Chérie j’ai agrandi les fourmis.
2.0 Sorte de Jack Arnold du pauvre, Bert Gordon faisait déjà des séries B horrifiques durant les années 50 / 60 : Il a par exemple filmé des sauterelles géantes (Beginning of the end), des géants (Village of the giants) ou une énorme tarentule (Earth vs The spider). Peut-être sous l’impulsion du génial Phase IV (Saul Bass, 1975) le voilà lancé sur le terrain des fourmis, pour sa fin de carrière – même s’il tournera apparemment d’autres merdes ensuite.
Il ne faut guère longtemps pour comprendre dans quoi on a mis les pieds : L’empire des fourmis géantes est un gigantesque nanar. Il fera illusion durant son introduction, un prologue pédagogique visant à appuyer sur l’intelligence des fourmis, son obsession militaire, l’importance des phéromones, sa propension à l’élevage. Dans la foulée, on comprend que si les fourmis prendront le format suggéré par le titre, c’est à cause d’un baril de produits toxiques échoué sur une plage. Pourquoi se casser le cul à écrire un semblant de quelque chose, après tout ?
Le film se déroulera donc sur une île. Ile sur laquelle des fourmis mutantes ont pris un pouvoir, on le croit au préalable sanguinaire, avant qu’il se révèle calculé, manipulateur. Plus intelligent en somme, comme nous le promettait le prologue. Un groupe d’investisseurs potentiels en visite – mais pour la plupart là pour le buffet à l’œil ou pour draguer des jolies blondes – se retrouve en fuite, à travers plage, rivière et forêt, entièrement guidé par une meute de fourmis qui sait ce qu’elle fait.
C’est peut-être le seul intérêt du film à savoir que la peur du nucléaire et l’obsession de la Guerre froide, omniprésents dans les films des B-Horror movie des années 50, s’est transformé en paranoïa politique, post assassinat de Kennedy et scandale du Watergate. Mais passons, ce n’est pas vraiment la motivation du film. Ce n’est ni le Tarentula d’Arnold ni L’invasion des profanateurs, de Kauffman, sorti l’année suivante du Gordon.
Insuffisant pour nous faire oublier le reste : Pas un seul personnage à sauver là-dedans. A moins que le problème vienne des interprètes, tous épouvantables. Ou de ces dialogues écrit avec l’anus. Ou de l’incohérence de chacun de leurs mouvements. On repense souvent à Scream, qui se moquait des films d’horreur parce que les personnages s’y isolent toujours ou qu’ils disent en permanence « Je reviens tout de suite ». Il n’y a que ça dans L’empire des fourmis géantes, ils finissent tous par s’isoler, crier au secours et crever.
Pas une seule situation où l’on se dit tiens, il y a enfin quelque chose, un lieu, une respiration. Durant la séquence sur la pirogue de fortune – qui subira deux attaques atroces, imbitables – je n’ai cessé de repenser à cette scène – peut-être ma préférée de tout le film – du radeau dans le sublime Piranhas, de Joe Dante : Là il y a une suspension, du temps, une tension, des personnages, un élément perturbateur, une attention au décor, ces cordes, ce canoé jaune. Et il y a un vrai dialogue, qui nous apprend beaucoup sur la situation. Et une fin de séquence vraiment trash. Chez Gordon, le truc est expédié n’importe comment, on ne comprend rien à rien et c’est à peine si l’on prend le temps de glisser sur la rivière. Et quand un personnage masculin gueule sur une nana, trente secondes plus tard il se fait punir en se faisant dévorer. Comment on peut se rassasié de ça franchement ? Surtout quand c’est si laid.
Pas un seul effet spécial qui soit digne d’intérêt : parce qu’en cas d’animatroniques, le plan est toujours tremblant, chaotique, on ne comprend jamais rien ; et qu’en cas d’incrustations, c’est la catastrophe absolue : une gommette sur le négatif. Quant aux scènes où de vraies fourmis sont utilisées, Gordon veut à tout prix les mélanger avec la présence des personnages, créant forcément des problèmes d’échelles et de mouvements des uns et des autres absolument invraisemblables. Et sans parler de ces nombreuses visions subjectives des fourmis, façon kaléidoscope. Bref c’est ridicule de A à Z.
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