La vie des intranquilles.
8.0 Ce fut mon tout premier Guédiguian, il y a fort longtemps. Ça ne m’avait pas grandement passionné.
Au même titre que ses autres films, je pense qu’il faut le revoir à l’aune de sa filmographie toute entière, le revoir quand on a vu ses premiers (Dernier été, Rouge midi, Ki Lo Sa…) voire ses derniers (Les neiges du Kilimandjaro, Gloria mundi, La Villa) tant le cinéma de Guédiguian s’impose par sa petite troupe, que l’on retrouve de films en films, avec parfois des ponts étonnants.
Et par sa petite musique, cette gravité masquée par la légèreté du soleil de l’Estaque. Cette naïveté transparaît d’autant plus dans Marius et Jeannette qu’elle prend les atours du conte. Une histoire d’amour et des potes de voisinage autour. Mais c’est bien plus compliqué que ça, ne serait-ce que d’un point de vue politique et social tant le portrait de chacun des personnages va de pair avec le contexte économique : on y évoque les problèmes d’argent, le chômage, les grèves, l’injustice sociale.
Et ce n’est pas qu’une toile de fond : Marius travaille comme vigile sur un chantier, boulot qu’il a dégoté en faisant semblant de boiter. Jeannette travaille en tant que caissière dans un supermarché et peine à arrondir ses fins de mois pour subvenir aux besoins de ses deux enfants. S’ils se rencontrent c’est parce qu’elle est venu voler des pots de peinture sur le chantier qu’il surveille.
Le conte chez Guédiguian est dépourvu de paillettes, c’est un conte de la précarité, situé entre bar, ruelle, cimenterie, fèves, aïoli et match de foot. Et c’est aussi un puissant mélodrame tant il fait le portrait de deux abîmés par la vie – la confession finale de Marius est l’un des trucs les plus tristes du monde.
Mais à l’image de cette mappemonde qui débarque dans le port de Marseille au tout début du film, c’est comme si cette histoire d’amour, ce conte, trouvait là toute sa dimension universelle. Un beau geste tragique et utopique à la fois. Je ne m’attendais pas à être aussi ému à la revoyure. C’est vraiment très beau.
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