Les fantastiques années 20.
7.0 Babylon m’a fait passer par tous les états. Un peu d’ennui, notamment durant la première partie tant le cadre y est rempli d’une virtuosité, folle, homérique mais aussi un peu gratuite et vaine. De la circonspection, avec tout le côté scato : On se fait littéralement chier dessus, doucher de merde par un éléphant en guise d’ouverture. Et la suite est à l’avenant : Ça pisse, ça vomit, ça chie, en permanence. Je pense aussi que le film en fait trop tout le temps, que sa forme écrase l’interprétation, le récit et l’évocation du passage des années 20 aux années 30, du muet au parlant, un peu à l’image de cette scène underground complètement incongrue avec Tobey Maguire et un crocodile, dont on aurait pu largement se passer.
Et pourtant le film m’a séduit et fasciné pour deux raisons majeures. La première pour l’avoir vu en salle : En attendant le dernier cru Spielberg, j’ai vraiment eu la sensation récemment, entre Babylon et Avatar, d’assister à une « renaissance » hollywoodienne, au plaisir de me confronter à du cinéma américain épique, grandiose, isolé, débarrassé de ses franchises. Par ailleurs, je n’aurais pas donné cher au film si je l’avais découvert chez moi, je pense qu’il a besoin de la salle pour exister, pour faire le show, si j’ose dire. La seconde, pour le mélange fragile entre sa démesure carnavalesque (pas toujours bien canalisée, bien sûr) et sa mélancolie qui finit par irriguer tout le récit : C’est une montagne russe, capable de naviguer entre élans burlesques (le serpent) et envolées d’une tristesse infinie (le sort réservé au personnage incarné par Brad Pitt, par exemple). Entre cacophonie pure (de tournages qui se chevauchent, de scènes en boucle) et trouées délicates (la larme, le papillon).
C’est un film fou, qui tente, qui irradie, qui rate, qui gave, qui touche, qui gonfle, qui sonne, qui rince. Qui capte le chaos effervescent et autodestructeur d’avant la naissance du cinéma sonore puis l’ordre dépressif mais ouvert provoqué par son immersion soudaine dans le quotidien des tournages. Un film difficile, chaotique auquel il est difficile de s’attacher, tant sa structure, son récit et ses personnages ne cherchent jamais à séduire. A ce titre, si Margot Robbie y est incroyable, Nellie LaRoy, le personnage qu’elle incarne, est plus indomptable, antipathique. Quant à Manny (incarné par Diego Calva) celui qui sera notre point d’ancrage, il semble en permanence ahuri, à côté, quasi fantomatique.
C’est aussi et surtout une brillante reconstitution de l’âge d’or, Babylon. Alors si Chazelle me touche évidemment moins ici qu’avec La La Land ou First man, son ambition malade me plait, tant on sent qu’il est un cinéaste hollywoodien (l’obsession Chantons sous la pluie, de Stanley Donen – référence fondatrice déjà à l’œuvre dans La La Land – ouvertement cité et dont on pourrait dire que Babylon en est la relecture sous acide) avec une vision ouvertement européenne (Il va citer – un peu lourdement – Godard et Bergman, par exemple). Beaucoup aimé cette plongée de 3h10 dans les entrailles d’un Hollywood festif et dégénérescent, sans pourtant désirer le revoir illico – contrairement à ses deux films précédents ou au Once upon a time in Hollywood, de Tarantino, auquel on peut parfois le comparer.
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