La vie moderne.
8.0 En 1936, il y avait Les temps modernes. En 2021, il y a Les 2 Alfred. J’exagère à peine tant le film de Podalydes m’a semblé aussi beau, émouvant et percutant que le film de Chaplin. Allant jusqu’à lui faire un clin d’œil sublime dans son ultime scène. Mais on peut tout aussi bien penser au non moins somptueux Playtime, de Tati.
Les 2 Alfred c’est un grand film qui torpille le monde actuel, ces fléaux que constituent les start-up, les patrons faussement cools, les espaces de co-working, les anglicismes et autres acronymes insupportables, l’uberisation, l’hyperconnectivité, le travail multitâches et la flexibilité des horaires, les réunions en visioconférence etc.
Tandis qu’il est au chômage et provisoirement abandonné par sa compagne pour une mission sous-marine, Alexandre (Denis Podalydès) se doit de trouver du travail afin de subvenir aux besoins de ses deux enfants. Engagé dans une start-up aux missions aussi mystérieuses qu’incompréhensibles, qui demande à ses employés de ne pas avoir d’enfant afin d’être dispo H24, Alexandre se retrouve vite débordé mais peut compter sur Arcimboldo (Bruno Podalydès), étrange « entrepreneur de lui-même » qu’il croise et rencontre à la crèche avant de bientôt le loger.
Si le titre fait référence au doudou du fils d’Alexandre, formé de deux singes séparés mais inséparables, difficile de ne pas voir la symbolique de ces deux frères, Bruno & Denis, qui se suivent quasi partout dès l’instant que le premier se trouve derrière la caméra, mais qui n’auront jamais été aussi beaux, complémentaires et émouvants que dans ce film-là.
Le film est un festival de scènes-gags magnifiques, ici chez un banquier ou lors d’un entretien d’embauche, plus tard dans une voiture autonome récalcitrante. Sans parler du running-gag de cette pluie de drones en panne. Les 2 Alfred se révèle être une dystopie génialement lucide tant la réalité n’est pas si éloignée. Le plus beau film de(s) Poda depuis Liberté Oléron.