Après la tempête.
5.5 En apprenant, dès la fin du film, qu’il s’agissait de l’adaptation d’un roman de Pierre Lemaitre, j’ai compris pourquoi ça m’avait semblé être un scénario improbable : c’est l’auteur d’Au revoir là-haut, adapté au cinéma par Dupontel. Et déjà c’était comme qui dirait chargé. Ce qui est intéressant avec Boukhrief c’est qu’il garde l’aspect spectaculaire du récit tout en dégraissant au niveau de l’image. Le film ne cherche jamais à en mettre plein la vue.
Plus que son scénario tarabiscoté avec ses nombreux rebondissements, ce qui me plaît dans Trois jours, une vie c’est le lieu, ce village ardennais duquel on ne sort jamais, bordé par une forêt de pins. J’ai un peu pensé au Becker de Goupi mains rouges. Ensuite il y a deux idées fortes, inattendues : une ellipse de quinze ans alors qu’on ne l’attend surtout pas à ce moment-là. Et l’explication du choix de cette date d’événement (l’enfant disparaît le 23 décembre 1999) : dans la nuit du 26, de grosses intempéries viendront tout secouer, balayer, enfouir secrets, douleurs et culpabilité, comme un livre inachevé que l’on referme brutalement. Faire entrer dans ce récit la tempête du siècle c’est plutôt très bien vu.
Reste un sordide conte de Noël, froid, macabre. Qui l’est d’autant plus quand le personnage est adulte, car notre regard sur sa culpabilité ou son déni de culpabilité a diamétralement changé. Le film manque tout de même un peu d’incarnation et de mystère, malgré tout : avec cette quantité de personnages il y avait moyen d’étoffer un peu plus les ambiguïtés plutôt que de jouer sur des mécanismes à twist grossiers (le rôle de la sœur de la victime, la révélation du médecin ou le secret du charcutier-volailler, qu’on avait compris illico). C’est très scolaire, au fond. C’est pas Twin Peaks, quoi. Mais il y a une atmosphère malgré tout, un truc qui reste, une patte.