Archives pour avril 2023

The last of us – HBO – 2023

03. The last of us - HBO - 2023La dernière piste.

   8.0   The last of us, version série, n’augurait que du bon : Une production HBO (On va pas revenir là-dessus mais c’est régulièrement gage de qualité), à la barre Craig Mazin le showrunner de Chernobyl, accompagné du scénariste Neil Druckman, qui est aussi celui du jeu vidéo que la série adapte ; deux acteurs principaux croisés (et déjà parfaits) dans Game of thrones ; Une musique confiée à Gustavo Santaollala, qui rappellera un autre beau fait d’armes HBO : Deadwood. Mieux vaut partir avec ça qu’avec rien.

     Alors est-ce une adaptation réussie ? Je n’en sais rien, je n’ai jamais joué aux jeux. Et tout dépend ce qu’on en attend, j’imagine. De mon côté, voilà bien longtemps que je n’avais pas suivi assidûment une série au jour le jour (de sa diffusion). J’ai peut-être bien quelques réserves mais globalement c’est un franc oui. C’est une nouvelle relecture postapocalyptique parmi les plus stimulantes et prometteuses que j’ai pu voir, dans la lignée des Fils de l’homme – auquel on pense pas mal – je dirais.

     Déjà c’est une passionnante variation sur l’impossibilité d’évoluer collectivement, de faire des rencontres, de nouer des liens. Dans The last of us, mieux vaut ne pas trop s’attacher aux personnages secondaires. Je pense que c’est ce qui m’a le plus marqué au cours de ces neuf épisodes, qui sont comme des boucles fermées ornées de personnages éphémères, qui disparaissent aussi vite qu’ils ont fait leur apparition. C’est très troublant.

     Et c’est aussi une belle variation sur l’impossibilité de faire son deuil et sur la difficulté à tenir à la vie. Joel est en sursis depuis vingt ans. On apprendra même qu’il s’est jadis loupé. Ellie n’est rattachée à rien. Et si au fond, elle savait ce que lui réservaient les Lucioles ? Pourtant tous deux s’accrochent. Ensemble. S’accrocher à quelqu’un, c’est tout ce qui reste, dans The last of us. La relation entre Ellie & Joel, entre Bella Ramsey & Pedro Pascal, restera la plus belle chose de cette saison. Leur complicité naissante, mais plutôt silencieuse, fonctionne à merveille.

     Deux éléments impressionnent aussi. Tout d’abord la série est très brutale : le premier épisode est d’une cruauté inouïe. Ce d’autant plus que ce sont les enfants qui sont le cœur du récit. Il y a d’abord Sarah, la fille de Joel. Il y aura aussi ce petit garçon qui semble débarquer d’entre les morts et dont on comprendra, étant donné qu’il est infecté, qu’il va passer par la case abattoir. Et il y aura Ellie, autour de qui tous les espoirs reposent, mais qui est plus une ado rebelle et désespérée, qu’animée d’une pulsion héroïque.

     Ensuite, autre tour de force, la série effectue des pas de côté impressionnants a l’image de celui de l’épisode 3, bien entendu, histoire d’amour envers et contre tout, magnifique, entre deux personnages qu’on ne reverra pas. Tout en fouillant parfois entièrement une strate du passé : l’épisode 7, autre histoire d’amour, qui permet d’en apprendre davantage sur Ellie cette fois. Et toujours dans une dynamique d’épisodes exploitant un genre différent : la romance, le survival, le western. Car c’est aussi un voyage vers l’ouest. Et des lieux chaque fois nouveaux : Austin, Boston, Kansas city, le Wyoming, Salt lake city. C’est une belle traversée rurale et urbaine des États-Unis. Une terre désolée faite de ruines à détruire et de terre à reconquérir.

     Deux éléments qui m’ont beaucoup marqué et sur lesquels je reviens rapidement :

- Tout d’abord ces deux histoires d’amour, qu’on voit naître et disparaître, le temps d’un épisode qui leur est entièrement dévoué. Certains n’ont évidemment pas manqué d’invoquer le carton jaune anti woke / lgbt+ mais c’est déjà oublier qu’il ne faut pas en vouloir à la série : tout était déjà dans les jeux. À noter qu’il semble y avoir, si on en croit les gamers, des copiés collés de plans ou dialogues. C’est aussi une manière de contenter l’aficionado je pense : lui laisser ceci pour se permettre de retirer cela.

- Et ensuite tout ce qui concerne l’esthétique des infectés m’a fasciné, ces créatures qui ressemblent à des cordyceps ambulants, et leur agressivité surdéveloppée qui rappellent les zombies de Vingt-huit jours plus tard. J’aurais aimé en voir davantage mais j’aime la frustration que leur faible quantité procure. On se souvient très clairement de la scène du musée, par exemple. On se souvient de chacune de leur apparition.

     Il y a des choses parfois moins réussies. À l’image de cet épisode 9 qui s’ouvre brillamment (la naissance d’Ellie) et se ferme nettement moins brillamment (montage alterné raté) malgré une idée forte, peut-être la plus osée (Est-ce ainsi dans le jeu ?) : La saison se ferme sur un mensonge. Et c’est paradoxalement la chose la plus douce qu’on verra dans The last of us, ce mensonge. Car c’est le mensonge d’un père à son enfant (de substitution). C’est magnifique.

Le pont de la rivière Kwaï (The bridge on the river Kwai) – David Lean – 1957

02. Le pont de la rivière Kwaï - The bridge on the river Kwai - David Lean - 1957Mad men.

   8.5   Adapté du roman éponyme d’un auteur français, Pierre Boule (qui est aussi l’auteur de La planète des singes) écrit en 1952, Le pont de la rivière Kwaï raconte l’histoire, en pleine jungle thaïlandaise durant la seconde guerre mondiale, d’un régiment de soldats britanniques prisonniers dans un camp japonais, contraints de construire un pont stratégique, au-dessus de la rivière Kwaï, afin que la ligne de chemin de fer relie Rangoon à Bangkok.

     Le récit se déploie en deux grands mouvements. Se joue dans un premier temps une résistance téméraire de la part du colonel Nicholson, qui, s’appuyant sur un texte des accords de Genève, refuse l’ordre du colonel Saïto de faire travailler tous les prisonniers, y compris les officiers. De fait, ces derniers sont mis « au four » ces espèces de cabanes de tôle sous lesquelles il doit faire une chaleur à crever. Quant aux autres soldats, et sous le commandement japonais, ils doivent construire un pont, en un temps limité, mais ils n’y mettent pas beaucoup de cœur.

     Un rapport de force passionnant s’établit entre les deux officiers en chef, quand bien même l’issue ne souffre d’aucune surprise : On sait pertinemment que l’officier japonais flanchera, il a besoin de ce pont, donc de main d’œuvre, donc de soldats, qui pour qu’ils soient efficaces se doivent d’être à l’écoute de leur supérieur britannique.  

     Dans un second temps, un montage alterné nous permet de suivre l’édification du pont, que le colonel Nicholson prend étrangement au sérieux, au point d’engager un nouvel ingénieur qui modifiera l’emplacement du pont, et d’accentuer la charge de travail. Pour lui, ce pont pour l’ennemi, représentera la gloire de l’armée britannique : Entre autres il servira à rapatrier les blessés. Mais de nous intéresser aussi, en amont de la rivière, à un commando chargé par l’état-major des forces alliés, de faire exploser le dit-pont le jour de son inauguration.  

     Le pont de la rivière Kwaï faisait partie de ces immenses classiques, multi-oscarisé, au succès planétaire (rien qu’en France le film fait plus de treize millions d’entrées, impensable aujourd’hui pour un film de ce standing) que j’avais vu sans les voir, au détour d’extraits et passages télés (quand j’étais gamin) ou pour avoir entendu mon grand-père (qui l’adorait) en parler ou parce que j’ai lu plein de choses à son sujet, surtout quand j’ai commencé à m’intéresser au cinéma, à lire sur le cinéma et qu’on commence toujours par ces grands classiques accessibles et indéboulonnables.

     Classique, Le pont de la rivière Kwaï semble pourtant l’être de moins en moins, j’ai l’impression. Mais, classique – un terme qui par ailleurs n’a plus vraiment de sens – il ne l’est justement pas tant que ça. Ou bien La grande illusion, de Renoir, est un classique. Les deux films se ressemblent beaucoup, par ailleurs, tant ils traitent tous deux de la relation ambiguë entre des prisonniers de guerre et leurs geôliers.

     C’est d’autant plus passionnant d’un point de vue théorique que cet étrange affrontement est aussi celui de David Lean, le scénariste Carl Foreman (dont Lean réécrira une grande partie du script) et le producteur Sam Spiegel. Cette collaboration qui n’est pas sans conflit, finit par porter ses fruits – d’autant plus quand on sait le succès du film ensuite – au même titre que la collaboration Nicholson / Saïto permettra in fine d’établir dans les temps un pont encore plus beau et solide que celui préalablement prévu dans les plans.

     Et peut-être que pour que ça fonctionne à ce point, il fallait un vrai décor, un pont grandeur nature au milieu de la jungle. Faute de trouver le site souhaité en Thaïlande, le film se tournera au Sri Lanka, autour d’un ouvrage colossal, l’un des plus grands décors jamais construits pour un film. Et qui sera donc entièrement détruit (avec le train) pour la grande séquence finale. En une seule prise, à cinq caméras. Fallait pas se louper.  

     En outre, sous ses allures de grande fresque guerrière, Le pont de la rivière Kwaï est aussi un film très doux dans ses plans, très contemplatifs aussi, alternant les plans de couchers de soleil, d’animaux, de jungle luxuriante, de cascade, de pluie, et bien entendu des plans d’ensemble hallucinants révélant une batterie phénoménale de figurants.

Fumer fait tousser – Quentin Dupieux – 2022

15. Fumer fait tousser - Quentin Dupieux - 2022Araignée, oiseau, casserole.

   7.0   A vrai dire je n’y ai pas cru, au moment de sa sortie. Soit parce qu’Incroyable mais vrai (2022) m’avait un peu vacciné ou plutôt sans doute parce que je n’en pouvais plus de cette bande-annonce qui circulait avant chacun des films que j’allais voir au mois de novembre. J’avais décidé de faire l’impasse. Chose que je n’avais jamais faite pour Dupieux : Après avoir découvert Steak un peu après sa sortie, j’étais allé voir tous ses films en salle depuis Rubber. Je regrette de lui avoir fait faux bond cette fois car je suis pas loin d’avoir adoré cet opus, qui, sous ses airs de ne pas y toucher, serait peut-être bien le film le plus inquiet de Dupieux.

     Plus encore que d’habitude, j’ai été impressionné par son extrême minimalisme : ses décors, ses dialogues, ses plans, ces costumes de super-héros, son grand méchant homme-lézard. Mais aussi émerveillé par la limpidité de ses enchainements, et notamment par l’immersion de chacune de ces petites histoires. Et touché par son humilité : Je vois pas plus belle façon, simple, honnête, personnelle, de confier son inquiétude généralisée. Le film est jalonné de pures idées de génie, à la fois très drôles, lucides, macabres : Ce casque à penser, ce seau de viscères dans lesquels baigne une bouche qui continue de parler, ce suicide de droïde, cette marionnette de rat chef de mission qui bave d’un vert gluant.

     La Tabac Force, simili Power rangers habillés intégralement de jaune et bleu-ciel, est composée de Nicotine (Anais Demoustier), Mercure (Jean-Pascal Zadi), Ammoniaque (Oulaya Amamra), Benzène (Gilles Lellouche) et Methanol (Vincent Lacoste). C’est un groupe de justiciers qui lutte contre les forces du mal. On les verra au préalable affronter une hideuse tortue, qu’ils vont combattre à grand coup de cancer des poumons. Tout cela sous les yeux émerveillés d’un enfant.

     Mais ces justiciers en combinaisons moulantes partent en vacances, ou plutôt en congés forcés, afin de ressouder l’équipe, dans un camp en pleine forêt, au bord d’un lac, et qu’ils dormiront sur des lits en titane et se doucheront à l’eau de mer. Les histoires qu’on va dorénavant suivre, ce sont les histoires qu’ils vont se raconter au coin du feu. A moins que ce soit celle d’une petite fille faisant irruption dans leur cercle nocturne, ou celle d’un barracuda mort qui soudain se met à causer. Une affaire de digressions absurdes, en somme. Dans lesquelles on aura le plaisir de voir Adèle Exarchopoulos, Jérôme Niel, Blanche Gardin, entre autres.

     De petits films à l’intérieur d’un film qui n’en est plus vraiment un, puisqu’il est celui de super-héros qui se racontent des histoires, jouant à se faire peur. Pourtant, en sourdine, cet étrange film à sketchs devient plus grave. « On arrive sur terre dans un petit corps parfait, puis on passe sa vie à dépérir » lâche cette femme sous scaphandre, qui soudain pense, voit l’horreur du monde. Cette noirceur vient contrebalancer l’esprit enfantin du film, qui est évidemment partout, dans ces costumes, ces « raconte-moi une histoire » ou ces regards d’enfants, dont les plus beaux seront sans doute ceux des enfants de Mercure, qui leur raconte une histoire en visio, avant que la fin du monde les sépare.

Bowling Saturne – Patricia Mazuy – 2022

?????????????????????????????????Le mâle des maudits.

   7.0   Plus que cet appétit évident pour le film noir ou le film d’enquête ou cette tragédie fraternelle, contaminés par le poids violent d’un père désormais mort, c’est l’ambiance du film qui m’a en premier lieu emporté, perturbé, angoissé, cette bichromie rouge et noir, cet étouffant bowling en sous-sol – si suffocant que lorsqu’on en sort, on semble débarqué dans une ruelle, sous un pont – et cette atmosphère de chasse, appartement de chasseur, matériels de chasseur, trophées de chasse (un décor néocolonial archi flippant, je rentre jamais là-dedans) chien de chasse, fils de chasseur, association de chasseurs, militante anti-chasse, qui fait que c’est absolument partout, terrifiant comme dans La traque, de Serge Leroy.

     Cette angoisse culminera dans une séquence collective de réunion annuelle des chasseurs avec projections de films amateurs sur leurs safaris sanglants et mises à mort de crocodile et de lion. Terrifiante vision d’horreur que je ne suis pas prêt d’oublier d’autant qu’elle est vécue à travers le regard de ce garçon, qui parait aussi terrifié que nous, alors qu’on le voyait tuer une femme, sauvagement et impunément quelques temps plus tôt.

     Bowling Saturne est un film très étrange, coupé en deux, deux regards, puisqu’il s’intéresse plus à un frère qu’à l’autre suivant la partie, et que si la première constitue un crescendo assez déstabilisant vers une violence qu’on ne voit pas venir (un truc insoutenable, vraiment) la seconde est paradoxalement plus linéaire et impénétrable. Le film est bizarre jusque dans ses moindres recoins, jusque dans son point de départ (la mort d’un père, l’héritage d’un bowling), jusque dans sa construction (déployé autour de cette ellipse d’un mois), jusque sur le visage d’Achille Reggiani (fils de la cinéaste) véritable révélation terrifiante, jusque dans ce prénom que le garçon, pourtant clairement le plus rejeté des deux, partage avec le père.

     Pas facile d’être ému par la trajectoire de ses deux frères, Armand & Guillaume, volontiers antipathiques, mais une fascination pointe plus le film avance, déployant une douleur sourde – incroyable scène sur la tombe du père, avec cette racine récalcitrante que Guillaume s’entête d’arracher – et une démence prédatrice mais aussi dans ces morceaux de décors inquiétants (ce tuyau de gravats) et un cauchemar si tenace qu’on attend à la fois tout et plus rien, tant le film nous a liquéfié deux heures durant, avec un meurtre au mitan, qui crée un vertige qui n’est pas sans rappeler celui de Psychose.  

     J’aurais adoré faire l’expérience de ce film en salle. Ou pas du tout, tant il me met affreusement mal à l’aise en permanence. Mais j’aime l’idée du film gravitant autour d’un lieu, qui semble pas mal animer Mazuy, ici avec le bowling, dans Paul Sanchez avec le rocher de Roquebrune. C’est un pur film d’horreur, mais sans l’attirail parfois jubilatoire du genre. Il ne reste qu’une masse sombre, cauchemardesque, quasi postapocalyptique, en somme.

     Et j’aime l’idée que le film ne bascule jamais dans une psychologie attendue : ces deux frères ont un passé, une blessure, il y a probablement le poids du père, l’absence de la mère, mais on ne saura rien de plus que ce que nous offrent ce bowling, cet appartement et le comportement pas si éloigné de ces deux frangins, héritier et bâtard, à priori aux antipodes. Cette retrouvaille malade, qui n’engendre qu’une sauvagerie absurde repliée sur elle-même (un garçon tue quand son frère découvre les cadavres) se marie habilement avec l’atmosphère du film, lugubre étalage de virilité et de violence, cadenassées ou explosives.

Peggy Sue s’est mariée (Peggy Sue got married) – Francis Ford Coppola – 1987

01. Peggy Sue s'est mariée - Peggy Sue got married - Francis Ford Coppola - 1987Falling in love, again.

   6.0   Découvrir Peggy Sue s’est mariée aujourd’hui m’aura permis de constater (ce que je savais déjà) combien Noémie Lvovsky il y a dix ans, avec Camille redouble (que j’aime beaucoup) a tout pompé – au point que c’en est un peu gênant, surtout qu’elle ne le revendiquait pas tant que ça dans mon souvenir – sur le film de Coppola.

     Peggy Sue, mère de famille sur le point de divorcer, se rend à une soirée organisée par les anciens élèves de son lycée. Au moment où elle s’apprête à faire un discours en tant que reine du bal, elle s’évanouit et se réveille en 1960, dans la peau de celle qu’elle était vingt-six ans auparavant.

     Peggy Sue redécouvre le monde de ses dix-sept ans avec le regard de la quarantenaire d’aujourd’hui. Et tout ce qui lui semblait normal ou anodin jadis, prend une tournure extraordinaire. Faire un repas de famille, chanter l’hymne national, se retrouver à l’arrière d’une voiture, tout devient grandiose et libère donc un enthousiasme décalé, une énergie anachronique.

     Peggy Sue s’est mariée fait partie de ces nombreux films des années 80, initiés évidemment par Spielberg et d’autres, qui fantasment l’Amérique des années 50/60. Un peu comme le faisait déjà American graffiti, de Lucas (produit par Coppola) en 1974.

     J’aime que le film soit un anti Retour vers le futur dans sa façon si singulière de replonger dans ces années-là. Il n’y a rien de vraiment rutilant, rien qui soit dans le gadget, rien qui soit non plus politique : Peggy Sue avouant son secret à l’intello du lycée, évoquera les transformations high tech, les découvertes (le premier pas de l’homme sur la lune par exemple) mais jamais ne parlera de Kennedy ni du Watergate. Tout y est plus intime, du point de vue d’une seule femme, un peu hors du monde, dans la peau d’elle-même ado.

     Et il y a des moments déchirants comme lorsqu’elle entend la voix de sa grand-mère au téléphone. Ou comme lorsque plus tard elle rend visite à ses grands-parents et leur fait part de son secret. Ou un simple retour dans sa propre chambre. Un simple repas de famille qu’on partage.

      Oui mais voilà, il y a un Mais. Je sais que certains sont fans du film et j’aimerais savoir si ceux sont les mêmes qui sont fans de Nicolas Cage ? Car c’est un vrai problème ce mec là-dedans (Ou dans Sailor et Lula, film que je n’aime pas beaucoup non plus). De mon côté, je l’aime bien dans Rock ou Les ailes de l’enfer, car son outrance naturelle se marie avec l’outrance (et la médiocrité) des réas/films. Pareil dans Snake eyes (qui est une merveille), il est bizarrement parfait. Mais là ?

     Que fait-il dans un film aussi doux, diaphane, aussi léger, si j’ose dire, car c’est vraiment un film très solaire, malgré la nostalgie qui en émane ? Il m’a semblé tellement complètement à côté de la plaque qu’il m’a ruiné la promesse de comédie de remariage. Pourtant c’est beau cette idée que Peggy Sue, finalement, souhaite revivre la même chose. Refaire pareil car c’est ce qui fait ce que tu deviens. C’est beau si c’est pas avec Nicolas Cage.

     Au début j’ai pensé qu’en revenant vingt-cinq ans en arrière Peggy Sue se rendrait compte de sa connerie d’être avec ce mec qui tente d’en jouer plein d’autre en même temps, qui surjoue tout, avec ses yeux, ses postures, qui surjoue même une descente d’escalier. Et c’est l’inverse qui se produit. Elle retombe amoureuse de lui, la débile. J’ai tenté de me rattacher à quelqu’un de plus sensé mais on ne voit qu’elle. Et les grimaces de l’autre tâche.

     Vraiment dégoûté car j’ai trouvé le début fantastique, comme une sorte de négatif (plus mélancolique, moins ludique) de Retour vers le futur, avec la force plastique d’un Coup de cœur : Rien que cette idée, aux extrémités, de s’ouvrir et se fermer en miroir, sur un travelling arrière sortant d’un miroir, c’est superbe.

      Je le regrette infiniment, car il y avait quasi tout pour que Peggy Sue me foudroie. Mais je n’ai jamais pu passer outre Nicolas Cage. Je déteste trop ce personnage pour aimer un personnage qui tombe amoureuse de lui, deux fois.

La conséquence (Die konsequenz) – Wolfgang Petersen – 1978

14. La conséquence - Die konsequenz - Wolfgang Petersen - 1978Un chant d’amour s’est échappé.

   7.0   Petersen était déjà un cinéaste difficile à cerner quand il tournât aux Etats-Unis : Pas évident, en effet, de voir le rapport entre son film catastrophe dans les eaux déchainées avec George Clooney (En pleine tempête), celui sur la propagation d’un virus hémorragique (Alerte) avec Dustin Hoffman et son pale remake de Poseidon, avec Kurt Russell. Si ce n’est l’appétit pour le film catastrophe, en somme. Catastrophe présente dès ses premières réalisations en Allemagne, déjà au cœur de Das Boot, son chef d’œuvre voire de L’histoire sans fin (son passeport pour Hollywood) et son obsession pour le néant. La conséquence tient une place particulière dans son œuvre, d’une part car c’est l’adaptation d’une œuvre autobiographique (celle de l’écrivain suisse-allemand Alexander Ziegler) d’autre part car c’est une histoire d’amour impossible, entre deux hommes (un prisonnier condamné pour « incitation de mineur à la débauche » et le fils d’un surveillant de prison) qui veulent juste s’aimer mais se heurtent à une éducation brutale, qu’elle soit familiale ou sociétale (la seconde partie du film dans une maison de correction condamne complètement cette histoire). La catastrophe est donc plus intime, plus ramassée, mais elle a bien lieu. Le film quant à lui est assez minimaliste, poétique et naturaliste, dans la veine d’Un chant d’amour, de Jean Genet voire du free cinema anglais d’un Karel Reisz – beaucoup pensé à Samedi soir, dimanche matin (1961) revu par le Fassbinder du Droit du plus fort. Très beau.

La tête contre les murs – Georges Franju – 1959

13. La tête contre les murs - Georges Franju - 1959« La mort dans la vie »

   7.0   Un jeune homme est enfermé par son père dans un asile psychiatrique. Une seule pensée l’anime : s’échapper de cet univers carcéral et déshumanisé. Il se lie d’amitié avec un épileptique et tentent de s’évader.

     Le premier long métrage de Georges Franju (futur auteur des « Yeux sans visage ») avec Jean-Pierre Mocky, Anouk Aimée, Charles Aznavour, Paul Meurisse et Pierre Brasseur, est aussi magnifique plastiquement que violent dans sa dénonciation de la psychiatrie répressive.

     À l’origine, le film devait être réalisé par Jean Pierre Mocky, qui en a écrit l’adaptation et qui campe par ailleurs le premier rôle. La production lui préféra un réalisateur plus expérimenté, laissant revenir le choix à Mocky qui opta pour Franju, dont c’était le premier long, mais dont Mocky admirait ses nombreux courts.

     Mocky raconte avoir tourné quelques plans, mais bon, toujours est-il que dans l’image, c’est bien le futur réalisateur des Yeux sans visage que l’on ressent à la barre de ce film avec sa dimension à la fois poétique, fantastique, anxiogène et allégorique, accentuée par la photo, signée Eugen Schüfftan, absolument exceptionnelle.

Octobre (Октябрь) – Sergueï Eisenstein – 1927

06. Octobre - Октябрь - Sergueï Eisenstein - 1927Le livre d’images.

   6.0   Des trois Eisenstein que j’ai vus jusqu’alors, il m’a semblé qu’Octobre était à la fois le plus rugueux formellement et le plus problématique dans sa dimension propagandiste, tant le geste vaut beaucoup en tant qu’autocongratulation anachronique d’un éclat essoré.

     Commandé pour les dix ans de la révolution bolchevique, le troisième film du cinéaste russe est cela dit moins un film de propagande qu’une œuvre de formaliste : un déluge visuel et un manifeste de montage pur (à l’image de cette statue tsariste détruite puis reconstruite par l’image) guetté cette fois par une outrance un peu obscène, au détour d’un plan de trop, d’une saccade de trop, d’une expressivité placardée.

     Ce qui impressionne (toujours chez Eisenstein, mais plus encore ici, tant le nombre de figurants dépasse l’entendement) c’est la foule anonyme, le nombre, le mouvement, la violence collective et les imposants moyens qui lui sont alloués (le matériel militaire est par ailleurs prêté par l’armée rouge).

     Et la violence d’une évocation, d’une action : ce pont à bascule, qui voit les cheveux d’une femme gisante-là glisser d’une rive à l’autre, ou un cheval blanc, mort, suspendu au-dessus du vide, avant de chuter violemment dans le fleuve. Des images qui marquent sans doute car elles s’étirent un peu, dans la durée, de la scène comme du plan, ce qui sera très rarement le cas durant le film animé d’une fragmentation permanente assez éreintante.

Les fiancées en folie (Seven chances) – Buster Keaton – 1925

19. Les fiancées en folie - Seven chances - Buster Keaton - 1925Seven.

   7.0   À moins de parvenir à récolter des fonds, James Shannon (incarné par Buster Keaton, évidemment) courtier dans une société en difficulté, risque la prison. Fort heureusement, il découvre qu’il est l’unique héritier d’une fortune de 7 millions de dollars. L’héritage est cependant soumis à une condition impérative : le jeune homme doit être marié avant 7h ce soir, jour de son vingt-septième anniversaire. Il ne lui reste que quelques heures pour faire sa demande à Mary, une jeune femme qu’il courtise depuis des mois sans oser lui déclarer sa flamme. Bien sûr, les motivations du garçon ne lui conviennent guère.

     Un Keaton que je n’avais jamais vu. Je l’aime globalement moins que ses plus beaux moyens/ longs de la même époque (Sherlock jr, Cadet d’eau douce, Le Mecano) mais une fois encore quel plaisir total, notamment dans son dernier quart d’heure, véritable course-poursuite, trépidante, inventive, super drôle, durant laquelle Buster est pourchassée par une foule de femmes en colère, de l’église à la ville, avant que cette masse ne se transforme même en avalanche de rochers le temps d’un moment dingue sur une colline.  

     Si Les fiancées en folie est l’adaptation d’une pièce de théâtre (dont on peut ressentir le lien durant l’introduction qui rejoue plutôt le comique de situation : un plan fixe répété sur James & Mary, qui verra un chien faire office de marqueur temporel) c’est paradoxalement l’un des films les plus physiques de Keaton : Cette dernière partie constitue un tour de force gigantesque, d’énergie, de mouvement, saisi d’une ampleur burlesque quasi inégalée.

Un garçon honnête (Tokkan kozô) – Yasujirô Ozu – 1929

08. Un garçon honnête -  Tokkan kozô - Yasujirô Ozu - 1929Drôle de gosse de Tokyo.

   5.0   Visible dans une version incomplète (quatorze minutes au lieu de trente-huit paraît-il) Un garçon honnête – tiré d’une nouvelle d’O.Henry – forme un récit malgré tout cohérent et annonce certains longs du cinéaste japonais, en particulier ses films plus loufoques (inspirés par le cinéma burlesque américain) comme Bonjour ou la première partie de Chœur de Tokyo. Ici, un petit garçon kidnappé va causer les pires ennuis à ses ravisseurs, qui finissent par préférer se débarrasser de lui. Variation de l’arroseur arrosé jusque dans le dernier plan, où le kidnappeur est poursuivi par une bande de gamins. Rigolo et dispensable.

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