L’arène déneige.
8.0 Encore un film catastrophe que je regardais beaucoup, beaucoup quand j’étais gamin. Un film catastrophe doublé d’un survival groupé. Un peu comme dans L’aventure du Poséidon, dont il n’est pas utile que je vous rappelle l’amour infini que je lui voue. Point de tsunami ni de paquebot renversé ici mais un antagoniste multi-facette : Le froid, la neige, la faim et l’altitude.
Je ne l’avais pas vu depuis au moins vingt ans donc je craignais la douche froide. Ravi de constater que j’aime toujours énormément. J’avais oublié que c’était tiré d’une histoire vraie. Il s’agit en effet de l’adaptation du roman éponyme de Piers Paul Read, qui raconte l’accident du Vol 571 Fuerza Aerea Uruguaya, survenu dans la Cordillères des Andes, le vendredi 13 octobre 1972.
Après quelques recherches approfondies, j’ai réalisé que le film était hyper fidèle, jusqu’aux noms des personnages, leur façon de mourir, le nombre de jours etc… Même si évidemment ce que l’on retient de cette histoire et donc de ce film, ce qui marque en priorité, c’est que ces survivants ont survécu en mangeant les cadavres. Mais le film est bien plus fort que ça : Il sait créer une kyrielle de personnages, des interactions, un lieu, une temporalité. C’est hyper bien fichu.
En effet, ce qui me frappait à l’époque et qui, je trouve, a plutôt bien vieilli, c’est le ressenti du temps. Le film distribue par instants quelques indications (nombre de journées depuis le crash) mais il n’en abuse pas, surtout, les images suffisent presque : On ressent cette durée, via l’épuisement des uns, la renaissance des autres, ainsi que par les changements de saison. Les séquences « anniversaires » participent à accentuer cette idée que le temps passe.
Le film réussit par ailleurs à bien développer chacun des personnages. On apprend à connaître chacun d’eux, à les voir dans un travail d’équipe qui n’a rien à voir avec leur travail d’équipe habituel : Ils sont rugbymen. Mais dans cette situation ils ne sont pas plus rugbymen que couturiers. Ils doivent réapprendre à vivre en équipe mais à tâtons. Et on s’attache tellement à eux que chaque départ est une douleur, comme si nous faisions partie de l’équipe, qui se décime au fil des jours.
Passé l’ouverture très bizarre, que je n’ai jamais comprise – Pourquoi accompagner les photos et la voix d’un passager par un acteur bankable (ici, John Malkovich) prostré sur une chaise ? D’autant qu’on ne le revoit plus, ensuite – le film nous plonge d’emblée dans un avion (à la manière de Lost, quelques années plus tard) sur le point de se crasher. J’ai toujours trouvé cette séquence de crash impressionnante, tant elle parvient à naviguer déjà pleinement d’un passager à l’autre (à l’image de ce que parviendra à faire le film en entier) et techniquement à se sortir de façon fulgurante de cet accident inaugural.
A propos, j’aime beaucoup son aspect anti-spectaculaire, globalement. Souvent on apprend la mort de l’un d’entre eux, en même temps qu’eux, le matin au réveil. De la même manière, si elle est un peu le cœur du récit, toute la partie « anthropophagie » n’est pas traitée avec les sabots : C’est d’abord une longue dispute – entre ceux qui considèrent qu’il n’y a pas moyen de survivre autrement qu’en mangeant les morts et ceux qui le refusent catégoriquement – qui mène finalement à un essai, qui bientôt se transformera, au point que « manger les morts » fera bientôt partie intégrante de leur quotidien.
Aussi je n’avais pas le souvenir que le film fasse tant mention de Dieu et l’assène par des références religieuses aux quatre coins du film et de l’avion. Mais c’est important puisque la quasi-entièreté des passagers est croyante, chrétienne. Il y a des croix partout. Et à l’exception de quelque agnostique, ils prient chaque soir. Et c’est aussi ce qui soudait cette équipe sud-américaine. C’est par ailleurs ce qui accentua la polémique quant à leur façon de s’en tirer, quand bien même ils furent absous de « leur péché » par le Pape.
Et puis j’ai toujours été marqué par son basculement central, à savoir l’avalanche. Ce moment où tu te dis que si Dieu il y a, quand même, il aurait pu les laisser un poil tranquille. L’avion est enseveli et nombreux sont ceux qui meurent sur le coup ou par étouffement sous la neige. Et l’un d’eux n’est autre qu’Antonio, qui était peut-être notre véritable point de repère depuis le départ. C’est ainsi que Nando (Ethan Hawke) prend le relais – alors qu’il était resté longtemps mal en point – et devient notre boussole. J’ai toujours trouvé ce glissement audacieux.
Quoiqu’il en soit, c’est un film très angoissant – malgré ses saillies parfois humoristiques – qui tire parti de son huis clos à ciel ouvert, une immensité glacée, d’une blancheur immaculée, entourée de hauts pics rocheux. Bref, plaisir total à revoir et satisfaction d’aimer toujours un film qu’on adorait jadis, ce qui n’est pas systématique, loin s’en faut.