Archives pour juin 2023

Désordres (Unrueh) – Cyril Schäublin – 2023

18. Désordres - Unrueh - Cyril Schäublin - 2023Eloge du décentrement.

   9.0   Le récit prend place dans les années 1870, au sein d’une horlogerie suisse, contant aussi bien le quotidien des ouvrières que l’expansion du mouvement anarchiste. C’est aussi la rencontre entre une femme, Joséphine, qui assemble des balanciers et un homme qui vient cartographier le territoire, Pierre Kropotkine.

     Ce n’est pourtant pas un biopic sur Kropotkine, malgré ce carton initial qui reprend une citation de lui ; malgré cette première scène durant laquelle ses cousines, qui sont en train de se faire photographier, parlent de lui ; malgré le fait qu’on suive son arrivée dans la vallée. Il sera in fine très peu au centre du film et peut-être davantage en tant que géologue cartographe, témoin et passeur (il envoie un moment donné un télégramme important) qu’en tant que pure figure du mouvement anarchiste. Lui aussi, comme tout le reste (narratif) sera déchu, par la mise en scène anarchiste, de son pouvoir potentiellement héroïque.

     Étant donné mon état d’épuisement au moment de la découverte du film de Cyril Schäublin, remettre les pieds en salle et voir deux films le même soir était sans doute un projet téméraire. Si j’ai facilement tenu le coup devant le distrayant et dispensable Omar la fraise, le sommeil s’est souvent manifesté devant Désordres : honnêtement je me suis assoupi à plusieurs reprises durant la seconde partie du film, qui est très posée, très lente, magnifique (pour piquer du nez).

     Mais ce que j’ai vu, avant, après et pendant m’a beaucoup plu : des choix de cadres tranchés, des vrais, passionnants à admirer, à analyser, pas si loin d’un Ozu, in fine. J’ai vu des plans et des proportions de plans que je n’avais encore jamais vus nulle part. Mais aussi des gestes, des mains, travaillant des rouages, assemblant des montres, pendules, horloges. Une volonté de mettre en corrélation le temps et l’argent dans chaque plan, la loi des cadences essentiellement, comme s’il s’agissait des prémisses de l’aliénation capitaliste de notre société actuelle. Une omniprésence du temps, dans chaque plan ou dialogue, entre tic-tac des horloges et ouvrières chronométrées, renforcé aussi par l’idée géniale de la séance photo, où chacun doit à l’époque poser pendant vingt secondes, avant de pouvoir acheter son portrait pour vingt centimes.

     Il y a aussi de nombreux plans larges, avec beaucoup de mouvement, au premier plan, au second ou dans le fond, un peu comme chez Tati. Et de façon systématiquement décentré aussi bien du point de vue des cadres (toujours singuliers) qu’au niveau de la parole : on entend parfois un dialogue qui se joue au second plan, sinon hors champ. On pourrait très bien citer ces nombreuses horloges (à la fabrique, à la gare, à la poste…) qui ne sont jamais à la même heure et accentuent ce vertige d’une temporalité disloquée, dans une société qui n’a pas encore complètement plongé dans le taylorisme moderne. Le multilinguisme utilisé dans le film participe aussi pleinement de cette dialectique : C’est un grand film politique en ce sens non pas qu’il parle de politique, mais qu’il filme politiquement. Au même titre qu’il penche vers Kropotkine plutôt que vers Bakounine, vers la périphérie plutôt que vers l’évidence, c’est le décentrement (ou la forme anarchiste) qui lui sert de mantra.

     C’est aussi un univers sonore incroyable (ce que j’ai entendu de plus beau depuis Weerasethakul) souvent hors champ, qui permet au film d’effectuer une véritable plongée dans la Vallée de Saint-Imier au XIXe siècle et d’y croire. Et un sujet, un propos : la révolution industrielle, la monétisation du travail, l’émergence de la classe ouvrière et bien entendu la pensée anarchiste, qu’il tient de bout en bout, à tel point qu’elle semble contaminer la mise en scène, les cadres, le son. C’est vraiment beau et fort.

     Et il y a cette scène finale extraordinaire, qui participe pleinement de cet état de décentrement, que le film n’aura cessé d’assumer. Des lieux d’abord : nous quittons le bourg pour la forêt. Et de la place des personnages : ce n’est pas Kropotkine qu’on écoute mais la jeune ouvrière, lui parler de son métier, d’une façon très précise et étirée. Un amour nait, hors des cadres, du temps, des cadences. Un amour politique. Je le reverrais volontiers et plus en forme la prochaine fois car c’est l’un des trucs les plus audacieux, radicaux et merveilleux vus depuis longtemps.

La montagne – Thomas Salvador – 2023

12. La montagne - Thomas Salvador - 2023Cœur de Pierre.

   8.5   Quel bonheur de retrouver Thomas Salvador, sept ans après le formidable Vincent n’a pas d’écailles, dans un film qui semble avoir été écrit et réalisé pour moi, aussi bien dans son fond que dans sa forme, dans son point de départ (l’attirance pure pour la montagne) que dans sa dimension mystico-fantastique vers laquelle il glisse, peu à peu : La roche, la glace, le feu, ces lueurs, cette nuit, ce silence. La dimension aquatique de Vincent n’a pas d’écailles se substitue à un univers plus minéral et rocheux. C’est très beau.

     « Je résiste pas » se défend d’emblée le personnage, tandis qu’il devait quitter Chamonix, reprendre le train avec ses collègues de travail. Trois mots qui semblent faire office de profession de foi, pour Salvador : Lui non plus ne résiste pas. Ni à déployer son cinéma, ni à investir les cimes et les trésors dont l’imaginaire qu’elles convoquent recèle. C’est une beauté triviale, insondable. Un glissement fin, d’un réalisme méticuleux vers un fantastique minimaliste. Mais le réel, déjà, regorge de fantastique à l’image de cette séquence magnifique de la brume qui s’élève, se déplace, remonte et semble venir étreindre Pierre autant qu’elle envahit l’écran.

     Comme Vincent dans le précédent film, Thomas Salvador campe lui-même le premier rôle, celui de Pierre, qu’on pourrait croire pris aux prises avec une force qui le dépasse, s’empare de lui, tandis que le récit développera tout l’inverse : le personnage semble, pour la première fois, se laisser guider par son instinct. Comme si soudainement, plus rien ne le retenait. Il troque le bruit de la machine à espresso (toute première scène) pour celui des craquements des pas dans la neige ; le blazer pour la softshell ; L’attaché-case pour le sac de rando Millet ; Le train pour le téléphérique ; Paris pour les sommets blancs.

     Il était ingénieur dans une entreprise de robotique, il semblait y tenir un rôle relativement important, il y était peut-être même cadre. Rien ne sera évident dès lors, tant le film nous plonge in media res dans le mystère de son attirance, tant son détachement global, de la société, du travail, de la famille, est brutal et irrémédiable. L’explication quant à cette soudaine crise existentielle n’aura pas lieu. Pierre est attiré par la montagne. Il ne résiste pas. Point. Quand il reçoit la visite de sa mère et ses deux frères, l’un d’eux lui demande s’il s’est passé quelque chose dans sa vie. Qu’a-t-il pu se passer sinon une soudaine crise d’extra-lucidité ?

     A plusieurs reprises, au début, le regard de Pierre se fige. D’abord sur cette crête montagneuse tandis qu’il présente l’instrument robotisé à un auditoire silencieux. Puis sur un chevreuil errant dans le village, le soir. Et enfin sur des photos d’expéditions accrochées à la cloison d’un resto. Et le film tentera régulièrement de capter ce regard fuyant, sur lui, sur les autres. Il y a ce moment où Pierre discute avec deux alpinistes qui lui montrent la voie par laquelle ils ont grimpé un versant. Puis ils se taisent, contemplent le lointain, leurs regards sont aspirés par l’immensité, la roche, la neige, le nuage qui s’empare du paysage puis disparait. C’est peut-être pas grand-chose, anodin en apparence, qu’importe, mais c’est le programme politique du film qui se résume dans cette fuite des regards.

     Avant de s’enliser brillamment dans le surnaturel, le film se veut le plus naturaliste possible. Il est notamment très pragmatique et technique, dans sa façon de capter le corps d’un homme au contact de ce nouvel environnement. On le voit entrer dans un magasin d’équipements sportifs, acheter son matériel, les baudriers, les chaussures à crampons. Puis installer son campement, monter une tente, se préparer des plats lyophilisés. Dans le même élan, le film capte quelque chose d’une montagne qui se meurt, on le comprend par les nombreux panneaux qui ornent le trajet notamment sur la mer de glaces. Sans que ce soit un sujet, la fonte des glaciers fait partie du récit, du paysage.

     Le film est peu bavard et l’est par ailleurs de moins en moins. Comme si la parole elle-même échappait aussi à la logique, comme si tout était au diapason de ce personnage. Qui pourtant n’est pas en rupture absolue : Il tombera amoureux d’une femme (comme Vincent tombait amoureux de Lucie, dans son précédent film). La rencontre entre Pierre et Léa n’échappe pas à ce dispositif de réalisme magique, mystérieux, silencieux. Mais c’est paradoxalement quand le film opère un glissement surnaturel que l’histoire d’amour naît. Quand Pierre est dans la roche, que Léa part à sa recherche.

     Le film est parsemé de scènes superbes comme celle avec le guide, notamment quand ils se posent, Pierre et lui, discutent sur un rocher, observent le massif de la dent du géant, puis le bivouac de Pierre au loin en contrebas. Juste après il y a aussi cette scène de la carte postale : quand Pierre offre son crayon chevreuil à la petite fille qui le regardait l’écrire, avant qu’il ne fasse la connaissance de Léa. La finesse de l’écriture se loge dans les plus infimes détails à l’image du moment où Léa, soudain, tutoie Pierre, naturellement. Ou de cette double boucle aux lacets.

     Dans Vincent n’a pas d’écailles, il y avait la scène de la bétonnière. Le pivot narratif ici c’est l’éboulement : Le rebondissement le plus réel qui soit, on en sait quelque chose ces temps-ci (et à titre personnel, mon ascension du Mont Blanc l’été dernier fut annulée in-extrémis par notre guide pour cause de chutes de pierres). Cet éboulement se produit suffisamment proche pour que Pierre le voit et assez loin pour qu’il n’y ait pas de danger direct. Toutefois, il semble prendre peur au préalable. On ne sait pas bien s’il panique. Puis on comprend que ça exacerbe chez lui ce désir de voir, de ressentir les éléments, de se confronter à la matière, ici un monceau de roches éboulé, qu’il va observer avant d’aller grimper le massif et entamer sa fusion avec la montagne.  

     C’est alors que le glissement (du réalisme au surnaturel) se produit. En pleine nuit. Mais cette dimension fantastique, aussi bien à l’œuvre dans Vincent n’a pas d’écailles, est traitée par le prisme le plus naturaliste possible et ainsi donc, de la façon la plus déstabilisante qui soit : Sous la glace, dans la roche, soudain, Pierre voit de curieuses lueurs en mouvement, des boules de braises. Créatures amicales, qui brillent et se dandinent dans le noir, qui se transforment en pierre noire et s’immobilisent dans la lumière. Plus tard, Pierre en délivrera l’une d’elles, prisonnière d’un rocher éboulé. Avant qu’il ne soit convié à pénétrer la roche, dont il en gardera un bras lumineux. Le film, aussi hybride dans son récit que dans sa forme, le devient également dans la matière qu’il charrie.

Aucun ours (Khers nist) – Jafar Panahi – 2022

02. Aucun ours - Jafar Panahi - 2022Mise en résistance.

   6.0   Jafar Panahi qui a depuis été emprisonné pour propagande contre le régime puis libéré après une grève de la faim, incarne ici un miroir de lui-même, soit un cinéaste interdit de tourner et de quitter le territoire, reclus dans un village iranien proche de la frontière turque, tournant malgré tout un film en Turquie qu’il dirige par visioconférence.

     A l’image de cette première scène dans la rue où un « cut » vient nous apprendre qu’il s’agissait d’un tournage, avant qu’un zoom arrière nous fasse comprendre qu’il s’agit d’un tournage dirigé derrière un ordinateur, Aucun ours ne sera que mise en abyme à multiples entrées.

     D’autant que très vite, les couches de récits volontiers labyrinthiques se superposent : bientôt Panahi confie une caméra à son hôte afin qu’il filme la cérémonie de fiançailles où il se rend. Non habitué avec une caméra, et croyant ne pas filmer quand il filme, l’homme en question rapporte une conversation entre villageois s’inquiétant de l’identité de cet invité qu’ils soupçonnent d’être un espion.

     Plus tard, la superposition se prolonge encore : Panahi se voit bientôt accusé d’avoir pris en photo un couple illégitime, la femme étant promise à un autre homme. Quant à cette photo, s’il l’a vraiment prise, nous ne l’avons pas vu non plus, puisque le supposé couple était hors champ (pour nous, spectateurs) quand Panahi photographiait des gamins sur un toit.

     Tout se mélange. Le documentaire et la fiction. Le film dans le film. La mise en fiction de la propre situation du cinéaste. Il y est question de voitures de contrebande, d’un couple clandestin, d’un autre couple souhaitant quitter le pays avec des faux passeports, d’un village dans la tourmente. De l’Iran, en général.

     C’est dire le niveau de vertige qui anime Aucun ours, qui paradoxalement sera son film le moins incarné, beaucoup trop politique et théorique, je crois. Difficile de faire plus métatextuel que ce film, en effet. Au sein du dispositif on pense un moment à l’image manquante de Blow up. Beau film, passionnant évidemment, mais un peu trop rugueux et littéral, peut-être. Et puis ça manque d’un visage féminin, aussi beau que dans Hors-jeu ou Trois visages.

Terrifier – Damien Leone – 2016

01. Terrifier - Damien Leone - 2016En présence d’un clown.

   6.5   Pile le slasher bis low cost que je souhaitais voir. Bricolé avec rien, Terrifier met en priorité l’accent sur son boogeyman (un clown glaçant qui torture gratuitement ses victimes. Point), ainsi que sur sa générosité en hémoglobine, ses scènes franchement gores (on y découpe à la scie un personnage par l’entrejambe jusqu’au crâne, notamment) et sur son atmosphère de hangar glauque. On pourra toujours regretter, pour certain, un manque de récit ou d’acteurs professionnels (Cela dit j’aime bien le petit côté Neve Campbell de l’actrice principale… qui ne sera pas du tout la final girl par ailleurs), pour d’autres, dont je fais partie, que l’ambiance sonore soit à ce point oubliée, remplacée par une musique (certes très réussie) lorgnant sur le Disasterpiece de It follows. Alors oui, de ne pas avoir vu un film en quinze jours m’a sans doute permis d’être indulgent, car simplement ravi d’en revoir un. Mais j’ose penser que Terrifier a réussi son coup. Et qu’il ne tente pas de me raconter grand-chose en fait partie : au secours les scénarios, au secours l’absolue cohérence, au secours l’elevated horror de manière générale. Qu’il est bon de revoir un bis old school, soigné (Si c’est du Z, il est beau) et archi simple, un truc fauché (budget de 30.000 dollars) mais un truc sale qui respire le sale (ce hangar est magnifique, déjà), avec des prothèses super bien fichues, des plans, du rythme, un vrai méchant, Art le clown, terrifiant. Et ça tombe bien car c’était annoncé dans le titre. Reste à savoir si la promesse d’antagoniste emblématique tiendra dans la suite, qui s’étire sur une heure de plus semble t-il et c’est peut-être ça le plus terrifiant.

Asterix & Obelix, L’empire du milieu – Guillaume Canet – 2023

06. Asterix & Obelix, L'empire du milieu - Guillaume Canet - 2023Mission Obelix.

   4.0   Guillaume Canet mange a tous les râteliers : il veut à la fois être dans la roue de Zidi que dans celle de Chabat et Langmann. En résulte un truc hybride avec entre autres quelques références populaires bien dispatchées : une situation calquée sur La chèvre – Pierre Richard en Panoramix s’enfonce dans les sables mouvants (et voir son fiston se délecter du clin d’œil, c’est assez chouette) – ou une réplique des Bronzés font du ski, ou une séquence en musique sur Dirty dancing. C’est gratuit, complètement infondé dans le récit mais c’est vraiment pas ce qui m’a déplu.

     Notons que le film a quelques atouts dans sa manche, à commencer par Obelix, incarné par Gilles Lellouche : ça lui va super bien, franchement. Mais pour être franc je n’ai jamais trop aimé le duo Clavier/Depardieu, même dans Mission Cléopâtre je trouve qu’ils font tâche. Lellouche lui apporte autre chose, une touche plus imposante (il vole clairement la vedette à Asterix, déjà) et romantique. Ensuite il y a Jonathan Cohen, en Graindemaïs, qui fait du Jonathan Cohen, et qui moi me fait toujours rire, sur une vanne ou une mimique. Pareil pour Ramzy en Epidemaïs. Ou Philippe Katerine en Barde. Ou l’easter egg du double rôle surprise de Marion Cotillard.

     Bien entendu on regrette qu’il y ait tant de guest qui d’ailleurs n’auront pour la plupart que dix secondes d’apparition à l’écran. C’est vraiment l’époque Tiktok que vient représenter cet opus. Bien entendu il y a des trucs consternants comme l’accent brésilien de José Garcia, la séquence Zlatan Ibrahimovic (même si le claquage m’a fait sourire, j’avoue) ou Cassel en Jules César imitant le geste de Jul. Au secours. Ou bien balancer le « Ecstasy of gold » d’Ennio Morricone, avec l’exploit de très mal l’utiliser.

     Il y a aussi beaucoup de séquences attendues, trop programmatiques pour s’intégrer dans « une nouvelle aventure ». Surtout au début : la même installation, les mêmes gags, la même voix off de Darmon, le même romain qui vole. Tout sonne Mission Cléopâtre, sans que ça fonctionne. Avec une petite volonté de s’inscrire dans l’époque : Asterix a viré écolo-vegan. Bref, les premières minutes, c’est l’enfer.

     Mais ce qui restera le plus problématique c’est qu’on ne sait pas où sont les 65 patates si ce n’est pour les stars. On ne voit rien, les décors sont très faibles, les scènes d’action pas du tout inspirées. Le film, pourtant cher sur le papier, ne procure jamais la sensation épique qu’il revendique, aussi bien par son imposant casting que par son utilisation musicale ou son récit déployé sur plusieurs continents. Parfois je me suis même demandé s’ils avaient pas directement tourné dans les allées du Parc Asterix. Il n’y a que des stars. Qui font leur petit cameo-sketch sans intérêt, dans l’espoir que leurs fans respectifs se contentent du reste : Ici c’est Angèle ou Orelsan, là Bigflo & Oli, McFly & Carlito ou Zlatan et Florent Manaudou. On est dans la lignée « arguments marketing » ridicule des Jeux olympiques.

     Suivant l’humeur on pourra trouver cela gentillet ou embarrassant j’imagine. Moi je suis assez admiratif in fine de voir Canet se lancer là-dedans. C’est suicidaire de passer après un film (celui de Chabat) qui est l’un des rois du box-office. Et un film, qui, j’en suis persuadé est plus chouette en tant que film de Chabat (de l’esprit Canal, disons) qu’en tant qu’adaptation d’Asterix : des supers sketchs mais une aventure toute pourrie. Et pourtant, Canet il fonce, tête baissée. Et il parvient à capter l’ère (merdique) du temps, avec un truc médiocre mais honnête, en rapport à la moyenne des adaptations d’Asterix : Beaucoup moins ringard que le premier et beaucoup moins cocainé que le troisième. Passées les vingt (difficiles) premières minutes, le tout s’avère même plutôt divertissant. Jamais hideux visuellement. Pas trop survolté, non plus. Je m’attendais à bien pire.

Cocaine bear – Elizabeth Banks – 2023

19. Cocaine bear - Elizabeth Banks - 2023Coke en toc.

   4.5   Ce serait vain de prendre au sérieux un pitch de la sorte : Un avion transportant une cargaison de cocaïne se crashe, la drogue se répand alors dans une forêt de l’Etat de Géorgie. Un ours en mange, devient vite addict et donc complètement fou, entrant dans une violence telle qu’il s’en prend aux touristes, à des gardes forestiers, à une bande d’ados, à des gosses et aux malfrats en quête de la poudre.

     Le début est pourtant tiré d’une histoire vraie : Un ours a vraiment été défoncé en ingurgitant la cocaïne tombé d’un avion dans une forêt du Kentucky, en 1985. Mais il n’a tué personne, il est mort d’une overdose. Fait réel qui est donc devenu la base de ce film hollywoodien. Enfin, plutôt de cette série B aux accents Z, avec un ours en images de synthèse dégueulasses et Ray Liotta, en narco trafiquant.

     Ça coûte 30 millions de dollars et franchement, on se demande où est passée la thune. Ne serait-ce que dans la reconstitution : On sent qu’ils veulent que le récit se déroule dans les années 80, comme pour le fait divers, mais on ne verra juste pas de smartphones et des fringues de cette époque. C’est tout. C’est d’une paresse affligeante.

     Reste un mélange de stoner movie et de survival en forêt, dans la veine des films d’Edgar Wright (The world’s end, Shaun of the dead…) : Ça le fait selon l’humeur mais c’est quand même tout pourri et surtout loin d’être aussi déviant que la promesse vendue par le pitch. C’est un film paresseux, un truc de buzz marketing, persuadé qu’un titre suffirait à rameuter du monde.

     Cocaïne bear ne sait pas choisir entre le polar à la Fargo et du Z charpenté, façon Sharknado, gore et régressif. Et c’est peut-être bien ce qui m’a séduit, troublé le temps de quelques scènes, assez rigolotes. Le revers de la médaille c’est que le film n’a ni les vertus d’un bon polar ni la générosité d’une série Z. Les personnages sont trop bêtes à manger du foin pour qu’on s’y intéresse, et l’ours junkie n’a pas suffisamment de temps d’écran pour qu’on s’amuse.

     Si la fin, nocturne, dans une cascade, est aussi naze que l’ouverture dans l’avion, le film aura néanmoins trouvé quelques petites scènes sympathiquement gores plus tôt, notamment celle de l’arbre où du chalet, et bien entendu celle de l’ambulance, une merveille du genre. Pas passé un moment désagréable, disons.

Omar la fraise – Elias Belkeddar – 2023

??????????????Alger fiction.

   5.0   C’est un curieux mélange de film de gangsters, buddy movie et de comédie romantique, quelque part entre Le monde est à toi et Shéhérazade, moins fou (moins fulgurant et moins soulant aussi) que le Gavras, moins touchant et percutant que le Marlin. Mais il y a une volonté de filmer Alger et d’en faire une terre de soleil et de violence, sur laquelle brillent essentiellement deux étoiles, Benoît Magimel & Reda Kateb, tous deux fabuleux, comme à leur habitude. Surtout Magimel, extraordinaire, en descente de Pacifiction, le même costume blanc, la même transe : « On danse, on danse, on danse… » ou « Tu veux le baiser ? » – soient deux scènes très drôles, bien perchées. Il est en grande phase de Depardieuisation, certes, mais il est fabuleux. Le film est trop bordélique pour tenir sur la durée, un peu problématique dans sa représentation de la violence, des enfants de la rue. Mais il y a des idées, de l’effervescence, des références (le premier dialogue dans le désert rejoue allègrement celui de Pulp Fiction), une bizarrerie savoureuse, de supers instants. Et il y a Meriem Amiar, sublime découverte d’un sourire, d’un regard, d’une voix, que j’ai hâte de revoir.

M3GAN – Gerard Johnstone – 2023

16. M3GAN - Gerard Johnstone - 2023(1)Child’s friend.

   3.0   Absolument rien à dire sur ce film qui m’a semblé aussi mauvais et conforme à l’idée que je m’en faisais avant de le voir : Une sorte de simili film d’épouvante pour ados, avec ses jump scares bien disposés, une mise en scène impersonnelle, des personnages creux. Ça pourrait être un épisode raté de Black Mirror. Ça ressemble aussi beaucoup au remake (déjà pourri) de Chucky. Il y a une poupée tueuse, certes, mais elle tue peu et quand c’est le cas, on ne voit pas grand-chose (à l’image de cette mise à mort au karcher, complètement expédiée). On veut un truc sale, flippant, déviant, on aura qu’un bout de gras aussi lisse et froid que sa poupée robotique récalcitrante plongée en pleine crise existentielle. L’ennui total.

The group – Sidney Lumet – 1967

09. The group - Sidney Lumet - 1967Huit femmes.

   7.0   Adapté du best-seller éponyme, roman féministe écrit par Mary McCarthy quelques années plus tôt, The group permet à Lumet de s’immiscer dans un nouveau genre : le film choral. Au centre, huit personnages féminins, interprétés par des actrices à peine identifiées à l’époque.

     Le récit se déroule principalement à New York, entre la grande dépression et le début de la première guerre mondiale, de la sortie de l’université de ces huit femmes, jusqu’à la mort de l’une d’entre elle.

     Durant le générique d’ouverture, les huit amies sont attablées lors d’un repas et le plan effectue un travelling circulaire autour de la table, cadrant chacune au centre au moins une fois et donc les autres de dos. C’est le programme du film qui est d’emblée proposé et ce sera l’une des seules fois, finalement, où elles seront toutes réunies, à l’exception des différentes cérémonies de mariages.

     The group c’est aussi l’histoire de son évaporation, de l’éparpillement de ce groupe de filles, d’un récit en étoile, où chacune se parle, se croise, en petit comité ou plus régulièrement par téléphone. L’une d’elles écrit même un journal, contant les destins de chacune, les mariages, les grossesses, les changements de voie professionnelle etc – à noter que le film est peut-être plus impressionnant encore dans ses scènes en espaces clos et en présences réduites.

     Des filles pleines de rêves, d’idéaux, et de convictions, qui vont être confrontées, chacune différemment, aux désillusions de la vie, imposées par une société absurde, malade, gangrénée de toute part. Il sera question ici d’un ménage fragile, là d’un post partum chaotique (on y évoque frontalement la crise de l’allaitement) ou encore d’une virginité inassumée, d’une homosexualité refoulée – magnifique idée que d’avoir fait éclater cette homosexualité au moment où le personnage réapparaît, comme si son absence du champ symbolisait son refoulement.

     C’est un portrait de femmes qui fait office aussi de portrait d’une époque qui se répète, tant le film est encore d’une acuité impressionnante aujourd’hui. S’il n’est pas tendre envers nombreux des personnages masculins gravitant autour de ce noyau féminin, le film a l’intelligence de déployer certains rôles, avec une extrême bienveillance, à l’image du père divorcée ici, du médecin amoureux là.

     C’est un Lumet méconnu pour ne pas dire oublié, qu’il faut absolument voir ou revoir : je suis persuadé que c’est encore plus fort à revoir d’ailleurs, le film est vraiment émouvant que lorsqu’on parvient à cerner les personnalités de chacune de ces femmes, le lien qui les unit, le temps qui passe, et pleinement réussi que lorsqu’il étire un peu ses séquences, ce qui s’avère assez rare, préférant sauter d’une micro scène à une autre – ce sera mon unique, mais imposant grief.

Piranha 2, Les tueurs volants (Piranha Part Two, The spawning) – James Cameron – 1981

13. Piranha 2, Les tueurs volants - Piranha Part Two, The spawning - James Cameron - 1981J’ose.

   4.0   On sera tous plus ou moins d’accord là-dessus : Piranha, les tueurs volants est davantage un film du producteur Ovidio G. Assonitis que de James Cameron qui fait seulement office de réalisateur improvisé. Il n’est que remplaçant exécutant puisqu’il est au préalable responsable des effets spéciaux. Pour des raisons obscures, il se fait virer du projet au bout de quinze jours par Assonitis qui reprend le truc à sa sauce. Son nom (Cameron) reste au générique uniquement pour des questions de droits et d’affiches préconçues.

     Et pourtant, c’est bien l’auteur de Titanic qui trois ans avant de pondre Terminator (son vrai premier film, c’est pas lui qui me contredira) réalise – officiellement – ce semblant de suite de Piranhas, de Joe Dante (l’une des plus belles séries B satirique qui soient) dont on ne verra à aucun instant qu’il s’agit de sa suite, par ailleurs, les deux films n’ayant strictement rien à voir, sinon leur titre. Piranha, les tueurs volants est un ersatz de nanar lorgnant aussi bien vers Les dents de la mer, Les oiseaux que Les bronzés.

     Il faut rappeler que Cameron est directeur artistique sur Les mercenaires de l’espace, de Corman – déjà accompagné musicalement par James Horner – et qu’en bon disciple de Roger Corman, il exécute le cahier des charges fantastique fauché + hémoglobine + nichons à la lettre, qui se marie aussi avec le cinéma d’exploitation italien de l’époque. On ne saura probablement jamais ce qui reste vraiment de Cameron là-dedans, toujours est-il que le système D (hérité donc de l’école Corman) de Terminator impressionne quand même nettement plus que celui de Piranha, les tueurs volants.

     Au programme : En enquêtant sur la mort mystérieuse d’un plongeur, une instructrice de plongée découvre quelque chose de terrifiant : des poissons carnassiers qui ressemblent à des piranhas, mais avec des ailes.

     Dans une séquence du premier Piranhas, celle du terrifiant carnage du centre aéré au bord de l’étang, il y a un moment qui m’a toujours semblé à la fois décalé et superflus : Tandis que les poissons voraces s’attaquent aux gamins du camp, se débattant au cœur de leur bouée respective, l’animateur est surpris au visage : un piranha sort de l’eau, se propulse tel un aigle et lui arrache un bout de pommette. La scène impressionne pourtant (encore) car c’est une anomalie éphémère, elle surgit dans l’horreur la plus crue, sèche, distendue. C’était la première vraie attaque de piranha volant au cinéma.

     Le second opus en fera son leitmotiv mais ne fonctionnera à nouveau que sur une séquence similaire, jump scare brutal, où dans une morgue, un piranha sort de la cage thoracique d’un cadavre pour s’attaquer au visage d’une légiste. Dans la foulée, il la dévore (on ne voit rien) puis se sauve à travers une fenêtre à la façon du chef des gremlins : c’est déjà de trop et à l’image du film, ridicule plutôt qu’autre chose, quand bien même les prothèses des victimes soient plutôt bien foutues.

     Mais le film est parfois intéressant visuellement notamment dans ses nombreuses séquences sous-marines. C’est que malgré ces intrigues sans intérêt, ces personnages sans relief, dont on ne comprend pas le quart des comportements, ces répliques au rabais, on retrouve en effet dans Piranha, les tueurs volants, certains tropes cameroniens. L’omniprésence subaquatique annonce la séquence centrale du second volet d’Avatar. On sent qu’il y a un plaisir à filmer l’eau. Quant au personnage central, il est évidemment féminin. Donnée éminemment cameronienne. On y voit bien entendu ce qu’on veut.

     La traditionnelle première scène nocturne, introduisant l’horreur, rejouant aussi bien celle de Jaws que de Piranhas, est symptomatique du ratage à venir : Un couple visite une épave ; Équipés de bouteilles d’oxygène, ils arpentent tous deux les couloirs d’un mystérieux bateau militaire. Un moment donné, la femme disparaît. On croit à un premier rebondissement horrifique hors champ. Puis non, elle revient, nue, s’apprêtant à chevaucher son mec au milieu de ce cimetière marin, de tôle et de rouille. Elle sort un poignard et lui découpe son slip de bain rouge. Les fameux poissons, dont on commençait à entendre l’approche (le film reprend ce son si particulier, qu’ils arboraient dans le premier volet) viennent finalement les dévorer en meute, laissant les corps dans le cadre se recouvrir d’un ultime orgasme rouge sang. C’est une étrange première scène, dont on ne sait in fine que penser au regard de la médiocrité totale qui la suit. Reste une petite comédie estivale horrifico-satirique bancale et complètement charcutée.

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silencio


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