Simples mortels.
4.0 Émilie Aussel, dont c’est le tout premier long métrage, a l’ambition de filmer l’été, Marseille, la jeunesse, le groupe, le deuil. Et l’impossibilité de (re)vivre après un drame. Le film essaie mais réussit peu, notamment au début – On pense à un croisement raté entre Clark et Kechiche – tant la lumière est souvent approximative, l’interprétation inégale, les plans soit trop poseurs façon carte postale, soit trop ingrats captés en gros plans. Il y a du mieux ensuite, notamment dans sa façon de filmer le théâtre (comme évasion) qui tranche un peu avec la banalité du reste. C’est pas du Rivette non plus, mais quelque chose se passe : la joie et l’insouciance collectives cèdent la place à l’incompréhension et la souffrance individuelles. Les couples se disloquent. Les amitiés se fêlent. Chacun expérimente la présence de la mort, la douleur de devoir vivre avec. Et sans : « toi aussi, il te manque quelqu’un » entend t-on lors du plus beau dialogue du film. Ils se pensaient des dieux, ils apprennent à n’être que de simples mortels. Dommage que le film soit si peu incarné, à l’image de son incapacité à filmer les lieux autrement – comme ça peut être le cas dans Sheherazade, Chouf ou Corniche Kennedy, pour évoquer d’autres films assez récents ayant choisi la cité phocéenne comme écrin – tant ça pouvait être Marseille ou une autre ville c’était pareil. Bon, je n’ai pas non plus envie de taper à boulets rouges sur le film, je trouve l’idée aussi belle que difficile à crédibiliser, transcender. Je conseille néanmoins Primrose Hill (2007) de Mikhael Hers, sur un sujet similaire, avec un groupe de jeunes adultes, déambulant non pas dans Londres (cette colline a évidemment son importance) mais dans un parc en banlieue ouest parisienne, faisant face aux échos d’une absence et la forte présence de ces lieux qui les avaient vu grandir. Hers aussi utilisait la voix off, Hers aussi séparait ses entités afin de faire éclore leur souffrance respective. Sa tenace mélancolie entrait elle en alchimie avec sa forme, d’une grâce « partitionnelle » inouïe. Émilie Aussel ne parvient jamais au quart de ce résultat – sans doute car je ne crois jamais à l’existence de son groupe – mais quelques instants et idées restent.