Archives pour mars 2023

The bear – FX Productions – 2022

02. The bear - FX Productions - 2022Let it rip.

   8.5   Pour moi, Chicago à l’écran, ce sera toujours Urgences. Dorénavant, Chicago ce sera aussi The bear, formidable série composée de huit épisodes (d’une durée oscillant entre vingt et quarante-cinq minutes) créée par Christopher Storer & Joanna Calo. On y suit Carmen, un jeune cuisinier ayant travaillé dans les meilleurs restaurants gastronomiques, obligé de reprendre la sandwicherie que son frangin lui a légué avant de se suicider.

     La série ne s’embarrasse ni de préambule ni d’explication de la situation : on entre dans The bear en même temps que Carmen dit Carmy dit Chef récupère The original Beef of Chicagoland, dit Beef, le fast-food en question, retrouve son cousin (qui s’occupe de la caisse) et fait connaissance avec chaque membre de la brigade abandonnée.

     Le montage, saccadé, effréné, s’adaptera à la situation autant que les personnages, qui ne cessent d’être en mouvement et de se crier les uns sur les autres, suivant son ancienneté, son grade, son poste etc. Il faudra être solide pour accepter cette folie saturée et claustrophobe. Et c’est pourtant là-dessus que la série, très vite, va s’avérer impressionnante, car si on ne sortira que très peu de cette cuisine, on y verra aussi beaucoup de Chicago, ses rues, ses trottoirs, son métro aérien. En ce sens, la comparaison initiale avec Urgences n’est pas si incongrue. Il y a The Beef comme il y avait The County, mais il y a aussi et surtout Chicago. A tel point que les musiques utilisées sont systématiquement reliées à Chicago.

     C’est assez évident dans l’avant dernier épisode, qui est à la fois le plus court, le plus impressionnant, le plus épuisant, le plus racoleur (Admire mon beau plan-séquence) et donc le plus casse-gueule. Disons que la série est déjà suffisamment nerveuse et bruyante pour qu’en plus il faille supporter l’action en temps réel, dans un plan en mouvement permanent, complètement fou, qui navigue entre cuisine et salle, d’un personnage à l’autre, dans un climat au bord de l’explosion.  

     L’épisode en question s’ouvre sur des images de Chicago, des images actuelles ou des images d’archives, accompagnées par le Chicago, de Sufjan Stevens. Or, dès qu’on entre dans le Beef, on apprend que le resto ouvre dans vingt minutes, autant dire que c’est le feu dans les cuisines. Ça l’est d’autant plus que ces vingt minutes seront hyper chargées, en cris, insultes et bruits variés (impossible, une fois l’épisode terminé, de se séparer du bip des tickets de caisse, provoqué par la tablette de pré-commande). Il s’y passe sans doute trop de choses : Un retard, un pétage de plomb, une histoire de couteau, une démission, mais l’intensité provoquée par ces vingt minutes en ébullition, est hors norme. Une montée en tension par ailleurs accompagnée par le Spiders, de Wilco, afin de rendre le tout, absolument cacophonique. Ce soir-là j’avais prévu d’enchainer les deux derniers mais impossible, cet épisode m’a rincé.

     On est bien entendu loin d’une série faisant rêver de travailler dans un resto (On pense beaucoup au film The Chef, qui pourrait être le prequel de The Bear) mais la nourriture y aura néanmoins une place essentielle dans l’image : on y verra se confectionner des donuts, se préparer des bouillons de légumes, des risottos au bœuf braisé.

     Mais il est surtout question de catastrophe annoncée, dans un bouiboui surendetté, qui doit affronter inspection sanitaire et critique gastronomique, conflits familiaux (Carmy & Richier, son cousin) ou entre les autres membres de la brigade. C’est plein, sans doute trop-plein. Mais c’est aussi ce qui fait la force de la série, qui tient sur les deux registres, la comédie et le drame. Dès qu’elle se recentre sur cette histoire familiale, développée d’épisode en épisode, elle devient même carrément bouleversante : le dernier épisode est un véritable tsunami émotionnel. Mais pas uniquement : tout ce qui concerne Sydney est passionnant. Evidemment Jeremy Allen White est génial, mais que dire d’Ayo Edebiri. C’est aussi une grande qualité de la série, son interprétation.

Chœur de Tokyo (Tōkyō no kōrasu) – Yasujirō Ozu – 1931

04. Chœur de Tokyo - Tōkyō no kōrasu - Yasujirō Ozu - 1931Entre deux mondes.

   8.0   Il est rare que le cinéma offre d’assister à ce point au fossé si imposant qui sépare le monde adulte de celui des enfants. Ici, quand deux grands parlent ou se disputent, l’arrière-plan ou le contrechamp montrent systématiquement des gosses en train de jouer, de rire, de pleurer. « Comme j’envie les enfants qui peuvent pleurer sans retenue » dit un personnage un moment donné. Tout le programme du film se joue dans ces quelques mots, tant la vie semble difficile.

     C’est un grand film sur la crise de l’emploi au Japon, la crise économique de 29 et les répercussions sur les rapports père/fils. Un grand film muet, qui a l’audace d’utiliser les cartons avec parcimonie. Rien de trop. Rien qui double ce que l’image, déjà, suggère. Si l’on sent qu’Ozu tient ici la comédie américaine pour modèle (toute la première partie estudiantine du personnage, notamment) il s’en libère rapidement tant le mélodrame prend le pas sur le burlesque.

     Père de famille et employé d’une compagnie d’assurances, Okajima s’oppose au licenciement abusif d’un de ses collègues (un vieil homme qui a vendu un contrat à un type décédé le lendemain) et se fait licencier lui-même. Les promesses d’offrir un beau vélo à son garçon s’envolent. Et le contexte économique n’est pas des plus favorables aux chômeurs : c’est ainsi qu’il croisera la route de son ancien professeur de gym, obligé de se reconvertir, ayant ouvert une guinguette qui ne fonctionne pas. Et voilà Okajima d’accepter de faire l’homme sandwich, afin de d’aider son ami à vendre son riz au curry, en échange d’un éventuel job à venir.

     La crise chez Ozu est filmée dans la plus pure intimité. Crise du foyer : Comment nourrir les enfants sans revenu ? Comment payer les soins de la jeune fille malade ? Si la commode se vide c’est probablement qu’on a vendu des vêtements pour y remédier… Si Okajima perd son travail, il perd aussi de son image. Comment les enfants peuvent-ils accepter le déclassement ? Acheter une trottinette à son garçon qui tenait temps à sa bicyclette provoquera la crise de nerfs de l’enfant (qui jette ses chaussures, saute pour faire du bruit, mange le papier tendu de la cloison fine…) qui n’en sera que légitime : Son père lui a menti.

     Chœur de Tokyo contient nombre de moments d’une fulgurante beauté. Parmi ceux-ci cette conversation entre époux, fatigués de leur sort, qui s’achève dans le silence des regards, qui se croisent, puis se perdent sur l’horizon d’une simple corde à linge où flottent leurs vêtements accrochés. Ce film est une merveille.

Le témoin – Jean-Pierre Mocky – 1978

20. Le témoin - Jean-Pierre Mocky - 1978Contre le silence de cathédrale.

   7.0   Rares sont les films de Mocky qui soient si beaux (la photo est superbe) et aboutis, ne serait-ce que dans l’interprétation, les dialogues, le scénario. La dimension satirique dont il est coutumier reste présente, bien sûr, mais plus fine qu’à l’accoutumé. Entre la comédie italienne, la peinture chabrolienne et le thriller giovanniesque, Le témoin est un étonnant portrait de la France giscardienne, tourné à Reims.

     Robert Maurisson, un puissant industriel, fait appel à un vieil ami, Antonio Berti, restaurateur de tableaux, pour y faire une œuvre spéciale pour la cathédrale de Reims. Berti choisit comme modèle une jeune fille, qui sera retrouvée morte quelques heures après leur entrevue, près de l’une des propriétés de son ami. Noiret incarnera ce riche notable, banquier cynique et manipulateur, qui supervise aussi une équipe de foot et dirige une chorale de jeunes filles. Il est hyper sobre. Ce qui le rend plus salaud encore. Il est immense. Sordi en restaurateur d’art simplet, paumé, volubile, est très émouvant.

     Quelques éléments qui rappellent qu’on est bien chez Mocky : le jeu extravagant d’Alberto Sordi. L’homosexualité d’un duo de policiers. Et quelques pointes d’humour très bizarres. Et surtout c’est un film très ambigu : Ici les bourgeois provinciaux sont aussi respectables que les adolescentes sont innocentes.

     Qui plus est, Le témoin est un réquisitoire contre la peine de mort. Ou tout du moins pamphlet contre l’absurdité du système judiciaire. Il y a des scènes fabuleuses comme la partie de chasse. Et bien entendu la scène finale, à l’aube, entre quatre murs et un ciel bleu nuit, d’une simplicité, d’une cruauté et d’une brutalité, d’autant plus déconcertante dans un film de Mocky, fait froid dans le dos.

The hatchet man – William A. Wellman – 1932

17. The hatchet man - William A. Wellman - 1932Les bourreaux meurent aussi.

   6.5   Adapté de la pièce The Honorable Mr. Wong d’Achmed Abdullah et David Belasco, The hatchet man est un Wellman pré-code se déroulant à San Francisco dans le quartier de Chinatown.

     À la solde de la mafia chinoise et au nom de la justice de Bouddha, le gangster Wong Low Get reçoit l’ordre de tuer son ami d’enfance Sun Yat Ming. Avant de mourir, celui-ci lui demande de prendre soin de sa fille Toya San, et de l’épouser lorsqu’elle sera adulte.

     Il faut certes être solide pour accepter de voir des acteurs américains grimés asiatiques, et tout particulièrement Edward G. Robinson, qui incarne le dénommé Wong Low Get.

     Si on franchit cette barrière liée à l’époque, qui découvre aussi le parlant (le rythme et l’interprétation, inégaux, en souffrent) le film est une splendeur de mélodrame, d’une grande mélancolie, tirant brillamment partie de son ellipse initiale, et de ses décors superbes.

     Le prologue et ses allures festives, par ailleurs globalement sans parole, est d’une précision clinique et dramatique impressionnante. La photo est magnifique. Et Robinson, chinois ou pas, est toujours fabuleux, sur un mot, un regard, un geste.

Everything everywhere all at once – Dan Kwan & Daniel Scheinert – 2022

28. Everything everywhere all at once - Dan Kwan & Daniel Scheinert - 2022Quoi, Bagel ?

   3.0   Alors c’est donc ceci le grand gagnant des Oscars, l’ovni loufoque de l’année, fait de bric et de broc, le film phénomène complètement délirant, jubilatoire ? Au secours.

     Je note qu’on entend beaucoup dire que le film est une anomalie, un truc indépendant fait par deux potes de trente-cinq ans qu’on appelle les Daniels (et non les Dardenne), parce qu’ils ont tous deux le même prénom, mais qui jusqu’ici étaient inconnus au bataillon quasi pour tout le monde excepté chez les clippeurs. Je note qu’on entend moins parler du fait que le film est produit par les frères Russo, poids lourds d’Hollywood, responsables de nombreuses adaptations Marvel. C’est pas fauché non plus, quoi, faut pas déconner. Fun fact toute chaude : les réas vont s’occuper du prochain Star Wars. Cqfd.

     Bon, que dire du film ? C’est l’enfer. De presque A (j’aime assez les dix premières minutes dans la laverie) jusqu’à Z (deux heures de sauts d’un univers parallèle à l’autre… c’était cuit dès le second pour moi). C’est un mélange de kung-fu comédie, mélo familial et actionner post moderne, qui se rêve en nouveau Matrix. Des Wachowski, disons que ça ressemble plutôt à Cloud Atlas. Sous LSD.

     C’est l’histoire d’une femme et mère de famille, un peu à bout, un peu coincée entre un contrôle fiscal, un mariage qui bat de l’aile et une ado à gérer. Du jour au lendemain elle se retrouve embringuée dans des univers parallèles où chaque fois elle serait « elle » mais autrement que la pire version d’elle même qu’elle est dans « le vrai monde ».

     En résulte un gloubi-boulga informe un peu comme si on était bourré en train de swiper le mauvais enchaînement d’algorithmes du fil d’actualité facebook. Il y a quelques trucs rigolos, c’est vrai, comme le geste déclencheur systématiquement différent et complètement improbable pour entrer dans un metavers. Mais bon, c’est léger. Ce d’autant plus que c’est pas si fou, pas si irrévérencieux qu’on le dit. Il y a de l’énergie oui, mais c’est un cache misère. Afin que ça ressemble juste à la version cancre du Multiverse of madness de Raimi.

     C’est interminable, boursouflé, laid, hystérique. Plein de trouvailles randoms répétées jusqu’à plus soif. L’indigestion. On saute d’un monde à l’autre sans comprendre ce qui se joue : la plupart de ces univers ne sont que de simples vignettes inexploitées. Un concept tout à fait dans l’ère du temps in fine : une bête histoire de multivers, un humour gras et des clins d’œil partout pour faire du pied aux « cinéphiles de l’académie » allant de 2001 à Ratatouille, en passant par In the mood for love. Si c’est pas pour rameuter tout le monde…

Scream VI – Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett – 2023

22. Scream VI - Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett - 2023Fuck the franchise.

   5.0   En matière de franchise, chacun ses marottes, madeleines, préférences. Certains ne manqueront pas d’aller voir le dernier Star Wars ou le nouveau Marvel. D’autres continuent d’espérer d’Halloween ou ne rateraient un Batman pour rien au monde. De mon côté, je vais voir chaque Jurassic park ou James Bond. Mais mon péché mignon, et de très loin, c’est Scream. Ça a toujours été Scream. Qui avec ou sans Wes Craven, restera un slasher pas comme les autres.  

     « Fuck the franchise » s’exclame un moment donné Mindy, le personnage ayant le plus de recul théorique, personnage qui n’est autre que la nièce de Randy (celui qui expliquait les règles pour ne pas mourir dans un slasher) déjà présente dans le requel. Qui dit franchise ouvre évidemment sur d’infinies possibilités, comme des changements de règles narratives, des bouleversements de codes formels. Par exemple, existe-t-il toujours une final girl ? Tout le monde est suspect, disait Randy. Dorénavant, tout le monde est mortel. « Fuck the franchise » en effet.

     Voilà pour la promesse théorique. Reste que ce sixième volet, qu’on appellera sequel du requel, n’atteint pas vraiment ces promesses. Il offre des choses, il s’amuse beaucoup, augmente le bodycount, multiplie les mises en abyme à outrance. Rien que dans son ouverture, assez exaltante, puisqu’il embraye sur deux meurtres, le second étant le meurtre de celui qui vient d’effectuer le premier. Habile. Oui mais c’est une promesse avortée. On croit d’abord qu’on va cette fois accompagner le tueur, riche idée. Puis un autre tueur le tue. Super. Plus qu’est-ce qu’on fait de ça ? Rien. Tout sera finalement très attendu. Quand bien même il sera une nouvelle fois délicat de deviner le, la ou les tueurs, bien sûr.

     J’essaie de pas trop en dire, mais il y a une matière narrative carrément bordélique, d’autant qu’elle convoque pas un Scream mais l’entièreté (peut-être davantage le second, dans sa construction, et encore…) tout en ayant choisi d’investir un lieu nouveau, à savoir New York mais sans en faire grand-chose malheureusement, puisque tout se terminera dans un entrepôt sanctuaire, qui aurait très bien pu loger à Woodsboro ou dans ton garage. Mais il y a des scènes très fortes, à l’image de celle des deux appartements reliés par une échelle. Et bien entendu de celle, fabuleuse, du métro. Si New York a été choisi rien que pour cette scène-là, tant mieux.

     Pas de petite satisfaction, pas de colère non plus. Juste la sensation d’un volet de plus pour rien, sinon combler vite fait le fan que je suis, mais sans la transcendance que Scream 3 par exemple savait provoquer chez moi. Exemple : J’adore l’idée, toute bête, que la « première fille » (comme Drew Barrymore dans le premier volet) ici soit une prof de cinéma. Et qu’à la traditionnelle question (de la franchise) posée par le tueur, elle réponde : « Pas celui-là, déjà ». Ok, mais je peux pas me satisfaire de ça non plus, c’est trop léger. Comme je peux pas me satisfaire non plus de que le film fait de Sidney. De Gale. Ou de ce petit musée Scream, d’une pauvreté visuelle terrible.

Knock at the cabin – M. Night Shyamalan – 2023

01. Knock at the cabin - M. Night Shyamalan - 2023La cabane dans les choix.

   4.0   Tandis qu’ils passent leurs vacances dans un chalet isolé en pleine forêt, une jeune fille et ses parents sont pris en otage par quatre mystérieux individus armés d’outils, qui exigent d’eux un choix impossible permettant disent-ils d’éviter l’apocalypse : Sauver leur famille ou l’humanité. Comment avec un pitch pareil peut-on si peut surprendre, si peu porter d’intérêt à des personnages ?

     Avec ce très beau générique introductif et ces premières images en pleine forêt, d’une petite fille ramassant des sauterelles pour les mettre en bocal, les compter, leur donner des noms, des genres (elle tient un petit tableau très ordonné) et de sa rencontre avec un ogre, étrange mais doux, sorti tout droit des fougères, l’ouverture de Knock at the cabin promet un peu. D’autant que c’est une belle idée que de voir débarquer les intrus d’emblée, sans préambule. Et de voir un intrus massif en discussion avec une petite fille.  

     Or, une fois resserré dans sa mécanique de home invasion et donc de son huis clos dans un chalet, le film ne décolle pas. Il reste arrimé à ses petits sentiers balisés, campé dans ses pantoufles confortables avec sa structure répétitive très ennuyeuse. Ce qui pourrait à moitié suffire (après-tout, le réalisateur de Sixième sens n’est pas un manchot, il y a des plans, des idées ici aussi) si son apparence subversive n’était pas outrageusement rattrapée par des tendances bigotes, teubées et pro-conspirationnistes, déjà croisées dans son précédent film, Old. Qui par ailleurs était plus audacieux. Plus casse-gueule (et raté) aussi.

     C’est un film concept, en circuit-fermé. Le cinéma de Shyamalan n’a jamais autant évolué en vase clos, dans un monde, un cadre qui n’a jamais été si minimaliste que depuis deux films : Après la plage, voici le chalet. Pourquoi pas, après tout, si le film allait plus loin que son désir de high concept ? Mais Knock at the cabin est un film sans surprises, sans ambiguïté. Un film qui ne tente absolument rien, qui recycle en mixture Signes, Split, Phénomènes & Le Village.  Au sein duquel rien ne prend, rien n’émeut : Ni ce couple et leur petite fille. Ni ces « quatre cavaliers de l’apocalypse » (référence explicite puis carrément citée, l’enfer) qui s’excusent de tout. Ni ces cataclysmes variés qui se succèdent sur une simple télévision.

     Restent quelques idées de cadres, de plans, de gestion de rythme. Encore heureux. Le grand Shyamalan (d’Incassable) parait si loin. Inutile d’évoquer les scènes d’apocalypse, elles sont foirées, accompagnées d’effets spéciaux au rabais. Ni l’interprétation : Dave Bautista ne dégage rien, mais ça on le savait déjà depuis les Marvelleries et autres Snyderies. Rupert Grint pareil, d’autant qu’il était déjà de ce niveau en Ron dans Harry Potter. Jonathan Groff non plus, lui qui était si magnétique dans Mindhunter. Seuls les personnages féminins semblent exister un peu, mais trop vite sacrifiés. Le sacrifice c’est évidemment le sujet car c’est une histoire de croyance (l’un des quatre individus raconte une histoire, c’est en somme l’alter-ego du cinéaste) et donc de sacrifice : L’idée que le chalet finisse par flamber évoque un peu trop le final de l’ultime film de Tarkovski. Mieux vaut ne pas trop y penser.

     Il y a toutefois une idée intéressante, là-dedans, c’est le traitement de l’homosexualité, dans la mesure où elle n’est jamais le sujet, utilisée comme une tendance woke dans l’ère du temps. Elle intègre le récit via un des deux papas, à savoir celui qui a vécu la révélation de son coming-out à ses parents comme un traumatisme. Evidemment c’est hyper appuyé par un flashback « trauma » grossier, mais bien relayé par une double idée : D’une part grâce à un autre flashback, celui de la baston dans le bar, qui ne statuera pas sur l’origine de cette baston : l’homme du bar était-il homophobe ou est-ce le personnage qui l’a cru homophobe ? D’autre part via la venue des quatre cavaliers, dont la présence ne sera jamais reliée à une lecture homophobe. Bref, de ce marasme c’est ce qui m’a semblé le plus intéressant. Mais évidemment traité façon bourrin : l’homme du bar qui se révèle finalement être, par le plus grand des hasards, l’un des quatre étrangers, au secours.  

Six femmes pour l’assassin (Sei donne per l’assassino) – Mario Bava – 1964

15. Six femmes pour l'assassin - Sei donne per l'assassino - Mario Bava - 1964La couleur de la mort.

   5.5   Un an après La fille qui en savait trop Mario Bava récidive dans ce qui constituent les fondements du Giallo, livrant là une parfaite matrice des codes du genre. Le noir et blanc charbonneux disparaît au profit d’une palette de couleurs pastel volontiers ostentatoires. L’univers de la mode, choisi ici (le récit se déroule dans une maison de couture) accentue la flamboyance de l’ensemble, du décor aux costumes, des couleurs aux éclairages. L’assassin, sans visage, ganté de noir, s’immisce partout, en tueur démiurge, sauvage, sans scrupule. Chaque meurtre est une cérémonie habillée d’une mise en scène ultra sophistiquée, aux éclats graphiques fascinants. Qu’importent le motif, le scénario, la narration, les dialogues, in fine. Et c’est sans doute ce qui le rattrape, puisque le jeu de massacre ne tombe jamais dans l’abstraction pure, surréaliste, le geste en tant qu’objet d’art : Le thriller (et son intrigue plutôt traditionnelle) est moins beau que sa promesse plastique, sans doute parce que ses personnages sont interchangeables et l’interprétation globale bien kitch. C’est bien mais je suis un peu déçu, j’en attendais un monstre total.

L’origine du mal – Sébastien Marnier – 2022

16. L'origine du mal - Sébastien Marnier - 2022La cérémonie familiale.

   5.0   Le troisième long métrage de Sébastien Marnier (après le formidable Irréprochable et le magnifique L’heure de la sortie) est un thriller tout ce qu’il y a de plus chabrolien dans lequel une ouvrière orpheline retrouve son père ultra riche, et rencontre sa famille, nichée dans une luxueuse villa en bord de mer. Ce décor d’île et de manoir, au préalable, en impose. Notamment cette grand-pièce surchargée de produits de luxe, œuvres d’art et autres animaux empaillés. Marnier s’amuse de cette confrontation de classes, de ce schéma familial explosif, pour tresser des nœuds, dresser des fausses pistes, ouvrir des tiroirs. La pièce rapportée (sans en dévoiler davantage, il y a un twist central, en gros, Laure Calamy jouant un double jeu) dynamite le peu d’équilibre qui restait de ce cercle familial. La lutte des classes se double d’un combat anti patriarcal tant la forme épouse la kyrielle de femmes (épouse, fille, petite fille, bonne) gravitant autour de ce vieil homme. Le film est pourtant loin de n’être qu’une simple fable féministe tant le patriarcat y est pas plus gangréné que les forces féminines antagonistes : on est plongé au milieu d’une vraie crise de pouvoir familiale. Tiroirs narratifs mais aussi formels : Marnier usera de split screen, plan-séquence, d’un changement de format, si ça lui chante. Beaucoup de bruit (narratif et formel) pour pas grand-chose, tant le film semble aussi vain que cette histoire d’amour un peu ratée, qui accompagne tout le récit. L’affiche promettait presque un Agatha Christie chez Chabrol corrigé par En thérapie (le fait est qu’on y retrouve Céleste Brunnquell (S1) et Jacques Webber (S2)). En réalité, malgré ses promesses corrosives, le film est bien trop sage. Avec un tel matériau, pourquoi ne pas emprunter des cimes plus baroques, vers De Palma ou Bava ? Dommage.

John Wick Parabellum – Chad Stahelski – 2019

19. John Wick Parabellum - Chad Stahelski - 2019Pas si seul au monde.

   4.0   En rattrapant le troisième volet (j’avais beaucoup aimé les deux premiers) j’ai pensé qu’il déclencherait chez moi l’envie d’aller voir le quatrième en salle dès mercredi. Avoisinant les trois heures ça ne m’arrangeait pas du tout, d’autant que je dois aller voir Scream VI et revoir The Fabelmans. Problème réglé, ce troisième volet m’a vacciné. Ça démarrait pourtant bien : Vingt-cinq premières minutes très sèches, brutales, quasi sans parole, quasi sans narration (Pour avoir tué dans l’Hôtel Continental, John Wick est excommunié, donc sa tête est mise à prix et tous les tueurs du monde semblent à ses trousses) à voir des bastons dans une bibliothèque, une armurerie, une écurie. Puis plus rien. Quelques scènes de bastons et gunfights évidemment (toujours superbement chorégraphiés, c’est la qualité première de cette saga, sa force graphique) accompagnés de tunnel de blabla, d’autant que Wick n’est plus si seul. J’ai trouvé le temps long, très long dans ce monde à la Blade Runner sous filtre Insta, agrémenté de néons d’un Refn gagnés par la pluie d’un Seven, traversé par des images publicitaires dont une virée dans le désert marocain façon Terre d’Hermès ou un décor de verre, high tech, vu et revu, une poursuite à moto déjà faite précédemment. Je passe mon chemin pour le suivant et gagne donc 2h50.

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