison 1 - NBC - 2016Big Three and daddy.

   9.0   C’est une déflagration. Vraiment. Dix-huit épisodes d’une puissance inouïe.

     Rares sont les fois où j’aime instantanément chacun des personnages d’une série, c’est le cas ici. Rares sont les fois où je ris et chiale autant ; où je me sens investi, émotionnellement, pour l’un, pour l’autre, pour tous. La construction, l’écriture, l’interprétation, tout m’a semblé brillant de A à Z.

     L’épisode pilot est déjà somptueux. Il nous invite dans le quotidien de plusieurs personnages : Un couple sur le point d’avoir des triplés ; un acteur de sitcom en pleine remise en question professionnelle ; une femme obèse qui se bat contre son propre corps ; un père de famille sur le point de retrouver son père biologique.

     La série s’ouvre sur une journée en particulier, celle de l’anniversaire de quatre d’entre eux. Moi qui aime ne rien voir venir, j’étais servi. En effet, on comprend à la fin des quarante-deux premières minutes, quand les enfants du couple sont nés, qu’ils sont ceux qu’on a suivis en parallèle trente-cinq années plus tard. Jack a trente-cinq ans le jour où ses enfants naissent. Kate, Randall & Kevin fêtent leurs trente-cinq ans le jour où la série a choisi de commencer à les suivre. Première d’une longue série de déflagrations dont This is us sera coutumière. D’autant que l’issue de ce pilot nous réserve une autre surprise de taille, déchirante.

     La série ne faisait que commercer que c’était déjà gagné pour moi. Ou trop beau pour être vrai : Heureusement non, les dix-sept salves suivantes conservent cette puissance. La série tire cette force de ses nombreux enchevêtrements casse-gueule. Au sein d’un même épisode elle ne cesse de voguer d’un personnage à l’autre, d’une temporalité à l’autre, entre la légèreté et le drame, le tout entre New York et Los Angeles, avec une limpidité exaltante, en soignant chacune de ses transitions.

     L’écriture y est minutieuse. Le découpage quasi miraculeux. Et plus ça avance plus elle s’ouvre : Si nous suivons le couple Rebecca/Jack avant l’arrivée de leurs marmots, nous plongerons aussi un peu plus en amont. Et bien entendu dans la temporalité suivante, quand les enfants ont une dizaine d’années, mais aussi quand ils en ont quinze. C’est vertigineux. Et triste et beau à chialer.

Et afin de parachever de me séduire, on y entend :

-          « Death with dignity », de Sufjan Stevens
-          « Blues run the game », de Jackson C. Frank
-          « Northern sky », de Nick Drake
-          « The Wind », de Cat Stevens
-          « Kola », de Damien Jurado

Du caviar. Jusqu’au bout.

     Comment se relever d’une entame pareille ? Je veux dire… Est-ce qu’il ne vaut pas mieux s’en tenir là ? C’est un tel miracle, fragile et fulgurant : Difficile d’imaginer mieux. D’autant que pour le coup, à mon humble avis, cette saison se suffit à elle-même. Elle contient déjà tout et laisse au récit des zones mystérieuses qui me plait beaucoup. Mais j’ai quand même envie de poursuivre.

     Et puis je tiens à voir ce qu’ils vont faire du destin du père ou plutôt comment ils vont l’associer aux trois enfants. Car ce n’est pas ce qu’il y a de plus réussi, je crois, ce suspense autour de sa mort. Ce moment où l’on sent que la série pense série, suspense, cliffhanger, saisons à venir etc. ça m’a peu gêné mais je comprends que ça puisse gêner, c’est hyper casse-gueule. Je garde l’impression qu’il s’agit de nous dévoiler les choses à mesure que les personnages, les enfants, l’acceptent. Si c’est le cas – C’est pouquoi j’ai hâte de poursuivre – je trouve cela très beau.

La balance – Bob Swaim – 1982

05. La balance - Bob Swaim - 1982Grand-Guignol à Belleville.

   4.5   Parmi divers couronnements inexplicables qu’offre l’académie des César depuis quarante-cinq ans, La balance fait office de figure de proue. Qui a-t-il bien pu séduire dans ces sphères ? Lorsque j’en avais fait la découverte, adolescent, le film m’avait paru un peu à part dans la catégorie Polars 80’s. C’est vrai qu’il est à la fois très français et ancré dans son époque, lorgnant autant outre-Atlantique vers le French Connection de Friedkin qu’il annonce un peu la décennie suivante, avec des contours qu’utilisera Tavernier dans L627 par exemple. Il avait donc un joli cachet de film mi-précurseur mi-anachronique, ça me plaisait bien. Hélas, mon souvenir n’était pas seulement imprécis, il était complètement à côté de la plaque. Je devais le confondre avec le Police, de Pialat, c’est pas possible. Je n’y ai quasi rien retrouvé de cet élan de fraicheur et de ce rythme qui m’avaient jadis séduit. Je dis « quasi » puisque le couple Baye/Léotard reste la bonne idée du film, personnages assez touchants dans l’ensemble, romantiques et déglingués. Cela suffirait presque si Bob Swaim avait construit son film autour d’eux – Après tout, « la balance » c’est lui, mais c’est elle aussi. Le problème c’est que le film est fasciné par les flics et qu’il croit créer de beaux personnages, en leur attribuant dureté et légèreté, personnages qui ne sont en fin de compte dessinés que sur un seul caractère, une punchline, une gueule, une blague. D’une part c’est donc très mal écrit, d’autre part tous sont absolument ridicules, cabotins ou absents. Chez les truands ce n’est guère mieux : Ronet joue de la moustache et se demande constamment ce qu’il fait là quand Karyo tente de la jouer Requin (la brute dans certains épisodes de James Bond) ce qui offre un couple de méchants taiseux vs bourrin bien stéréotypé. Le film est par ailleurs marqué par un déséquilibre permanent, tant il tente d’être nerveux, rêche, violent avant de systématiquement sombrer dans une ambiance relax très bizarre – à l’image de la fusillade en plein carrefour de Belleville, où l’on voit des innocents se faire buter froidement, avant que la séquence ne se termine par une blague de douille échouée dans un walkman. Belleville parlons-en : Swaim ne filme pas la ville, il ne doit pas la connaître, tout y est factice, prêt pour un tournage, bref ça ne l’intéresse pas. Dans un polar urbain c’est un peu gênant. Sa réalisation est par ailleurs tout à fait transparente quand elle n’est pas accompagnée d’effets cheaps et autres kitcheries musicales embarrassantes. C’est donc une bonne douche froide. Une douche froide à trois Césars. Dans un registre pas si éloigné mieux voit revoir l’excellent Neige (1981) de Juliet Berto & Jean-Henri Roger.


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