Générations rebelles.
6.0 Il faudrait vérifier si ce moyen-métrage a quelque chose à voir avec le roman éponyme de Céline. J’en doute. Quoiqu’il en soit, c’est un titre étrange, qui ouvre un monde de possibles en soi.
Pierre, vingt-cinq ans, étudiant à Paris, loge chez Francine (incarnée par la propre mère d’Emmanuel Marre), retraitée dépendante de son fauteuil roulant, dont il prend soin en échange d’un toit. Parallèlement, Pierre ne sait pas pour qui voter. C’est l’entre-deux tours de 2017 et le voilà écumant tour à tour les meetings d’Emmanuel Macron & Marine Le Pen (au sein desquels le film est vraiment tourné).
D’un château l’autre est un pot-pourri (plutôt réussi) du naufrage de notre société occidentale, touchant aussi bien ses jeunes que ses vieux, ses classes sociales que ses couches familiales. Mais un dialogue se noue entre deux, malgré leurs différences, d’âge, de classe, de bord politique. Un dialogue en grande partie improvisé, marque de fabrique d’Emmanuel Marre, qui au préalable ne se dirigeait pas du tout vers ce film-là et s’est laissé gagner par cette relation, à deux voix, deux corps, deux regards.
Un moment donné, il y a un plan incroyable : Francine est dans son lit en train d’écouter Brahms. Pierre s’est isolé sur le balcon mais l’observe. Le plan dure bien une minute. Et lorsqu’il referme la fenêtre, on comprend, à la faveur du reflet, qu’il lui tournait le dos et regardait dehors. Le film est peut-être une douce utopie de partage improbable (qui prendra une forme émouvante à Beaubourg quand Francine pleure de ne jamais voir ses enfants) mais ce plan rappelle, subtilement, qu’il y aura toujours un monde entre eux.
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