Archives pour mars 2022



Les Olympiades – Jacques Audiard – 2021

26. Les Olympiades - Jacques Audiard - 2021Des jeunots pas discrets.

   3.5   Autant son relatif renouvellement via le passage par le western (Les frères Sisters) lui avait plutôt bien réussi, autant ce nouveau cru Audiard, sur une jeunesse trentenaire ancrée dans le Paris du 13e arrondissement, ne ressemble pas du tout à du Audiard, pour le pire.

     Dans sa conception, Les olympiades ne ressemble déjà pas à grand-chose : Tourné en pleine crise sanitaire, adapté de la série de bandes dessinées américaine Les Intrus, d’Adrian Tomine, écrit au préalable par Céline Sciamma avant que le scénario ne soit repris par Léa Mysius (à qui l’on doit le magnifique premier film Ava), photographié dans un noir et blanc brillant, dans le quartier en question, il y avait peu de chance pour que cette tambouille improbable fonctionne. Et c’est un ratage à tous les étages.

     Audiard vise le réalisme et la contemporanéité : Personnages cosmopolites, féminisation du casting, mouvement woke assumé. Il entre d’ailleurs dans la tour, dès la première scène. Mais il le détruit aussitôt, ne serait-ce que dans sa mise en scène, en floutant l’environnement des personnages (aucun lieu réel ne prend vie) ou en multipliant les effets de stylisations (type plans-séquence très aériens ou nombreux split-screen) ou en filmant essentiellement l’intérieur des appartements. De réel d’aujourd’hui, il ne reste qu’un catalogue superficiel, cumulant cyberharcèlement, prostitution 2.0, stand-up, crise du logement, la sexualité. Mais tout y est traité par-dessus la jambe.

     Le film ne raconte rien, les intrigues autour de ce triangle amoureux font trop fabriquées, les personnages sont désincarnés, les dialogues ampoulés, il n’y a pas de mystère, le sexe y est filmé de façon si frontale qu’il est impossible de ne pas y voir un désir forcé de la part d’un cinéaste qui n’a jamais su filmer cela. Tout y est incohérent. On dirait une version trash et ratée de films d’Hong Sang-soo ou Eric Rohmer. Dans un cadre légèrement similaire – le noir et blanc et la coloc parisienne – mieux vaut revoir Mes provinciales, de Jean-Paul Civeyrac, beaucoup plus ample, beau et impalpable. Allez, je sauve l’interprétation globale. Ils sont tous très bons – Lucie Zhang en priorité. Et je sauve le dernier plan, avec l’interphone.

Tralala – Arnaud & Jean-Marie Larrieu – 2021

17. Tralala - Arnaud & Jean-Marie Larrieu - 2021« Soyez sages, soyez de passage »

   7.5   Chanteur dans les rues de Paris et bientôt délogé du squat qu’il occupait, Tralala, vagabond hérité aussi bien de Charlot que de Boudu, croise un jour une jeune femme, qui disparaît juste après lui avoir dit « Ne soyez pas vous-mêmes ».

     Il la prend pour la sainte vierge et décide d’embarquer pour Lourdes où tout le monde croit le reconnaître. Il serait Pat, un homme à la fois fils, frère et mari, volatilisé vingt ans plus tôt. Et Tralala accepte de l’être. Et plus il l’accepte, plus Tralala & Pat se confondent. C’est une sorte d’usurpation qui relève de la magie, du miracle : Tralala fait revivre Pat et revit à travers lui, par la même occasion.

     Les Larrieu font de Lourdes (leur ville natale) ce que Demy faisait de Rochefort, une ville-bulle qui abrite tous les possibles, la lumière et le drame. Sauf que c’est un Lourdes troublant, vidé, qui ressemble à un immense studio, puisque le film a été tourné entre deux confinements.

     La musique aussi diffère complètement : Il n’y a pas qu’un compositeur mais plusieurs, une sorte de combinaison de styles, casse-gueule, assez représentatif de l’aspect hybride qui traverse le cinéma des Larrieu. Chaque personnage voit accompagner ses chansons d’un auteur-compositeur attitré. Et si l’on peut au préalable regretter que Philippe Katerine n’incarne pas lui-même Tralala (comme c’était initialement prévu) on comprend vite qu’il est parfait pour Amalric, qui se déploie aussi merveilleusement que dans Les derniers jours du monde.

     C’est pourtant quelqu’un d’autre que l’on voit. On ne voit même que lui : Bertrand Belin est une révélation. C’est lui qui a les meilleures chansons. La meilleure voix – mais ça on le savait déjà depuis cet album merveilleux qu’est Hypernuit (2010). Le plus beau background. La plus touchante fêlure.

     J’avais boudé ce nouveau cru Larrieu lors de sa sortie en salle car à vrai dire je n’y croyais pas du tout. Erreur. C’est très beau. Surtout dès qu’il investit Lourdes. Et comédie musicale ou pas c’est du Larrieu pur jus. Aussi audacieux qu’il est émouvant.

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… (Christiane F. – Wir Kinder vom Bahnhof Zoo) – Uli Edel – 1981

15. Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... - Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo - Uli Edel - 1981Let’s shoot.

   6.5   Adapté d’un récit autobiographique de Christiane Felscherinow – qui eut un grand succès en Allemagne à la fin des années 70 – Christiane F. raconte la lente dérive d’une adolescente qui sombre dans l’héroïne et la prostitution en plein Berlin Ouest. Le film est cru, glauque, gris, violent. C’est un film au préalable très nocturne et c’est paradoxalement quand il est plus dur encore que le jour se pointe. Les fix, les passes, les overdoses ont soudain lieu en plein jour tandis que les nuits libéraient un espace de liesse et de tendresse, notamment un concert de Bowie ou une douce nuit entre amoureux. Mais dès qu’il plonge dans le cru, tout y est très frontal, il faut pouvoir regarder les aiguilles entrer dans les veines, mieux vaut prévenir. Pareil pour la grande scène de la crise de manque, c’est un enchainement de corps perlées de sueurs, de regards vitreux, d’ongles grattant le papier peint, de vomi sur le lit, sur les murs. Il faut être en forme, quand même car ça donne un peu beaucoup envie de s’ouvrir les veines.

Aline – Valérie Lemercier – 2021

24. Aline - Valérie Lemercier - 2021Une vie moins ordinaire.

    6.5   C’était vraiment le dernier truc que j’avais envie de voir. Et pourtant, quelle bonne surprise. À la fois biopic et faux-biopic, romcom et success story, fantaisie et mélodrame, Aline est un film inspiré de la vie de Céline Dion que Lemercier rebaptise Aline Dieu et se l’approprie tellement qu’on ne voit plus Dion mais Dieu. Le film fourmille d’idées, visuelles et narratives, et le fait avec humour mais sans cynisme tant c’est une pure déclaration d’amour à la chanteuse. Car on sent que Lemercier cinéaste aime chacun de ses personnages. Et Lemercier actrice y est géniale, aussi bien sur un registre intime (avec ses parents, avec ses enfants ou avec René rebaptisé Guy Claude) que dans le show, des petites scènes du début aux grands concerts de stades à la fin. Et si on est au préalable un peu circonspect, le film gagne en rythme, profondeur et émotion ensuite. C’est un vrai film d’équilibriste, très subtil, jamais dans le concours de performance, où l’on voit autant Dion que Lemercier et donc Dieu, ce beau personnage qu’elle a créé. C’est de très loin le meilleur film de Valérie Lemercier en tant qu’auteure et en tant qu’actrice.

Eiffel – Martin Bourboulon – 2021

23. Eiffel - Martin Bourboulon - 2021Une tour de fer qui rouille.

    4.0   Il semble donc que Martin Bourboulon soit la nouvelle référence en matière de « réalisateur de blockbuster français » puisqu’on lui a confié les deux volets du prochain « Les trois mousquetaires » à 60 briques chacun. On se base uniquement sur Eiffel, si je comprends bien ? Etant donné qu’il avait plutôt investi la comédie au préalable, en réalisant les deux opus de Papa ou maman, est-ce bien raisonnable ? Il a aussi un beau CV d’assistant à la réalisation, ayant bossé entre autres, pour Jolivet, Tavernier, Rappeneau, Kassovitz. J’essaie de comprendre. Ce qui n’est pas très inquiétant c’est que Bourboulon fait le job, avec Eiffel. Ce qui est plus inquiétant, c’est qu’il fait le job, justement. Juste le job. C’est le truc le plus conventionnel qu’on puisse faire en tant que biopic sur Gustave Eiffel et en tant que love story impossible. Tout est terne, désincarné : L’image, l’interprétation, les dialogues, l’écriture, le montage, la musique. Tout est accablant d’ennui.

Carbone – Olivier Marchal – 2017

22. Carbone - Olivier Marchal - 2017Mort d’un pourri.

   4.0   Du Marchal pur jus, avec des « couilles » et des « enculés ». Mais avec beaucoup moins de « couilles » et « d’enculés » que d’habitude : C’est mieux écrit (et pas écrit par Marchal, tiens tiens) ou disons que son récit (grosso modo inspiré de l’affaire de l’arnaque à la TVA sur la taxe carbone) prend le pas sur la nullité habituelle de ses dialogues. Alors il faut quand même se coltiner ce début et cette fin en miroir (avec voix off de merde incluse) et des invraisemblances embarrassantes qui n’ont d’égales que l’issue portnawakesque de ce whodunit improbable. Et il faut oser retrouver le duo Magimel / Depardieu de la série Marseille. Mais Magimel y est excellent, comme souvent. Plus rare : Michael Youn & Gérard Depardieu semblent aussi très investis. Bon voilà, ça fait partie de ce que Marchal a fait de moins pire, on va dire.

Uranus – Claude Berri – 1990

21. Uranus - Claude Berri - 1990Planète malade.

   4.0   Quid de savoir si c’est à cause de la reconstitution un peu ratée, de l’interprétation inégale ou d’un problème de transcription à l’écran du roman de Marcel Aymé, mais rien ne fonctionne. Uranus est un film terne, mal fagoté, dans lequel les numéros d’acteurs tentent de compenser une paresse totale de mise en scène. Alors certains sont concernés, comme Michel Blanc ou Philippe Noiret. D’autres sont à l’ouest, comme Prévost ou Galabru.  Et il y a Depardieu : On ne sait pas bien ce qu’il fait, il est à la fois génial et embarrassant, pas encore remis de sa prestation de Cyrano, à moins qu’il s’entraîne déjà pour Germinal. Il s’est juste trompé de film. Un Berri ô combien dispensable.

Guermantes – Christophe Honoré – 2021

13. Guermantes - Christophe Honoré - 2021À la recherche d’une pièce perdue.

    8.0   Je n’aimais pas le cinéma de Christophe Honoré. J’avais apprécié La belle personne, mais c’est tout. Et encore, je n’en ai rien gardé. Et puis Plaire, aimer et courir vite m’avait beaucoup ému. Avant que je voie son détestable Chambre 212. Autant dire qu’un film d’Honoré, de 2h30, en temps de covid, en mode documenteur, au sein de la troupe de la Comédie française, sur les répétitions d’une pièce (adaptée de Proust, donc) qui n’aura pas lieu, ça ne m’attirait pas des masses. Ce spectacle de l’entre-soi bourgeois ressemblait un peu trop à un purgatoire. Je ne sais pas vraiment l’expliquer mais j’ai adoré. De bout en bout. J’aurais aimé que ça dure quatre heures, tant j’étais fasciné par la précision du dispositif, les interactions entre chacun, le mélange de vrai et de faux, de réel et de jeu, d’improvisation et de répétition, la relecture de Proust, la sensation d’être face aux confessions d’un auteur et de sa troupe d’acteurs, le témoignage précieux de cet espace-temps sans précédent. Je lévitais. Tellement que cette dernière réplique (« le petit pan de mur jaune ») m’a achevé, le Don’t wake the dead, de Guards du générique final m’a fait chialer. Peut-être que c’était le bon soir ? Peut-être que ça ne supporterait même pas un deuxième visionnage ? Je ne sais pas. Mais j’ai trouvé ça magnifique.

Vénus et Fleur – Emmanuel Mouret – 2004

12. Vénus et Fleur - Emmanuel Mouret - 2004L’amour existe.

   7.0   C’est le film de Mouret qui semble le plus sous influence rohmerienne. Les personnages de Vénus et Fleur peuvent d’ailleurs être vus comme des déclinaisons de Reinette et Mirabelle. Le choix des prénoms est symbolique : Vénus aime cueillir quand Fleur préfère être cueillie, pour reprendre une phrase de Vénus dans le film. Symbolique des prénoms qui ne s’en tient pas là puisqu’elles rencontreront deux garçons, Dieu et Bonheur. Pourtant le film est absolument vivant, solaire, joyeux, se déroulant dans un Marseille étonnant, sauvage, qui ne ressemble ni à celui de Pagnol ni à celui de Guediguian. Et si Vénus dévore chaque scène, par son impétuosité, sa volonté de vivre au présent, ses origines russes, son désir de rencontrer des mecs, c’est parce qu’elle transmet tout cela ouvertement, en joue tellement qu’elle procure de la gêne, pour nous spectateurs autant que pour Fleur, qui s’en trouve absorbée alors qu’elle n’est pas moins dans cette quête de l’amour. Et Mouret réussit quelque chose de très beau le temps de deux scènes magnifiques : Fleur soudain existe tellement que son visage est changé. Il y a cette scène au coin du feu où son sourire est tel qu’on ne la reconnaît pas. Il y a cette dernière scène où son désir est si puissant qu’on la sent respirer enfin. Deux scènes sans Vénus, évidemment, qui la fascinait autant qu’elle l’empêchait d’exister. Vénus et Fleur est un superbe conte d’été, dans lequel Mouret joue encore peu avec les mots mais semble très à l’aise avec les corps.

Barbaque – Fabrice Eboué – 2021

18. Barbaque - Fabrice Eboué - 2021Les bouchers de Melun.

   7.0   Autant Coexister, le premier film solo réalisé par Fabrice Eboué, m’avait assez déçu (un manque d’équilibre, entre humour et satire, dans sa globalité) autant j’ai trouvé Barbaque réjouissant à tous les niveaux, dès son pitch absurde jusque dans son déploiement excessif qui en font une vraie comédie méchante, sans limite, qui tape un peu sur tout le monde.

     Sophie et Pascal tiennent une petite boucherie, leur « passion » et gagne-pain (difficile) depuis vingt ans. Et tandis que leur couple et leur commerce ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils étaient, ils découvrent à la faveur d’un mélange de vengeance et d’accident (Pascal renverse et tue un militant végan) que la viande de végan (renommée porc d’Iran) devient leur porc de Kobe et qu’il va falloir être vite achalandé pour répondre à la demande de la clientèle.

     C’est un film très court, très épuré, dans son texte, dans son image, parcouru de superbes trouvailles : La fascination flippante du personnage de Marina Fois pour les célèbres serial killer, les divers shows télévisés en forme de parodies de Faites entrer l’accusé, les nombreux plans sur la trancheuse à jambon, les scènes avec le couple Hocq/Cayrey bouchers industriels, l’obsession du personnage de Fabrice Eboué pour sa propre virilité, le pacemaker, Winnie. 

     C’est du pur running-gag sans pour autant qu’on y ressente les coutures du film à sketchs. Avec un bon rythme et des répliques bien cinglantes. C’est une sorte de comédie de remariage à l’humour archi noire dans laquelle brillent Marina Fois & Fabrice Eboué, magnifiquement complémentaires. Très, très drôle.

1234

Catégories

Archives

Auteur:

silencio


shaolin13 |
Silyvor Movie |
PHILIPPE PINSON - ... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Playboy Communiste
| STREAMINGRATOX
| lemysteredelamaisonblanche