La dernière piste.
8.0 The last of us, version série, n’augurait que du bon : Une production HBO (On va pas revenir là-dessus mais c’est régulièrement gage de qualité), à la barre Craig Mazin le showrunner de Chernobyl, accompagné du scénariste Neil Druckman, qui est aussi celui du jeu vidéo que la série adapte ; deux acteurs principaux croisés (et déjà parfaits) dans Game of thrones ; Une musique confiée à Gustavo Santaollala, qui rappellera un autre beau fait d’armes HBO : Deadwood. Mieux vaut partir avec ça qu’avec rien.
Alors est-ce une adaptation réussie ? Je n’en sais rien, je n’ai jamais joué aux jeux. Et tout dépend ce qu’on en attend, j’imagine. De mon côté, voilà bien longtemps que je n’avais pas suivi assidûment une série au jour le jour (de sa diffusion). J’ai peut-être bien quelques réserves mais globalement c’est un franc oui. C’est une nouvelle relecture postapocalyptique parmi les plus stimulantes et prometteuses que j’ai pu voir, dans la lignée des Fils de l’homme – auquel on pense pas mal – je dirais.
Déjà c’est une passionnante variation sur l’impossibilité d’évoluer collectivement, de faire des rencontres, de nouer des liens. Dans The last of us, mieux vaut ne pas trop s’attacher aux personnages secondaires. Je pense que c’est ce qui m’a le plus marqué au cours de ces neuf épisodes, qui sont comme des boucles fermées ornées de personnages éphémères, qui disparaissent aussi vite qu’ils ont fait leur apparition. C’est très troublant.
Et c’est aussi une belle variation sur l’impossibilité de faire son deuil et sur la difficulté à tenir à la vie. Joel est en sursis depuis vingt ans. On apprendra même qu’il s’est jadis loupé. Ellie n’est rattachée à rien. Et si au fond, elle savait ce que lui réservaient les Lucioles ? Pourtant tous deux s’accrochent. Ensemble. S’accrocher à quelqu’un, c’est tout ce qui reste, dans The last of us. La relation entre Ellie & Joel, entre Bella Ramsey & Pedro Pascal, restera la plus belle chose de cette saison. Leur complicité naissante, mais plutôt silencieuse, fonctionne à merveille.
Deux éléments impressionnent aussi. Tout d’abord la série est très brutale : le premier épisode est d’une cruauté inouïe. Ce d’autant plus que ce sont les enfants qui sont le cœur du récit. Il y a d’abord Sarah, la fille de Joel. Il y aura aussi ce petit garçon qui semble débarquer d’entre les morts et dont on comprendra, étant donné qu’il est infecté, qu’il va passer par la case abattoir. Et il y aura Ellie, autour de qui tous les espoirs reposent, mais qui est plus une ado rebelle et désespérée, qu’animée d’une pulsion héroïque.
Ensuite, autre tour de force, la série effectue des pas de côté impressionnants a l’image de celui de l’épisode 3, bien entendu, histoire d’amour envers et contre tout, magnifique, entre deux personnages qu’on ne reverra pas. Tout en fouillant parfois entièrement une strate du passé : l’épisode 7, autre histoire d’amour, qui permet d’en apprendre davantage sur Ellie cette fois. Et toujours dans une dynamique d’épisodes exploitant un genre différent : la romance, le survival, le western. Car c’est aussi un voyage vers l’ouest. Et des lieux chaque fois nouveaux : Austin, Boston, Kansas city, le Wyoming, Salt lake city. C’est une belle traversée rurale et urbaine des États-Unis. Une terre désolée faite de ruines à détruire et de terre à reconquérir.
Deux éléments qui m’ont beaucoup marqué et sur lesquels je reviens rapidement :
- Tout d’abord ces deux histoires d’amour, qu’on voit naître et disparaître, le temps d’un épisode qui leur est entièrement dévoué. Certains n’ont évidemment pas manqué d’invoquer le carton jaune anti woke / lgbt+ mais c’est déjà oublier qu’il ne faut pas en vouloir à la série : tout était déjà dans les jeux. À noter qu’il semble y avoir, si on en croit les gamers, des copiés collés de plans ou dialogues. C’est aussi une manière de contenter l’aficionado je pense : lui laisser ceci pour se permettre de retirer cela.
- Et ensuite tout ce qui concerne l’esthétique des infectés m’a fasciné, ces créatures qui ressemblent à des cordyceps ambulants, et leur agressivité surdéveloppée qui rappellent les zombies de Vingt-huit jours plus tard. J’aurais aimé en voir davantage mais j’aime la frustration que leur faible quantité procure. On se souvient très clairement de la scène du musée, par exemple. On se souvient de chacune de leur apparition.
Il y a des choses parfois moins réussies. À l’image de cet épisode 9 qui s’ouvre brillamment (la naissance d’Ellie) et se ferme nettement moins brillamment (montage alterné raté) malgré une idée forte, peut-être la plus osée (Est-ce ainsi dans le jeu ?) : La saison se ferme sur un mensonge. Et c’est paradoxalement la chose la plus douce qu’on verra dans The last of us, ce mensonge. Car c’est le mensonge d’un père à son enfant (de substitution). C’est magnifique.