Bergman Island – Mia Hansen-Løve – 2021

Bergman IslandScènes de la fiction conjugale.

   7.0   Un couple de cinéastes débarque en résidence sur l’île suédoise de Fårö, à la fois parce qu’ils sont fans de Bergman, mais aussi parce qu’elle a besoin de retrouver l’inspiration tandis que lui donne des conférences. Elle, c’est Chris aka Vicky Krieps (Toujours magnifique, aussi bien dans Phantom Thread, de Paul Thomas Anderson que dans le récent Beckett), lui c’est Tony aka Tim Roth. Le film est aussi une visite des lieux : une île à la mémoire de son génie-réalisateur (qui y vécu et y tourna six de ses films) qu’on a transformé en circuit touristique, avec ses boutiques de souvenirs, ces cinémas qui diffusent des projections de ses films et même un Bergman Safari où l’on peut notamment voir le lieu où fut tourné A travers le miroir. Chris & Tony ont par ailleurs le privilège de dormir dans le lit de Scènes de la vie conjugale. Tout un programme.

     Le glissement est une donnée fondamentale du cinéma de Mia Hansen-Løve. Bergman Island n’y dérogera pas. Quand bien même on adore arpenter les lieux dans son cinéma (Souvenir ému de l’Inde, dans Maya), au moment où l’on craint de voir le film s’embourber ou se perdre, quelque chose bascule. Tout part d’une simple conversation. Tandis que Chris raconte les grandes lignes de son scénario à son mari, voici que l’image la suit. Nous sommes dans les mêmes lieux, toujours, mais nous plongeons dans les retrouvailles entre Amy (Mia Wasikowska) et Joseph (Anders Danielsen Lie), tous deux invités à un mariage. Amour de jeunesse au devenir impossible, qui rejaillit pour un instant éphémère. C’est très beau et c’est à double entrée, tant cette histoire devient projection des fantasmes de Chris au même titre que Fårö est probablement source de fantasmes pour Mia Hansen-Løve.

     Film dans le film, fiction influencée par la vie ou l’inverse, les deux histoires offertes ici sont aussi passionnantes (et mystérieuses) l’une que l’autre. On s’y abandonne pleinement. Je suis plus sceptique concernant la pirouette finale qui me rappelle surtout que j’aime la simplicité dans le cinéma de la réalisatrice, qui n’aura jamais fait plus simple, plus beau, plus émouvant que Tout est pardonné (2007) et Un amour de jeunesse (2011). C’est donc un petit Mia Hansen-Løve mais un très beau film malgré tout, qui cite à fond Bergman évidemment mais sans jamais qu’elle ne perde de son identité. C’est l’essentiel. L’une des rares cinéastes en activité dont je puisse dire que j’aime absolument chaque film.

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