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Archives pour novembre 2022

Novembre – Cédric Jimenez – 2022

01. Novembre - Cédric Jimenez - 2022Cinq jours chrono.

   8.0   C’est comme si Jimenez avait trouvé sa voie. Quel cinéaste aujourd’hui, en France, peut se targuer d’offrir autant d’intensité sur un écran ? Surement pas Romain Gavras, coucou Athena. Chez Jimenez, si le film s’embrase, il n’est jamais guidé par la virtuosité du chaos ni par la belle image, mais par le rythme, le montage, le son. Par fulgurances, Bac Nord était déjà habité de ces qualités, durant sa première partie, notamment l’assaut de la cité. Mais le film était beaucoup trop problématique pour qu’on ne retienne que son intensité filmique. Les craintes de retrouver cela devant Novembre étaient multipliées, dans la mesure où ce nouveau film prenait le risque de s’attaquer aux évènements de Novembre 2015.

     Comment traiter de cela avec la distance et le recul adéquat ? Certains s’y sont déjà frottés, avec plus ou moins de réussite, optant pour un angle ouvertement fictionnel : Amanda (2018) de Mikael Hers, Revoir Paris (2022) d’Alice Winocour ou encore la première saison de la série En thérapie (2020). Jimenez prend le parti de défictionnaliser la fiction : Ses personnages n’existent qu’au travers de l’enquête, la traque, les filatures. Ils n’ont aucun background, aucune histoire, tout juste des prénoms. Les cibles de l’enquête, elles, récupèrent leur propre identité. Quant aux faits, ils sont intégrés dans le récit, mais hors-champ. Ce qui s’est joué ce soir-là ne sera guère au cœur des images, nous ne verrons rien, ni du Bataclan, ni des Terrasses. Mais c’est là, en permanence.

     C’est une course contre-la-montre. Il s’agit de retrouver les terroristes en fuite dont on apprend vite qu’ils sont sur le point de réitérer une action, dans une crèche ou un commissariat de La Défense. C’est une plongée au cœur des cinq jours donc de la centaine d’heures qui suivirent les attentats. Quoique soyons plus précis : Le film s’ouvre dix mois plus tôt à Athènes et déjà il est dans l’intensité d’un assaut, celui d’un immeuble. Un assaut qui débouche sur un fiasco, puisque l’arrestation prévue se solde par la disparition de la cible, qui aura son importance dans les événements de Paris dix mois plus tard.  

     Le titre alors s’affiche et aussitôt nous voici plongés là, dans Paris lors de ce fameux soir de match. Certains flics – dont on suivra les pérégrinations bientôt – boivent des coups, matent le match, bossent ou sont en pleine course à pied. Puis un coup de téléphone retentit dans le commissariat central, puis un autre, puis des milliers. Le film ne s’arrêtera plus. Les flics ne dormiront ni le jour ni la nuit. La France sera plongée dans la désolation, la tristesse, la peur. On se souvient tous de ce qu’on faisait ce soir-là, ce week-end-là, c’est évident. Jimenez donne à voir ce que les flics faisaient, ce soir-là, ce week-end-là, ces cinq jours-là. Jusqu’au fameux assaut de Saint-Denis : Le siège de l’appartement est un truc d’une puissance folle.

     Le film est aussi fort qu’irrespirable. Jalonné de séquences intenses, sans être dans le sensationnalisme ou la grandiloquence pour autant – On ne verra plus un local poubelle de la même manière. Et filmé à la bonne distance, en permanence, s’en tenant davantage aux faits, au réel, contrairement à ce qu’il s’arrangeait de faire dans le précédent : il semble y avoir une petite polémique autour d’un port de voile ici, mais je ne crois pas que ce soit si important, surtout eu égard à la manière dont est traité le personnage de Samia. Peut-être le film est-il trop transparent politiquement, c’est vrai. Et ça nous arrange de ne pas retrouver les relents douteux de Bac nord. Ici il s’agit tout de même de conter l’échec policier, dans la mesure où la semi-réussite provient d’un concours de circonstances, pas d’une force collective et encore moins d’un héroïsme individuel – On y verra d’ailleurs une filature solo se soldant sur une impasse, heureuse car elle évite les éventuels vices de procédures en cause si la cible eut été bonne – mais d’une parole civile.

     Novembre est un magma, à l’épure, à l’os. Proche de ce qu’on a pu voir outre-Atlantique chez Bigelow ou Greengrass, dans Zero dark thirty ou Vol 93. C’est simple, en France, je n’ai pas le souvenir de voir ça, de façon aussi efficace, ou bien il faut remonter au Rochant des Patriotes, ou aux meilleurs épisodes du Bureau des légendes ou d’Engrenages. Tout se vit de l’intérieur de l’enquête, de ces cinq jours fous, des coulisses policières, des bureaux en ébullition, des filatures, des interrogatoires, des perquises.

     Ce qui m’a d’autant plus passionné c’est que ce soit un vrai récit construit pour le cinéma. Avant d’y aller, je me disais qu’il aurait dû en faire une série, car c’était lourd, dense et que si en plus il fallait créer des personnages de fiction ça ne tiendrait pas, ni historiquement ni ontologiquement. Mais il n’y a aucun personnage, dans le sens aucune vie privée, on ne saura rien de personne en dehors de l’enquête, ils ne sont que fonction. Et pourtant, on se souvient de chacun d’eux – d’autant qu’ils sont magnifiquement incarnés, Lyna Khoudri & Anaïs Demoustier en tête. Ils existent tout en servant entièrement le récit. C’est vertigineux.

Nope – Jordan Peele – 2022

16. Nope - Jordan Peele - 2022Get up.

   7.5   Le troisième long-métrage de Jordan Peele ne manque pas d’ambition, en embrassant les genres fondateurs de l’imagerie hollywoodienne, du western au film de science-fiction, en passant par la sitcom et l’elevated horror. S’il cite Muybridge (et sa décomposition chronophotographique du mouvement d’un cheval au galop) ce n’est évidemment pas pour rien : l’idée c’est aussi de brasser l’histoire du cinéma, de faire de Nope un film sur le cinéma.

     Il y a d’abord deux décors qui s’y réfèrent pleinement, deux décors de tournage : Celui d’une sitcom (avec son public) puis celui d’un film en studio (avec son fond vert). Il y a déjà une correspondance par aplats (aucune profondeur de champ) qui crée autant un troublant vertige qu’une frustration nette, dans la mesure où l’on vient voir un film de cinéma, à fortiori un film de Jordan Peele, dont on avait apprécié l’étonnant Get Out et le superbe Us qui, justement, parvenaient chacun à s’incarner dans l’espace, de jour comme de nuit.

     On retrouvera cette puissance du jour et de la nuit dans Nope mais la grande partie du récit se déroule dans deux autres espaces : Un ranch et un parc à thème. On y suit OJ & Em, frère et sœur, éleveurs de chevaux pour le cinéma. Leur crédo : Ils ne cessent de répéter que le jockey de Muybridge était leur ancêtre. Un jour, la vallée dans laquelle se situe leur ferme est attaquée par une mystérieuse présence dans le ciel. Leur père, le propriétaire du ranch, est tué mystérieusement, par une pièce de monnaie lui tombant droit dans l’œil. Plus tard, OJ découvre qu’un nuage n’a pas bougé dans le ciel. Est-ce un ovni ou un monstre ?

     C’est un film pétri d’idées, assez foutraque dans le fond, mais très limpide dans sa forme, qu’on apprivoise à mesure que cet étrange récit prend vie. On y retrouve du Shyamalan, aussi bien dans ses forces (visuelles, notamment) que ses faiblesses : Sa mécanique hybride, son inventivité éparse. A l’image de ces chapitres portant les noms des chevaux du récit. Plutôt des animaux, puisque s’y glisse celui du singe. Il y a une scène de traumatisme, très forte, mais qui ne fonctionne pas vraiment au sein du récit. Sans doute car elle touche un personnage (le gérant de parc d’attraction) clairement secondaire. Et pourtant j’en retiens principalement ses qualités. Comme le design de la créature : Sa façon de se mouvoir, de se transformer. C’est assez inédit. Et bien entendu, sa façon de filmer « la nuit ».

     Quoiqu’il en soit, il est rare de voir un film autant inspiré de Spielberg, sans qu’il fasse pour autant sous-Spielberg ou qu’il en soit écrasé : Sous ses allures de structure identique à celle des Dents de la mer (La longue installation puis la longue chasse au monstre) au point de le citer sur un personnage qui est clairement le miroir visuel de Quint, tournant la manivelle de sa vieille caméra comme Quint tournait celle de sa canne à pêche, Nope a vraiment sa propre identité, son rythme, son étrangeté. Une vraie gueule. Et ses défauts se logent probablement dans sa prodigalité, le film et donc son récit peinant à exploser pleinement.

     En définitive, Nope manque peut-être un peu d’incarnation et d’émotion – surtout lors de sa première heure, un peu laborieuse – mais clairement pas de mise en scène. Et ça tombe bien car ce n’est que ça, une pure déclaration d’amour au cinéma. Qui de par son cachet hybride et sa structure archétypale, parvient à offrir un vertige de cinéma, aussi ébouriffant que rafraichissant, qui plus est dans un paysage hollywoodien aussi peu investi des tentatives et un style visuel aussi inspiré.

     C’est son film le plus réussi à mon sens tant il se libère des quelques lourdeurs de ses deux précédents. Nope est un film très aéré, limpide, ça fait du bien.

Barbare (Barbarian) – Zach Cregger – 2022

10. Barbare - Barbarian - Zach Cregger - 2022La maison dans Detroit.

   7.0   Le home invasion est un sous genre horrifique déclinable à l’infini et récemment on a pu l’apprécier sous diverses formes, en France de Ils à Furie en passant par Inexorable, aux États Unis de Knock knock à La proie d’une ombre en passant par Invisible man, dans le cinéma d’auteur de Parasite à Us. Mais évidemment on peut aller plus loin et dans tous les genres, et citer Les chiens de pailles, Terreur sur la ligne, La nuit des morts vivants, Panic room, Funny games ou Maman j’ai raté l’avion. Y en a mille.

     Barbare se rapproche plutôt d’un Don’t breathe, pour la simple et bonne raison que le home invasion est inversé. Enfin c’est un peu plus compliqué que ça. La menace vient de l’intérieur. Mais vraiment de l’intérieur, via trois states (le film est divisé en trois parties d’ailleurs) puisqu’il y a le colocataire, le propriétaire, puis l’ancien propriétaire. Grosso modo.

     C’est l’histoire d’un airbnb foireux, tout d’abord car il est situé dans une rue sinistrée de la banlieue de Detroit (Le cadre est génial, dommage d’en faire si peu avec) et d’autre part car il est double : en arrivant sur place en pleine nuit, sous la pluie, Tess découvre qu’un certain Keith a réservé ici aussi, pour le même soir, via un site de location différent.

     Le film prend bien le temps de rendre réaliste l’idée qu’ils vont cohabiter ensemble, jouant aussi bien de façon intrinsèque que méta sur le danger qui plane. Et ça fonctionne, on est dans la même confusion que Tess face au troublant Keith. Il nous fait flipper, puis on l’aime bien, puis il nous fait flipper. C’est pas Norman Bates disons, il a vraiment un côté sympa. Mais flippant aussi, car il est trop clean, trop conscient que c’est une situation délicate pour elle. C’est très réussi.

     Et puis le film va prendre une drôle de tournure le temps de la nuit. Puis changer de braquet dans une deuxième partie casse-gueule et surprenante. Avant d’effectuer un flashback étrange et de revenir dans un déluge final, à la fois puissant et bancal, pas toujours réussi certes, mais quel plaisir de sentir la tension d’un lieu, d’une maison (plus que d’un quartier, finalement) et un vrai goût du monstre.

     La toute fin est un peu ratée je crois, car il y a volonté d’en faire un truc iconique, un peu pulp – la fin abrupte et le générique final un peu tarantinesque – qui dénote un peu avec le reste du film. Mais le film est très étonnant dans sa structure, avec des univers visuels très distincts, très marqués, des rythmes très différents suivants les parties. Même s’ils n’ont rien à voir, ça m’a un peu rappelé Traîné sur le bitume, d’un point de vue structurel. Très bonne surprise quoiqu’il en soit.

La grève (Стачка) – Sergueï Eisenstein – 1924

02. La grève - Стачка - Sergueï Eisenstein - 1924La vie est à nous.

    7.0   En 1912, dans la Russie tsariste les ouvriers d’une usine sont poussés à bout par des conditions de travail éreintantes, pendant que des espions sont chargés de dénicher les meneurs syndicalistes. Un ouvrier est accusé à tort d’avoir volé un micromètre. Sous la pression, il se suicide. Ses collègues décident de se mettre en grève, mais celle-ci est réprimée de manière sanglante par l’armée tsariste. Le film s’ouvre sur ce carton : « L’organisation est la force de la classe ouvrière. Sans l’organisation des masses, le prolétariat est nul ». Les bases sont posées d’emblée, dès cette citation de Lénine, qui fait office de profession de foi pour Eisenstein. Et si la Révolution se joue moins – disons plutôt, impressionne moins – dans le récit que par sa forme, véritable manifeste du montage, du mouvement, de l’effervescence, le cinéaste russe ne fait pas dans la dentelle et ne manque pas de faire s’affronter l’obscénité bourgeoise à la force ouvrière. D’un côté les dirigeants obèses, cigares au bec sirotant leurs nombreux alcools dans des verres en cristal. De l’autre la construction d’un mouvement, d’une résistance, d’une force collective humaine, d’une organisation, pour reprendre le terme employé par Lénine. Tout y est frontal, sans équivoque et lorsqu’il use de métaphore, c’est pour effectuer un montage alterné percutant, reliant les répressions policières avec la violence des abattoirs bovins. Le film est d’une violence extrême, n’hésitant pas à montrer l’image d’un bébé jeté dans le vide, qu’on peut bien entendu relier à la poussette du Cuirassé Potemkine, son film suivant. Si l’on plonge pleinement dans sa forme, brusque, enivrante, en se fermant sur un cinglant « Prolétaire, n’oublie pas ! » La grève rappelle qu’il est un vrai film de propagande à la gloire ouvrière. Il n’y a d’ailleurs aucun vrai personnage, aucun autre héros sinon la masse. C’est superbe.

Le jour du dauphin (The day of the dolphin) – Mike Nichols – 1973

27. Le jour du dauphin - The day of the dolphin - Mike Nichols - 1973La planète sauvage.

   6.0   Inspiré du roman de Robert Merle, « Un animal doué de raison », Le Jour du dauphin se déroule sur une ile, au sein d’un centre d’étude où un scientifique (George C. Scott), entouré d’une jeune équipe de biologistes, cherche à apprendre à un dauphin le langage humain.

     Et le film prend le parti casse gueule de montrer cette relation aussi improbable qu’ambiguë : Alpha (Le dauphin) devient « Fa » dans la bouche de l’océanographe, qui teste chacune de ses capacités cognitives et communicantes, quand il devient « Pa » (pour papa) pour l’animal.

     Le film fait donc la chronique relationnelle entre Fa & Pa, mais fait planer dès le départ une menace gouvernementale (incarnée notamment par Paul Sorvino), avec des agents secrets en surveillant d’autres, qui voient d’un autre œil cette avancée scientifique, notamment politique et militaire.

     C’est un film très étrange, une vraie curiosité. Assez proche des thrillers paranos de l’époque dans la lignée de Conversation secrète (1974) ou Les trois jours du Condor (1975) quand bien même le film de Mike Nichols s’avère bien plus inégal, confus et pas toujours très inspiré dans son dernier tiers.

     Le final reste très beau, à la fois lumineux et mélancolique. On pense à Orca, de Michael Anderson (1977) et pas seulement pour leurs compositeurs respectifs – Georges Delerue dans l’un, Ennio Morricone dans l’autre – mais surtout pour leur discours pro-animal.

Time and tide (Seunlau ngaklau) – Tsui Hark – 2001

24. Time and tide - Seunlau ngaklau - Tsui Hark - 2001Pas le temps d’aimer ni de mourir.

   4.0   Absolument rien compris à l’histoire, mais je ne pense pas que ce soit si important : C’est le premier Tsui Hark devant lequel je comprends un peu l’excitation qu’il procure chez certains. Time and tide est parcouru d’expérimentations visuelles, c’est un véritable tourbillon informe, avec de l’ivresse dans chaque plan.

     Pas un angle qui soit habituel. Pas un plan qui soit cadré comme on l’attend. Lors des bastons, parfois les images s’arrêtent, la pellicule semble s’embraser avec le mouvement de la caméra et des personnages. Et paf un cut, une ellipse, une rupture de ton. Rien ne se déroule comme attendu.

     De ce chaos narratif nait pourtant un déluge mélancolique assez bizarre. Une histoire d’amour, surtout. Et afin de parfaire la démesure de ce polar romantique foutraque, l’accouchement final se jouera sur le même terrain que la fusillade, dans les travées d’un stade.

     Dommage que cette voix off fasse si tâche, ringarde, essentiellement aux extrémités, mais d’une part elle est ancrée dans son époque et d’autre part elle m’évoque un peu le cinéma de Danny Boyle, cité ici le temps d’un furtif plan où l’on aperçoit l’affiche de Trainspotting sur le mur d’une chambre.

     Aussi expérimental soit-il, ça reste de la caméra virtuose avant tout, et en permanence, dans chaque plan. Tout y est épileptique, bordélique. Vu en deux fois, car mes rétines n’ont pas supporté. C’est épuisant. Peut-être qu’on ressent moins cet épuisement et davantage son vertige au fil des visionnages, je ne sais pas. Je ne crois pas que ce soit pour moi, c’est tout.

EO – Jerzy Skolimowski – 2022

37. EO - Jerzy Skolimowski - 2022Mon âne, mon âne.

   4.5   Le dernier film de Jersy Skolimowski a sans cesse le cul entre deux chaises. Il voudrait filmer un âne mais finalement pas tant que ça, car il essaie aussi de filmer les humains, mais ces humains sont au mieux pas grand-chose, au pire dégueulasses. Il voudrait filmer la nature et son âne dans la nature, mais tout semble factice, accompagné de plans drone, d’un filtre rouge ou d’une nuit forestière trop fabriquée. Il voudrait être expérimental mais il échoue dans chaque dispositif, soit parce qu’il n’y plonge pas vraiment – ce ne sont que des transitions folles, interludes étranges, toujours différents, très brefs – soit parce qu’à force de jouer à tout rendre absurde (Un meurtre absurde, un match de foot absurde, un courant d’eau absurde, une mort absurde…) le film me paraît beaucoup plus schizophrène qu’autre chose, d’autant qu’il arbore sa petite morale sur la condition animale. Bien plus « représentant cannois » disons. Ce d’autant plus que Skolimowski n’a pas caché son amour pour le Balthazar, de Bresson. Finalement, les deux films n’ont heureusement pas grand-chose à voir, sinon la présence de la danseuse de cirque, Cassandra, seul rayon de soleil du film, qui évoque Anne Wiazemsky chez Bresson. Plastiquement, le film est parcouru de trucs superbes. La musique est folle et par ailleurs la scène d’ouverture est impressionnante. Le reste, pour moi, navigue entre idées prometteuses mais avortées, et idées bêtes et ratées. Et je trouve le film beaucoup trop misanthrope in fine, moins parce que la plupart des humains sont affreux, que parce que Skolimowski ne s’intéresse à personne là-dedans. Il y a des nuances (le routier, le jeune curé italien…) mais ils sont filmés comme des cons. Un moment donné il y a Isabelle Huppert. Vers la fin. Et le film est tellement absurde jusqu’ici, que son apparition n’est presque pas assez incongrue, vu qu’on la voit tout le temps partout. C’était juste un truc nul de plus, pour moi. Reste un drôle de voyage oui, entre la Pologne et l’Italie, sans qu’on sache vraiment où l’on soit, d’ailleurs. C’est évidemment d’une noirceur terrible. Et ça me rappelle que j’ai toujours du mal à voir un animal à l’écran à qui on demande de « jouer » quelque chose.

La fille qui en savait trop (La ragazza che sapeva troppo) – Mario Bava – 1964

25. La fille qui en savait trop - La ragazza che sapeva troppo - Mario Bava - 1964Rome ville ténébreuse.

   6.5   Ultime film en noir et blanc de Mario Bava, celui-ci est entre autres connu pour être le film précurseur du Giallo. Dans le premier mouvement du film, assez Hitchcockien, la jeune Nora Davis débarque à Rome, en vacances chez sa tante. À l’aéroport, son voisin dans l’avion est arrêté pour trafic de drogue. Puis en l’espace de quelques minutes, elle assistera au décès de sa tante, puis elle se fera agressée avant d’assister à un meurtre, sur l’Escalier de la Trinité-des-Monts.

     Bava s’amuse de décors et d’ambiances aux antipodes, les balades dans Rome le jour répondant aux maisons lugubres la nuit. Il fait aussi intervenir le vertige d’une affaire de meurtres vieille de dix ans, avec le tueur à l’alphabet, et nous plonge aux côtés de Nora et comme elle nous ne savons plus ce qui est vrai ou faux, si on a fumé ou non (il faut rappeler que le jour de son arrivée, Nora a fumé une des cigarettes à la marijuana offerte par son voisin de siège) mais tout comme elle, fan de polars, on veut savoir. Visuellement le film est très beau.

Les prédateurs du futur (I predatori di Atlantide) – Ruggero Deodato – 1983

07. Les prédateurs du futur - I predatori di Atlantide - Ruggero Deodato - 1983Pas de printemps pour les punks.

   3.0   Le récit se déroule en 1994, au large de Miami. Il y est question d’un sous-marin russe, d’une plaque ancestrale mystérieuse, d’un raz de marée, d’une île sous les eaux, d’un gang de bikers, d’un duo de vétérans du Vietnam et du mythe de l’Atlantide. Un grand bazar, donc, réuni au sein d’un film post-apo, mais plutôt à la croisée de plusieurs genres. Aucune logique là-dedans, à l’image du montage, aussi organisé que la stratégie du groupe de survivants. On sent que ça s’inspire à la fois de Mad Max 2, des Voitures qui voulaient manger Paris, d’Assaut. Mais Deodato n’est ni Miller, ni Weir ni Carpenter. Au moins cette fois il ne cherche plus à choquer en sacrifiant des animaux façon Cannibal hollocaust. Ni à faire du faux réel. C’est un gros nanar, à la fois très généreux, en fusillades, cocktails molotov et autres explosions, mais aussi complètement à la rue dans sa gestion de l’espace, du temps, du nombre, des bastons, de la musique. C’est catastrophique, à l’image de ces bruitages ridicules ou de ces exécutions identiques à renfort de aaaaahhh répétitifs des atlantes, ces aigles de la route proto-punks aux déguisements et maquillages complètement kitchs qui crèvent ici par centaines. Et pourtant il y a du décor, des lieux qui en imposent. Mais tout y est trop charcuté, bourrin. Rigolo ou consternant suivant l’humeur, donc.

Dellamorte dellamore – Michele Soavi – 1995

06. Dellamorte dellamore - Michele Soavi - 1995Cœur de pierre tombale.

   4.0   On a beau être dans une pure bisserie italienne, avec des zombies dans un cimetière, deux fossoyeurs chelou, des gros boobs et un romantisme bien macabre, le film de Michele Soavi, ancien assistant de Dario Argento, fait très marqué 90′s dans le ton, le rythme, les plans, quelque part entre Gilliam & Jeunet. Ou du Romero revu par Gondry. Il m’évoque ce qui m’ennuie aussi chez un Del Toro, chez qui je vois des idées, de la virtuosité mais paradoxalement aussi un cinéma assez froid, carré, désincarné et pas si fou qu’on le dit. Dellamorte Dellamore surprend un peu au début, par la bizarrerie de ses plans, puis plus vraiment, on s’y fait, on s’ennuie. Et à force de tout mélanger, il n’émeut pas plus qu’il ne fait rire. Suis allé au bout pour la forme (C’est le cas de le dire) mais globalement ça m’a laissé à quai. En grande partie à cause du « héros » que je trouve un peu faible. Et du manque de surprises. Le film va me surprendre sur une scène, celle visuellement magnifique de l’ossuaire, puis sur un plan, celui de la boule à neige, le tout dernier donc. C’est un peu tard. À noter que je ne suis pas giga fan de sa bande originale. En revanche c’était cool de voir « trois fois » (dans trois rôles, trois femmes amoureuses du gardien de cimetière) la belle Anna Falchi.

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silencio


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