Trafic d’influences.
5.5 Exercice passionnant que de regarder Free solo juste après The alpinist. D’une part car il s’agit là aussi de faire le portrait d’un passionné d’escalade, là aussi de le filmer en action, gravissant les falaises à mains nues. D’autre part car c’est la « version hollywoodienne » dans tous les sens du terme. The alpinist c’est le négatif de Free solo : tout y est plus brut, plus sombre, inversé. The alpinist c’est l’histoire d’une impossibilité de filmer, c’est aussi l’histoire d’une mort à venir. Free solo c’est le récit d’un grand exploit, pour celui qui monte et ceux qui le filment. Si on voulait schématiser politiquement plus encore on pourrait dire qu’il y a un film de gauche et un film de droite. Un fou seul et un héros solitaire.
J’en attendais une montagne (Je cumule les jeux de mots, dis donc) car le film a fait un tabac lors de sa sortie, remportant de nombreux prix et notamment l’oscar du meilleur docu. Mais c’est une franche déception, à la hauteur de l’excellente surprise que constitua The alpinist. Une déception reliée en grande partie à ce personnage, Alex Honnold, branleur insupportable. Grand moment quand je découvre que le film tourne autour de ce type, que j’avais déjà trouvé relou dans The alpinist où il apparaissait dans une interview. Bon, dans la forme les deux films se ressemblent, c’est vrai : Trop bavards, trop classiques. C’est vraiment dans leur finalité qu’ils diffèrent : c’est drôle de savoir qu’on parle beaucoup de l’un et pas de l’autre, et ça vaut pour les films autant que pour leur personnage respectif : Il y a un grimpeur insaisissable et un grimpeur influenceur.
Free solo est néanmoins intéressant car il se penche surtout sur la préparation d’Honnold qui s’apprête à gravir l’une des ascensions les plus dangereuses au monde : les 975m d’El Capitan, paroi rocheuse située dans le parc de Yosemite aux États-Unis. Il la connait par cœur cette ascension, mais équipé. Et là il s’apprête à la réaliser en free solo. On le suit dans son quotidien (Pas hyper intéressant) mais aussi sans ses divers entraînements ailleurs (plus intéressant déjà). Le mec se blesse souvent et semble remettre ça sur le dos de sa petite amie, qui le déconcentre. Sympa. La petite amie est fonctionnelle ici. La petite amie était l’autre cœur de The alpinist : on la voyait retourner en Alaska et dire « Je suis tout près de toi, Marc André ». C’était puissant.
Mais revenons à Free solo. Il y a la dernière demi-heure du film, consacrée à l’ascension en question, en deux temps. Et là ça vaut tellement le détour qu’il faut voir le film ne serait-ce que pour ça. Car ça devient angoissant comme c’est pas permis (musique hollywoodienne, signée Marco Beltrami, à l’appui) notamment car y a des caméras partout donc c’est comme si l’on grimpait avec lui. Et même si l’on sait qu’il ne tombera pas (Car y aurait pas de film) c’est parfois difficilement regardable : comme lorsque Honnold doit passer « The boulder problem » une session (située à 600m du sol) du parcours où encordé il tombe, dit-il, une fois sur deux. Rarement eu autant le vertige que devant les dernières minutes de ce film.