Sous l’eau s’en vont les villages.
5.0 Le concept de faire un film de maison hanté sous-marin est alléchant. Les trois quarts du film se déroulent par ailleurs sous l’eau. Sans aucun flashback ni montage parallèle. On n’en sort jamais. Ce qui s’avère vite assez décevant c’est que c’est un film de maison hanté très classique. Le seul élément nouveau c’est l’eau.
La semi-déception (car je n’attends pas non plus beaucoup de ce duo de cinéastes) est pourtant à la hauteur de la promesse : Il est rare, aujourd’hui, qui plus est dans le cinéma de genre français, de voir un projet original, aussi bien sur le papier que dans sa fabrication, un projet qui ne soit pas un remake, prequel ou autre dérivé. Bustillo & Maury avait par ailleurs repris à leur sauce le mythe du personnage de Massacre à la tronçonneuse. The deep house ne devait rien à personne sinon eux. Mais au final, on a trop l’impression d’avoir déjà vu ce film au sec, ailleurs.
Il y a beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas. Les deux personnages sont des archétypes : Le téméraire passionnée et la trouillarde amoureuse. Il existe seulement pour sa chaine Youtube, elle existe seulement parce qu’elle est folle amoureuse de lui. C’est tout. Ensuite d’un point de vue topographique, le film est assez raté. On aimerait davantage sentir l’architecture de la maison. Il y a pourtant une attention aux décors, le salon avec ces chaises, ces chandeliers, la chambre avec ces poupées, ce Christ dans la cuisine, mais ces décors sont très peu mis en valeur par le plan, le montage, la durée. Et c’est clairement un film de montage. Et le monteur, Baxter – celui d’Aja – a du s’arracher les cheveux, tant on imagine le nombre d’heures de rushs non exploitables sous l’eau. Et plus simplement, il manque le bruit de l’eau. Le bruit sous l’eau. Le film est trop bavard, un peu envahi par sa musique et oublie que l’univers sous-marin fait un parfait sound-design.
Dès le début, le film joue sur la multiplication des points de vue : Il est d’abord un found footage à deux caméras, héritage clairement réclamé de Projet Blair Witch. Il y a aussi les plans offerts par le drone, qui suit les personnages. Ainsi que des plans omniscients, permettant une capture d’ensemble. Le problème c’est que toutes les caméras sont un peu trop omniscientes : Elles filment un peu trop bien ce que le scénario choisit, contrairement au film suscité – Mais Cloverfield réussissait cela aussi, sur la corde – qui utilise le procédé de façon plus réaliste. The deep house tente un pas de côté un moment, un seul, lors de l’attaque sous le puits : amas de rouge, de bulles et de chaines. Dommage que ça n’arrive que là, lors du premier vrai climax puisqu’on ne voit rien, on ne comprend rien et on se dit que son utilisation est probablement à visée économique.
Aussi, difficile d’en vouloir aux créateurs – puisqu’ils souhaitaient au préalable un film plus radical, entièrement sous l’eau, sans dialogues – mais The deep house aurait mérité d’être amputé de sa triple installation. Aussi bien son intro – imposée par les producteurs – qui présente le couple spécialiste d’exploration urbaine (dans des lieux évidemment abandonnés) que la séquence suivante de la baignoire (qui ouvre une pseudo psychologie pas très intéressante en forme de miroir avec le final) que toute la partie voyage dans le petit village du sud-ouest de la France. Ou bien il aurait fallu les filmer, les montrer ces lieux. Finalement, un moyen métrage entièrement sous l’eau, sans installation, ça aurait pu être bien plus fort, il me semble.
Malgré tout, le film tente des choses. Il fait peu peur, mais crée une angoisse latente. Le jump scare est là, par exemple, tardivement certes, mais là. Or, il ne s’agit plus de faire surgir un fantôme derrière une porte que de le voir flotter immobile dans le plan avant qu’il ne bouge / ouvre les yeux brutalement. Ces peurs-là ont toujours fonctionné : On se souvient de la séquence de plongée dans Jaws, quand Hooper découvre le corps du pêcheur.
Il tente aussi de jouer sur le design de cette maison, cette grille à l’entrée notamment, cette fenêtre murée, la verticalité de la cheminée. Mais l’aspect graphique est très limité aussi. Il y a peu de jeu sur les couleurs. Dans ce genre, il me semble qu’un 47 meters down (sous l’eau) ou The descent (sous terre) avaient de vrais attributs visuels, en plus d’allonger certaines scènes – comme celle, fabuleuse, de la fosse dans le premier cité – jusqu’au malaise.
Le dernier point qui permet de relativiser la déception serait d’évoquer une dimension méta visant à donner un semblant d’explication : Le personnage masculin rêve de faire des vues, du like et s’il adore explorer des ruines il rêve surtout d’en vivre. C’est comme si les Bustillo & Maury projetaient en lui leurs fantasmes de réussite. Rien d’étonnant à ce que le film soit si classique en partant d’un pitch aussi prometteur, en somme.