Archives pour août 2023

Oppenheimer – Christopher Nolan – 2023

37. Oppenheimer - Christopher Nolan - 2023What we have done.

   5.5   La première heure (en schématisant) est séduisante, prometteuse mais déjà confuse (Il y avait franchement moyen d’être plus clair, d’aller plus à l’essentiel, de créer de beaux personnages secondaires, féminins notamment, autour de cette figure centrale) dans son obsession à enchâsser les temporalités, offertes dans un code couleur complètement contre-intuitif.

     C’est apparemment plus limpide que d’habitude – pour du Nolan – pourtant on n’y comprend pas grand-chose, au sein de ces multiples lieux, situations et périodes (Cambridge, Le Nouveau-Mexique, l’audition de sécurité, l’audition parlementaire) où les personnages vont, viennent et disparaissent dans l’indifférence complète de notre part.

     Dès l’entrée en piste du projet Manhattan, le film m’a semblé plus clair dans ses intentions, offrant une deuxième partie absolument brillante : La ville fantôme de Los Alamos, l’essai Trinity (de très loin la meilleure scène du film, notamment le crescendo qu’elle impose et son parti-pris sonore au moment de l’explosion) ainsi que les discussions autour du largage de la bombe sur Hiroshima et Nagazaki.

     Avant que ne déboule une troisième partie complètement asphyxiante, interminable, répétitive, bavarde et hystérique : 90% de dialogues, en débit mitraillette, lors de procès ou commissions d’enquêtes. Il n’y a plus aucun changement de rythme, tout y est monochrome, monocorde. Ne reste plus qu’une matière sérieuse, sophistiqué et des tunnels de dialogues au montage surcuté.

     Au même titre, la musique omniprésente (chère à Nolan, quand bien même ce ne soit pas Zimmer cette fois) offre moins une sensation de voyage opératique (Comme on pouvait le sentir dans Inception ou Interstellar) qu’une bande-annonce / pudding géant, qui ne prend jamais le temps de rien, prend bien soin de nous interdire de penser. Le biopic psychologique empêche cette fois Nolan de s’épanouir dans le blockbuster cérébral. Le casting dément n’y change rien.

     Bref c’est trop long. Ça se pliait en deux heures selon moi. Mais le film est couillu, malgré tout, d’autant qu’il est présenté comme un des blockbusters de l’été. Il a de quoi en perturber plus d’un, aficionados de Nolan ou pas. Ce qui m’a troublé, personnellement : j’ai vraiment eu la sensation que Nolan s’identifiait a Oppenheimer, par fascination/répulsion, qu’il se sent au cinéma ce que lui était à l’humanité, son génie et son destructeur.

     Oppenheimer, le film, avait tout pour être le JFK de Nolan, en somme. Je pense qu’il se rate un peu car Nolan n’est pas Stone, et que pour que son cinéma s’épanouisse il a besoin d’un terrain de jeu (narratif, temporel, romanesque), en gros. Là, ce n’est plus ludique du tout. Ne reste que le plaisir d’observer cet acteur, magnétique Cillian Murphy, pure matière à fascination.

     Le plus intéressant là-dedans réside dans la résonance macabre entre la réaction en chaine que la bombe provoque (l’issue du film est vraiment très forte, sans pourtant faire office de twist) et l’idée même que personne ne savait si cette bombe, par réaction atomique, ne détruirait pas la planète tout entière. Il me semble que le film parvient à transmettre ce vertige-là, malgré tout.

Asteroid city – Wes Anderson – 2023

03. Asteroid city - Wes Anderson - 2023L’émoi du désert.

   5.5   Je continue de ne pas comprendre le cinéma de Wes Anderson, qui me semble à la fois épuré et surchargé, plein de passion (pour ses personnages, qu’il aime dessiner) mais atone, raffiné mais pourtant si lourd. J’y glane quelques moments, quelques scènes, un visage, un regard, un plan, un mouvement de caméra. Quand l’ensemble défile sous mes yeux circonspects, qui sitôt la projection terminée, oublient vite ce à quoi ils viennent d’assister.

     Néanmoins, il y a dans Asteroid city, une matière qui au préalable, m’attire. Le film me séduit par son folklore fifties et sa petite virtuosité absurde d’enchâsser western et récit de science-fiction. Il m’intrigue aussi par cette histoire de personnage (de femme, de mère) absent mais qui fait office de centre de gravité. Et de manière plus concrète, je préfère ce film-ci (à The French dispatch ou The grand Budapest hotel) pour son cadre, son vent, son silence.

     Puis je m’y suis un peu ennuyé. Enfin pas tout à fait. Je sortais d’une période de six semaines sans être entré dans une salle de cinéma. Il y avait donc un vent de séduction, un plaisir du regard, tant on retrouve les obsessions visuelles, très marquées, du cinéaste. C’est très beau, visuellement, Asteroid city. Mais il n’y a pas de relais, sur moi : L’intrigue m’intéresse aussi peu que chacun de ses personnages. Une capsule succède à une autre. Finalement, rien n’a changé.

     Je continue d’y voir qu’une virtuosité sous cloche. De comprendre ce qui peut émerveiller voire toucher, mais cette émotion sous-jacente ne prend jamais sur moi tant j’observe cela avec une distance froide. C’est brillant mais toujours très artificiel et désincarné. C’est un petit laborantin plus qu’un cinéaste, à mon sens. Et qu’il s’agisse ici du récit d’une pièce de théâtre ne l’aide pas, je crois.

     Au même titre que chez Nolan (dans Oppenheimer) l’épure narrative (des personnages de passage), formelle (moins axé sur la frénésie de la vignette) et décorative (un village et un cratère dans un désert) est paradoxalement annulée par la lourdeur du trait. Une esthétisation malade, pour ne pas dire malsaine.

     J’ai donc été plutôt séduit – pour un Wes Anderson, s’entend – sur le moment, mais les vacances sont passées et au même titre qu’Oppenheimer (qui jouissait par ailleurs aussi – j’y vois beaucoup de similitudes – d’un casting haut de gamme) je me rends compte qu’il ne m’en reste plus grand-chose. Son cinéma a le don de s’évaporer dans mon esprit à chaque fois, c’est terrible.

     Wes Anderson et moi ça fait deux. J’ai parfois apprécié ces films mais ne les ai jamais revus. Hormis une fois, pour Moonrise kingdom : Une déception en le revoyant, à la hauteur du plaisir qu’il m’avait provoqué en salle. J’essaie de pas insister et en même temps son cinéma, très singulier et personnel, me rend chaque fois curieux.

Master gardener – Paul Schrader – 2023

32. Master gardener - Paul Schrader - 2023Sur les terres de la rédemption.

   6.5   Paul Schrader a toujours plus ou moins fait la même forme narrative, le même film. Mais au cours de ses trois derniers qu’on pourrait aisément ranger dans un triptyque (First reformed, The card counter et celui-ci) il n’aura jamais été aussi proche de faire trois fois le même, et trois fois sa matrice absolue qu’est Taxi driver (de Scorsese, mais dont il a écrit le scénario). Master gardener est le moins intéressant de ces trois derniers films, néanmoins c’est du pur Schrader y a pas de doute.

     Le jardinier solitaire ici ressemble au prêtre de l’un ou au joueur de cartes de l’autre. Ce n’est pourtant ni une autocaricature ni un prolongement. Plutôt une copie un peu anecdotique ou un brouillon tardif. L’intérêt principal (s’il ne tient pas sur la puissance dramatique ni de l’interprétation colossale de ses deux précédents, sans vouloir dévaloriser le jeu et la présence de Joel Edgerton non plus) se joue sur trois niveaux.

     Tout d’abord dans le trouble qu’il provoque au-delà du film lui-même : Master gardener ne fonctionne pas en tant que projet indépendant. Il est un formidable objet théorique, un film-écho aux films précédents de Schrader, mais guère davantage, tant il est désincarné, si peu tranchant. Je serais curieux de voir ce qui reste de Master gardener pour un spectateur qui ne connait pas le cinéma de Paul Schrader.

     L’intérêt réside paradoxalement aussi dans son récit et tout particulièrement ses personnages, au moyen de cette étrange triangulation : Il y a Narvel, le blanc suprémaciste repenti et Maya, la jeune métisse, schéma schraderien en diable. Or il y ajoute cette riche propriétaire, Norma, une Sigourney Weaver qui incarne une sorte de prolongement du colonialisme puisqu’elle ne dirige plus une plantation mais un jardin, le sien. Et la dimension sexuelle n’est pas exempte de ce curieux triangle.

     Enfin, troisième et dernier écart, il s’agit probablement du Schrader le moins sombre, passé la connaissance de l’infâme background du personnage principal. Son histoire nous est offerte si tardivement, bien après que nous ayons appris à l’apprécier, que le mouvement crée un vertige un peu malaisant. Et la possibilité de rédemption pour un personnage à priori irrécupérable semble faire partie intégrante du projet, fragile, mais qui aura trouvé une autre façon de faire entrer en collision les (vies et passés) contraires.

Wahou ! – Bruno Podalydès – 2023

28. Wahou ! - Bruno Podalydès - 2023Dans son jus.

   4.5   C’est une suite de petits sketchs (sinon un film à sketchs) anodins souvent, savoureux par instants, limitée à un appartement et une grande bâtisse, et quelques personnages qui vont et reviennent. Une version pantouflarde et « Stéphane Plazza » de Versailles Rive gauche, en somme, avec tout de même quelques idées visuelles, absurdes, chères à Podalydès, comme ce couple en trottinette ou ces deux motards casqués sapés de noir, la glaviole planquée sous un tas de feuilles, un train en bout de jardin, un grenier refuge. Mais aussi quelques gourmandises verbales. Mais ça ne prend jamais. Ni l’idée de ces deux biens immobiliers que tout oppose. Ni celle de « l’agent immobilier » névrosé. Ça ne produit aucune compassion ni empathie pour moi, qu’importent Viard ou Podalydès. Le tout, tour à tour burlesque ou mélancolique, forme un ensemble boulevardier pas très intéressant. Un Podalydès mineur (dans la veine de Bancs publics) pour ne pas dire paresseux, qui n’a pas l’inventivité – pour investir les lieux mais aussi dans l’écriture – qu’il avait pour son studio de Versailles rive gauche ou dans la fine plume de Dieu seul me voit.

Vers un avenir radieux (Il sol dell’avvenire) – Nanni Moretti – 2023

18. Vers un avenir radieux - Il sol dell'avvenire - Nanni Moretti - 2023Seul au monde.

   5.0   Il aura fallu attendre de le revoir en Giovanni (son vrai prénom) son alter-égo depuis ses premiers films, pour retrouver un Moretti tristement engoncé, tandis qu’il restait sur de belles trouées constituées de Mia madre, Tre piani ou Santiago Italia. Bien sûr on est heureux de retrouver son phrasé si particulier, si articulé, dorénavant offert dans un tempo si lent. Certaines choses m’ont plu (tout ce qui se joue autour du couple et du film dans le film) d’autres beaucoup moins (l’autre film, Amalric, Netflix et compagnie) : c’est à la fois à mettre au crédit du film (il y en a plusieurs en un seul) et à son discrédit, tant il semble avoir été fait à l’arrache, à la Moretti, en somme.

     Impossible de ne pas sentir ce vieillissement, dont Moretti lui-même joue, campant l’incompris et celui qui ne comprend plus le monde qui l’entoure, sur les plateaux de tournage, mais aussi au sein de sa famille et dans son couple. Ce qui se joue entre eux et la plus belle idée du film, la plus subtile. Bien plus que le dialogue de sourds dans les bureaux de la plateforme de streaming. On y entrevoit parfois le film d’un vieux con, mais c’est aussi le film de celui qui se voit en vieux con, incapable de faire mieux que de rester lui-même face au bouleversement crée par son entourage, incapable de ne pas être un donneur de leçons, incapable de ne pas voir en tout geste de cinéma une pensée politique. Je laisse aux fans. En revanche la scène finale, quelle idée magnifique.

Esterno notte – Marco Bellocchio – 2023

11. Esterno notte - Marco Bellocchio - 2023Contrechamp.

   7.0   Si j’ai bien saisi, Esterno notte serait le contrechamp de Buongiorno notte. Ne serait-ce qu’avec leurs titres c’est assez évident. Je n’ai pas vu le second (réalisé il y a vingt ans) malheureusement, qui se concentrait sur l’enlèvement et la séquestration d’Aldo Moro. Ici, le film (ou la série, chez nous) choisit d’autres angles : La vie de Moro avant son enlèvement puis les réactions du premier ministre, du pape, des Brigades rouges, de la femme de Moro, sans jamais entrer dans le champ de la séquestration. Je ne sais pas comment est découpé le film en Italie, mais il m’a semblé que c’était un peu déséquilibré en version série, sans doute car les parties pape & premier ministre m’intéressaient moins que toutes les autres. Qu’importe, ça dure cinq heures et c’est vraiment puissant et passionnant. Il faut absolument que je voie Buongiorno notte, maintenant.

Hidden – Jafar Panahi – 2020

34. Hidden - Jafar Panahi - 2020Une voix dans l’ombre.

   6.5   Jafar Panahi part à la recherche d’une jeune femme à qui l’on interdit de chanter en public. Il filme avec deux téléphones, l’un disposé sur son tableau de bord, l’autre tenu par sa fille derrière. Avec eux une productrice de théâtre qui, pour les besoins d’une pièce, souhaite faire chanter la jeune femme en question et donc la rencontrer. C’est un court métrage d’une quinzaine de minutes mais tout Jafar Panahi est là, dans ce trait d’union parfait entre son film précédent (Trois Visages) et son film suivant (Aucun ours). Immense cinéaste.

Les trois mousquetaires, D’Artagnan – Martin Bourboulon – 2023

29. Les trois mousquetaires, D'Artagnan - Martin Bourboulon - 2023L’étroit mousquetaire.

   5.0   Si je fais abstraction de la photo, terne et maronnasse, mais aussi de ces plans-séquence illisibles lors des scènes d’action, j’ai trouvé ce premier opus plutôt séduisant, en grande partie grâce à son casting et au joli jeu de séduction entre Lyna Khoudri & François Civil. Évidemment ça ne révolutionne rien, ça donne même à peine envie de voir l’épisode suivant, mais c’est correctement fichu et les deux heures passent bien, ce qui de la part d’un gars qui avait fait Eiffel ou Papa et Maman est plutôt un miracle.

Alibi. com2 – Philippe Lacheau – 2023

14. Alibi. com2 - Philippe Lacheau - 2023Deux mariages et un lotissement.

   5.0   Contre toute attente (car j’avais détesté le premier volet) j’ai beaucoup ri. Alors évidemment il y a plein de choses à jeter, des trucs nuls en rafale, mais ça tente tellement, à chaque seconde, chaque plan, c’est un festival de gags comme il est rare d’en voir de si frénétique. Alors forcément parfois ça fonctionne, notamment parce que tout le terrain burlesque se déroule au sein de deux maisons voisines, organisant un mariage le même jour, ce qui occasionne une folie absurde réjouissante. Et puis y a quelques idées géniales : le faux split screen dans le lit, Gad Elmaleh dans la télé à Marrakech, les palmiers en boucle autour de la voiture… Je retrouve un peu ce qui me séduisait dans Babysitting.

La grande magie – Noémie Lvovsky – 2023

05. La grande magie - Noémie Lvovsky - 2023Noémie redouble.

   3.0   Les vingt-cinq premières minutes sont parmi ce que j’ai vu de plus affreux ces dernières années. Or dès la fameuse disparition, il se passe enfin un truc, une émotion. Dommage qu’elle ne vise que le personnage incarné par Denis Podalydes et jamais celui campé par Judith Chemla, qui hérite un peu trop du rôle de la méchante dans cette affaire. La fin est à chier par terre, d’ailleurs.

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