Le dernier combat.
7.0 Qu’importe le registre dans lequel il évolue – il y a une nette différence tonale entre Mademoiselle Chambon et La loi du marché – Brizé m’a toujours semblé investi mais lourd, l’impression d’assister à un cinéma recroquevillé, démonstratif qui ne me laisse pas de place. En guerre ne viendra pas contredire ce sentiment pourtant le film m’a impressionné et beaucoup perturbé, aussi.
C’est le récit d’une lutte et le film s’y tiendra, ne s’extirpant jamais de son programme : les seuls moments hors entreprise saisissent Lindon, seul chez lui, en train d’éplucher chiffres et paperasses afin de probablement préparer son argumentaire du lendemain. La vie de ces salariés se résume à cette lutte, face à une direction soumise aux diktats du groupe allemand qui décide de fermer l’usine pour rentabilité insuffisante malgré des bénéfices colossaux.
C’est donc une succession de réunions syndicales ou manifestations tournées à la manière d’un documentaire, caméra à l’épaule, saisissant le ping pong de chaque dialogue ou situation. C’est une suite de blocs, bruyants, pleins, d’une force déconcertante. Une discussion impossible entre deux mondes incompatibles, entre ceux qui cherchent uniquement à finir le mois et ceux qui veulent préserver leurs vacances aux Maldives.
Les séquences en musique sont presque de trop, comme si le film était trop conscient de sa force et de son pouvoir d’immersion, de malaise et qu’il offrait au spectateur la possibilité de s’en échapper, de respirer malgré la portée anxiogène de ces fausses parenthèses oxygénées. Vincent Lindon est Laurent dès les premières secondes, porte-parole de ces mille salariés sur le point d’être licenciés. Impressionnant aussi car il fait partie du groupe, qu’il ne dépareille pas.
Dommage que l’épilogue contredise le dispositif. Non pour la violence qu’il crache si brutalement mais parce qu’il ruine l’approche collective convoitée deux heures durant en faisant basculer le film vers une sortie individuelle et christique à mon sens inappropriée, quand bien même elle entre en écho avec de terribles faits réels.
Mais pas si grave car le film m’a globalement mis sur le carreau, c’est un uppercut assez imparable, clairement engagé, évoquant de loin pêle-mêle, Blue collar, La vie est à nous, Ressources humaines, Norma Rae, Erin Brokovich. En saisissant le vertige d’une impasse : la colère légitime des honnêtes gens face au cynisme abject des puissants.
De suspense il n’y en a pas car si ces salariés syndicalistes s’accrochent coûte que coûte, on sait pertinemment que le monstre capitaliste dévore tout et gagne toujours à la fin. C’est Perrin Industrie à Agen mais c’est un peu PSA à Aulnay sous-bois. Et bien d’autres encore. Vraiment puissant.