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Archives pour décembre 2022

Pacifiction – Albert Serra – 2022

23. Pacifiction - Albert Serra - 2022L’île des possibles.

   9.0   Il me fut délicat, l’espace d’un temps après la découverte de ce film, d’en voir d’autres, tant c’est un voyage total, qui voyage bien plus que le temps du film, à l’image de ce récit qui dérive, qui se nourrit de son indécision.

     Pas certain, en effet, d’avoir cerné ce que Serra cherchait vraiment à raconter ni certain d’avoir aimé tout ce que j’y ai vu. Mais quel plaisir de voir un film pareil en salle, d’assister à une telle proposition, qui ne ressemble à aucune autre, sinon à une lointaine mixture de Rainer Werner Fassbinder, Joao Pedro Rodrigues, Apichatpong Weerasethakul, Bertrand Mandico, Tsai Ming-Liang, Michael Mann. On aperçoit aussi du Tabou, de Miguel Gomes. Du Zama, de Lucrecia Martel. Du Fitzcarraldo, d’Herzog. J’ai pensé à tout ça devant Pacifiction. Tout ça mais pas vraiment non plus, tant c’est un monde ce film, une île à lui seul.

     Tandis qu’il m’avait perdu avec Le chant des oiseaux (2009) puis La mort de Louis XIV (2016) il me semble avoir retrouvé le Serra qui m’avait tant fasciné avec Honor de cavaleria (2007). En plus fou, plus fort encore. Avec probablement son film le plus classique, pourtant. Moins hermétique, moins complaisant qu’à l’accoutumée : Serra semble avoir trouvé un équilibre aussi sublime que précaire.

     Il y a d’abord ce titre qui intrigue, ce mot-valise si curieux. « Pacifiction » ne serait-il pas une fiction pacifique (une fiction sans conflits avec les règles de la fiction) plutôt qu’une fiction dans le Pacifique ? Une fiction (de papier) afin de récolter des subventions, le dit lui-même Serra. Très probablement, surtout au regard de ce qu’il en fait : Un récit en suspension, aéré, mystérieux. Et pourtant c’est assez passionnant ce qui se joue, ce microcosme néocolonial, cette rumeur de reprise des essais nucléaires, sur le sol polynésien, ces discussions au sujet des casinos, des chapelles religieuses, la colère des résistants indépendantistes. Mais c’est une fiction avortée. Inachevée. Qui s’installe, s’arrête, reprend, puis s’évapore. Un récit aux projections multiples, aux contours labyrinthiques, fleuris mais comme dans le plan d’ouverture : bouchés par une montagne de conteneurs.

     C’est un thriller parano qui suit un schéma diffus, une matière indéchiffrable et évolue sur un terrain qui semble constamment inédit, ne serait-ce que d’un point de vue géographique : C’est un film en France, loin de l’hexagone. Il y sera question de militaires de passage, à moins qu’ils aient un rapport avec cette barque et ce curieux sous-marin au large. Il y sera aussi question de population polynésienne terrifiée par cette rumeur nucléaire. Il y sera évidemment question politique, en collant aux basques de cet étrange politicien. On y traverse des salons, des clubs, des chambres d’hôtels, des coulisses de théâtre. On s’envole à bord d’un jet privé, on y arpente le large en pleine nuit. Le Paradise (la boite de nuit locale) rappelle parfois le Roadhouse de Twin Peaks. L’ambiance nocturne violacée évoque plutôt Les garçons sauvages. Tout tient sur un fil. Ténu, sublime.

     Le fim est parcouru d’un mystère qu’il garde souvent pour lui mais il se livre par bribes fulgurantes, selon un rythme à lui, endolori mais hypnotique. Ce tempo si étrange, qui m’a un peu rappelé un autre très beau film au rythme (peut-être encore plus) étrange, sorti cette année : Enquête sur un scandale d’Etat, de Thierry de Perreti. C’est un voyage, un objet curieux, imprévisible. Qui surprend d’un plan à l’autre, d’un angle à l’autre. Il y a de la place pour l’aléatoire ou l’inattendu, partout. Une scène peut sembler très écrite, la suivante débarquer à l’improviste.

     Impossible de s’étendre sur les puissances du film sans évoquer son interprète central. Benoit Magimel – en mode Depardieu – incarne De Roller, un personnage de haut-commissaire de la République, chic et toc, costard blanc trop serré, chemises à fleurs, espadrilles et lunettes fumées. Il est magnétique, incandescent. Personnage magnifique, attachant car touchant et grotesque, pathétique par ses aphorismes et formules toutes faites, sa décadence qui s’ignore, lumineux par cette passion mystérieuse qu’il trimballe dans son regard et sa voix, son besoin d’être un héros quelque part qui n’a fondamentalement rien d’héroïque sinon cette velléité aux réponses et simplification. Le reste du casting est à son diapason ou complètement à côté, comme il semble l’être parfois aussi.

     Comme dans tout bon film-noir, il y a une femme fatale. Ici c’est une tahitienne transgenre absolument sublime, qui ne fait que sourire et acquiescer à ce personnage de haut-commissaire, mais qui semble tirer ses propres ficelles malgré tout. Sans que ça aboutisse à quoi que ce soit dans le champ. Comme si tout se jouait ailleurs, dans un autre film, un récit parallèle. Il y a des trous d’air partout dans Pacifiction. Par ailleurs c’est un personnage qui n’existait pas au scénario, ça en dit long sur la méthode Serra, qui semble glaner de la matière au tournage.

     Si le cinéma de Serra trouve d’autres rivages en se posant sur cette plage coloniale, on retrouve clairement son obsession pour la mort, la fin d’une époque. C’est par ailleurs son premier film à se situer dans l’époque contemporaine. Qu’est-ce que ça raconte, je n’en sais trop rien, sinon que ça témoigne de son entière liberté : Les cinéastes font souvent le chemin inverse, tournent des films en costumes une fois qu’ils sont installés dans le paysage. Il n’y aura pour autant aucune date précise dans Pacifiction, sinon l’évocation lointaine des essais nucléaires sous Chirac.

     Visuellement c’est ce qu’on aura vu de plus dingue cette année, notamment ces crêtes montagneuses, ces ciels roses orangés, ce night club embrumé, ces vues aériennes, nocturnes ou à l’aube naissante. Le décor polynésien aura grandement inspiré Serra, qu’il aura modelé en Tahiti queer fantasmé. J’y ai vu des images, y ai entendu des sons, que je n’ai pas l’habitude de voir ni d’entendre. Et cette lumière, mon dieu. Trois heures de lévitation pure, parsemées de fulgurances.

     Et parmi ses nombreuses fulgurances, une scène incroyable : celle du surf. Vraisemblablement sur le spot de Teahupoo. Je n’ai jamais vu ça dans un film, pas même dans Endless summer ni Big wednesday. J’ai eu la sensation d’être au cœur du lieu, de la vague, de ressentir sa force, sa dimension éternelle. Le tout aux côtés de Magimel, en costume blanc, debout sur un jet ski, arborant une hystérie décontractée très propre à son personnage, en pleine représentation de lui-même, comme il était déjà plus tôt lors de la danse / combat de coqs. Il n’est plus rien en ces lieux, mais il se comporte malgré tout comme un capitaine de bateau. Chef d’orchestre d’une vague. Et c’est une scène improvisée. C’est cadeau, c’est là, ça déboule de nulle part – mais ça réoriente le film – et on se prend la majesté de ce lieu dans les yeux, les oreilles, aux crochets du personnage, tout aussi estomaqué. Plus belle scène de l’année, pour moi.

The breakfast club – John Hugues – 1985

03. The breakfast club - John Hugues - 1985We are not alone.

02/11/22.

     8.5   Ce soir de Novembre 2022, l’amie avec qui j’étais me commande comme programme ciné-club du soir une « elevated rom-com » pour le dire grossièrement. Une comédie romantique pas trop conne, pour être précis. Aux deux extrémités du spectre cinéphile, je pense d’emblée à L’impossible Monsieur bébé ou La La Land, qui n’ont pas beaucoup de point commun. Je me rends compte surtout que je suis très nul pour trouver des films à classer dans tel ou tel genre. Ici on parlera j’imagine davantage de screwball comedy pour l’un et de comédie musicale pour l’autre. Qu’importe, je n’ai pas choisi de lui présenter le choix de ces deux-là. Le premier car je n’ai pas retrouvé mon dvd RKO, mais il doit bien être quelque part car aucun souvenir de l’avoir prêté ; Le second parce que pour des raisons personnelles, je n’ai plus du tout envie de le revoir. Alors j’ai pensé à deux teen-movie, sans doute que c’était ce dont j’avais besoin, moi. Deux films très différents, là encore – quand bien même chaque prod Apatow doit forcément quelque chose à John Hugues – mais deux films de lieux, l’un une fête foraine, l’autre une salle de colle. Adventureland, de Greg Mottola ou The Breakfast club, de John Hugues. Entre l’aspect potache de l’un et la dimension dramatique de l’autre, difficile de voir la comédie romantique là-dedans. Au tirage au sort, Mottola a perdu. On a donc vu The Breakfast club. Qui n’est donc pas du tout une rom-com, ou alors moins « elevated » qu’« abstracted ». Mais je vois un peu pourquoi je peux le glisser vaguement dans ce genre : La rom-com je n’y crois pas beaucoup, généralement, ou alors il faut que ce soit de la screwball pure façon Bringing-up baby, Le sauvage, African queen ou Six jours sept nuits – C’est plus facile de trouver des exemples après coup. Et la rom-com dans The breakfast club (deux couples se forment finalement) je n’y crois pas non plus mais j’ai la sensation que Hugues non plus et que cela participe à l’utopie globale de son film, qui sera l’heure de colle rêvée de tous (procédé par ailleurs repris maintes fois, jusque dans un épisode récent de Sex Education) où chacun s’ouvre à l’autre, où un groupe d’individualités sans rapport au préalable finit par se former, exister et donc pourquoi pas s’aimer. C’est un film passionnant car très bancal, parfois léger, limite cartoon, parfois grave, d’une violence sous-jacente assez terrible. Et on sort malgré tout avec le sourire. J’adore ce film, que je revoyais là pour la quatre ou cinquième fois.

     Au départ c’est une banale journée de colle pour nos cinq trublions : Claire, Allison, Brian, Andy & John. Ou plutôt, comme chacun s’accorde à les voir : Princess, Basketcase, Brain, Athlete & Criminal.

     Le jour se lève dans un lycée dont on ne voit pas grand-chose sinon son enceinte et quelques couloirs accueillant l’arrivée des cinq punis, en voiture ou à pied. Les parents si on les aperçoit ne sont que des pantins figurants.

     Auparavant le film aura débuté par une curieuse voix off de l’un des élèves en question, synthétisant brièvement sur la valeur de cette punition et ce qu’elle engage comme réflexion collective. Nous n’apprendrons qu’au terme du film qu’il s’agit en fait de la dissertation groupée prise en main ce jour-là par Brian, le cerveau (son prénom est déjà une anagramme) comme il est vite catalogué par élèves et professeurs. Intello dirait-on chez nous.

     Rien ne laisse pourtant présager cet élan collectif final. C’est toute la subtile beauté du film de John Hugues d’avoir créé cette bulle d’amitié improbable par l’entreprise de cette journée de colle tandis que rien ne semble à priori rapprocher les cinq adolescents perturbés.

     The breakfast club joue sur une double dynamique de rapprochement. La libération par l’espace, occasionnant l’émancipation corporelle. Puis le confinement, générant la réunion spirituelle.

     En premier lieu et afin que les discussions ne tournent plus autour d’un flot d’insultes, de méchanceté gratuite ou d’indifférence il faut briser le cadre, gicler de cette pièce géante, spatialement déstructurée – avec ses murs, ses étages et ses espaces blancs – et tisser une toile indécise mais séduisante à travers les couloirs. C’est une première ouverture. Au moment où le proviseur s’en va se faire couler un café.

     A se lancer dans cette partie de cache-cache, le groupe se forme, tout du moins les dissensions de bas étage se dispersent, s’effacent. Cette solidarité en germe se confirmera plus tard lorsque l’un d’eux pourrait être balancé mais qu’ils n’en font rien. Le film s’amuse alors de ses transitions : pause repas jubilatoire, trêve fumette et défouloir dansant. On se cherche toujours mais avec beaucoup plus de jeu que de méchanceté.

      Puis dans le resserrement, le film bascule, le temps d’une longue séquence, une discussion à cinq absolument bouleversante, en cercle, pendant dix-sept minutes.

      Discussion durant laquelle chacun avoue tour à tour certaines de ses faiblesses et/ou le pourquoi de sa présence ici ce jour. La mise en scène utilise trois régimes de plans durant cette séquence phare : serrés, isolant les visages pour parfaire les individualités ; larges, d’ensemble, toujours le même par ailleurs où les postures de chacun créent une forme de bulle corporelle idéale ; travellings glissés autour de la bulle dès l’instant que l’un d’eux se confie plus longuement. La séquence oscille sur plusieurs terrains émotionnels. Proche de l’implosion, entre rires groupés et larmes franches, chacun y parle de sa solitude, du gouffre générationnel qui les sépare de leurs parents, de la quête de perfection, de maltraitance, de sexe, d’effet de groupe. Les parents ont beau être physiquement absents ils sont là partout, dans les évocations douloureuses de chacun. Ce sont les vrais méchants (dans l’ombre) du film. Vérités, extrapolations et mensonges se chevauchent pour ne laisser finalement qu’un profond malaise général, entre la colère et le trouble mélancolique de la peur d’être ce que l’on ne veut pas devenir.

     The breakfast club donne envie d’être collé, de partager une punition de groupe, d’écouter l’autre, de ce confier à lui. Pour ne plus jamais être seul : Quand l’un évoque sa méchanceté pour que son père soit fier de ne pas avoir un loser de fils, l’autre enchaine sur sa peur panique de rapporter un zéro à la maison, au point de penser mettre fin à ses jours.

     Après une si puissante échappée dramatique le film retombe avec élégance dans une belle légèreté où le guide (the Brain) s’en va conduire (la disserte pour cinq) les deux nouveaux couples d’amants improbables. Le film se clôt là-dessus, happy-end magnifique, sur un morceau de Simple Minds qui déjà ouvrait le film (et qui sera d’ailleurs repris en clin d’œil dans une comédie adolescente (qui m’est tout aussi chère, pour d’autres raisons) plus grasse quinze ans plus tard : American Pie) comme pour y accentuer son cachet irréel, son aspiration utopique.

Armageddon time – James Gray – 2022

17. Armageddon time - James Gray - 2022Little odyssey.

   7.0   Il n’échappera à personne qu’Armageddon time est sans aucun doute le film le plus personnel de James Gray, au sens où il est éminemment autobiographique, évoluant dans une famille ashkénaze du Queens des années 80, aux crochets de Paul, un gamin qui ne peut être que lui, quand bien même le récit se nourrisse aussi de fiction.

     L’Armageddon du titre se joue sur plusieurs strates pour ce gamin : C’est d’abord une nouvelle amitié brisée par un changement d’école puisque Paul doit quitter son école publique pour entrer dans une école privée, dirigé par le père Trump. C’est ensuite la traversée d’un bouleversement politique puisque Reagan est sur le point de prendre la présidence. Et bien sûr c’est la mort du grand-père, ce mentor, incarné par un Anthony Hopkins qui avait rarement été aussi sobre et bouleversant.

     Tout ceci forme l’écrin d’une fresque. Et pourtant il se dégage une sensation étrange devant le nouveau Gray, l’impression qu’il y est trop pudique, trop sage. Ou quand la mélancolie (si chère à son cinéma) rime avec une certaine mollesse.

     J’aime le film pour plein de raisons (qui sont celles qui me font aimer le cinéma de Gray depuis Little Odessa) et notamment tout ce qui se joue au sein du foyer, mais je ne retrouve pas l’ampleur tragique qui m’est chère chez Gray. Je le reverrai volontiers évidemment, mais là présentement il entre dans le même (bon) panier que The Immigrant.

La brigade – Louis-Julien Petit – 2022

07. La brigade - Louis-Julien Petit - 2022Pas top, chef.

   3.0   Difficile de faire plus convenu, prévisible et passe-partout que le cinéma de Louis-Julien Petit. C’est du feel-good movie social, disons, comme si Toledano & Nakache s’étaient échoué dans celui de Ken Loach. Dans Discount (le premier film de son réalisateur) les personnages existaient, avaient quelque chose à raconter, n’étaient pas imputables à un trait de caractère ou une apparition. Dans le suivant, Les invisibles, tout sentait déjà le réchauffé du précédent, le rythme en moins, les petites vannes répétitives en trop. Le problème de ce cinéma (après avoir vu ces trois films) c’est qu’il semble déclinable à l’infini, selon la même construction, il suffit juste de changer l’univers : le supermarché dans l’un, le centre d’accueil dans le suivant et la cantine d’un foyer maintenant. C’est du cinéma micro-ondable, fait de vignettes, mi-aigres mi-tendres, entrecoupées de petits interludes clipesques. Et l’idée est bancale car on sent bien que le film chie sur les patrons et crache sur les émissions de télé-réalité culinaires ; et pourtant il donne finalement moins envie de venir en aide aux migrants que de regarder Top chef et/ou de diriger la brigade d’un restaurant étoilé. Sans parler de son ambition woke, dans l’ère du temps, de faire le portrait d’une femme cheffe de cuisine qui jouit qu’on l’appelle « cheffe ». N’est-ce pas un peu déplacé de voir plein de gentils migrants travailler pour elle et être tous très heureux de le faire ?  Moi ça me dérange, mais j’imagine qu’on peut trouver ça mignon, divertissant. Car en apparence c’est un « téléfilm » plein de bonnes intentions, devant lequel on peut manger, étendre son linge ou aller faire pipi. Parfait entre un scrabble et une grille de sudoku, ou entre Des chiffres et des lettres et Questions pour un champion.

Don’t worry darling – Olivia Wilde – 2022

18. Don't worry darling - Olivia Wilde - 2022Privée de désert.

   4.0   Tout le monde semble s’accorder à dire que le deuxième film d’Olivia Wilde serait un remake inavoué de The Stepford wives (1975) déjà adapté d’un roman. Il faudrait que je voie ce film de Bryan Forbes, tiens. Moi j’y ai vu des emprunts partout, à The Truman show, Matrix & Desperate housewives. Et d’autres trucs aussi qui ne me reviennent pas là. Mais en gros j’ai passé deux heures à me dire que c’était du déjà vu en mieux ailleurs. Alors l’image est intéressante, c’est vrai, c’est un beau film de chef opérateur : Matthew Libatique, celui de Black swan, Inside man ou A star is born. Le reste m’a semblé complètement programmatique et inégal, à l’image de son interprétation, relativement insipide à l’exception de Florence Pugh (déjà géniale dans Midsommar) qui donne beaucoup (trop, pour pas grand-chose). Encore un thriller concept, désincarné, qui m’a rappelé (en moins pire, toutefois) le Spiderhead, de Joseph Kosinski, sorti cette année aussi. Désolé d’avoir citer tant de films sans avoir parlé de celui-là, mais ça prouve combien ça m’a passionné.

La vie est belle (It’s a wonderful life) – Frank Capra – 1948

30. La vie est belle - It's a wonderful life - Frank Capra - 1948Only angels have wings.

   10.0   Qu’il est difficile de s’atteler à l’analyse sinon un commentaire voire une simple notule, de cette merveille, ce classique incontournable, ce chef d’œuvre du cinéma, qui semble avoir été inventé pour que ce film-là existe.

     La vie est belle, joyau de Frank Capra, peut se targuer d’avoir ce pouvoir – si rare, et puis ce n’est pas comme si on n’en avait pas besoin ces temps-ci – de redonner la foi, dans le cinéma, dans la vie, dans l’humanité.

    Et c’est d’autant plus beau que c’est exactement ce qu’il raconte : L’histoire d’un homme désespéré, sur le point de se donner la mort, sauvé in extremis par un ange qui exauce provisoirement son vœu de ne jamais être né en lui montrant que le monde sans lui n’est plus le même monde.

« Remember, George : No man is a failure who had friends ».

     Lui révèle que son frère s’est noyé à l’âge de neuf ans puisque George n’était pas là pour le sauver ; que le pharmacien est un clochard ayant fait vingt années de prison pour avoir involontairement empoisonné un patient, car George n’était pas là pour lui faire remarquer son erreur de prescription ; Que sa mère, forcément, ne le reconnait pas ; que sa maison est une ruine ; que sa femme ne s’est jamais mariée ; que ses enfants n’ont jamais existé ; qu’il n’y a pas les pétales de la rose de Zuzu, sa fille, dans sa poche.

« Look, daddy. Teacher says, every time a bell rings an angel gets his wings »

Si tu ne chiales pas là-dessus, tu ne chialeras jamais.

     La vie est belle est une merveille de récit d’une vie – puisque le film se permet un gigantesque flashback nous conviant à connaître ce personnage, George Bayley, de son enfance jusqu’à son (non)suicide – mais ce dernier quart d’heure est une véritable tornade émotionnelle, qui emporte tout sur son passage, un cauchemar total mais utile, pour que l’espoir se ravive, que le bonheur de vivre explose. L’enchainement final est l’un des plus bouleversants que le cinéma ait offert.

     Le plus grand film de noël. Indubitablement. Avec un immense – euphémisme – James Stewart.

Mon pays imaginaire (Mi país imaginario) – Patricio Guzmán – 2022

16. Mon pays imaginaire - Mi país imaginario - Patricio Guzmán - 2022Le songe de la lumière.

    6.0   Une simple (mais colossale) hausse du ticket de train engendra en octobre 2019 une révolution sociale au Chili. Un million et demi de personnes dans les rues et c’est toute la constitution (de Pinochet) qui était remise en question. Comme à son habitude, Guzman plonge dans l’histoire de son pays et ici fait résonner ses luttes étudiantes de 1973 avec celles d’aujourd’hui, fait résonner Mon pays imaginaire (2022) avec La bataille du chili (1973), en faisant la chronique de ce soulèvement, filmant les manifestations et la guérilla au plus près entrecoupées d’entretiens variés avec des militants. C’est la transmission de cette lutte qui l’intéresse, de cette jeunesse toujours en quête d’une meilleure démocratie. Ici la parole est quasi entièrement donnée aux femmes. Et si le film se fait le témoin d’un bouleversement providentiel, puisque cette révolution conduit à la formation d’une nouvelle assemblée constituante laissant présager la mise en place d’une nouvelle constitution, le réel ne manquera pas de ternir cette image finalement utopique puisqu’en août dernier et par référendum, il n’était pas encore question d’en finir avec l’ère Pinochet.  

The gray man – Anthony & Joe Russo – 2022

14. The gray man - Anthony & Joe Russo - 2022Maître zen vs Monsieur Moustache.

   5.0   Parfait produit de plateforme, The Gray man n’a rien d’un film de cinéma, c’est du film-algorithme, où l’on combine tout ce qui fonctionne sur la masse. Du cinéma de compilation, qui mélange James Bond à Mission impossible, en passant par Jason Bourne et John Wick. Tout en étant fait à la façon Marvel, avec son rythme immonde, ses punchlines et ses changements de lieux permanents. Il y a de bonnes idées, très malines, dans la distribution des personnages notamment et dans les chorégraphies d’action. La baston au milieu de feu d’artifices ou celle dans la fontaine en plein labyrinthe. Il y a des idées visuelles. Des envies. Ça vire souvent à la bouille, à l’image de la course poursuite en tramway. On aura donc Ryan Gosling, tueur à gages zen et taiseux, poursuivi par Chris Evans, tueur à gages bavard et moustachu, et à leurs côtés une Ana de Armas badass, un Billy Bob Thornton éteint et une gamine (celle du dernier Tarantino) qu’il faut protéger car elle a un pacemaker. Le film est par ailleurs déconseillé à ceux qui ont un pacemaker, aussi bien à cause de son gloubiboulga sonore que de ses plans drone inutile qui donnent la gerbe. Cela dit, c’est un chouette film du dimanche soir. Bourrin, bas du front, mais plutôt réussi et efficace dans son genre. Avec Zéro rebondissement, zéro surprise. Et quelque part ça me plait.

The northman – Robert Eggers – 2022

13. The northman - Robert Eggers - 2022Revenge is coming.

   7.0    Ce Conan le barbare chez les Vikings, mélangeant l’histoire shakespearienne d’Hamlet et la légende scandinave d’Amleth tient sur une intrigue en trois lignes – une simple histoire de vengeance. Et tant mieux, cela permet au film de faire exploser un twist bien senti en son centre, accompagné d’un éclat de rire monstrueux, terrifiant. Le reste impressionnera surtout d’un point de vue physique, à savoir visuel et sonore. C’est un beau film bestial, archi violent, sale. On en sort avec le goût du sang dans la bouche. Et paradoxalement cette grandiloquence sauvage est compensée par une forme propre, cadrée, rythmée. Le film est peut-être trop beau, trop graphique, pas suffisamment sale pour son sujet. Un peu poseur, mais moins que The witch, le premier film d’Eggers qui ne m’avait pas suffisamment convaincu pour aller voir The lighthouse. The northman est plus exaltant surtout. Et visant un public plus large aussi, sans doute. En résulte un truc hybride assez passionnant. Quelques petites choses qui me plaisent moins, comme la représentation graphique de l’arbre généalogique qui est une grosse faute de goût au milieu du reste. Et des images qui me restent comme ce personnage au nez coupé. Ce plan séquence ahurissant de l’arrivée dans le village. On y ressent beaucoup la terre, le froid, la puissance du lieu. Rien d’étonnant d’apprendre qu’Eggers dit s’être inspiré de Requiem pour un massacre et d’Andreï Roublev. Les acteurs sont tous hyper bien choisis. En outre, ça permet à Ethan Hawke d’enfiler un beau costume de personnage éphémère qui aurait tellement bien sied à Sean Bean.

Overdose – Olivier Marchal – 2022

12. Overdose - Olivier Marchal - 2022La guerre des doses.

   2.0   « Alors si vous voulez le sortir de la merde, je vous conseille de ranger votre robe d’avocat au placard et d’enfiler une paire de bottes parce qu’il va falloir fouiller profond » : Réplique presque sage dans un film d’Olivier Marchal, mais comme elle nous est offerte par Sophia Essaidi c’est drôle. Miscast parfait tant on sent qu’elle est gênée d’être là, au milieu de mecs qui ne font que des allusions à leurs chibres. Le grand écart pour elle cette année avec son rôle dans Les Combattantes, la petite série TF1 qui coche toutes les cases woke en pleine première guerre mondiale, et son rôle de cheffe de la police des stups dans ce gros truc fasho qui se complaît dans son dégueuli macabre. Elle traverse le film en fantôme. Le reste du casting féminin est réduit à ne jouer que des camées ou des putes, ou les deux.

     Un cru tout aussi beauf que d’habitude, en somme, mais l’aspect fresque joyeusement grandiloquente du maxi best-of qu’était Bronx s’est un peu évaporé au profit d’un récit plus ramassé, glauque à l’extrême, dont on retiendra finalement qu’un visage, celui d’Alberto Ammann, qui joue ici le grand méchant tortionnaire, et qui vient apparemment de la série Narcos. Il fait vraiment froid dans le dos. Pour le reste tout est à l’image de Kenza Fortas (tellement géniale dans Sheherazade) : complètement nul, désincarné, sinistre et déjà vu mille fois chez Marchal qui ne fait que radoter de la merde depuis quinze ans. Overdose porte toutefois bien la patte Marchal, autant qu’il porte bien son nom et cerise moisie sur le gâteau de merde : Le film est dédié à Jean-Paul Belmondo. Au secours.

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