Publié 21 juillet 2022
dans Pierre Jolivet
Ma petite caserne.
4.0 Je n’échange pas un « Backdraft » contre dix « Hommes du feu ». Plus sérieusement je trouve que ça fait partie des Jolivet ratés. On sent qu’il veut filmer le travail, des hommes et des femmes au travail, mais je n’y crois pas une seconde, c’est trop (mal) écrit et dialogué notamment. Quant aux diverses situations elles relèvent beaucoup d’une suite de péripéties trop écrites, trop carrées, comme si Jolivet tenait à faire catalogue exhaustif du quotidien d’une caserne de pompiers. Ou alors il eut fallu qu’il reste davantage chevillé à sa femme du feu, incarnée par Emilie Dequenne, qui me semble souvent un peu à côté et encore plus ici, dans le bon sens : Le cœur du film se jouait dans cette anomalie à mon sens et non dans cette chronique préfabriquée qui manque d’incarnation. Il me semble que Beauvois s’en tire nettement mieux quand il filme le quotidien d’un flic d’Etretat dans Albatros. Sans doute parce que tout l’attention se porte sur lui, au travers des évènements qu’il croise. Il y avait peut-être un super docu à faire.
Publié 20 juillet 2022
dans Patrice Leconte
Depardieu et la ville morte.
5.0 De Simenon, Leconte adapte le roman Maigret et la jeune morte. C’est un peu anachronique de retrouver aujourd’hui, sur écran, cette police à l’ancienne. Qui plus est incarnée par Depardieu, qui campe un parfait post-Gabin dans le rôle de ce fumeur de pipe, qui décide d’arrêter la pipe. C’est un film qui semble une fois de plus faire le documentaire de Depardieu lui-même, son visage, sa carrure, sa démarche, sa voix. D’une part car il dévore, comme toujours, le plan. D’autre part car l’intrigue n’a rien d’exceptionnelle. Mais Leconte insuffle à son Maigret une ambiance terne, poisseuse, assez proche du style melvillien, pour préserver une atmosphère singulière, de ville fantomatique, que viendra accentué la présence fugitive et émouvante d’André Wilms, dans son ultime rôle. Aussi, il y a au début une belle idée de mise en scène – il y en aura assez peu : En s’ouvrant sur un montage parallèle très réussi : D’un côté Maigret est ausculté chez un médecin, de l’autre la future victime qui essaie une robe dans un magasin.
Publié 13 juillet 2022
dans Patrick Hughes
Aliénation artificielle.
2.5 On croirait un film construit selon un algorithme lobotomisant. Rien n’a de sens, rien ne vit, rien n’est soigné, comme si le type aux manettes se disait que son spectateur s’en tape, qu’il vient se divertir et qu’il n’est pas nécessaire d’emballer correctement le bousin. C’est un genre qui m’a toujours attiré, la comédie explosive en forme de buddy movie. Die Hard en serait évidemment la pièce maîtresse. Ici un influenceur raté se retrouve à faire équipe, à la faveur d’un quiproquo (auquel on ne croit pas non plus) avec un tueur à gages professionnel. Kevin Hart avec Woody Harrelson, donc. Sur le papier ça peut faire une chouette comédie du dimanche soir. Dans les faits c’est archi nul, balisé, complètement dépourvu d’idées. Le degré zéro de la mise en scène, puisque c’est réalisé par Patrick Hugues mais on se demande si ce type existe ou si ce n’est pas déjà un robot. Preuve à l’appui, la seule scène où l’on se dit qu’il tente un truc : Le plan séquence dans la salle de boxe à la fin, qui ne fonctionne jamais car il est faux, charcuté, parfois accéléré, flou, invraisemblable bref dégueulasse comme si c’était un androïde défectueux qui s’en était occupé.
Publié 12 juillet 2022
dans Quentin Dupieux
Wrong way.
5.0 Globalement le même sentiment qu’au sortir d’Au poste (2018) : Casting génial, super pitch, super drôle (un temps). Mais aussi le film d’un feignant, incapable d’aller au bout de son idée, ni même de l’étoffer. Ici une histoire de trappe/trou dans le sous-sol d’une maison, qui ouvre, disons sans trop divulgâcher le plaisir relatif, sur une petite faille temporelle. On aimerait que le film suive son idée, c’est à dire qu’il soit en apparence peu impacté, mais qu’il se dérègle – à l’image du personnage incarné par Léa Drucker – et explose. Et il se dérègle, oui, au bout de 45min : son régime s’effondre doucement avant de sombrer dans un dernier quart d’heure embarrassant, qui aurait mérité un traitement plus intéressant que ce clip ridicule ni fait ni à faire. Dommage car il y a vraiment des supers instants : La découverte de la maison en plusieurs étapes/ellipses, la scène du repas entre Drucker/Chabat & Demoustier/Magimel, le chat, l’agent immobilier. Il y a comme des effluves de Buñuel, par ce début qui retarde ses effets, comme si un ange exterminateur empêchait les secrets d’être révélés, mais aussi par ce plan de main et de fourmis. Si on va un peu plus loin que sa science du dialogue, des mots et la réussite de son cast, il ne reste au fond qu’une banale histoire de trou et de bite et la sensation que Dupieux trouve son alter ego en Chabat, personnage un peu angoissé, un peu solitaire, qui préfère in fine aller pêcher avec son clebs plutôt que de s’intéresser à ces histoires de trou et de bite. Deux dernières remarques aussi : D’une part, c’est lorsque le film vire dans le drame qu’il a tout pour être passionnant, et c’est pile là que ça rate. D’autre part, la photo des films de Dupieux est de plus en plus dégueulasse et là c’est vraiment scandaleusement gris, flou, plat, terne, voilé, c’est très laid. Vraiment je ne comprends pas : L’image de Steak, de Rubber, de Wrong était si belle.
Publié 11 juillet 2022
dans Rodolphe Tissot
Vaillante Solange.
6.0 Solange, quinze ans, vit dans un village (fictif) de Haute-Savoie : Clèves. Sa mère, gérante d’une petite boutique en faillite, est plus ou moins dépressive, son père, Stewart, toujours absent. Solange passe son temps avec ses copines et chez un voisin, son (ancien) babysitteur. Elle découvre peu à peu la sexualité et le pouvoir qu’elle peut exercer sur les garçons.
Clèves n’est pas tant une adaptation de La Princesse de Clèves – Mais les ponts sont possibles avec le récit de Madame de La Fayette – que celle de Clèves (2011) un roman écrit par Marie Darrieussecq, dans lequel elle contait, de façon éminemment autobiographique, l’éveil à la sexualité d’une adolescente dans les années 80. Rodolphe Tissot transpose son récit de nos jours dans un décor alpin qui devient personnage essentiel, écrin rocheux, qui épouse les affres et découvertes de son personnage.
L’écriture y est très crue au même titre que les nombreuses scènes de sexe. Quant au personnage incarné par Solange, difficile à la fois de ne pas s’identifier (Elle est de chaque plan) autant que la détester, tant son apprentissage se pare d’une nonchalance et d’une cruauté déconcertantes. C’est un beau film sur l’émancipation d’une ado, l’exploration du désir, le consentement et les rapports de domination. Une chronique de la sexualité, à l’heure de Metoo, tour à tour légère et violente, tendre et cruelle.
Publié 9 juillet 2022
dans Ida Lupino
Road-movie pour un tueur.
7.0 Premier film que je voie d’Ida Lupino. À vrai dire je ne savais pas qu’elle avait aussi réalisé. Et The Hitch-hiker est un super film, avec deux amis (partis pêcher) qui prennent un autostoppeur qui se révèle être un serial killer en cavale, et qui les embarque dans une traversée de la Californie et du Mexique afin de prendre un ferry. Les trois acteurs sont exceptionnels. Une voiture, trois hommes et des paysages désertiques. C’est sec, concis (1h07) et très peu dialogué. Je me serais bien passé de ces scènes/inserts, policières ou journalistiques, qui font avancer l’intrigue. Y avait moyen d’être encore plus minimaliste. Du très bon RKO.
Publié 8 juillet 2022
dans Claude Autant-Lara
La rivalité de Paris.
5.0 Évidemment ça ne ressemble pas du tout à ce qu’on connaît d’Autant-Lara, enfin de ce que j’ai vu. Mais ça ne m’a pas impressionné pour autant. C’est un triangle amoureux vu par le prisme d’une réalisation expérimentale, volontiers avant-gardiste, sans intertitres, certes mais cette caméra tangue beaucoup trop à mon gout. Ça m’a surtout donné envie de revoir le magnifique Ménilmontant, de Dimitri Kirsanoff, aussi présent sur le site d’Arte.
Publié 6 juillet 2022
dans Édouard Molinaro
« Salaud ! Neurologue de mes fesses ! »
5.5 S’il en a même tiré un remake (que je me refuse toujours de voir) avec Timsit & Berry, difficile encore aujourd’hui de ne pas considérer L’emmerdeur comme un film de Francis Veber : Tout Veber ou presque y est déjà. Notamment ce curieux duo, apparemment mal assorti qui se révélera touchant et complémentaire. Plus tard ce sera, pour le meilleur de Veber, Pierre Richard & Gérard Depardieu aka Pignon/Perrin & Lucas/Campana Mais on peut déjà y trouver de belles prémisses au sein de celui formé dans Le Jouet, entre un gosse de riche et un monsieur qu’il a entrepris qu’on lui offre. Très beau film, qui compte beaucoup pour moi et qui sera finalement le tout premier film de Veber, en tant que réalisateur. Car s’il écrit L’emmerdeur c’est bien Édouard Molinaro qui se charge de le réaliser. Et Molinaro, c’est souvent très moyen, pour rester poli mais ici il s’en tire plutôt bien, surtout durant la première partie du film, toute l’installation et la présentation des deux personnages jusqu’à ce que leurs chemins se croisent enfin. Quand le moment attendu arrive, que le film apparemment noir (Ventura tient le rôle d’un tueur à gages missionné pour éliminer un parlementaire) se transforme en buddy movie, le film se repose quasi intégralement sur les présences de Brel & Ventura, géniaux tous les deux. Puis le film en fait finalement trop, se perd dans ses gags, accélère son tempo, sort beaucoup trop de cet immeuble. Ça devient un peu trop n’importe quoi. Mais on s’en remet à cette étrange association d’acteurs et le film reste malgré tout relativement plaisant jusqu’au bout.
Publié 5 juillet 2022
dans Philippe Lacheau
La bande à Fifi : Le monde des ténèbres.
2.0 Il y a une volonté chez Lacheau & Cie de revisitation de leurs classiques, influences et madeleines. Après avoir remaké Le Jouet, avec Babysitting, en le malaxant avec un gros zeste de Projet X / Very bad trip, ils avaient d’emblée offert une suite, dans le même esprit comme le Splendid avait pu le faire en son temps avec Les bronzés. C’était tout aussi drôle et tout aussi lourd, surtout ça avait l’ambition de faire des films de troupe. Malheureusement, leurs Bronzés 3 est arrivé beaucoup trop vite : Alibi. com (de Lacheau) puis Épouse moi mon pote (de Boudali) c’était horrible. En parallèle, Reem Kherici (aussi membre de la bande à Fifi) réalisait ses propres trucs, les sympathiques autant qu’ils sont oubliables Paris à tout prix (2013) & Jour J (2017). Tout ça pour dire que j’avais volontairement fait l’impasse sur les projets qui suivirent : « Nicky Larson » d’abord, « 30 jours max » ensuite. Super héros malgré lui confirme leur état de forme : C’est le néant complet. Il n’y a plus rien qui ne soit ni drôle, ni subversif, ni rythmé, ni impertinent. Au mieux le film cumule les clins d’œil à la culture super héros et dans le meilleur des cas c’est pour voir un figurant à rouflaquettes sortir d’une Dacia Logan ou pour apprendre que Michelle Thor a perdu son marteau. C’est dire le niveau. Le reste du temps c’est vannes sexuelles et scato en rafale, notamment une ribambelle sur la taille de la bite de Philippe Lacheau. Passionnant. Seule blague osée : une scène en référence à Alec Baldwin, où l’on apprend que « Tom Cruise » a pris une balle dans le cul, suite à une arme malencontreusement chargée sur un tournage. Blague involontaire puisque le film est tourné avant le drame en question. C’est à l’image du film in fine devant lequel on rit parfois mais toujours de malaise et contre lui.
Publié 4 juillet 2022
dans Jonathan Barré
La bête histoire de Daniel & Stéphane.
3.0 Avec toute la sympathie que je peux avoir pour le Palmashow, il faut reconnaître qu’au cinéma – à moins d’être sinon canalisés, complètement absorbés par la réalisation de Dupieux, dans le très beau Mandibules – c’est un peu la catastrophe. Déjà La folle histoire de Max & Léon c’était prometteur mais in fine pas fameux, très raté (mais un peu plus ambitieux il me semble, avec cette envie de renouer avec de grands films populaires type La grande vadrouille) et Les vedettes est du même acabit, quand bien même il remplace le terreau de la seconde guerre mondiale par des émissions télés, ouvertement parodique du Juste prix ou de N’oubliez pas les paroles. Les deux films sont d’ailleurs réalisés par Jonathan Barré. Et j’ai la sensation, devant ces deux films, que Barré ne fait rien sinon se mettre au diapason de ce duo souvent très drôle, sur pastille, mais incapable de créer du rythme sur le temps d’un film, qui plus est un buddy movie. Ludig & Marsais mangent le film qui ne parvient jamais à se déployer, par ses seconds rôles notamment, qui n’existent jamais. On sourit donc peu, il n’y a aucun rythme, peu d’idées et le fait que le film s’intéresse peu à cet univers (je le répète dévoré par ce duo) crée une atmosphère très cynique, à l’encontre du système télévisuel, certes, mais plus gênant, à l’encontre de ceux qui regardent les programmes télévisés et qui vivent en région.