Valse triste.
3.5 Voir Guillermo del Toro investir le cadre d’une fête foraine était une belle promesse tant son cinéma très visuel repose en grande partie sur des gueules et un décor perverti. Première déception : passée la découverte du cirque et notamment une belle scène très noire dans les coulisses d’une maison hantée, il n’en fait pas grand-chose. Personnages et fête foraine n’existent pas suffisamment, d’autant que l’image est très sombre, très jaune et l’accumulation de scènes d’intérieur rend peu fécond ce cinéma du trop-plein carnavalesque retranché derrière un récit convenu (l’ascension d’un petit charlatan faussement télépathe) et un lourd passé qui n’éclot jamais.
Néanmoins, cette première partie est la plus intéressante, grâce aux différentes interactions avec des Willem Dafoe, Toni Collette, Ron Perlman en roues libres et un David Strathairn excellent. Car si Nightmare Alley cite d’abord Freaks, de Browning, il s’attaque ensuite à tout un pan du film noir et le fait avec la lourdeur (et la torpeur) déjà observé dans son précèdent film-hommage, La forme de l’eau. Dès que le film quitte donc l’univers forain pour la ville, il s’embourbe dans une ambiance de film noir compassé, sans vie, saupoudré d’un rise & fall d’un ennui abyssal où l’aspect art déco succède à la boue, la pluie.
J’adore Rooney Mara & Bradley Cooper mais jamais je ne crois en cette histoire d’amour. Jamais je ne crois en rien là-dedans, pas même en l’époque qu’il investit, grosso modo l’entre-deux-guerres. Néant émotionnel renforcé par cette mise en scène à mon avis peu inventive, où la caméra panote et glisse en permanence, dans des plans très courts, très communs où del Toro refuse l’immobilité. Et quand le film se resserre sur l’échec de l’avidité de son personnage – en faisant entrer une autre batterie d’imposants acteurs : Blanchett / Jenkins / McCallany – j’ai déjà décroché depuis longtemps. Ses petits pics de violence m’ont seulement semblé ostentatoires et racoleurs. Quant au final je l’ai vu venir depuis un quart d’heure. J’aurais presque pu miser sur ce rire, avec un cut au noir ou une fermeture à l’iris. Pénible. Très pénible.
Pour l’anecdote, j’y suis allé dans un état proche de l’asthénie. J’espérais peut-être un électrochoc. J’en demandais beaucoup probablement, mais j’adore les films qui touchent aux fêtes foraines, parcs d’attractions et autres cirques itinérants, citons pêle-mêle Adventureland (Greg Mottola), Le toboggan de la mort (James Goldstone) ou Les Ogres (Lea Fehner). Et puis la sieste au cinéma est un excellent indicateur pour moi. J’ai dormi (un peu) devant Hunger, (beaucoup) devant Night moves, mais j’y suis retourné très vite car dès mon réveil j’assistais à un mélange de déflagration et de frustration grisant. Aujourd’hui ce sont deux de mes films préférés. Je me suis assoupi brièvement à plusieurs reprises devant Nightmare Alley, mais à aucun moment le film ne m’a réveillé.