Le freak, c’est chic.
5.0 Biopic académique, calibré pour les oscars et à la conception un brin douteuse (j’y reviens) le film déploie au moins une belle idée dans son dernier tiers à savoir suivre le premier tournoi pro de Vénus Williams, à Oakland. La jeune femme a seulement quatorze ans et privilégie d’une invitation. Elle crée la sensation en éliminant sèchement Shaun Stafford (59e mondiale) au premier tour puis chute face à Arantxa Sanchez au second après avoir mené 6.2 3.1. (Il faut signaler que c’est le moment qu’avait choisi l’espagnole, alors numéro une mondiale, pour faire une pause pipi : Vénus n’a plus marqué un seul jeu ensuite). Et pour le coup, le film capte bien l’instant, ce mélange d’euphorie et d’étrangeté, l’ambiance sur le court et dans les gradins, ainsi que les émotions qui traversent la jeune joueuse. Par ailleurs, personne n’en parle, car le film est plutôt un biopic sur Richard Williams et il est donc dévoré par le jeu outrancier de Will Smith (j’y reviens, bis) mais Saniyya Sidney, qui incarne Vénus Williams (à 14 ans) est exceptionnelle.
Bref, c’est un film que j’étais très curieux de découvrir aussi pour voir comment il allait traiter de la monstruosité en général. Moins de celle des sœurs Williams, qui sont des génies du tennis et des anomalies sportives fabriquées, que de celle de leur père, qui rappelons-le avez prévu, avant même leur naissance, d’en fabriquer des championnes de tennis. Il avait un plan. Et le film ne manquera pas d’appuyer là-dessus, de façon bien lourde, pendant le film (à travers ses dires) et à la fin du film (à travers des images d’archives et un carton parfaitement clair) : Vénus serait la première joueuse noire numéro une mondiale & Serena la plus grande joueuse de l’ère Open. Evidemment, La méthode Williams n’évoquera jamais l’étrangeté de ce plan, au contraire, il sacrera volontiers Richard en tant que héros, qui avait raison sur tout : De la conception de ce plan jusqu’à son exécution hors des sentiers battus, puisqu’il refusa d’envoyer ses filles à l’Académie, de peur qu’elles se brulent les ailes. Le contre-exemple utilisé dans le film c’est bien entendu celui de Jennifer Capriati, dont le destin fut bien plus tumultueux. Bien plus humain, en somme.
Et si La méthode Williams est incapable de rebondir là-dessus, car il ne voit pas la freaks-story mais uniquement la success-story, il ne s’arrête pas là : En effet Will Smith est partout là-dedans, il n’y en a que pour lui – on sait pourtant que Mme Williams a eu un impact considérable dans le destin de ses filles, notamment dans celui de Serena, qui était auparavant dans l’ombre de sa grande sœur. On attendait un film à la gloire de deux femmes, mais c’est encore un film à la gloire d’un homme ayant construit le destin de deux femmes. C’est un film à la gloire du père. A la gloire de Richard Williams : Les américains auront au moins la décence de titrer le film « King Williams » quand nous, français hypocrites, lui préfèreront le titre plus ambigu « La méthode Williams ». Mais il ne faut pas s’y tromper, il s’agit surtout d’un biopic maquillé à la gloire de l’acteur qui l’incarne. Il ne faut pas trop que j’y pense car je trouve ça profondément répugnant. Alors que le film en lui-même, malgré ses lourdeurs et son académisme, je le trouve plutôt attachant et même parfois émouvant, en parti car il choisit ce match, cette défaite donc en tant qu’intro d’un conte de fées qu’il gardera hors-champ.
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