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Archives pour février 2022



Allo maman, c’est noël (Look who’s talking now) – Tom Ropelewski – 1993

????????????????????Ça sent le sapin.

   3.5   Les deux films ont été de gros succès, les studios, avides d’un succès supplémentaire, prolongent le concept, récupèrent Alley & Travolta et font une version conte de noël. Les enfants sont grands, ils parlent. On a plus trop d’idées alors… si on faisait parler les chiens… Le chien c’est vraiment toujours la roue de secours dans ce type de film. Le chien héros, le chien qui se perd, le chien qui meurt… là c’est plutôt ambiance screwball comedy entre Rocky, un corniaud errant et Daphné, un caniche distingué. Amy Heckerling n’a pas sombré là-dedans – elle allait bientôt faire le superbe Clueless – c’est Tom Ropelewski (qui est-ce ?) qui s’y est collé et qui livre un ersatz de suite sans saveur, sans idée, sans rythme. Mais pour les gosses, noël, des chiens qui parlent et un duo de frère et sœur qui se chamaille, ça peut suffire.

Allo maman, c’est encore moi (Look who’s talking too) – Amy Heckerling – 1991

?????????????Deuxième voix.

   5.0   Où je me rends compte, à la revoyure, que je regardais essentiellement cet opus quand j’étais gamin. Sans doute parce qu’ils sont deux (gosses) à « parler » et que ça redynamise le concept, occasionnant un buddy movie entre bambins. Et Julie est génialement antipathique – Voix de Dominique Lavanant (en VF) aidant, bien sûr. Cette suite est clairement moins intéressante : elle existe uniquement pour faire entrer en scène la petite sœur. Le problème c’est que le film ne l’assume pas et s’embarrasse d’un personnage inutile (Le frère de Molly) qui est juste là pour perturber encore davantage le couple Alley / Travolta. Mais comme il s’agit d’Ellias Koteas (Un peu avant de le retrouver dans Crash, le chef d’œuvre de Cronenberg) ça passe. J’aime toujours autant la séquence accompagnée par Jealous Guy, où l’on voit Mickey souffrir d’être délaissé au profit de Julie : Ce moment me tirait les larmes quand j’étais petit. J’ai retrouvé cette sensation. Ça reste maigre. Un second volet en forme de copie du premier, la fraicheur en moins.

Allo maman, ici bébé (Look who’s talking) – Amy Heckerling – 1990

09. Allo maman, ici bébé - Look who's talking - Amy Heckerling - 1990American way of no life.

   6.5   Contre toute attente, ça fonctionne toujours très bien. Son rythme est endiablé, ses situations toutes plus cocasses les unes que les autres, le tout bien incarné par notre duo de choc Alley/Travolta qui produit screwball et romcom avec entrain, tout en allant un peu plus loin que son dispositif.

     C’est sans nul doute ce qui m’a le plus frappé, moi qui gardais le souvenir d’une petite comédie des familles, pour enfants (rappelons que l’idée première est de faire entendre les pensées du bambin) qui fonctionnait gag sur gag. Ce n’est pas un film très inspiré dans sa mise en scène mais suffisamment acéré en tant que chronique sociale, car son but, outre la comédie familiale, c’est de renverser le rêve américain, le décortiquer de façon à lui révéler son absurdité, de détruire les oripeaux du mode de vie embourgeoisé. Cette curieuse mixture crée son originalité. Ce n’est pas vraiment un film pour enfants, en somme.

     Le film commence par une fécondation, avec course de spermatozoïdes qui parlent, marquant d’emblée le film sous l’égide de deux genres, la comédie romantique et la comédie loufoque. Oui et non pourtant, car c’est rapidement la déprime qui gagne Molly, son personnage principal : Son couple est en crise puis bientôt elle est trompée – humiliation en plein magasin – avant de se faire bouler : le futur papa est tombé amoureux ailleurs. Sa grossesse devient un calvaire. Et son amour pour cet homme, qu’on déteste absolument – créant une douce absurdité entre elle et nous – est paradoxalement toujours vivace. Bref, pas le temps pour Molly d’atteindre les traditionnelles crises d’angoisses et baby blues post accouchement, sa déprime est intégrée bien avant dans son quotidien.

     Plus tard, tandis que Molly cherche l’homme qui offrirait une bonne situation à elle et son bébé, c’est de James, le chauffeur de taxi qui l’a emmené à l’hôpital le jour de son accouchement dont elle tombe amoureuse. Le film s’intéressera souvent à ses interrogations, d’abord son obsession pour la quête d’un idéal de vie aisé, symbolisé par l’imposante présence de ses parents, comptables comme elle, mais bien plus préoccupés par leurs chiffres et les impôts que par leur petit-fils, ensuite ses sentiments pour cet homme, qu’elle n’aurait sans doute jamais remarqué avant qu’elle ne perde les eaux sur sa banquette arrière. D’autant qu’en plus d’avoir été là le jour de son accouchement c’est aussi lui qui vient rendre visite à Mickey. C’est d’ailleurs bientôt lui qui le garde lorsque Molly travaille ou s’absente pour ces nombreux dîners romantiques sans lendemain.

     L’enfant n’a que faire de ce père qu’il ne voit jamais et encore moins de cet éventuel père parfait à venir, ce père de substitution lui convient parfaitement. Mais Molly a souvent l’impression d’avoir affaire à deux gosses, James considérant Mickey comme son meilleur ami et surtout parce qu’il suit un mode de vie beaucoup plus cool et spontané. Elle l’adore, quand bien même ce soit un peu tout son contraire. Pourtant le film évoque aussi les nombreux problèmes d’argents de James (n’hésitant pas à le replacer d’emblée à nos yeux comme un véritable adulte) et l’alzheimer de son père. Tout comme il est intéressant de voir combien l’amie et collègue de Molly rame pour débusquer un homme digne de lui offrir une belle vie de famille et des enfants.

     Dans Allo maman ici bébé, le rêve américain ne dépasse jamais le stade du rêve (Molly, elle, fait souvent des cauchemars) du fantasme, de la volonté naïve. Les personnages ont des espoirs bien plus grands qu’eux et n’ont finalement pas pris l’aiguillage de la réussite. James aimerait être pilote de ligne mais se contente de faire le taxi ; Molly s’auto-persuade d’être destinée au métier de comptable dans la pure tradition familiale. L’appartement newyorkais n’envoie pas du rêve, le petit garçon est aussi mignon qu’il peut être insupportable (rendu forcément sympathique grâce à cette voix quasi permanente) et il lui arrive de trouver des vieilles seringues dans les bacs à sable dans lesquels il s’amuse (scène apparaissant dans le second opus).

     Et pourtant c’est une comédie jamais cynique. Qui voit les interrogations du petit bonhomme au grand jour, notamment vis à vis ses parents dont il a du mal à saisir les accès de fou rire, de colère et de folie, ou tout simplement les futilités habituelles et étapes majeures du développement de l’enfance.

     Le premier volet se termine sur les premiers mots de Mickey, qui dit « papa » en regardant James, provoquant une inéluctable réconciliation des grands qu’il espérait tant. Qu’on espérait tant aussi. On apprend ensuite qu’un deuxième est en route : répétition formelle de l’utilisation initiale du générique avec l’intérieur d’un utérus qui voit de multiples spermatozoïdes s’en donner de toutes leurs forces pour atteindre l’ovule. C’est aussi cela qui reste d’Allo maman ici bébé : La traversée rock’n roll de la cavité utérine avec des têtards qui font la course et des étoiles symbolisant l’ovule fécondé. Toujours eu beaucoup d’affection pour ce film, en grande partie pour Travolta et James, le beau personnage qu’il y incarne.

À l’abordage – Guillaume Brac – 2021

13. A l'abordage - Guillaume Brac - 2021Rivière sans retour.

   9.0   Avec À l’abordage, Guillaume Brac prolonge la tonalité estivale qui dominait dans ses deux précédents films : Conte de juillet & L’île au trésor. Ce qui en nos temps troublés relève autant de l’anachronie que de l’aubaine, tant ce nouveau film s’avère être un pur conte d’été, à la fois pile d’aujourd’hui et hors du temps.

     La dimension documentaire qui régnait dans les deux films suscités est ici remplacée par la fiction pure : Félix entreprend de rejoindre Alma – qu’il vient tout juste de rencontrer à Paris – dans la Drôme où elle est partie passer ses vacances en famille. Il embarque avec lui son ami Chérif et deux tentes empruntées au centre de loisir du coin. Et le duo deviendra bientôt trio à la faveur d’une coïncidence puisqu’Edouard, leur chauffeur de covoiturage, se retrouve bloqué sur place quand sa voiture tombe en panne. Le film ne quittera plus le Vercors.

     Le cinéma de Guillaume Brac se nourrit toujours de l’espace géographique dans lequel il évolue. Ault dans Un monde sans femmes, Tonnerre dans le film du même nom, sont des villes, des lieux qui offrent à leurs films respectifs un cadre, une respiration ainsi qu’une temporalité propre : L’été finissant pour l’un, l’hiver enneigé pour l’autre. Si son ancrage géographique est plus important encore dans L’île au trésor (la base de loisirs de Cergy) et dans À l’abordage (le village de Die, dans la Drôme) c’est qu’il s’agit aussi de lieux intimes, qui comptent pour son réalisateur : Le souvenir d’enfance pour l’un, la paternité à venir pour l’autre. C’est simple, discret, très beau.

     Le récit s’articule d’abord clairement autour de Félix, en reléguant ses deux comparses au statut de side-kick : Chérif ne se baigne pas car il est sujet aux otites. Edouard se retrouve coincé là, embêté car son véhicule est en réalité celui de sa mère, qui ne sait pas qu’il s’est échoué dans le Vercors – qui ne sait probablement pas qu’il s’en sert pour du covoiturage. Et tous deux, à priori secondaires dans un récit au préalable centré sur la relation entre Félix & Alma, vont accaparer le film, le récit, le plan en se libérant de leur statut de loser « galérien » éternel.

     Pourtant et non sans la retrouver brièvement, Félix renoncera bientôt à Alma, qui ne veut pas de lui – surtout, qui ne tenait pas à le voir débarquer ici. Chérif, quant à lui, fait la rencontre d’Héléna, seule en vacances avec son bébé. Et Edouard s’évade peu à peu du piège maternel qui jusqu’ici l’empêchait de se mouvoir. Les personnages se libèrent, comme s’ils étaient contaminés par le film et son récit qui s’aèrent en permanence. Félix & Edouard ne se supportaient pas, ils finissent par se rapprocher et partagent notamment une sortie à vélo, non sans rejouer l’esprit de compétition sur un mode plus léger. Chérif passera moins de temps avec eux qu’il n’en passe aux côtés d’Héléna, pour laquelle il s’improvise parfois baby-sitter, mais son extrême gentillesse et bienveillance se fanent brutalement sous l’impulsion amoureuse qui le gagne.

     Dans le dernier tiers c’est plutôt Félix qui s’isole. C’est lui qui entreprend de partir aussi promptement qu’il avait décidé de venir. Pendant ce temps, Edouard, indiscutablement relâché dansera sur Les cornichons, de Nino Ferrer après avoir décroché un petit boulot sur place au camping. Chérif aussi ira de sa libération (musicale) en accompagnant Héléna au karaoké pour chanter Aline, de Christophe.

     Le projet du film se loge ainsi dans la dérive. Une douce dérive. C’est abandonner l’histoire entre Félix & Alma pour glisser vers celle entre Chérif & Héléna, tout en faisant exister Edouard sans oublier Félix : c’est tout le dessein, loin d’être évident, d’un film qui fait presque office de pirate dans le paysage du cinéma français.

     « Il y a toujours un risque à prendre. Sinon on ne fait rien. Sinon c’est pire que tout » disait la vieille femme – incarnée par la grand-mère de la femme du cinéaste – au début du film à Félix dont il s’occupe à domicile. Ce sont des mots dont on peut aisément trouver l’écho dans un dialogue père/fils, entre Bernard Menez & Vincent Macaigne, dans Tonnerre. Le cinéma de Guillaume Brac dialogue aussi beaucoup avec lui-même.

     À l’abordage semble en effet synthétiser tous les précédents films de Guillaume Brac : L’amour obsessionnel (Tonnerre), les cœurs solitaires (Un monde sans femmes) et l’entrelacement de plusieurs personnages d’horizons différents (L’île au trésor). Autant qu’il synthétise la somme d’inspirations qui irriguent son cinéma, Rozier en priorité. Troublant de voir combien Edouard Sulpice a quelque chose du Bernard Menez de chez Rozier, dans Maine-Océan ou Du côté d’Orouet. Rozier avec qui Brac partage le goût pour l’aventure et la texture marine, par son cadre (Le bord de la Manche dans Un monde sans femmes, le lavoir dans Tonnerre) ou ses titres et leurs cadres (Le naufragé, L’île au trésor, A l’abordage). Mer, rivière ou base de loisirs sont des lieux aquatiques qui inspirent Brac et créent un étrange reflet, mélange de réel et de fiction.

     À l’abordage poursuit ce qu’avançait L’île au trésor d’un point de vue social : Il y est question de classe, de sexe, de communauté, de culture, de couleur de peau. Là encore, Brac agit dans la roue de Rozier (et donc pour le coup bien plus que de Rohmer, j’y reviens) essentiellement celui de Maine-océan où tout se mélange sans être évacué, où tout est là sans jamais en faire un moteur narratif. Le choc des cultures irrigue À l’abordage : Si Chérif & Héléna découvrent à la faveur de la discussion, qu’ils ont tous deux grandi à Stains, Chérif y est resté, tandis qu’Héléna s’en est extirpé quand ses parents ont déménagé jugeant que les lieux « craignaient trop ». Si Félix & Alma dansent ensemble sur les Quais de Seine, sitôt dans la Drôme la belle se réfugie sur les hauteurs, dans son antre familial quand son séducteur, Roméo déchu, reste aux portes du « palais » convaincu de ne pas être « le genre de ses parents ».

     La beauté du cinéma de Guillaume Brac s’articule beaucoup autour de petites séquences apparemment anodines : Une baignade dans la rivière, une sortie vélo, une virée canyoning.  Plus fort encore, celle entre Chérif & Edouard, obligés de partager la même tente. C’est une somme de détails cocasses qui rythme la scène : Les chaussures qui ne sentent pas bon, la crainte de ronflements, leurs postures étranges, la nonchalance tranquille de Chérif, la gouttière dentaire d’Edouard.

     Séquences superbes aussi parce qu’elles sont intégrées aux soubresauts du réel, le lieu, l’horaire, la météorologie. Guillaume Brac raconte que « Lorsque Félix est au téléphone avec Alma au bord de la rivière, sa joie disparait petit à petit en même temps que le soleil s’éteint dans le plan. Comme si l’acteur et le décor jouaient ensemble ». Exemple parmi d’autres pour dire combien la fiction chez lui est sans cesse nourrie par l’imprévu généré par la matière documentaire de ses images.

     S’il est moins rohmérien qu’on a tendance à le dire (sinon réduire) Brac sait s’en inspirer. Sa plus forte inspiration rohmérienne est ici à mettre au crédit du choix de ce titre à priori équivoque : Le trio de banlieusards parisiens fait ici office de pirates à l’assaut des vacancières de la Drôme. Et si ce titre était un leurre, qui dissimulait la vraie rencontre ? Les titres des films de Guillaume Brac (comme ceux des films de Rohmer) abritent toujours plusieurs sens. Vers le milieu du film, tous trois se promènent dans le village et assistent à un petit spectacle de rue dans lequel une demoiselle grimée en pirate maladroit, fait rire les gamins en scandant « A l’abordage ! » avant d’enchainer les chutes. L’effet miroir (avec le titre) est d’abord délicieux quoique à priori éphémère. Pourtant, quand, vers la fin, le film viendra cueillir l’extrême solitude Félix, ce sera pour le voir se réveiller au son du ukulélé et recroiser cette actrice de rue, seule aussi, au bord de la rivière. C’est son rayon vert. C’est quand elle fait la rencontre de ce garçon que Delphine assistera au photométéore, chez Rohmer. A noter qu’A l’abordage se ferme par ailleurs sur l’une des plus belles chansons du monde, pas moins (donc aussi belle qu’un rayon vert) : Harlem river, de Kevin Morby.

Boite noire – Yann Gozlan – 2021

30. Boite noire - Yann Gozlan - 2021Sur écoute.

   7.0   Excellente surprise que ce thriller très ambitieux, devant lequel on pense aux grands films paranoïaques type ceux de Pakula, voire au Conversation secrète, de Coppola. On y retrouve les qualités d’un film comme Le chant du loup, qui lui ressemble beaucoup et pas seulement parce que leurs personnages sont avant tout doués de l’oreille : La direction artistique est très proche.

     Le Gozlan est meilleur il me semble, ne serait-ce que pour son intensité dramatique et l’équilibre qu’il trouve dans l’imbrication de l’enquête et de la romance. D’autant que Boîte noire m’a semblé très réaliste en tant que fiction sur une histoire qui pourrait être vraie. On y croit. On sent que le cinéaste a bossé le sujet en amont, qu’il ne s’est pas jeté dans le BEA comme ça.

     Pierre Niney y est excellent. Un rôle taillé sur mesure. J’aime l’idée qu’on suive ce personnage, bientôt seul contre tous, qu’on croit en lui mais qu’on se demande sans cesse s’il ne fait pas fausse route. Jusqu’au bout, le film est d’une grande intensité à ses côtés.

     Intéressant ce Gozlan : J’avais déjà bien aimé l’honnête survival Captifs à l’époque, modérément apprécié le polar Burn out récemment, mais le film, dans son genre, avait ses qualités. Il faut que je rattrape Un homme idéal (aussi avec Niney) maintenant.

Vitalina Varela – Pedro Costa – 2022

27. Vitalina Varela - Pedro Costa - 2022Eloge de la lumière.

   7.0   Difficile d’imaginer voir ce film autrement qu’en salle, tant c’est un film d’obscurité, au sein duquel le corps, le visage, les yeux sont de purs éclats de lumière. Le son y est dément, qu’il s’agisse du bruit des pas dans cette ouverture, celui de la tempête, des cris des enfants hors champ, la terre piochée, le craquement des murs. Les murs sont un personnage. C’est un cinéma exigeant, (trop) épuré, parfois j’en sors un peu. C’est aussi l’histoire d’un hors champ spatio-temporel de quarante ans entre le Cap Vert et le Portugal. L’histoire d’un corps absent (Joachim) et d’un corps qui est de quasi chaque plan : Vitalina, sa veuve. Et il y a le plus beau plan final vu depuis longtemps.

Scream – Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett – 2022

26. Scream - Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett - 2022On prend les mêmes règles et on recommence.

   6.0   Il serait de bon ton de fustiger le film sur le simple fait qu’il est un pur produit de fans boys. De constater combien il est pauvre visuellement, notamment. Ce serait oublier que les suites précédentes, pourtant réalisées par Wes Craven, étaient déjà en-dessous de ce point de vue, ne parvenant jamais à réitérer la puissance visuelle du premier opus.

     Ce cinquième opus est à mesurer à l’aune de l’attachement qu’on a aux films précédents, parce qu’il agit dans leur continuité : il y a des références aux quatre films, aux quatre coins du film. Wes Craven n’est plus là mais Kevin Williamson (scénariste du premier, producteur ici), si.

     Ce qui était fort dans ces suites – quand bien même certaines scènes fonctionnaient encore aussi au premier degré – c’était le discours théorique de plus en plus sophistiqué, la mise en abyme de la mise en abyme (l’ouverture virtuose mais complètement over the top du quatrième volet), la volonté de faire du slasher dans le slasher, avec des personnages conscients d’en faire partie.

     Sur ce point-là ce cinquième volet rebaptisé Scream (sans le 5) façon requel, comme Stab 8 y est rebaptisé Stab dedans (La franchise à l’intérieur de la franchise), prolonge cette thématique jusqu’au-boutiste : La suite n’a de valeur qu’au regard du matériau d’origine.

     Ainsi cet opus rejouera une scène d’introduction similaire au premier film sans pour autant négliger la contemporanéité, qui était aussi le sel des suites précédentes, outils technologiques à l’appui ainsi qu’une prise en compte des évolutions du genre, notamment cette vague du « elevated horror ». Les personnages ne citent donc plus Halloween, Psychose ou Le bal de l’horreur, mais It follows, Hérédité ou Get out.

     Le procédé méta cher à la franchise Scream trouve son acmé dans le dernier tiers, quand la nièce de Randy (son pur décalque) regarde le premier Stab comme lui regardait Halloween et la scène est évidemment la même que celle du premier Scream, sur le canapé : elle se retrouve seule comme lui se retrouvait seul, tentant de dialoguer avec le personnage (qui tente de dire à Jamie Lee que Myers est derrière elle) pour lui signaler que le tueur se trouve derrière, tandis qu’il se pointe aussi derrière elle. J’imagine qu’on peut détester ça, moi ça m’a fait la séance.  

     Toutefois, La plus belle idée du film est d’intégrer cette donnée de « film en forme de requel » dans le choix du lieu, qui sera celui du carnage final : La maison de Stuart Baker, co-auteur des meurtres du premier film. Sur le papier c’est génial, dans l’exécution c’est un peu foiré, faut avouer. Un peu comme les réapparitions de Skeet Ulrich, sous forme de visions assez ridicules.

     Mais bon, je suis tellement attaché à la franchise Scream (même si je continue de penser que les suites n’arrivent pas à la cheville de l’original) que celui-ci m’a séduit. Ému aussi par l’hommage qui y est fait à Wes Craven car le film prend le risque d’introduire cet hommage dans le récit, en tuant un personnage du nom de Wes dont une soirée sera faite en son honneur (banderoles « For Wes » à l’appui) dans la maison qui servait de climax dans le dernier tiers du premier film.

SOS Fantômes, L’héritage (Ghostbusters afterlife) – Jason Reitman – 2021

21. SOS Fantômes, L'héritage - Ghostbusters afterlife - Jason Reitman - 2021A ghost story.

   5.5   C’est un opus nettement plus fidèle à l’esprit de l’original que celui de Paul Feig, déjà. Un opus néanmoins contaminé par l’ère du temps et cette vague de revival 80’s dont l’emblème est Stranger things (il faut rappeler que dans la saison 2, les gamins se déguisent en ghostbusters pour Halloween). Une pure déclinaison d’Amblin dans le ton, en somme.

     L’idée majeure (sinon la seule vraie idée) est de réaliser un film hommage au SOS fantômes d’Ivan Reitman, mais tout particulièrement à Harold Ramis, co-auteur du scénario original, disparu il y a sept ans. C’est un film sur la transmission générationnelle : Jason Reitman reprend le flambeau de la réalisation, lui, fils d’Ivan. Quant au personnage central, c’est la version adolescente et féminine du personnage incarné par Ramis à l’époque, ni plus ni moins, lunettes comprises. Elle est géniale, par ailleurs. Super personnage.

     C’est donc un film qui s’adresse aux plus jeunes, comme si Jason parlait de Papy Ivan à son enfant. C’est aussi ce que le film raconte dans sa conception : Comment donner envie à la jeune génération, qui n’a pas grandie avec SOS fantômes, d’aller voir ce nouveau cru, plutôt qu’au pif, le dernier Marvel ?

     Pas sûr que le film y parvienne, tant il appuie sur la corde nostalgique. D’un film, d’une époque de films : à l’image de cette scène envahie de milliers de mini bibendum chamallow dans le supermarché qui n’est pas sans rappeler Gremlins.

     D’autant qu’il garni tout ça d’une fonction volontiers méta qui s’appuie aussi sur la nostalgie :

« Vous avez oublié ce qui s’est passé à New-York ? demande Paul Ruud (là aussi prendre cet acteur qui incarne Ant-man auprès du jeune public est intéressant) qui joue un prof de science plutôt démissionnaire qui passe son temps à montrer des films à ses élèves et plutôt de son temps : Cujo ou Child’s play.

-          C’était en 1984. On n’était pas nés ! »

     Frustration, par ailleurs, de constater que le film se fiche pas mal – car ce sont des adultes – de son couple vedette. Réunir Carrie Coon & Paul Ruud c’est pourtant plus que prometteur sur le papier. Ça reste toutefois un divertissement tout à fait agréable. Surtout quand on déteste comme moi tout ce que fait habituellement ce tâcheron de Jason Reitman.

SOS Fantômes (Ghostbusters) – Paul Feig – 2016

17. SOS Fantômes - Ghostbusters - Paul Feig - 2016Révolte éctoplasmique.

   4.0   Soyons honnêtes, ça me réjouit moins de voir un SOS fantômes réalisé par Paul Feig, que d’y retrouver une partie du casting du superbe Bridesmaids : Mélissa McCarthy & Kristen Wiig. On ne pourra pas dire que Feig fasse un simple copié-collé de l’original, ne serait-ce que dans le ton, tant sa dimension archi-potache y est tout à fait assumée. Et de mon côté j’ai ri à plusieurs reprises. J’aime cet humour post Farelly-Apatow. Et si le film m’arrache quelques rires, c’est déjà pas mal, tant l’original ne me fait rien, strictement rien. Il glisse sur moi.

     Sur le papier c’est un remake stricto-sensu du film de 1984, soit un quatuor de scientifiques qui sauve New-York d’une invasion fantômes. Avec dans le rôle des scientifiques non plus des hommes mais des femmes. Un peu comme lorsque la même année (?) se fabriqua Ocean’s8,  la version féminine d’Ocean’s11. Pas certain que le recyclage soit le meilleur moyen d’ériger un discours féministe, mais qu’importe, le problème est plus large. Car il faut se rendre à l’évidence, c’est un film souvent gênant.

     Tout d’abord dans son écriture, d’une paresse hallucinante, recyclant les tropes du premier film (la création du logo, la Cadillac, le bouffe-tout, le bibendum chamallow) sans y apporter quoi que ce soit de plus qu’un miroir féminisé. Et là-dessus, le film se plante complètement : les quatre personnages sont nuls, insupportables, débiles, bruyantes, c’est tout juste si on ne les voit pas se crêper le chignon. Bref, pour un film revendiqué féministe, on repassera.

     Ce d’autant plus que le personnage le plus drôle est un homme, soit l’assistant des ghostbusters, incarné par Chris Hemsworth. Voir Thor réduit à n’être qu’un sidekick neu-neu d’un groupe entièrement féminin, est une idée savoureuse. Par ailleurs, je continue de penser que cet acteur a un excellent potentiel comique, que Taika Waititi avait su bien exploiter dans Thor Ragnarok. Bref, si la meilleure idée d’un film féminin, c’est son unique personnage masculin, bon…

     Pour le reste le film est très laid visuellement. Une bouillie numérique. Laid jusque dans le retour grotesque de ses ghostbusters masculins, énième aveu d’échec féministe. Quant à Paul Feig et ses actrices, ils sont bien plus sages que prévu. Un peu trop respectueux et/ou intimidés face au matériau d’origine, j’imagine. Voire muselés par les studios aux aguets, très probablement. 144M le bousin, purée. Donnez-moi 5 Bridesmaids pour ce prix-là ! Oui j’ai calculé.

     Dans la scène post générique, alors que Leslie Jones semble capter un son, on s’attend à entendre, je sais pas moi, un pet, histoire qu’il y ait une empreinte un peu plus graveleuse, mais non elle dit seulement « C’est quoi, Zuul ? ». Putain de réf de la mort pour fans boys relous. Et sinon je viens de me rendre compte que j’avais déjà vu le film. C’est dire si ça marque.

SOS Fantômes (Ghostbusters) – Ivan Reitman – 1984

15. SOS Fantômes - Ghostbusters - Ivan Reitman - 1984Génération fantômes.

   4.0   Découvert sur le tard, j’imagine que SOS fantômes fait un effet similaire à celui qui découvre Les goonies aujourd’hui. Je n’ai donc jamais eu d’affection pour ce « film d’une génération ». J’étais davantage Gremlins, pour citer un autre franc succès sorti la même année. J’ai toujours préféré les monstres aux fantômes, de toute façon. Si je ne suis sensible ni à son récit, qui m’a toujours semblé mal branlé ni à son humour, que je trouve mal dosé et par ailleurs platement mis en scène, il faut lui reconnaître une force scénaristique implacable (qui revient au duo Arkyord / Ramis) et un comique savoureusement irrévérencieux : rien d’étonnant puisque Murray / Arkyord / Ramis sont des « enfants » du Saturday Night Live.

     Quand je revois SOS fantômes – ici vraiment pour m’imprégner de son univers avant la découverte du dernier en date – j’ai surtout envie de regarder d’autres films que ses personnages me donnent envie de revoir. Je préfère par exemple cent fois Rick Moranis en Wayne Zsalinsky dans Chérie j’ai rétréci les gosses qu’en voisin de palier débile ici, même si bien entendu on sent que son personnage a quelque peu inspiré Joe Johnston. Je préfère cent fois le ton bougon de Bill Murray dans Un jour sans fin (réalisé par Ramis) qu’ici où il me semble jouer un rôle trop calculé pour être différent de ses acolytes ; mais bien sûr, comment ne pas penser à Phil Connors quand on voit le personnage de Peter Venkman ? Je préfère cent fois Sigourney Weaver dans Alien. Cent fois la DeLorean à l’Ectomobile. Et j’en passe. C’est pas le film, c’est moi. Reste que le morceau de Ray Parker est toujours aussi chouette.

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