« Gesundheit ! »
8.0 New York. Un gang de braqueurs est sur le point de s’emparer d’une rame de métro. Ils sont quatre, chacun affublé d’un long carton sous le bras et ils attendent dans une station différente. En parallèle, un lieutenant de la police de New York reçoit la visite de ses homologues chinois afin de leur présenter leur quotidien, méthodes, locaux. Il y a deux espaces clairement identifiés, qui ne s’opposent pas encore directement mais révèlent déjà une opposition : Sous la ville et dans la ville ; le silence contre le verbe ; les bruits d’un souterrain de métro d’un côté, l’ambiance mortifère d’un bureau en open-space de l’autre.
C’est une affaire de mécanique huilée et grippée, d’un côté comme de l’autre. Au sein du bureau de police où le ton y est grossier, sarcastique, si ce n’est raciste et misogyne – Il faut voir comment est reçue l’équipe de cadres chinois ou comment sont globalement désignées les femmes. Au sein du train aussi : chaque braqueur semble tenir un rôle bien précis, s’interpellant par des noms de couleurs – Tarantino s’en inspirera très probablement pour Reservoir dogs – mais déjà le collectif est brisé par les élans de chacun, qu’il s’agisse de la fatigue de l’un ou de la brutalité de l’autre. Il n’y a pas de héros pur. Pas de figure emblématique sur laquelle on puisse se reposer d’emblée. C’est un peu Sorcerer avant l’heure, du point de vue de la caractérisation.
Et au centre il y a bien entendu la ville, New York, qui y tient une place forte sans pour autant qu’on lui attribue une image, une ambiance de carte postale, passe-partout ou publicitaire : Le dehors il n’en sera que peu question et pourtant il y a New York partout, dans les bureaux comme dans le métro, dans les bruits de la ville, sa respiration, ses gens. Les dix-sept passagers « figurants » – car ils resteront à l’état de figurant, contrairement à un Speed par exemple, ce qui là encore contredit la dimension héroïque du récit – pris en otages représentent, de façon semble-t-il très réaliste, la population du New York des années 70. Tout du moins on croit beaucoup en cette rame.
Le film surprend surtout dans sa tonalité, qu’il préserve de bout en bout : En effet il ne choisit jamais entre l’humour, de certains dialogues ou de nombreuses situations, et le sérieux de certains rebondissements. Il choisit de marier la légèreté et la brutalité, en somme. Et c’est peut-être sa plus grande réussite puisqu’on se souviendra autant de séquences violentes que d’instants de farce. Jusque dans ses micros-détails : La toux insistante de Mr Green (qui servira de jubilatoire twist final), la cravate jaune arborée par Walter Matthau, le calme olympien de Robert Shaw, la grippe du maire, la femme qui dort, le flic mystère de la rame, l’autre pris au piège entre les tireurs du train et les flics en intervention.
C’est une série B de luxe, dans ce que le terme (un peu nul et galvaudé) a de plus noble il me semble. Un peu comme si elle était la dernière, comme si tout y était à sa place, à la bonne distance, au bon dosage : Dans le polar autant que dans la comédie. A l’image des membres du gang, rapidement identifiés, caractérisés mais sans recourir au traditionnel flashback ou à un dialogue appuyé : vraiment à l’économie, sur des bribes d’indices et d’informations. C’est brillant. A l’image aussi du savant montage alterné – qui aurait pu être lourd, déséquilibré – entre la rame de métro, le bureau de police et la zone de contrôles.
Et si on ne retrouve pas les textures qui seront à l’œuvre dans Les guerriers de la nuit, par exemple, l’atmosphère du métro respire son époque. La majorité du film s’y déroule, dans les souterrains donc et souvent dans un tunnel, entre deux stations : autant dire dans un wagon reconstitué en studio, et pourtant on a le sentiment d’être là-dessous en permanence, coincé sous Park avenue. C’est très beau à l’image. Très graphique. Rien d’étonnant au fait d’y retrouver Owen Roizman à la photo, qui était le chef opérateur de French Connection. A noter aussi un superbe accompagnement musical, très jazzy, signé David Shire qui n’est pas sans évoquer un Lalo Schifrin à de nombreux instants. A noter aussi que Steven Spielberg, alors admiré pour avoir pondu Duel & Sugarland express, fut approché pour réaliser Les pirates du métro. Difficile de savoir ce que ça aurait pu donner, mais c’est rigolo de se dire que Joseph Sargent tournera Les dents de la mer 4, treize ans plus tard.
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