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Archives pour juillet 2022

La petite bande – Pierre Salvadori – 2022

23. La petite bande - Pierre Salvadori - 2022Childs moves.

   7.5   C’est un vrai film pour enfants, qui ne les prend jamais pour des demeurés, qui ne sonne pas faux. Avec une écriture fine et engagée, des dialogues ciselés et réalistes (le fait qu’il y ait un gros mot dans chaque phrase déjà), une mise en scène limpide et inspirée, une interprétation irréprochable. C’est une superbe comédie d’aventure, un peu écolo, un peu mélancolique, qui se déroule en Corse.

     A la suite d’un exposé sur l’écologie, une petite bande de gamins de douze ans entreprend de faire sauter l’usine chimique du village qui pollue leur rivière. Si au départ on se dit que c’est un prolongement de La guerre des boutons ou des Goonies, est-ce que finalement, ce n’est pas plutôt un mélange surprenant et pour enfants du Night moves, de Kelly Reichardt et du Breakfast club, de John Hugues ?

     Car c’est aussi l’histoire d’une rencontre, d’une bande qui se crée (sur des mensonges) autour d’une occasion (une journée de colle pour l’un / une opération commando-écolo pour l’autre) avec des gamins qui vont s’ouvrir et se confesser les uns aux autres et comprendre que leur plus grand bonheur c’est d’être ensemble. La nonchalance du film se pare alors d’une gravité assez déconcertante, glissant la comédie d’aventure vers la fable cruelle.

     Au gré de ses nombreux rebondissements (le kayak d’essence, la prise d’otage, le cinquième complice, la cabane dans les bois…) le film a un parfait timing comique (ma salle était hilare, petits et grands compris, notamment durant la scène de l’accent anglais) chose qui parfois peut me gêner chez Salvadori (ou parfois aussi chez Rappeneau ou De Broca, par exemple) : Je n’avais pas aimé En Liberté à cause de cet effet trop-plein. Là, probablement grâce aux enfants, il trouve le ton et le rythme justes. D’autant que l’enfance fait toujours parti de son cinéma : Qui sont « Les apprentis » marginaux sinon des grands enfants ?

     Et puis Salvadori y insuffle de belles idées de réalisation : les ombres des masques d’animaux sur un mur, les plans fixes sur des échanges de mots en classe ou des instants de magie en suspension, notamment entre Cat et Fouad « amoureux l’un de l’autre sans le savoir » pour reprendre les mots d’Aimé. Et le film se déroule en grande partie en pleine forêt. Un bonheur. Il faut que j’y retourne avec mon fils (Chose faite un mois plus tard). Je pense que ça doit être parfait entre dix et douze ans.

La nuit du 12 – Dominik Moll – 2022

22. La nuit du 12 - Dominik Moll - 2022L’enquête inachevée.

   7.5  Il y avait, dans Seules les bêtes, le précédent film de Dominik Moll, un sens de la virtuosité assez marqué, dans la mesure où il s’agissait de relier un quartier d’Abidjan avec les Causses françaises, et une audace narrative tout aussi imposante, puisqu’on suivait cinq personnages en lien avec la disparition d’une femme. C’était un beau film choral qui manquait autant de clarté que de vraisemblance.

     Et c’est sans doute les principaux atouts de La nuit du 12, récit linéaire, concentré sur un lieu (Grenoble et alentours, rarement mis en avant au cinéma), un meurtre et sur l’enquête de la PJ autour de ce meurtre : Une jeune femme à qui on a mis le feu, la nuit, tandis qu’elle rentrait de soirée. Du déjà vu ? Pas vraiment car le film s’ouvre sur un carton étonnant, annonçant en gros que 20% des enquêtes criminelles ne sont pas élucidées et que La nuit du 12 sera le récit de l’une d’entre elles. Autrement dit, on sait comment ça se termine.

     Idée aussi casse gueule qu’audacieuse, qui m’aura permis de réaliser que, régulièrement, je trouve les films d’enquêtes un peu décevants (ou déceptifs) sitôt qu’ils s’achèvent, soit parce qu’ils en donnent trop ou pas assez, soit parce que j’en attends trop ou pas assez. Le voyage (l’enquête) est in fine toujours plus beau que sa résolution. Là au contraire, la connaissance de cette impasse m’a permis de me sortir de cette attente, ce sont vraiment les personnages qui m’ont séduit et leurs interactions, dans leur quotidien, à la manière du L627, de Bertrand Tavernier ou du Petit lieutenant, de Xavier Beauvois. Parmi ces personnages, on retient Bastien Bouillon & Bouli Lanners en priorité, géniaux tous les deux, d’autant qu’ils sont souvent en duo.

     Et le récit reste très dense, malgré l’impasse de ses investigations, la peinture très réaliste : On appuie beaucoup sur le manque de moyens, notamment et sur une scission entre deux mondes, deux générations : la liberté mystérieuse d’une jeunesse incomprise des aînés, un peu comme dans La fille au bracelet, de Stéphane Demoustier. Mais les deux mondes dépeints ce sont aussi ceux des hommes et des femmes et le film ne s’en tiendra pas qu’au récit de ce féminicide pour l’établir : Il appuiera son discours féministe, par petites touches disséminées alors qu’il pouvait largement s’en passer.

     Qu’importe, c’est un film puissant, dont la mise en scène, aussi lumineuse et rigoureuse, semble totalement calée sur Yohan, le sublime personnage de capitaine incarné par Bastien Bouillon, qu’on adorait déjà chez Betbeder, dans Deux automnes trois hivers, ou Debout sur la montagne. J’en aurais bien pris une heure de plus, de mon côté.

Elvis – Baz Luhrmann – 2022

28. Elvis - Baz Luhrmann - 2022Unchained melody.

   5.5   On est bien chez Baz Luhrmann, aucun doute. De la démesure, de l’exubérance, dans la droite lignée de Gatsby, de Moulin rouge. Un montage frénétique, une musique omniprésente. C’est un cinéma de vignettes fait d’images superposées, stroboscopées. Et ça dure 2h30 sur ce tempo-là.

     « Si je ne bouge pas, je ne chante pas » (sic) disait le King. Le film se cale sur son crédo et ça tombe bien puisque c’est aussi celui de son réalisateur : La vulgarité de Luhrmann colle à l’extravagance de Presley, entre ses costumes bleus paillettes et ses Cadillac roses.

     C’est L’histoire tragique d’un amoureux de la musique noire, d’un amoureux de la scène, mais aussi d’un type manipulé par son impresario, emprisonné par le système, qui n’aura jamais quitté les États unis si ce n’est pour effectuer son service militaire.

     C’est aussi une plongée dans l’Amérique ségrégationniste et dans les bouleversements paranos et tragiques de la fin des années 60. Presley devient l’icône de cette époque, le rebelle et le prisonnier.

     Le film brasse beaucoup mais toujours dans l’esquisse. Il vit que lorsqu’il en met plein les yeux, tout comme son chanteur. Toutes les scènes hors de la musique sont dévitalisées, fausses, mortes.

     Quid de savoir si de raconter Elvis par le prisme de son escroc d’agent de Colonel Parker était une bonne idée ? De mon côté ça m’a gonflé, en partie car Tom Hanks, qui a piqué le look de Gary Oldman en Churchill dans Les heures sombres, est catastrophique, il en fait quinze tonnes. Et le dispositif, qui consiste à revenir périodiquement sur lui, en voix off, au présent (quand le King est mort) est usant.

     Musicalement c’est à la fois riche et décevant : On aura bien entendu la plupart de ses morceaux les plus iconiques mais jamais dans leur entièreté, soit pour introduire une autre période, soit entrecoupé d’autres choses. C’est assez épuisant.

     Mais il y a des fulgurances comme cette première fois où Presley interpréte Hound dog sur scène et fait littéralement jouir son public de ses déhanchés. On ressent la folie sexuelle qui s’empare de l’audience. Ou le moment où il prépare son orchestre du Continental Hôtel et glisse d’un instrument, d’un groupe à l’autre.

     Que dire d’Austin Butler sinon qu’il est exceptionnel ? Évidemment beaucoup dans le mimétisme mais il l’incarne à merveille jusque dans la partie mélancolique quand la rock star devient un être torturé, épuisé, au point que lorsque retentit Unchained Melody, et que Elvis joué par Butler devient le vrai Elvis, cette fameuse archive du concert du Market Square Arena d’Indianapolis, on ne voit pas de différence, le glissement est parfait.

     Je me dis que Luhrmann c’est mieux en salle in fine. Car sa mise en scène exténuante fonctionne a l’hypnose sur la durée. Si je l’avais vu chez moi je n’aurais pas été au bout en une fois, j’aurais pu reposer mes yeux – J’avais vu Gatsby en deux fois, par exemple. Au cinéma je n’ai pas le choix. Et j’ai vécu un peu ce que Presley a vécu avec son salopard d’impresario, Je me suis senti prisonnier. En aimant ça, car j’aime la salle comme il aimait la scène. Très bizarre.

     Ce n’est pas vraiment un cinéma pour moi, dans le fond, je préférerais toujours voir un film comme As bestas ou un film comme La nuit du 12, pour citer deux sorties récentes marquantes, mais je reconnais que ça m’a par instants impressionné. Le meilleur Luhrmann à mes yeux, donc.

Un autre monde – Stéphane Brizé – 2022

19. Un autre monde - Stéphane Brizé - 2022Cadré chiffré.

   5.0   C’est le contre-champ exact d’En guerre, le précédent film de Stéphane Brizé. Ici aussi il s’agit de suivre les répercussions d’un projet de licenciement d’une grande boite. Simplement il ne s’agit plus de voir ces répercussions sur les salariés, mais sur les cadres. C’est super bien fait, bien écrit, fort quand ça s’installe sur la durée. Mais le film me gêne beaucoup.

     Tout d’abord j’ai de plus en plus l’impression (et cette trilogie surtout) que les films de Brizé sont en réalité des films de Lindon maquillés en films de Brizé avec Lindon. Ici c’est d’autant plus embarrassant que cette histoire de couple et de séparation, c’est peut-être aussi l’histoire du couple de Kiberlain & Lindon et de leur séparation. Ça c’est vraiment le premier truc qui me sort de la supposé universalité revendiquée par le film.

     Ce qui appelle une autre problématique : Je suis très gêné qu’un film si réaliste en apparence, au travers de son verbe et du mécanisme global d’un projet de licenciement, soit si peu réaliste dans sa finalité. Je crois qu’il ne sait pas choisir entre la fable et le réel. Il choisit les deux, mais je ne crois ni à l’un ni à l’autre. Pas sûr d’être très clair mais en gros je trouve qu’il veut manger à tous les râteliers et notamment durant ses cinq dernières minutes. Dans En guerre j’y croyais à mort en cette sortie. Là non.

     Autre chose : Brizé est toujours très à l’aise dès qu’il faut filmer les corps sociaux, les casquettes de chacun disons. Ici le cadre, de manière globale, se sépare en plusieurs branches, grosso modo le cadre régional, le cadre France, le cadre monde et les actionnaires. Dans En guerre, il filmait admirablement bien les travailleurs, aussi. Mais il veut continuer de les filmer un peu ici aussi. Sans le faire. On parle beaucoup des ateliers, mais on ne les voit jamais.

     Il veut simplement tenter de mettre au même niveau ce cadre et les ouvriers. Et pour ce faire, nous le voyons travailler, son cadre, à savoir Lindon. Sur son ordinateur. Le soir, avec un sandwich dans la main. Le mec n’arrête pas. Il est donc l’inverse de ce qu’on imagine être le quotidien d’un patron. Il est dominé, par les cadres supérieurs. Très bien. Mais il est aussi plein de bonté : Il est prêt à sucrer ses primes.

     Et il aura sa sortie rédemptrice et christique. Héroïsé mais sans être un martyr (comme dans En guerre) puisque le film s’arrête là où ça lui convient. Le mec retrouvera sans doute un job du même acabit, il en est dépendant financièrement et puis ces dernières images lui promettent même une famille reconstituée. Donc la lourdeur est sensiblement la même qu’on trouvait déjà dans La loi du marché. Ce sont les à côté de cette ligne claire : le divorce du couple, le burnout du gamin.

     Une scène symbolise cette lourdeur : Les parents viennent rendre visite à leur fils, probablement dans un hôpital psychiatrique. Et le gamin ne cesse de calculer le temps qui leur a fallu pour venir. Et ce calcul c’est évidemment un écho au travail de son père, qui doit affronter un plan uniquement régenté par des chiffres. Bon voilà, ça reste impressionnant quand même. Mais problématique.

The wicker man – Robin Hardy – 1973

01. The wicker man - Robin Hardy - 1973Don’t look them.

   7.5   Du Village, de Shyamaman à The Witcher, de Robert Eggers, en passant évidemment par Midsommar, d’Ari Aster, on ne compte plus les films influencés par The wicker man.

     Cette borne du « folk horror » est pourtant resté longtemps une curiosité du cinéma horrifique britannique. Le film se loge dans la vague de films Hammer qui redora le blason du cinéma horrifique british dès la fin des années 60. Sauf qu’il contient très peu de scènes horrifiques. Il n’est pas si fantastique, encore moins sanguinolent. L’horreur se loge dans un réel malaisant, déformé, quelque part entre le Don’t look now, de Nicolas Roeg et le Rendez vous avec la peur, de Tourneur.

     C’est l’histoire d’un flic chrétien qui débarque sur une île écossaise à la recherche d’une adolescente disparue. Il découvre un lieu hors du monde et du temps, des locaux « gentiment » illuminés qui chantent, baisent, portent des masques d’animaux et éduquent les gamines à base de sacralisation phallique. Religion païenne qui s’adonne aux rituels et sacrifices variés au dieu soleil afin de préserver leurs récoltes de fruits annuelles.

     Avec son image un peu approximative, son incarnation hallucinée, sa bande son atypique, complètement psychédélique, c’est un film qui ne ressemble à rien de déjà vu, souvent filmé comme un documentaire et se révélant pur pamphlet sur les guerres de religions et le repli communautaire.

     Ça ressemble à une anomalie. Une rencontre improbable entre l’acteur Christopher Lee et le scénariste Anthony Schaffer (auteur du script du Limier, porté à l’écran par Mankiewicz) dirigée par un auteur inconnu sinon dans le monde du documentaire. Le film sera d’ailleurs charcuté par les producteurs et le Final Cut que l’on peut voir aujourd’hui n’est même pas celui qui devrait exister puisque le premier montage a disparu.

     C’est un film très bizarre, ambigu, très simple et prévisible en apparence, mais parsemé de micro-détails perturbants. Il suffit de repenser à cette scène où le sergent ne parvient ni à dormir ni à accepter l’excitation qui l’étreint en imaginant sa voisine de chambre danser nue. Le lendemain à son réveil, elle lui demande pourquoi il ne l’a pas rejoint. Et le film est comme ça tout le temps, on croit savoir où il nous embarque mais il y a toujours un pas de côté, un trouble, une bizarrerie qui le dévie de sa trajectoire.

Les voitures qui ont mangé Paris (The cars that ate Paris) – Peter Weir – 1974

02. Les voitures qui ont mangé Paris - The cars that ate Paris - Peter Weir - 1974Le village des tarés.

   5.5   Avant de réaliser le superbe Pique-nique à Hanging Rock, Peter Weir avait déjà réalisé un film, nettement moins connu, celui-ci, au sein duquel un type et son frère sont victimes d’un accident de voiture sur les lacets d’un village paumé, Paris, en Australie. Son frère ne s’en tire pas mais lui, oui. Et très vite il va comprendre deux choses : d’abord qu’il lui est impossible de quitter les lieux, qu’il en est empêché ; ensuite que les habitants de ce village provoquent volontairement des accidents afin de récupérer le butin des accidentés.

     Pitch complétement dingo, entièrement pensé et écrit par Weir lui-même, qui dit s’être inspiré de son passage en France où, sur une route de campagne, des individus le poussèrent à faire demi-tour prétextant la présence de travaux qui n’existaient pas.  Sans doute un coup des bretons, ça. Plus sérieusement et même si le titre faisait rêver pour cela, non il ne s’agira pas de voitures dévorant la capitale. Ce n’est pas non plus le même Paris que chez Wenders, au Texas. C’est un Paris fictif, de l’outback australien.

     Joli point de départ aux effluves horrifiques mais qui n’a pas grand-chose à voir avec la choucroute, un peu à l’image de ce drôle de titre intriguant : Le film ressemble moins à Massacre à la tronçonneuse qu’à un étrange mélange entre Mad Max & Asphalte. Cohabitent d’étranges bandes arborant stetsons, cache-poussières et voitures relookées en bolides de l’enfer, et des autochtones tous plus bizarres les uns que les autres, fidèles à leur frapadingue de maire, obsédé par les pionniers, qui sait laisser croire que Paris est une bourgade paisible et accueillante, alors qu’elle renferme une économie autarcique qui fonctionne uniquement grâce aux étrangers accidentés, qui leur fournissent malgré eux pièces détachées à échanger.  

     C’est un étrange film, qui aurait pu être énorme dans les mains d’un – au hasard – John Carpenter, mais qui s’avère aussi étonnant que raté, un peu mal rythmé, un peu mal joué (le héros notamment, est anormalement mou, transparent, mais difficile de lui en vouloir, c’est un rôle délicat car il renferme deux traumatismes), un peu mal monté, sans que ça n’affecte non plus la dimension malaisante du film, qui plonge dans un climat de carnage pur dans ses dernières minutes.

Jurassic world dominion – Colin Trevorrow – 2022

???????????????Les gardiens de la franchise.

   3.5   Un sixième volet qui fait illusion – de plein de manières – mais qui s’avère in fine pas si différent, si on observe attentivement, de L’empire des fourmis géantes, de Bert Gordon.

     Sa première illusion, assez évidente, c’est qu’il a des sous, donc ses dinosaures, en numérique ou en animatronique, sont assez beaux. Ils ne sont pas bien mis en valeur, mais c’est un problème de mise en scène, c’est autre chose.

     Sa deuxième illusion c’est d’être une suite : Si on a grandi avec Jurassic Park, on a envie de voir un troisième Jurassic world, d’autant que le précédent (signé Bayona) était plutôt réussi, très visuel. Quand on grandi avec Jurassic Park, les dinosaures au cinéma c’est sacré : même quand ils sont sous employés, dans Toy Story ou dans le King Kong, de Peter Jackson.

     Troisième illusion et pas des moindres : Il m’a permis une sortie en famille, en pleine fête du cinéma, avec mon fils qui connait le Spielberg par cœur et qui adore aussi les suites. Difficile de bouder ce plaisir.

     Quand bien même ce plaisir se soit souvent effondré durant une séance interminable (2h26, sérieusement ?) et un film archi mal branlé, et cela dès les premières minutes de cette bouillie de spot TV immonde, qui résume maladroitement la situation, qui reprend la suite de ce que promettait le volet précédent.

     J’avais mal à mon Spielberg. D’autant que le film s’assume pleinement dans l’ère du temps : cumuler le fait d’être une suite, un remake voire un reboot. Il y a aura du Jurassic park partout. Il me semble que Bayona s’en sortait plus subtilement, dans le précédent, lui. Là c’est souvent grossier (la bombe de mousse à raser, le plan de découverte des sauterelles (des sauterelles !!) où Ellie Sattler ôte ses lunettes, la scène finale dans l’hélicoptère etc…) quand c’est copié sur Jurassic park.

     Mais le film ne s’en tient pas là et cumule les références variées, arpentant aussi les terres de James Bond, d’Indiana Jones, de Jason Bourne, de Mission Impossible : La scène à Malte (très chouette en passant) qu’est-ce que ça vient foutre là, franchement ? Ou pire, ces films ont tendance à s’inspirer des daubes super-héroïques actuelles, ainsi il ne sera pas surprenant de voir un avion se crasher dans un lac gelé et de voir en sortir Chris Pratt & Bryce Dallas Howard, sans une once d’égratignures. Les gardiens de la galaxie, en somme.

     J’aurais aimé y voir davantage d’idées (du niveau d’un verre d’eau qui tremble, je sais pas) et davantage de contrastes : J’ai l’impression qu’il y fait nuit en permanence, comme dans les films DC ou Marvel, c’est insupportable. C’est vraiment un cache-misère, la nuit. Mais tout le monde n’a pas le talent pour faire un Blade runner.

     Autre chose : Que le film soit invraisemblable, ok, ça ne me dérange pas, les films de la franchise le sont rarement, vraisemblable, après tout on parle de faire cohabiter humains et dinosaures. Mais pourquoi les personnages sont-ils devenus si antipathiques ? Si débiles ? Mon cœur saigne quand je retrouve Ellie Sattler, le professeur Grant & Ian Malcolm. Plutôt les ersatz de leurs personnages, inchangés en trente ans, mais aseptisés, leurs mauvaises copies, comme s’ils avaient été remplacés façon L’invasion des profanateurs de sépultures.

     Je garde le meilleur pour la fin : L’anthropomorphisme. Pourquoi les dinosaures ressemblent de plus en plus à des clébards ou des humains ? Je pense qu’il y avait déjà ça chez Spielberg, c’est difficile d’y échapper, surtout venant de créatures dont il est difficile de savoir leurs vrais comportements. Mais il y trouvait le bon dosage, une étrangeté, une surprise. Ici on peut les dresser en leur tendant la main façon salon nazi. Pire encore, ils peuvent faire semblant de mourir. Dans Fallen kingdom, l’indoraptor faisait semblant de dormir, déjà, mais c’était une création hybride, guerrière, pourquoi pas. Là c’est le Tyrannosaure, celui du film de Spielberg, qui reprend in extremis son statut de « roi de la jungle » qui feint d’être mort sous les coups d’un Giganotosaure. Manquait plus qu’un clin d’œil. Et un hug avec son nouveau copain, le Therizinosaure. Tranquilou bilou. Un nanar à 165 millions, quand même.

L’empire des fourmis géantes (Empire of the ants) – Bert I. Gordon – 1978

03. L'empire des fourmis géantes - Empire of the ants - Bert I. Gordon - 1978Chérie j’ai agrandi les fourmis.

   2.0   Sorte de Jack Arnold du pauvre, Bert Gordon faisait déjà des séries B horrifiques durant les années 50 / 60 : Il a par exemple filmé des sauterelles géantes (Beginning of the end), des géants (Village of the giants) ou une énorme tarentule (Earth vs The spider). Peut-être sous l’impulsion du génial Phase IV (Saul Bass, 1975) le voilà lancé sur le terrain des fourmis, pour sa fin de carrière – même s’il tournera apparemment d’autres merdes ensuite.

     Il ne faut guère longtemps pour comprendre dans quoi on a mis les pieds : L’empire des fourmis géantes est un gigantesque nanar. Il fera illusion durant son introduction, un prologue pédagogique visant à appuyer sur l’intelligence des fourmis, son obsession militaire, l’importance des phéromones, sa propension à l’élevage. Dans la foulée, on comprend que si les fourmis prendront le format suggéré par le titre, c’est à cause d’un baril de produits toxiques échoué sur une plage. Pourquoi se casser le cul à écrire un semblant de quelque chose, après tout ?

     Le film se déroulera donc sur une île. Ile sur laquelle des fourmis mutantes ont pris un pouvoir, on le croit au préalable sanguinaire, avant qu’il se révèle calculé, manipulateur. Plus intelligent en somme, comme nous le promettait le prologue. Un groupe d’investisseurs potentiels en visite – mais pour la plupart là pour le buffet à l’œil ou pour draguer des jolies blondes – se retrouve en fuite, à travers plage, rivière et forêt, entièrement guidé par une meute de fourmis qui sait ce qu’elle fait.

     C’est peut-être le seul intérêt du film à savoir que la peur du nucléaire et l’obsession de la Guerre froide, omniprésents dans les films des B-Horror movie des années 50, s’est transformé en paranoïa politique, post assassinat de Kennedy et scandale du Watergate. Mais passons, ce n’est pas vraiment la motivation du film. Ce n’est ni le Tarentula d’Arnold ni L’invasion des profanateurs, de Kauffman, sorti l’année suivante du Gordon.  

     Insuffisant pour nous faire oublier le reste : Pas un seul personnage à sauver là-dedans. A moins que le problème vienne des interprètes, tous épouvantables. Ou de ces dialogues écrit avec l’anus. Ou de l’incohérence de chacun de leurs mouvements. On repense souvent à Scream, qui se moquait des films d’horreur parce que les personnages s’y isolent toujours ou qu’ils disent en permanence « Je reviens tout de suite ». Il n’y a que ça dans L’empire des fourmis géantes, ils finissent tous par s’isoler, crier au secours et crever.

     Pas une seule situation où l’on se dit tiens, il y a enfin quelque chose, un lieu, une respiration. Durant la séquence sur la pirogue de fortune – qui subira deux attaques atroces, imbitables – je n’ai cessé de repenser à cette scène – peut-être ma préférée de tout le film – du radeau dans le sublime Piranhas, de Joe Dante : Là il y a une suspension, du temps, une tension, des personnages, un élément perturbateur, une attention au décor, ces cordes, ce canoé jaune. Et il y a un vrai dialogue, qui nous apprend beaucoup sur la situation. Et une fin de séquence vraiment trash. Chez Gordon, le truc est expédié n’importe comment, on ne comprend rien à rien et c’est à peine si l’on prend le temps de glisser sur la rivière. Et quand un personnage masculin gueule sur une nana, trente secondes plus tard il se fait punir en se faisant dévorer. Comment on peut se rassasié de ça franchement ? Surtout quand c’est si laid.

     Pas un seul effet spécial qui soit digne d’intérêt : parce qu’en cas d’animatroniques, le plan est toujours tremblant, chaotique, on ne comprend jamais rien ; et qu’en cas d’incrustations, c’est la catastrophe absolue : une gommette sur le négatif. Quant aux scènes où de vraies fourmis sont utilisées, Gordon veut à tout prix les mélanger avec la présence des personnages, créant forcément des problèmes d’échelles et de mouvements des uns et des autres absolument invraisemblables. Et sans parler de ces nombreuses visions subjectives des fourmis, façon kaléidoscope. Bref c’est ridicule de A à Z.

Firestarter – Keith Thomas – 2022

20. Firestarter - Keith Thomas - 2022Fart lighting.

   2.0   Je n’ai lu ni le roman de Stephen King (qui paraît-il est top) ni la première adaptation de Mark Lester (qui paraît-il n’est pas top) avec une toute jeune Drew Barrymore tout juste post E.T. Mais cette nouvelle adaptation ne vaut rien, quoiqu’il en soit. Tout y est un peu nul, plat, écrit et filmé n’importe comment, aussi réchauffé que sa musique signée pourtant Carpenter, et à peu près aussi passionnant et incarné que Zac Efron qui a rarement été autant à côté de la plaque, c’est dire le niveau de cette énième production Blumhouse absconce. L’encéphalogramme plat.

Blasted (Hessdalen) – Martin Sofiedal – 2022

17. Blasted - Martin Sofiedal - 2022EVG Z.

   3.0   Incroyable de constater à quel point cette comédie SF norvégienne singe le modèle dominant américain, de la voir incapable de créer quoi que ce soit d’autre, penser son lieu, ses personnages, de la voir enfermée dans ses références (une pelletée grâce à ses petits geeks mal dégrossis qui citent à foison) et son ambition de fourre-tout indigeste. Il sera question d’un enterrement de vie de garçon, de forêt, de laser-game et d’aliens, en gros. Une relecture pompée de Shawn of the dead / The world’s end, en somme. Des films qui ne sont déjà pas très intéressants, à mon humble avis, mais Edgar Wright leur donne un truc que Martin Sofiedal n’a vraisemblablement pas. Surtout quand il se vautre dans un discours de plus en plus moraliste neuneu. De ce marasme, On sauvera le personnage de la flic, clairement inspirée de McDormand dans Fargo : Elle est enceinte jusqu’aux dents, évidemment. Très dispensable.

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