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Archives pour juillet 2021

Le reptile (There was a crooked man) – Joseph L. Mankiewicz – 1970

15. Le reptile - There was a crooked man - Joseph L. Mankiewicz - 1970Les prisonniers du désert.

   8.0   Un Mankiewicz fin de carrière – Son avant dernier film, son unique western – bien ancré dans les années 70, un western carcéral post moderne, qui ressemble presque à du Peckinpah – tendance La horde sauvage : présence du génial Warren Oates comprise – tout en annonçant le Friedkin de Sorcerer.

     Impossible de ne pas y songer lors de son ouverture puisqu’il s’agit de suivre l’arrestation respective de plusieurs personnages qui seront bientôt tous enfermés dans la même prison/forteresse en plein milieu d’un désert de l’Arizona. Point de camion ni de nitroglycérine ici mais la même volonté d’évasion.

     Le film est l’occasion d’un duel magnifique entre Henry Fonda, directeur de prison humaniste et Kirk Douglas, prisonnier manipulateur. C’est un film ludique et nonchalant, une farce amorale partagé entre légèreté et cruauté, le regard y est tout aussi cynique sur la société qu’infiniment bienveillant pour la kyrielle de personnages qui le compose. J’ai adoré.

Peur sur la ville – Henri Verneuil – 1975

22. Peur sur la ville - Henri Verneuil - 1975Rien que pour vos yeux.

   7.0   Voici un grand classique populaire enseveli dans les tréfonds de ma mémoire, que j’ai pourtant souvent eu envie de revoir. Chose que je n’avais pas faite depuis l’adolescence et avec le peu de souvenir que j’en gardais, il était grosso modo rangé dans le même sac que tous les autres polars avec Bebel. Certes il vampirise un peu le film – au même titre que les dialogues, toutefois excellents (mais un peu trop en décalage) signés Veber – en incarnant un personnage dont il est coutumier, mais la mise en scène de Verneuil est superbe et s’impose malgré tout. D’une part en filmant Paris en tant que personnage à part entière, d’autre part en accompagnant judicieusement le tout du somptueux score d’Ennio Morricone. Le film est une belle tentative de giallo saupoudré de chouettes courses poursuites. Certaines scènes, évidemment celle sur les toits suivies des combles de la Galerie Lafayette (au milieu des mannequins) puis plus tard celle du métro, sont impressionnantes. Et puis si Belmondo prend beaucoup (trop) de place, les seconds rôles ne sont pas en reste, le méchant notamment, Minos, est génial. Très content de l’avoir revu.

The thief – Russell Rouse – 1952

19. The thief - Russell Rouse - 1952Silence en musique.

   6.0   Film très inégal et assez peu passionnant pour ce qu’il est : Le film noir. Le truc c’est qu’il a une originalité de taille, il est muet, enfin sans paroles. Pas un mot pendant 1h30. C’est que de la filoche, des coups de fil dans le vide, de l’attente. Tout ce que j’aime à priori. Mais le contrat n’est pas vraiment respecté. On sent qu’il tient son idée comme un boulet, qu’il force en permanence pour que ça passe, que ça ne parle pas. Et surtout, gros problème, il y a de la musique trop souvent, un truc à la Hermann, bien lourd, angoissant ok. Mais moi je veux entendre la ville, le bruit autour de cet homme, je ne peux pas me satisfaire d’une sonnerie de téléphone récurrente ou d’une musique angoissante. Bref, c’est à voir quand même, mais bon, ça aurait pu être tellement mieux… surtout que l’image est fabuleuse, il y a des plans à tomber.

Comment je suis devenu super-héros – Douglas Attal – 2021

14. Comment je suis devenu super-héros - Douglas Attal - 2021Le grand vain.

   2.0   Ah c’est bien beau d’imiter Marvel et consorts, de se la jouer à l’américaine, mais c’est peut-être autant une question de moyens que de talent, finalement. Pourquoi copier ? Pourquoi ne pas créer une ambition parallèle ? Il me semble que des films comme Incassable ou Vincent n’a pas d’écailles – pour ne prendre que ces deux-là – tentent autre chose. Ça rappelle que c’est possible. Qu’on peut proposer autre chose. Je l’ai regardé pour ça à vrai dire. J’ai vite déchanté tant c’est écrit n’importe comment, réalisé avec la bite et visuellement ça arrache les yeux. C’est Le grand bain dans Iron Man 3. Le budget est dans le casting. Super casting. Super daube.

Black Widow – Cate Shortland – 2021

24. Black Widow - Cate Shortland - 2021Into the past.

   3.5   Vingt-quatrième opus Marvel, celui-ci a aussi la particularité d’ouvrir la phase IV – Quoique pas vraiment, puisque techniquement celle-ci a déjà démarré avec les séries Wandavision, The Falcon & The Winter Soldier puis Loki ; But who cares ? – mais il l’ouvre comme Spiderman : Far From Home fermait la phase III : Il ne sert pas à grand-chose. Encore que ce dernier avait pour lui la promesse d’un multivers.

     Black Widow est un épisode en retard, presque oublié dans un tiroir et s’il sort maintenant c’est uniquement parce que la Veuve noire n’avait pas encore eu son propre film. L’action se déroule juste après les évènements de Civil War. C’est à peu près tout ce qu’il faut savoir. Deux trucs intéressants quand même : J’aime bien l’idée de faire un film sur un personnage qu’on a vu mourir, c’est à la fois une belle manière de le raviver mais aussi de lui dire adieu. Ceci étant, le film en profite pour lui trouver une remplaçante, sa propre sœur. Si on ne reverra probablement plus Scarlett Johansson, il est fort probable que Florence Pugh (Midsommar) devienne un personnage récurrent. Et elle est très bien.

     L’autre truc qui m’a plutôt séduit ce sont les trente première minutes du film. La séquence en enfance, qui m’a un peu rappelé ce chef d’œuvre de Lumet qu’est A bout de course. Puis les deux scènes situés dix-huit plus tard, présentant Natacha puis Yelena avant que leur chemin se croise. C’est tout. C’est d’ailleurs à partir du moment où elles se retrouvent que ça devient nul. Cette scène c’est du ni fait ni à faire.

     La suite est une enfilade de scènes d’action horribles, séquences émotion gênantes et humour beauf. En tant que film d’espionnage le film vise l’efficacité d’un James Bond plutôt que la complexité d’un Mission impossible. Les scènes de bastons sont sur-découpées donc illisibles et totalement copiées collées sur celles des épisodes précédents. Et puis ce qu’il dit de la famille est nulle… ça démarre comme À bout de course et ça ressemble vite à Fast and Furious. Super…

Titane – Julia Ducournau – 2021

23. Titane - Julia Ducournau - 2021The messy demon.

   5.5   Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense et insolent, qui plus est dans le cinéma de genre en France. Une petite onde de choc. J’attendais impatiemment la sortie d’un nouveau film de Julia Ducournau. C’est Titane et c’est en salle depuis le 14 juillet. J’avais prévu d’y aller rapidement.

     Or ce dimanche,  j’apprends que le film était en compétition à Cannes. Et à l’instant où je me pose devant la fin de la cérémonie, je tombe sur Sharon Stone & Spike Lee remettant la palme d’Or à… Titane. L’hallu. Julia Ducournau, 37 ans, deuxième film, palme d’or. Incroyable. Première impression : Je suis déçu pour Leos (Annette) et Apichatpong (Memoria) qui repartent néanmoins avec un prix. Certes. Mais très vite j’étais surtout ravi pour Julia Ducournau.

     J’ai couru voir Titane le surlendemain. Au vu des images de la bande annonce, des dires des uns et des autres et de la belle promesse que constituait Grave, j’imaginais bien Julia Ducournau offrir un savoureux mélange de Crash & The Neon Demon. Si les références sont bien présentes – et on peut en ajouter d’autres – difficile d’y trouver l’ambiance, le plaisir et la beauté formelle qui irriguent ces deux merveilles. Pire, je n’ai pas retrouvé une once du petit choc qu’était Grave, qui reste à mes yeux un superbe premier film, plein de défauts, mais doté de fulgurances folles.

     Au mieux, on peut y voir une continuité dans le body horror et le portrait d’un monstre. De monstres. De la famille monstrueuse. Mais j’ai le sentiment que ça fonctionnait bien mieux dans Grave, qui trouvait une cohésion dramaturgique, accentué d’un crescendo organique palpable. On y retrouve le goût pour les plaies, les démangeaisons, les vomissements, les liquides noirâtres, mais je sens moins la chair et la matière ici. Je ne vois que le programme. Et des enchaînements brutaux moins insolents que globalement ratés.

     Titane est plus foutraque, plus complaisant aussi dans son obsession pour la vignette violente et glauque. Il n’y a pas d’espace là-dedans, pas de lieux. Les blocs ne se relient pas entre eux. La bascule au tiers est un pacte qu’on n’accepte qu’à moitié. C’est une astuce scénaristique pour effectuer un virage à 180°. Certes il est préparé – les annonces du journal télévisé qui se chevauchent déjà – mais son exécution est assez laborieuse. C’est à l’image du reste : Le film se veut multiforme mais il n’abrite que des filtres.

     Et puis ça manque de contrepoint avec des personnages secondaires forts en face. Le père et la mère n’existent pas. Les gars de la caserne sont interchangeables. Le film aurait pu gagner sur le terrain de l’humour à la Tarantino, peut-être, mais hormis la scène du massacre dans la maison et celle du massage cardiaque au rythme de la macarena, il est peu inspiré. Ou gagner sur son atmosphère levitante mais n’est pas Claire Denis qui veut : Ah cette attendue danse nocturne ou ce pogo de pompiers. On est loin des légionnaires de Beau travail.

     Alors oui, je me réjouis qu’un film comme celui-ci puisse recevoir une si haute distinction. On est loin du consensus mou. Car c’est un film de genre, réalisé par une jeune réalisatrice. Mais j’ai l’impression qu’on récompense la tentative au détriment du talent, la provocation contre l’émotion. Car finalement je trouve ce film pas si éloigné des essais inégaux de Bustillo & Maury (A l’intérieur, 2005) ou de Yann Gonzalez (Un couteau dans le cœur, 2018) : Du cinéma plein de volonté, fétichiste et punk, mais très vain aussi.

Mandibules – Quentin Dupieux – 2021

13. Mandibules - Quentin Dupieux - 2021L’idiot fait mouche.

   7.0   Soit le film par lequel je suis retourné au cinéma, lors des réouvertures. Il a certainement bénéficié de cet état d’esprit festif. Et il m’a offert ce dont j’avais besoin : Une récréation hors du temps. Mandibules semble en effet affranchi des affres de notre époque qui transpirent dans la plupart des films qui sortent ces temps-ci, évidemment. Ne serait-ce que par sa lumière, le film dénote. C’est une lumière à la Dupieux, très solaire, entre la Californie et le Var. Elle est presque américaine – Proche de Réalité (2015), en un sens : éclatante mais vaporeuse, un peu comme elle était grise et douce dans Le daim, son précédent film. Aussi par son ambiance, les objets, les vêtements, les styles, Dupieux prend plaisir à réactiver les années 70 sans être dans le fétichisme pur.

     Par ailleurs, c’est un film un peu paresseux, comme souvent chez Dupieux. C’en est presque sa marque de fabrique. Ici, il s’arrête même quand il pourrait démarrer. Au départ ça pourrait être un pitch de film noir mais très vite l’absurde revient : Une histoire de mallette mystérieuse à livrer, qu’il faut cacher dans le coffre d’une voiture. Affaire confiée à un pauvre type, Manu, qui convie son pote Jean-Gab, en l’échange de cinq cent balles. Mais ils vont bientôt découvrir que le coffre renferme aussi une mouche géante. Oubliée, la mallette et ce qu’elle peut faire gagner : Et si domestiquer une mouche n’était pas plus efficace en terme de rentabilité ?

     L’idiot permet tout. De Dostoïevski à Dumb & Dumber, en passant par Les Idiots de Lars Von Trier. Par ailleurs le duo d’idiots ne déteint pas sur le reste du casting contrairement à ce qu’on en fait généralement dans les films, notamment dans les buddy-movie, où si les personnages principaux sont cons il faut que les personnages secondaires le soient aussi. Ici ce n’est jamais le cas. Ils sont bizarres (l’entremetteur au début, le riche et son dentier en argent, Michel Michel, le frère ou les flics) mais jamais cons. Dupieux ne se moque jamais des autres personnages, ne les humilie pas. Mieux ils sont parfois plus beaux, émergent de nulle part : Adèle Exarchopoulos ici « J’AI FAIT DES PAUPIETTES DE DINDE » ou Adèle Haenel dans Le daim.

     Là c’est le versant naïf de l’idiotie. L’enfance. Taureau ! Le film est d’ailleurs totalement désexualisé. Un peu à l’image d’Adèle justement, dont il renverse le pouvoir érotique qui l’a fait naître chez Kechiche. C’est l’objet qui devient érotique chez Dupieux. Un pneu, une veste en daim. Ici peu de matière érotique, il y a même un gag avec un vélo à tête de licorne. Peu d’érotisme, mais une approche frontale de l’insecte. Par ailleurs, la mouche s’appelle Dominique. Qui est un prénom mixte, et même un prénom épicène, puisqu’il est homographique.

     On peut aussi se poser la question si le film est pour eux ? Pour les gars du Palmashow ? Pas vraiment non plus, tant ils n’incarnent pas le prolongement de ce qu’ils font habituellement. Dupieux préserve la sève de ses stars de l’humour, pour les contourner, les malaxer et en tirer une version de lui-même : Ludig & Marsais par le prisme Dupieux, comme ce qu’il avait tiré d’Eric & Ramzy il y a quinze ans. On les retrouve sur un plan, iconique, le tout dernier, lorsque David Marsais regarde la caméra. Soudainement ça évoque « Les petites victoires » on y entendrait presque la petite musique habituelle.

     Le film avance assez peu finalement. Il n’y a pas d’enjeu. « Retour à la case départ » dit Manu (à moins que ce soit Jean-Gab) à la fin. Le discours final méta car il y a toujours du méta dans les fins de film de Dupieux, est peut-être son plus réussi tant il rappelle que l’intérêt c’est le voyage, c’est l’amitié, c’est le film et non sa résultante. C’est la mouche et non ce qu’elle devient. C’est le plaisir de tourner et de sortir un film sans pour autant raconter quelque chose de notre monde. Car là où beaucoup vont s’empresser de raconter notre monde, actuel, de s’en plaindre et de s’y complaire, Dupieux propose une vision alternative. Et ce n’est pas grave si la mouche ne ramène pas les bananes, entendre ce n’est pas grave si le film ne marche pas. Elle est là, il est là. Ça existe. Le film a ceci d’actuel qu’il nous permet de nous rappeler qu’on existe.

Pour aller plus loin, voici notre petite vidéo d’analyse, écrite à quatre mains, sur notre chaine Lanternes & Cervoises :

https://www.youtube.com/watch?v=8g2HhfNALd4

Oxygène – Alexandre Aja – 2021

16. Oxygène - Alexandre Aja - 2021Expiré avant l’heure.

   3.0   Il y aura toujours quelque chose entre Alexandre Aja et moi, quelque chose né de Haute tension puis surtout de son remake de La colline a des yeux, de Wes Craven. Beaucoup de déception depuis, malgré tout mon intérêt est resté intact. Sans doute rêve-je toujours de revoir Aja à son meilleur.

     Alors autant Crawl m’attirait beaucoup pour sa promesse de survival / film de crocodile, autant Oxygène je le regardais le couteau entre les dents, aussi bien pour la présence de Mélanie Laurent que pour mes souvenirs d’ennui face à Buried, qui jouait lui aussi déjà sur un cadre similaire de film claustrophobe se déroulant dans une boite.

     C’était un cercueil, dans le film de Rodrigo Cortes. Ce sera ici un caisson cryogénique, mais l’idée reste la même. Le huis clos ne fonctionne jamais. Car on n’est jamais vraiment dans ce caisson, on est dans des visions (très laides) et des pseudo souvenirs : Si la première partie de Haute-tension, à l’intérieur de la maison, fonctionnait si bien, c’était que le lieu était puissant.

     Tout m’a donc semblé empesé, le scénario, l’interprétation, la mise en scène, les rebondissements. Tout. Une promesse de sous-Buried qui ne décolle pas et accouche d’un sous-Moon complètement creux où l’on se dit qu’il a tout du « film confiné » beaucoup trop né du Covid, comme tant d’autres. Je ne m’attarde pas, ce fut un petit calvaire.

The deep house – Alexandre Bustillo & Julien Maury – 2021

17. The deep house - Alexandre Bustillo & Julien Maury - 2021Sous l’eau s’en vont les villages.

   5.0   Le concept de faire un film de maison hanté sous-marin est alléchant. Les trois quarts du film se déroulent par ailleurs sous l’eau. Sans aucun flashback ni montage parallèle. On n’en sort jamais. Ce qui s’avère vite assez décevant c’est que c’est un film de maison hanté très classique. Le seul élément nouveau c’est l’eau.

     La semi-déception (car je n’attends pas non plus beaucoup de ce duo de cinéastes) est pourtant à la hauteur de la promesse : Il est rare, aujourd’hui, qui plus est dans le cinéma de genre français, de voir un projet original, aussi bien sur le papier que dans sa fabrication, un projet qui ne soit pas un remake, prequel ou autre dérivé. Bustillo & Maury avait par ailleurs repris à leur sauce le mythe du personnage de Massacre à la tronçonneuse. The deep house ne devait rien à personne sinon eux. Mais au final, on a trop l’impression d’avoir déjà vu ce film au sec, ailleurs.

     Il y a beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas. Les deux personnages sont des archétypes : Le téméraire passionnée et la trouillarde amoureuse. Il existe seulement pour sa chaine Youtube, elle existe seulement parce qu’elle est folle amoureuse de lui. C’est tout. Ensuite d’un point de vue topographique, le film est assez raté. On aimerait davantage sentir l’architecture de la maison. Il y a pourtant une attention aux décors, le salon avec ces chaises, ces chandeliers, la chambre avec ces poupées, ce Christ dans la cuisine, mais ces décors sont très peu mis en valeur par le plan, le montage, la durée. Et c’est clairement un film de montage. Et le monteur, Baxter – celui d’Aja – a du s’arracher les cheveux, tant on imagine le nombre d’heures de rushs non exploitables sous l’eau. Et plus simplement, il manque le bruit de l’eau. Le bruit sous l’eau. Le film est trop bavard, un peu envahi par sa musique et oublie que l’univers sous-marin fait un parfait sound-design.

     Dès le début, le film joue sur la multiplication des points de vue : Il est d’abord un found footage à deux caméras, héritage clairement réclamé de Projet Blair Witch. Il y a aussi les plans offerts par le drone, qui suit les personnages. Ainsi que des plans omniscients, permettant une capture d’ensemble. Le problème c’est que toutes les caméras sont un peu trop omniscientes : Elles filment un peu trop bien ce que le scénario choisit, contrairement au film suscité – Mais Cloverfield réussissait cela aussi, sur la corde – qui utilise le procédé de façon plus réaliste. The deep house tente un pas de côté un moment, un seul, lors de l’attaque sous le puits : amas de rouge, de bulles et de chaines. Dommage que ça n’arrive que là, lors du premier vrai climax puisqu’on ne voit rien, on ne comprend rien et on se dit que son utilisation est probablement à visée économique.

     Aussi, difficile d’en vouloir aux créateurs – puisqu’ils souhaitaient au préalable un film plus radical, entièrement sous l’eau, sans dialogues – mais The deep house aurait mérité d’être amputé de sa triple installation. Aussi bien son intro – imposée par les producteurs – qui présente le couple spécialiste d’exploration urbaine (dans des lieux évidemment abandonnés) que la séquence suivante de la baignoire (qui ouvre une pseudo psychologie pas très intéressante en forme de miroir avec le final) que toute la partie voyage dans le petit village du sud-ouest de la France. Ou bien il aurait fallu les filmer, les montrer ces lieux. Finalement, un moyen métrage entièrement sous l’eau, sans installation, ça aurait pu être bien plus fort, il me semble.

     Malgré tout, le film tente des choses. Il fait peu peur, mais crée une angoisse latente. Le jump scare est là, par exemple, tardivement certes, mais là. Or, il ne s’agit plus de faire surgir un fantôme derrière une porte que de le voir flotter immobile dans le plan avant qu’il ne bouge / ouvre les yeux brutalement. Ces peurs-là ont toujours fonctionné : On se souvient de la séquence de plongée dans Jaws, quand Hooper découvre le corps du pêcheur.

     Il tente aussi de jouer sur le design de cette maison, cette grille à l’entrée notamment, cette fenêtre murée, la verticalité de la cheminée. Mais l’aspect graphique est très limité aussi. Il y a peu de jeu sur les couleurs. Dans ce genre, il me semble qu’un 47 meters down (sous l’eau) ou The descent (sous terre) avaient de vrais attributs visuels, en plus d’allonger certaines scènes – comme celle, fabuleuse, de la fosse dans le premier cité – jusqu’au malaise.

     Le dernier point qui permet de relativiser la déception serait d’évoquer une dimension méta visant à donner un semblant d’explication : Le personnage masculin rêve de faire des vues, du like et s’il adore explorer des ruines il rêve surtout d’en vivre. C’est comme si les Bustillo & Maury projetaient en lui leurs fantasmes de réussite. Rien d’étonnant à ce que le film soit si classique en partant d’un pitch aussi prometteur, en somme.

Nobody – Ilya Naishuller – 2021

08. Nobody - Ilya Naishuller - 2021Never disturb Hutch.

   5.0   Un (sous)produit à la fois très rétro et parfaitement dans l’air du temps. On pense à True Lies ou A history of violence, dans le fond : le traditionnel sommeil du lion reconverti en agneau, ici un père de famille, terne et répétitif (la mise en scène d’une lourdeur terrible pour nous faire comprendre la morosité de son quotidien) cache une double vie passée de tueur à gages sans âme.

     L’histoire est archi cousue : Celle d’un type apparemment lambda, qui vit sa petite vie monotone de père de famille dans un quartier pavillonnaire, et qui le soir d’un cambriolage chez lui, ne fera rien… Jusqu’à ce que ça le ronge et qu’on comprenne qu’il était loin d’être un type lambda dans une vie antérieure.

     Ilya Nailshuller – dont c’est le deuxième long métrage en tant que réalisateur (après Hardcore Henry, que je n’ai pas vu) – n’a évidemment ni la carrure de Cronenberg ni celle de Cameron mais il leur emprunte beaucoup, aussi bien la crudité et la sécheresse de l’un que l’humour et le rythme de l’autre.

     Pourtant, Nobody semble davantage opérer dans la lignée de John Wick et Breaking bad. Même scénariste que la franchise : Derek Kolstad. Même acteur que dans la série : Bob Odenkirk n’est pas choisi au hasard et l’on se dit que ce rôle (qui sied sans doute mieux à Keanu Reeves, plus monolithique) va comme un gant à celui qu’on associera toujours à celui de l’avocat véreux Jimmy McGill / Saul Goodman.

     Si elles sont nettement moins flamboyantes visuellement que dans John Wick, les scènes d’action sont plutôt réussies, efficaces,  superbement chorégraphiées, notamment lors de la séquence du bus : On y sent bien chaque coup, chaque plaie, de chaque côté. Car c’est aussi ça qui importe : Le personnage en prend plein la gueule aussi. Et surtout le film n’en fait pas un héros, loin de là. Plutôt un cinglé qui laisse échapper tout ce qu’il refoulait.

     C’est un peu tout l’inverse d’un Taken dans la motivation, c’est sans doute ce qui me plait. Que le film ne tente pas d’interroger voire de convaincre son spectateur qu’il ferait pareil si on violait / tuait un de ses proches, mais au contraire il fait du personnage un anti-héros, badass masqué, complètement dingue. Et il le fait jusqu’au choix scénaristique : Odenkirk redevient clairement le loup quand il comprend que ses agresseurs ont pris le collier de sa fille en embarquant sa pile d’espèces disposées dans une coupelle. C’est un collier qui le fait vriller. Il me semble qu’on ne peut pas faire plus honnête pour dire qu’on va juste partir dans le cocktail de bourrinade plutôt que de nous raconter quoi que ce soit de cohérent. Et ça le film le tient plutôt bien puisqu’il se termine en apothéose dans un entrepôt piégé (façon Home Alone trash) où les personnages défoncent du russe à la pelle, enfin plutôt à la mitrailleuse, bombe tout ce que tu veux.

     En résulte un Actioner correct. Un bis très chouette. Oubliable dès que le film est terminé, tant il ne recèle d’aucune inventivité, tant le scénario est prétexte, mais le plaisir instantané est là. Et Odenkirk est top.

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