Archives pour août 2022

La plage (The beach) – Danny Boyle – 2000

12. La plage - The beach - Danny Boyle - 2000Au cœur des édéniques ténèbres.

   10.0   En le revoyant là pour la énième fois mais la première depuis plusieurs années, je me suis rendu compte que j’aimais ce film bien plus que je ne le pensais, bien plus que de raison, en somme. Je me souviens avoir découvert La plage, j’avais quinze ans. On avait loué la cassette à notre vidéo-club préféré. Je venais d’entrer au lycée. J’étais un peu comme Richard débarquant à Bangkok. Tout y était excitant, foisonnant, angoissant, immense, nouveau. Il fallait tout réapprendre. C’est un film qui m’a hanté longtemps, instantanément. Aussitôt, je devais le revoir. Encore, encore. J’en étais dingue.

     A tel point que j’avais pris des notes pour en écrire la continuité, enfin plutôt les prémisses, à savoir les fondements de la communauté, avec Sal, Daffy & Bugs, dont j’imaginais une relation similaire à celle entre Françoise, Richard & Etienne. J’avais imaginé que Daffy ne pouvait s’empêcher de colporter l’information de l’existence de l’île quand il rejoignait le continent pour les ravitaillements ; qu’il avait fini par être rejeté par la communauté, puis qu’il était devenu fou, un peu comme Richard, qui lui finit par se réveiller. Je voyais bien le récit se terminer sur la disparition de Daffy, que tout le monde croyait mort et s’en satisfaisait pleinement puis par l’arrivée de Keaty, qui se devait d’être, pour le bien de tous, le dernier à rejoindre la communauté. J’ai dû jeter ces notes.

     Puis je me suis penché sur les origines de ce film : Le livre éponyme, signé Alex Garland, tout aussi formidable, qui va d’ailleurs plus loin, notamment dans son issue mais aussi le temps d’un chapitre d’intoxication alimentaire, si mes souvenirs sont bons. Je n’en suis jamais vraiment revenu de ce récit, de ce film, que j’ai revu régulièrement, avec le même plaisir, puis que j’ai un peu délaissé tant le cinéma de Boyle ne m’intéressait plus du tout – La rupture entre Sunshine (sublime) et Slumdog millionnaire (indigeste) grosso-modo. Autant je trouve la filmographie de Boyle discutable (en restant poli) autant là, non, y a pas débat, selon moi : c’est un chef d’œuvre absolu, mais je sais qu’on est peu à le penser.

     Richard est un jeune américain (anglais dans le livre) en quête de sensations fortes. Déçu dès son arrivée dans la capitale thaïlandaise où il découvre que son rêve d’occidental est le même que tout le monde, le voilà qu’il fait la rencontre de Daffy, qui peu avant de se suicider lui parle d’une île secrète, paradisiaque où une petite communauté de touristes vivrait en autarcie totale. Richard n’y croit pas des masses mais il hérite d’une carte et embarque avec lui un couple de français. Ils font le voyage vers une île puis une autre avant de nager vers ce lieu secret. Non sans épreuves, ils y découvrent finalement cette plage tant vantée par le mystérieux et siphonné Daffy ainsi que le quotidien d’un groupe de voyageurs souhaitant préserver leur secret. Si ce paradis existe en apparence, il a un prix et Richard ne va pas tarder à le découvrir.

     Le film réussit pleinement son processus d’identification – renforcé par la grâce de Virginie Ledoyen, qui décuple notre substitution à Richard : Comment ne pas tomber amoureux de Françoise ? Et ce dès sa première apparition en chemise de nuit dans le guesthouse ? – à la fois dans sa façon de nous présenter l’utopie créée par cette petite communauté autarcique – qui n’a pas rêvé d’être à la place de Richard, Françoise & Etienne et de plonger dans cette aventure, ce danger, ce paradis, hors des circuits touristiques, d’être les nouveaux pionniers d’un Eden ? – autant que dans la logique cruauté qu’il construit pour détruire cet idéal impossible, entre la peur et le malaise insidieux que cette arrogance de « pionniers » génère. Il y a d’abord quelques incidents sans grandes conséquences, à l’image de cet homme qui souffre d’une rage de dent et qu’on refuse d’emmener voir un dentiste. Plus tôt il y a bien entendu l’arrivée sur l’île qui déjà brise l’élan paradisiaque, avec l’ascenseur émotionnel que fait naître la découverte de l’immense champ de cannabis : nos trois aventuriers n’ont guère le temps d’en profiter qu’ils découvrent que ce champ est gardé par des cultivateurs armés, desquels ils réchappent in extrémis.

     Cette vie de robinson hippie fait pourtant vite rêver, comme elle fait au préalable rêver Richard. Avec ce mélange de cultures, puisque chacun vient d’un pays différent, l’apprentissage commun d’une nouvelle langue et bien sûr le bonheur de se satisfaire de pêche, de musique, de jeux et de cannabis. C’est un idéal qui fonctionne un temps mais qui se délite, de l’intérieur (« le désir reste le désir » rappelle Richard en off, ainsi que les rapports de domination, l’ennui, la folie latente sont vite les marqueurs d’un effondrement) et de l’extérieur : symbolisé ici par le fil rouge que représente le requin (la blague, le récit héroïque puis le drame) mais aussi par ce groupe d’américains qui détiennent quelque part une copie de la carte que leur a laissé Richard, qui est accepté par la communauté sur un mensonge puisqu’il nie avoir laissé des informations derrière lui.

     Ce qui n’était qu’un simple avertissement (la dent cariée que l’on extirpe dans la joie, l’alcool et la bonne humeur) se transforme vite en actes de barbarie : Gravement blessé par le requin, Christo, le suédois, souhaite qu’on fasse venir un médecin (car il ne peut se déplacer) ce qui lui est catégoriquement refusé, à l’unanimité ou presque, afin de préserver le secret de l’île. La gangrène se charge du reste et ses cris de douleur poussent la communauté à le rejeter dans la forêt, coupable de ne pas avoir su choisir entre la vie ou la mort, contrairement à son ami, mortellement mordu, qui avait eu le droit à une décente sépulture accompagnée en chœur de « Redemption song ».

     Mais le point de non-retour est encore loin. Pour que tout s’écroule – entendre par là pour que la communauté ouvre les yeux sur ce paradis perverti, comme Richard le fit enfin lorsqu’il voit les quatre routards se faire assassiner froidement par les fermiers – il faut que Sal, cheffe démoniaque cachée sous une apparence de stalinienne hypnotiseuse (il faut voir sa capacité de manipulation permanente couplée aux positions divines qu’elle arbore sans cesse, en écho à cette immense statue divine qui semble observer Richard dans l’introduction à Bangkok) soit démasquée dans sa démence : Ainsi quand les cultivateurs débarquent dans leur partie d’île pour se plaindre d’avoir encore eu la visite d’étrangers et dire à tout ce petit monde de faire ses valises, Sal n’hésite pas à leur balancer que Richard leur avait donné une carte et ainsi accepte de le tuer afin que la communauté puisse rester. Que l’arme soit chargée ou non n’a que peu d’importance (si bien sûr, puisque Richard est vivant) : Ce paradis n’existe plus. Les gens ont vu de quoi leur cheffe était capable. 

     Entretemps le film s’est transformé en Apocalypse now. Dans « l’horreur, l’horreur… » pour reprendre les mots du colonel Kurtz. La quête de l’Eden bascule dans les ténèbres Conradiennes. Richard, qui doit récupérer cette carte si problématique, est en mission de guerre. Les gardiens du champ de cannabis deviennent les Viêt-Cong. Et sa guerre se pare de jeu : ainsi fabrique-t-il des pièges dans la forêt ou s’immisce la nuit dans « le camp adverse » pour jouer avec leurs armes. Pour survivre il bouffe des insectes. Un peu plus et on le voyait sortir la tête des eaux au ralenti et découper Sal avec une machette. Et pendant ce temps, un blessé agonise dans un coin. Le paradis est un leurre, l’humanité une aliénation.

     La référence à Apocalypse now est évidente mais elle ne vient pas de Boyle : Dès la première page du roman d’Alex Garland, une sorte de prologue en forme de rêve halluciné, assimilait la présentation de son personnage, Richard, avec le film de Francis Ford Coppola. Dans le film, Apocalypse now est cité d’emblée aussi, puisqu’il est diffusé dans une salle en contrebas d’un couloir du guesthouse dans lequel loge Richard. L’ombre du film ne cessera de planer sur La plage, de Richard en simili capitaine Willard aux confins de la folie, en passant par Daffy, son double suicidaire, qui aurait comme déjà été gagné par la démence du colonel Kurtz qui peut aussi être incarné par le personnage de Sal.

     Le film s’achève dans un cybercafé, sur le visage de Richard découvrant, dans ses mails, la photo prise par Françoise, avec l’appareil jetable qu’il lui avait acheté lors de son escale avec Sal à Koh Phan gan. C’est la plus belle fin que Boyle pouvait offrir à son film – Et pour le coup, elle n’est pas dans le livre. C’est une simple photo accompagnée d’un petit mot : « Parallel universe, Love, Françoise ». C’est un souvenir, peut-être même un rêve, un mirage. Un peu plus tôt nous avions vu le groupe se prendre en photo en sautant tous en même temps sur la plage. Cette fin fige quelque chose, mais elle fige beaucoup de faux car elle ne fige que la dimension paradisiaque que fut ce séjour étrange, faussement idyllique, souvent terrifiant.

     On pourra reprocher beaucoup à Boyle ainsi qu’à son utilisation musicale mais il est rare de voir une telle alchimie dans une bande-son aussi éclectique : L’ouverture foisonnante sous Leftfield, Underworld quand Richard laisse la carte aux voyageurs, la découverte du lieu paradisiaque sous Moby, Spinning-away (d’Eno & Cale, reprise par Sugar Ray) durant la présentation de la communauté, une scène d’amour sous les All Saints, Les Chemical brothers lors de l’escale à Koh Pha Ngan, Dario G entre radeau et cybercafé, Unkle durant le générique final. Mais aussi New order, Blur, Mory Kanté, Asian Dub Foundation. Et j’en passe. Ça ne ressemble à rien sur papier, et pourtant c’est formidable. Sans parler du score original signé Angelo Badalamenti, qui revient régulièrement, ici durant la scène des étoiles ou celle de la traversée à la nage, là à la cascade ou pendant la mort de Christo. Aussi improbable que magnifique, et ce d’autant plus que ce thème (très proche de celui de Twin Peaks, par ailleurs) entre en parfaite adéquation avec les images et le rythme imposés par Danny Boyle. Allez savoir.

     Certes, le film n’est pas toujours bien canalisé, c’est du Danny Boyle, c’est trop frénétique, bourré de raccourcis, d’effets clipesques en tout genre ; il tente plein de choses et ne réussit pas tout – il suffit pour cela de rappeler ce plan de jeu vidéo à la Banjo & Kazooïe qui ne fonctionne pas, d’autant que contrairement au livre, le film ne fait pas suffisamment de Richard un gamer (On le voit qu’une fois jouer avec sa Game Boy) ou un américain nourri aux films sur la guerre du Vietnam. On peut encore citer cette scène d’amour en « nuit américaine » dans les eaux phosphorescentes sous le tube de l’époque « Pure shores » même si personnellement j’adore cette séquence. Mais à travers cette forme hybride, exagérée sans doute, indigeste probablement, La plage est aussi le portrait d’une génération, en mal d’identité, de territoire et de sensations fortes.

     Film mal-aimé, pour ne pas dire conspué à l’époque de sa sortie, par la critique notamment, La plage n’a jamais atteint la renommée que d’autres films chahutés réussissent à récupérer avec le temps. Aujourd’hui, pourtant, c’est quasi le même film que Spring breakers à mes yeux. Avec ces personnages dont l’idéal serait de capter l’instant de bonheur pour qu’il ne s’arrête jamais. Dans chaque cas tout s’effondre. J’aime l’énergie insufflée par Danny Boyle, sa manière de flirter en permanence avec le mauvais goût, de jouer sur plusieurs tableaux, différents genres, du film d’initiation au récit d’aventures, de la satire au film d’horreur, de la ville bruyante et nocturne à l’île calme et solaire, de cette eau azur à cette plage de sang.

As bestas – Rodrigo Sorogoyen – 2022

27. As bestas - Rodrigo Sorogoyen - 2022L’amour à mort.

   9.0   As bestas s’ouvre sur un étrange prologue au ralenti, qui nous donne à voir un rite galicien où deux « aloitadores » immobilisent un cheval afin de tailler sa crinière et le marquer. Un écho tonitruant à ce prologue interviendra aux deux-tiers du film, en point d’orgue d’une séquence tendue comme jamais, insoutenable dans sa durée, sa gestion de l’espace et son silence oppressant. Séquence qui sert d’apogée à une première partie qui forme un crescendo d’angoisse sans précédent.

     Passé ce prologue, le film prendra le temps d’installer ses pions, de nous immiscer dans la vie de ce village des montagnes de Galice. Et tout particulièrement dans le quotidien d’un couple. Olga & Antoine, des français d’une cinquantaine d’années, qui vivent dans une ferme où ils cultivent leurs légumes bio, les vendent sur les marchés et retapent, à leurs heures perdues et à leurs frais, les bâtisses délabrées du coin dans le but de faire revenir les locaux, de repeupler le village, de le faire renaître.

     Ils ne jouent néanmoins pas aux messies ni aux bons samaritains, mais se contentent de réaliser leur rêve partagé. Et s’ils nouent de solides liens avec quelques habitants du village (un couple de fermiers, notamment, un vieux berger aussi) et qu’ils sont globalement appréciés sur les marchés, leurs rapports sont nettement plus conflictuels avec leurs voisins mitoyens, Xan & Loren, qui vivent avec leur vieille mère.

     Une simple querelle de voisinage ? C’est plus complexe et c’est bien entendu toute l’intelligence d’un film au récit archi construit, minutieusement charpenté, qui va s’étoffer à mesure. Ce dérèglement prend en réalité sa source en amont : Un projet d’installation d’un parc éolien, auquel le couple s’est farouchement opposé, contrairement à la plupart des habitants autochtones, qui y voient l’occasion d’une compensation financière qui les extirperait enfin de la misère. L’édifice du trouble conflictuel repose beaucoup là-dessus ainsi que sur le décalage linguistique (on y parle français, espagnol mais aussi galicien) et le décalage insoluble (on peut toujours apprendre une langue) persistant entre le rural ancré et le citadin néo-rural.

     Mais pour comprendre la véritable source du conflit, il faut remonter deux siècles en arrière. As bestas ne cessera en effet d’évoquer cette obsession des espagnols – et on imagine que Sorogoyen connait bien le sujet – pour leur rejet de Napoléon et l’amalgame avec le français d’aujourd’hui, qui resterait quoiqu’il arrive un conquistador. On sent que ça doit être un récit qui s’est transmis entre générations au sein de ces villages de galiciens pure souche. Et Xan transmet cette obsession en permanence, dans une mécanique de langage très précise – qu’il soit bourré ou non – située entre l’humour et la menace. Il est fascinant et terrifiant. Et par ailleurs, on sent qu’il ne l’est pas seulement pour nous ou pour Antoine, mais aussi pour Loren, son petit frère, ainsi que pour tous les gens du village, qui acquiescent, ne le contredisent jamais.

     Là où le film impressionne, outre sa maîtrise de la séquence, de la composition, de la tension, du dialogue, des silences, c’est dans l’espace d’ambiguïté qu’il parvient malgré tout à agencer : Quand bien même il nous convie aux côtés du couple de français, en nous faisant subir les attaques verbales puis physiques de ces deux frangins galiciens – qui rivalisent de plans d’intimidation : pissent sur leurs chaises longues, empoisonnent leur puits et rodent aux abords de leurs fenêtres la nuit – il ne crée pourtant pas de frontière statuée entre gentils et méchants, puisqu’il donne aussi du poids aux raisons de ces deux types (sans toutefois légitimer leur comportement, bien entendu) notamment le temps d’une séquence (un plan-séquence fixe d’une dizaine de minutes, probablement) où les deux paroles, les deux raisons se confrontent autour d’un verre de vin. Et subtilement, lors de cet instant, court au sein de leur éternel conflit (Il semble qu’ils ne se soient jamais confiés leurs vies et rêves respectifs) mais long au sein du film, notre regard change, notre position évolue, notre empathie quitte un peu Antoine (et son caprice de français aisé et érudit) pour Xan & Loren (et leur misérable et inextinguible existence).

     Et le catalyseur de la chute, quand l’intimidation se substitue à la confrontation (la rencontre nocturne dans la voiture, terrifiante, puis bien sûr l’instant cathartique dans la forêt, glaçant) c’est la caméra. Cette petite caméra qu’Antoine s’entête d’utiliser – contre l’avis d’Olga, qui ne cesse de répéter « il y a toujours d’autres solutions » – afin de récolter des preuves des mauvais comportements de ses voisins. La séquence à la station-essence, pareil, quel instant de pure tension : « El periódico, francés ! ».

     C’est donc un film de village, voire de (conflit de) voisinage, que Sorogoyen va orchestrer comme un thriller. Un film virtuose, évidemment, mais jamais surplombant. Ce n’est pas Haneke, Ça vie beaucoup dans chaque scène. Si je devais faire un comparatif un peu approximatif je dirais que ça m’évoque davantage le cinéma roumain, fait de grands blocs, vivants et étouffants à la fois. C’est un thriller qui vire parfois au film horrifique, avec des armes sans qu’un seul coup de feu ne soit tiré, avec des confrontations sans qu’une goutte de sang ne soit versée. C’est très crispant tout du long, pour ne pas dire terrorisant. Mais la structure en dyptique (Il y a clairement l’avant et l’après) surprend, d’autant qu’elle prend le risque d’une rupture dans la montée en tension qui régissait jusqu’alors.

     Impressionnant aussi fut ce glissement brutal, opéré du film d’hommes vers le film de femmes (la mère des uns, la femme et la fille de l’autre) pour le dire grossièrement. Et sans que ce soit un message, un truc martelé, dans l’ère du temps. C’est très fort. C’est simplement une ellipse d’une année qui brise tout. Olga était d’abord assez effacée, se tenait loin des conflits, les refusait au point d’émettre à son mari le souhait de partir. Dans la seconde partie, c’est une autre Olga. Les cheveux coupés, Marina Foïs semble avoir pris dix ans. Olga devient la Sara Conor de la Galice, elle ne partira plus.

     La tension elle-même se déplace, quand bien même on la retrouve un peu dans cde moment irrespirable où Olga et sa fille récupèrent les brebis. Le conflit de classe se substitue au conflit mère-fille. Et s’adoucit parce qu’au fond c’est toujours l’amour qui gagne : As bestas est aussi une superbe histoire d’amour qui explosera à la fois dans l’obsession d’Olga mais aussi dans ces vidéos que la fille regarde : Au milieu des relations conflictuels entre son père et le voisinage, se loge un moment d’amour d’une simplicité, qui l’émeut. Qui nous transperce. Par ailleurs, si on peut trouver des influences aux deux premiers tiers d’As Bestas chez Délivrance ou Les chiens des pailles (et encore ce n’est pas évident du tout, à mon sens) le dernier tiers c’est quelque chose que je n’ai vu absolument nulle part. Le film devient presque plus puissant encore après son basculement.

     Et quel casting ! Il serait injuste de ne pas mentionner que Denis Ménochet & Marina Foïs sont tous deux exceptionnels. Il serait plus injuste encore de pas évoquer la puissance d’incarnation de Luis Zahera (déjà génial dans El reino) & Diego Anido. Incroyables.

     C’est donc une énorme claque. Sorogoyen m’avait déjà bien marqué avec El reino, mais là c’est encore autre chose. Entre l’intensité, le mélange des langues, l’interprétation hallucinante de chacun, l’histoire d’amour fou, l’ambiance, la musique, c’est déjà un classique absolu pour moi. Rarement été aussi tendu devant un film et notamment durant trois séquences phares (la forêt, la guinguette, la cuisine) – sans parler de la scène des dominos et de la scène « tapas de gato » – dont deux en plans-séquence à rallonge, carrément irrespirables. Rarement été à ce point sonné par un film dans son entier. Je ne verrai plus les éoliennes, les tomates, les dominos de la même manière.

     Il faut à tout prix que je me mette à jour sur le cas Sorogoyen et que je rattrape ce qui me manque : « Que dios nos perdone », « Madre » ainsi que sa mini-série « Antidisturbios ».

Buzz l’éclair (Lightyear) – Angus MacLane – 2022

07. Buzz l'éclair - Lightyear - Angus MacLane - 2022Vers l’infini, mais pas au-delà.

   6.5   Le film est globalement rejeté, par le public et la presse, je ne comprends pas. C’est vraiment super. Peut-être pas du niveau des quatre Toy Story mais qu’importe.

     C’est un spin-off en forme de one shot assez parfait : C’est vrai, pourquoi toujours vouloir faire des ponts, des suites ? Ce film-là se suffit à lui-même. Il est un peu à Toy Story ce que Rogue One est à Star Wars.

     L’idée de base est géniale : Buzz l’éclair se réclame d’être le film qui rendit Andy, le petit garçon de la franchise Toy story, fan du jouet ranger de l’espace.

     Après avoir condamné, à la suite d’une erreur de pilotage, les habitants d’un vaisseau à vivre sur une planète inconnue, Buzz tente de s’en échapper mais dans une succession de ratés aux vertiges temporels imposants : à chacun de ses retours, quatre ans se sont écoulés pour les autres. C’est l’ouverture de Là-haut qui croise Interstellar.

     Le reste fait seulement office de film d’action, avec une drôle d’équipe à construire et un méchant à affronter (Zurg, évidemment), ainsi Buzz l’éclair manque clairement d’émotion, surtout au regard de la franchise et de la belle promesse que constituent ses vingt premières minutes.

     Mais ce serait grossier de bouder son plaisir, tant de plaisir j’en ai eu durant cette agréable projection de juillet avec mes enfants. Quel bonheur de les entendre rire à gorges déployées à chacune des apparitions / répliques du chat Sox, qui est génial.

     Dieu sait que l’idée, pourtant, ne m’emballait au préalable pas des masses. Enfin pas moins que celle de faire un Toy Story 4 après le sublime final de l’épisode 3. Finalement j’ai préféré ce Pixar-là à un autre sorti cette année, Turning red, qu’on encense, à mon avis, beaucoup trop.

     A part ça, on ne le dira jamais assez, mais quel plaisir de revoir un Pixar en salle : Buzz l’éclair étant le premier du studio à sortir sur grand écran depuis le début de la pandémie. Foutue plateformes… Y a que sur grand écran que l’on profiter d’une telle animation, encore une fois, aux petits oignons !

Le secret de la cité perdue (The lost city) – Aaron & Adam Nee – 2022

16. Le secret de la cité perdue - The lost city - Aaron & Adam Nee - 2022Wake up baby.

   4.5   À ranger dans la même catégorie qu’un Jungle Cruise : Screwball comedy inspirée du Bringing up baby, de Hawks et du African Queen, de Huston et surtout de À la poursuite du diamant vert, de Zemeckis. Le récit se jouera intégralement dans la jungle mais le film n’en fait pas grand-chose, se reposant entièrement sur son couple vedette, génialement mal assorti : Sandra Bullock & Channing Tatum. La première moitié tient la route grâce à eux et au passage éclair d’un fantastique Brad Pitt, qui nous manque trop vite. La seconde est un peu à l’image de son méchant, incarné par le nullissime Daniel Radcliffe et ses yeux écarquillés : elle veut trop en faire mais ne fait finalement rien, ce n’est ni drôle ni inventif et les tunnels de dialogues insipides l’orientent plutôt vers une ambiance trop sérieuse, avec leçon de vie à la clé. Pénible, donc. Dommage car ça partait pas mal. M’est avis que Brad arrive et part beaucoup trop tôt.

American graffiti – Georges Lucas – 1974

24. American graffiti - Georges Lucas - 1974Almost grown.

   8.0   Si Georges Lucas est essentiellement connu pour être le créateur de cette petite saga de SF que tout le monde connaît, ma préférence chez lui ira assez largement à American graffiti (et surtout pas à cette horreur de THX1138) que je revoyais là avec beaucoup de plaisir.

     C’est un film magnifique qui se déroule à Modesto, Californie (Ville natale de Lucas) le temps d’une nuit, la dernière pour certains des jeunes que l’on croise, qui quittent le lycée pour s’envoler vers l’université.

     En théorie oui. Mais dans les faits, le récit se déroulant en 1962, c’est surtout les derniers instants d’une Amérique en pleine innocence et insouciance qui plongera bientôt dans la paranoïa et la violence exacerbée, avec l’assassinat de JFK et le déploiement d’envergure des troupes au Vietnam.

     En outre le film fait la chronique d’une soirée, une pure déambulation – même pas collective, puisque les personnages ne font que se croiser – avec une unité de lieu et de temps. Il semble situé à mi-chemin des expérimentations de Lucas et ses plongées dans le pur divertissement.

     Un récit sans colonne vertébrale ni véritable personnage principal, simplement guidé par le mouvement (à bord des voitures, essentiellement) et accompagné d’un juke box rock assez imparable, qui lorsqu’il se coupe (assez rarement ce qui renforce le malaise) ouvre le film, les personnages et donc la jeunesse américaine du début des années 60 sur un abyme monstrueusement mélancolique et un pur mirage, à l’image de cette fille blonde dans la Thunderbird blanche que Curt tente de retrouver pendant tout le film.

     C’est un beau teen-movie mais aussi un passionnant film théorique. Un film hybride donc, qui me touche d’autant plus qu’il a inspiré, de près ou de loin, une partie du cinéma que j’aime, notamment celui de Richard Linklater.

Etreintes brisées (Los abrazos rotos) – Pedro Almodóvar – 2009

26. Etreintes brisées - Los abrazos rotos - Pedro Almodóvar - 2009Todo sobre mi amor.

   7.0   Revu sur ARTE cet Almodovar qui m’avait copieusement ennuyé en salle. Alors soit Je n’étais pas d’humeur, soit j’avais fait une sieste, soit Pedro me gonflait trop à ce moment là (période Volver / La Piel que habito) en tout cas c’est un autre film que j’ai vu hier, du niveau de ses plus belles réussites, un film déchirant sur une love story brisée, racontée sur deux temporalités, avec des idées géniales partout : l’accident filmé, les photos déchirées, la scène de rupture doublée, la longue scène en référence aux premiers Almodovar, la scène Voyage en Italie et j’en passe. Un superbe Almodovar. Et c’est peut-être bien le plus rôle de Penelope Cruz, absolument incroyable dedans.


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