La femme seule.
8.0 L’ambition d’Eric Gravel est de filmer le quotidien d’une femme célibataire, mère de deux enfants, vivant dans « la campagne de la région parisienne », travaillant sur Paris, le tout en pleine grève des transports, comme un pur film d’action. Le film ne se pose pas, toujours au diapason de son héroïne, qui n’a d’autre choix que de ne jamais se poser non plus.
Il s’ouvre sur sa respiration, tandis qu’elle est en plein sommeil. Il se ferme sur des larmes de joie et d’épuisement, tandis qu’elle vient de traverser un purgatoire de quelques jours. Il faudra le bip d’un réveil pour entamer les hostilités, comme un coup de feu de départ : la course est lancée. Entre ces deux pôles, on retiendra aussi notre respiration.
C’est La fille seule (Benoît Jacquot, 1995) vingt-cinq ans plus tard soit le quotidien d’une femme de chambre dans un hôtel parisien. C’est d’autant plus troublant que Virginie Ledoyen et Laure Calamy ont le même âge. Si La fille seule s’étirait sur une journée (éreintante aussi) À plein temps choisit plusieurs jours aussi pour marquer une forme de répétition.
Alors évidemment certains ne manqueront pas de remarquer qu’en les laissant à ce point en toile de fond impactante pour son héroïne, on est quand même à la limite du film anti grèves. Mais le film s’en tire du bon côté sur deux ou trois dialogues, afin que ce soit important mais pas le sujet. Son sujet c’est cette femme, c’est Laure Calamy qui y tient là son rôle le plus habité, émouvant. Elle est accompagnée par une musique (qu’on pourra trouver de trop aussi) quasi omniprésente, signée Irène Dresel, faite de boucles électro anxiogènes et hypnotiques.
C’est un film épuisant, mais magnifique. Un grand film de survie, de son temps et sur le temps et son impossible corrélation avec notre société moderne. Sans trop en dire, le film se termine de la plus belle des manières : C’était sa seule fin possible si l’on veut encore y croire, si j’ose dire.