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Archives pour septembre 2021

Near dark – Kathryn Bigelow – 1988

10. Near dark - Kathryn Bigelow - 1988Les damnés de la nuit.

   8.0   Pour son deuxième film – mais le tout premier qu’elle réalise toute seule – Kathryn Bigelow souhaite faire un western. Le studio refuse. Elle trouvera un autre moyen d’imposer ses partis-pris. En effet, Near dark sera un film à la croisée de deux genres : Le western et le film de vampires. A l’époque, le premier est en berne (il faudra attendre le retour d’Eastwood quelques années plus tard, avec Impitoyable) quand le second est en vogue : La même année sort Génération perdue (The lost boys) de Joel Schumacher, responsable probable du bide en salle de Near dark. En effet, le film ne marche pas du tout. Il disparait, avant de refaire peau neuve dans son exploitation vidéo, où il gagnera rapidement un statut de film culte.

     En résulte un film aussi inégal que fascinant, une sorte de croisement nocturne entre La horde sauvage (qui est crânement cité le temps d’une scène dans un motel assiégé), Bonnie & Clyde et Mad Max. C’est un film de vampire débarrassé de ses attributs gothiques, plus à l’os, le nez dans la poussière plutôt que dans la mythologie : Pas de canines apparentes ni d’ail, le mot vampire n’est même jamais prononcé. On sait juste qu’ils sont allergiques aux rayons du soleil. On y trouve néanmoins tout l’aspect sensuel, glauque, violent et romantique cher au cinéma – en gestation – de Bigelow. Un peu comme le premier Terminator (toute proportion gardée) auquel on pense énormément, notamment durant la scène du camion. Rien d’étonnant en soit, puisque les deux films partagent le même chef opérateur : Adam Greenberg.

     Arizona. Une nuit, Caleb rencontre Mae. Il la séduit, l’embrasse tandis qu’elle le mord, avant de disparaître. Le premier tiers du film est magnifique, complètement engourdi et fait d’une part le récit de cette rencontre puis celui d’une transformation. Puis le film bifurque. Nous fait entrer dans le quotidien de cette famille (Jesse, Severen, Diamondback, Mae, Homer) marginaux cyniques et tragiques condamnés à errer la nuit, hors du temps et à tuer pour survivre. Plus tard il y a deux grandes scènes fulgurantes. Un massacre dans un bar d’abord, pur moment de violence glauque et jubilatoire – dont on dit qu’elle aurait inspiré Oliver Stone, pour Tueurs nés. Quant à celle qui suit, au motel, elle réactive ouvertement La horde sauvage, de Peckinpah, auquel on pense dès le premier plan du film avec le moustique.

     Near dark est un film très vaporeux, qui préserve de grandes zones de mystères, à l’image de l’origine des vampires. Tout juste saura-t-on que Jesse était jadis un sudiste, qu’il a rencontré Diamondback sur le bord de la route et qu’ils sont tous deux responsables de l’incendie de Chicago. On apprend aussi que Mae est devenue ce qu’elle est en donnant des cours de maths à Homer qui en est tombé amoureux. Le cœur du film c’est la famille, celle qu’ils se sont créés. Celle dont on peut faire partie si on accepte ses codes, ce qui s’avère plus difficile pour Caleb qui ne parvient pas à tuer. La famille donc, mais aussi l’omniprésence de la nuit, qui évoquent assez nettement, dans un autre registre horrifique, La colline a des yeux, de Wes Craven.

     Par ailleurs, Near dark est aussi un film bien ancré dans son époque, dans ses couleurs, ses filtres, son ambiance, qui plus est marquée par la musique de Tangerine dream. De loin on pense évidemment à Police fédérale Los Angeles, qui le précède (Il faut rappeler que Bigelow avait fait jouer Willem Dafoe dans The loveless) ou Miracle mile, qui le suit. On peut aussi y voir une matrice du Vampires, de Carpenter. Par ailleurs on y retrouve trois acteurs d’Aliens : Bill Paxton (complètement fou), Jenette Goldstein (carrément flippante) et le génial Lance Henriksen qui ressemble par instants, dans ses postures, à Nosferatu.

     Découvrir Near dark si tardivement c’est assister au chainon manquant permettant de comprendre toute l’œuvre de Kathryn Bigelow, centrée sur la violence et l’addiction. Quoi de plus forte dépendance que celle du sang pour le vampire ? Quoi de plus violent que leur réflexe de survie, qui consiste à tuer son prochain en s’abreuvant de son sang ? Bigelow tente de filmer le jour, l’astre, les grands espaces – elle se rattrapera avec Point break – mais ici, elle est condamnée à filmer la nuit, autant que ses personnages sont condamnés à vivre la nuit et à se souvenir du jour. Near dark est un film très sale, mais graphiquement, le film est somptueux, la lumière démente : Notamment lors de la très belle rencontre nocturne, ces silhouettes aux clair de lune sur la dune ou ces corps qui flambent à la fin.

Pluie noire (Kuroi ame) – Shōhei Imamura – 1989

04. Pluie noire - Kuroi ame - Shōhei Imamura - 1989Hiroshima, année zéro.

   8.5   6 août 1945. Japon. Tandis que la canicule s’abat sur la ville d’Hiroshima, ses habitants vaquent à leurs occupations. En l’espace de deux images terribles (Un objet parachuté dans le ciel, une lumière blanche fulgurante) le monde bascule dans l’horreur.

     Il y a ceux qui sont suffisamment loin pour n’apercevoir qu’un immense nuage s’élevant vers le ciel. Il y a ceux, trop proches, qui prennent de plein fouet le souffle de l’explosion. Et il y en a d’autres qui ne recevront qu’une pluie noire. Le masque de l’agonie lente.

     L’horreur, Shohei Imamura n’hésite pourtant pas à l’arpenter dans le présent : Corps mutilés, figés et calcinés, chairs fondues, rivière jonchée de cadavres, survivants éphémères rampant dans les décombres. Rien ne nous est épargné, pas même le plan de cette femme agonisant avec un bébé brulé dans les bras. Jamais je n’oublierai ces images terrifiantes, de ruines et de flammes, que le réalisateur japonais glisse çà et là par discrets flashbacks.

     Rares sont les films qui auront si puissamment reproduit l’horreur atomique. Pourtant, si le film s’ouvre sur le jour J il surprend en effectuant vite un saut temporel et géographique. Ainsi le récit se situera essentiellement cinq années plus tard dans une campagne environnante. La catastrophe d’Hiroshima est encore sur toutes les lèvres autant qu’elle n’est plus qu’un lointain souvenir.

     Se concentrant sur les rescapés de « l’éclair-qui-tue » condamnés à une mort lente, Pluie noire est l’ultime gémissement des rejetés du Japon d’après-guerre, qui arborent peu à peu les stigmates psychologiques et symptômes physiques de la radiation, condamnés à mourir à petit feu. Grand film. Dur, indispensable.

Journal de tûoa (Diários de otsoga) – Miguel Gomes & Maureen Fazendeiro – 2021

16. Journal de tûoa - Diários de otsoga - Miguel Gomes & Maureen Fazendeiro - 2021L’Eden et avant.

   7.5   Un carton final nous annonce que « Journal de tûoa a été tourné sous régime de confinement, au Portugal, entre août et septembre 2020 ». Un film-concept qui serait le résultat capricieux de l’impossibilité à réaliser d’autres projets ? Probablement. Pourtant, on retrouve la patte Gomes là-dedans qui n’aura cessé d’expérimenter la matière, à travers des films très différents. On retrouve beaucoup de l’aspect luxuriant, très végétal, de son Tabou (2012). On retrouve surtout ce qui irriguait déjà Ce cher mis d’août (2008) à savoir le récit du tournage intégré au film. Ici, le film tout entier tient du récit de ce tournage voire de l’impossibilité de son tournage voire de la captation, en forme de journal, donc, d’une fiction nourrie par cette drôle d’expérience, réunissant, dans une propriété de Sintra, metteurs en scène, techniciens et acteurs. Le trouble nait d’une incertitude si ce que l’on voit résulte d’une interprétation, d’une répétition ou si les acteurs sont devenus les miroirs de leurs personnages, à l’infini. Cela se ressent beaucoup au début du film, essentiellement, quand on ne les voit que tous les trois, danser, jouer au billard ou construire une volière à papillons tout en répétant les mêmes mots ci et là. Car c’est l’autre grande particularité de Journal de tûoa qui comme son titre l’indique, fait le récit du mois d’août à l’envers – tûoa pour août / otsoga pour agosto – en partant du dernier jour de tournage pour terminer au tout premier. Autre idée conceptuelle ? Au contraire, il s’agit à la fois de rendre compte d’une altération temporelle provoquée par le temps du confinement autant qu’il s’agit de déconstruire toute forme de dramaturgie : Dans Journal de tûoa tout ce que l’on voit ne produit aucune conséquence, aucune fiction, mais de simples échos, à travers des visages, des objets, un coing en train de dépourir. Plus simplement la possibilité d’apprécier de voir voler un papillon avant de rencontrer sa chrysalide. Et le cœur du film est là : dans l’observation, la beauté des êtes, des choses, des éléments, des interactions et du vide. Comme si Le mépris, de Godard (que les récurrents filtres colorés accentuent comme s’ils rejouaient la fameuse scène de Bardot) rencontrait La collectionneuse, de Rohmer (Déjà convoqué par les cartons journaliers). Une sorte de quête d’Eden rembobinée. Une volonté de faire danser au premier jour comme au dernier. Autant je ne suis pas très curieux de voir comment la pandémie a investi les terres du cinéma, autant ce qu’en tirent Gomes & Fazendeiro, je trouve cela très beau et stimulant.

Beckett – Ferdinando Cito Filomarino – 2021

13. Beckett - Ferdinando Cito Filomarino - 2021La mort aux trousses.

   7.5   Film passionnant que se situe à la croisée du cinéma hitchcockien et de celui du cinéma politico-complotiste, dans la lignée de Marathon man, Les trois jours du Condor, Frantic ou Le Fugitif. Beckett – rien à voir avec Samuel, encore que – c’est John David Washington (aussi paumé que nous l’étions devant Tenet) qui fait une Roger Thornhill (La mort aux trousses), le deuil en plus, et se retrouve embarqué dans un engrenage terrible.

     Pourtant, le film commence en douceur. On y suit un couple en vacances en Grèce. Ils sont en visite, ils s’aiment d’amour, ils sont mignons comme tout, on s’endormirait presque. Et c’est d’ailleurs ce que va faire le personnage : S’endormir au volant. A peine s’est-il réveillé de son accident qu’on le pourchasse. Dès lors, le film sera une course effrénée, déjà pour ne pas mourir – des flics tentent de le tuer – puis pour comprendre les tenants et aboutissants de cette mascarade qui est loin d’en être une : Une sombre histoire de conspiration extrémiste à renfort de kidnapping se cache là-dessous et Beckett semble lui avoir été là au moment endroit, au mauvais moment.

     Le film réussit sur tous les points. D’une part tout se vit du point de vue du personnage : On n’en saura jamais plus que lui, il n’en saura pas davantage non plus, ce qui crée une épure dans le scénario et le pacte est installé d’entrée, on sait que le film ne nous la mettra pas à l’envers : Beckett c’est nous. D’autre part, tout se déroule en extérieur, sur le terrain, d’abord dans les montagnes puis dans un train puis dans la ville. Le film est très beau, très aéré alors qu’il a tout pour être écrasant – Un peu à la manière du premier Rambo (la scène du saut dans le pin s’y réfère assez directement) de Ted Kotcheff, qui réussissait cela à merveille aussi.

     La musique de Sakamoto est adéquate. L’interprétation est au top et quel plaisir de retrouver Vicky Krieps, dans un rôle encore nouveau pour elle : Quelle actrice formidable. On pourra toujours trouver que certaines scènes sont un poil exagérées, mais disons que ça fait partie intégrante du survival que de voir un type lambda se transformer en monstre de survie.

La loi de Téhéran (Metri shesh va nim) – Saeed Roustayi – 2021

08. La loi de Téhéran - Metri shesh va nim - Saeed Roustayi - 2021L’import de la drogue.

    6.0   Le polar est un genre parfois nerveux, aride, sale, poussiéreux mais rarement au niveau produit par La loi de Téhéran, qui nous permet de découvrir un pan de l’Iran, sous un autre jour que celui qu’on a l’habitude d’arpenter, chez Kiarostami ou Panahi, par exemple. La filiation c’est plutôt Friedkin – qui offre par ailleurs la phrase d’accroche sur l’affiche et dans la bande annonce :  » L’un des meilleurs thrillers jamais vus ». Si c’est Bill qui le dit !

     Le film s’ouvre sur une séquence d’intervention qui donne le ton : Les flics font une perquise, défoncent des portes. L’homme recherché était finalement sur le toit et s’enfuit, un policier le poursuit. Le dealer tente de se débarrasser d’une brique de crack puis tombe dans une fosse de chantier, qui sera illico recouverte de terre par une pelleteuse, ses cris masqués par le bruit de l’engin. C’est intense, glacial, sans appel.

     Et ce n’est que le début d’une traque labyrinthique, obsessionnelle, fiévreuse, dans une société Iranienne à la dérive, qui semble abandonnée des dieux. Véritable film coup de poing, qui ne lésine sur rien, La loi de Teheran – qui s’intitule en version originale 6,5 en référence au nombre de millions de drogués dans le pays – réussit essentiellement dans sa matière documentaire, fruit d’un méticuleux travail d’observation.

     Le récit s’arrime aux flics dans leur recherche d’un important narcotrafiquant. Avant d’adopter, sans qu’on l’ait senti venir, le point de vue du gros truand qui devient le porte-parole des miséreux, afin d’effectuer un miroir puissant entre le chasseur et sa proie,  de remettre en question la dignité des forces de l’ordre et la justice sévère d’un pays dévoré par la pauvreté.

     Saeed Roustayi n’hésite pas à filmer la misère et la foule, aussi bien dans cet amas de tuyaux de béton que dans cette salle carcérale poisseuse et exiguë. Il faut que le plan soit surchargé de corps, en permanence, quand elle n’est pas dans le bruit. En effet la bande son est quasi entièrement faite de dialogues, de cris, de pleurs.

     Et dans ce dédale aussi vertigineux que nauséeux, émergent de brèves saillies, aériennes (La démonstration de gymnastique d’un petit garçon) ou brutales (une exécution groupée nocturne). Bref ça calme un peu. Une sorte d’Anti BAC nord, en somme, tant ça ne valorise rien, n’embellit rien. C’est à peine si le film tente un pas de côté poétique. C’est âpre, dur, sans concession, à l’image de la société Iranienne in fine.

Goupi mains rouges – Jacques Becker – 1943

09. Goupi mains rouges - Jacques Becker - 1943Terre sans blé.

   7.0   Un très beau Becker qui réalise là une sorte de film noir en terre paysanne. Soit la peinture au vitriol d’un petit monde rurale dur et mesquin, arriviste et pingre, auquel malgré tout on s’attache, tant chaque personnage est magnifiquement écrit et ambivalent.

     Il s’agit d’une chronique familiale peinte dans un moment crucial, frisant le fantastique : La venue d’un fils de Paris dans le but de le marier à une cousine du pays ; une forte dette apportée par un commerçant du coin ; la naissance du veau dans l’étable ; la fausse mort brutale du patriarche ; la disparition mystérieuse de la gérante de la guinguette.

     Les frontières sont minces : Un petit magot en cache un gros, une fausse mort en masque une vraie, un amour en remplace un autre. Ce récit de polar en forme de vaudeville (qui s’avère être aussi un film à twist) est à l’image de ce drôle de titre en trompe l’œil, puisqu’il s’agit du nom d’un personnage apparemment moins essentiel.

     Goupi mains rouges a la particularité d’être tourné pendant l’Occupation, au moment où Pétain prône justement un retour à la terre. En somme, le film s’érige subtilement et à sa façon, contre le régime de Vichy.

Playlist – Nine Antico – 2021

12. Playlist - Nine Antico - 2021Les rendez-vous de Sophie.

   6.0   C’est un beau film sur les trentenaires d’aujourd’hui. Quelque part entre Les coquillettes, de Sophie Letourneur, Deux automnes trois hivers, de Sébastien Betbeder ou Frances Ha, de Noah Baumbach. Playlist évoque la « légère gravité » de ces trois films et tout comme eux, impose une forme, qui lui est propre. Le film est par ailleurs moins surprenant dans sa forme – qui manque un peu de densité à mon goût – que dans la spontanéité de son écriture, qui semble d’inspiration autobiographique mais se déploie avec un réel appétit de fiction.

     Nine Antico vient de la bande-dessinée et son premier long-métrage s’en ressent, dans sa construction par « cases » très cadrées, accompagnées par une voix off récurrente, signée Bertrand Belin – qui lorsqu’il ne chante pas, a presque un timbre de voix à la André Wilms – sans oublier une bande originale très classe, convoquant Yo La Tengo, Marine Girls, Dame Area ou encore Daniel Johnston dont le titre « True love will find you in the end » sert de joli morceau de bascule diégétique.

     A l’heure où il faut appuyer sur la touche féministe, où le cinéma surligne tout, fait clignoter les messages metoo et compagnie, Playlist est plus doux, plus sincère. Et en plus de très bien capter l’air du temps s’avère être un vrai film féministe, un vrai film féminin – avec Sara Forestier & Laetita Dosch, dans un jeu à la Greta Gerwig – où les hommes tiennent une place majeure malgré tout – superbes personnages campés par Grégoire Colin, Lescop, Pierre Loffin ou Jackie Beroyer – bref un film avec les hommes et non contre. On retiendra aussi la présence du très beau Andranic Manet – déjà magnifique dans Mes provinciales, de Jean-Paul Civeyrac.

Patrouille en mer (Submarine patrol) – John Ford – 1938

01. Patrouille en mer - Submarine patrol - John Ford - 1939Guerre et romance.

   6.0   De Ford, on évoque davantage l’année 1939 (La chevauchée fantastique / Vers sa destinée / Sur la piste des mohawks) que 1938. Pourtant, Patrouille en mer est une belle tentative de mélange de film de guerre et de comédie romantique.

     Pendant la première guerre mondiale, un jeune milliardaire s’engage dans la marine et officie en tant que chef mécanicien sur un chasseur de sous-marins. Très vite il tombe amoureux de la fille du commandant d’un cargo qui leur livre des munitions.

     Le ton y est très léger dès qu’il s’agit de brosser la partie romance, mais le film n’est plus le même dès qu’il s’aventure au sein du bateau, dans le quotidien des marins et au combat : Une scène de traversée nocturne dans les eaux piégées par des mines est particulièrement angoissante. Beau film.

Le silence de la mer – Jean-Pierre Melville – 1949

02. Le silence de la mer - Jean-Pierre Melville - 1949Monologue en uniforme.

   5.0   Sous l’occupation, un officier allemand loge chez un couple de français, dans une maison de campagne. Il parle, ils écoutent. Tandis qu’il raconte son dégoût de la guerre, son amour de la France, fantasme qu’après s’être combattu « le pays de la musique et celui de la littérature » se marieront, le couple ne répond que par un lourd silence, accompagné du tic-tac des horloges. Une voix-off vient émailler les pensées de l’hôte à la pipe quand les gestes de l’hôtesse à la pelote de laine trahissent son agacement profond. La texture est peut-être moins melvilienne que bresonnienne néanmoins le film m’a semblé forcé, cadenassé, trop écrit, sans doute par respect pour la nouvelle, de Vercors, qu’il adapte. Ennui poli.

BAC nord – Cédric Jimenez – 2021

03. BAC nord - Cédric Jimenez - 2021Marseille brûle-t-elle ?

   4.5   En plongeant dans les quartiers nord de Marseille, du point de vue de trois flics, mi fougueux mi désabusés, BAC nord renoue avec une forme de polar sous tension permanente, dans la veine du L627, de Tavernier. Là-dessus, le film est d’une efficacité redoutable et culmine à mi-chemin, lors d’une longue séquence d’intervention dans une cité, quasi insoutenable. Bref, en guise de film d’action, c’est assez fort et ce dès la séquence d’ouverture.

     Restons sur la forme, le problème de Jimenez c’est qu’il aime tellement Friedkin et Scorsese qu’il les copie à outrance : La sècheresse de French connection, le montage très musical façon Casino – Si le temps d’une scène, Adèle Exarchopoulos cite Les affranchis, ce n’est pas pour rien. Un peu comme il tentait de copier Heat, de Mann dans La French : Difficile de remplacer De Niro & Pacino par Dujardin & Lellouche, mais le film était pas si nul. Au petit jeu des comparaisons, ces deux films y perdent toutefois beaucoup. Mais c’est correct, bien fichu, captivant.

     Mais il y a le fond. On sait que le film s’est globalement fait lyncher par la presse de gauche. Qu’il a été taxé de propagande pro-flic et cerise sur le gâteau, promue par le rassemblement national. Je ne crois pas que Jimenez souhaite faire le jeu de MLP, mais ce serait porter des œillères que de ne pas voir que son film est très maladroit, c’est évident. Ne serait-ce qu’en érigeant ces trois flics ripoux en héros puis martyrs.

     Surtout il me semble que le film joue sur deux fronts. Il prévient d’entrée qu’il s’inspire de faits réels tout en prenant le parti de la fiction. Ok, il n’est pas le seul à faire ça. Mais dans ce cas, pourquoi nous dire in-extrémis ce que sont devenus les trois personnages, comme on le fait traditionnellement dans les biopics ? C’est d’autant plus embarrassant que dans les faits, le scandale de la BAC de Marseille ayant eu lieu en 2012, histoire dont le film s’inspire  – ouvertement puisqu’il ira jusqu’à intégrer une allocution réelle de Manuel Valls – il n’y avait pas trois flics déférés en correctionnel mais dix-huit.

     Par ailleurs, toute la dernière partie du film est absolument sans intérêt. Le film s’arrêtait quand la brigade faisait la fête après la réussite de leur intervention et c’était très bien. Très gênant, questionnant, très bien. Mais le film annonçait la couleur dès son introduction puisqu’il nous offrait l’arrestation de l’un des trois. Son vrai programme c’est donc moins l’action, la vie de ces flics et la violence de ces zones de non-droit, que le parcours christique de ses valeureux policiers, sympathiques et piégés.

     Autant Jimenez a un talent indéniable pour filmer l’action, le dehors, Marseille, les marchés, les toits ou les cours de cités, autant trois stars enfermées dans des cellules de prison c’est autre chose. Les stars parlons-en : Lellouche cabotine comme jamais, pas de surprise ; Civil est particulièrement nul, affublé qui plus est d’un accent qu’il arbore une fois sur deux ; seul Karim Leklou, plus en retenue, comme à son habitude, est plutôt bon. Enfin bref, dans un genre similaire, il me semble que Les Misérables, de Ladj Ly ouvrait mille fois plus de choses intéressantes, tout en partant sur une base réelle, là aussi.

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silencio


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