What we have done.
5.5 La première heure (en schématisant) est séduisante, prometteuse mais déjà confuse (Il y avait franchement moyen d’être plus clair, d’aller plus à l’essentiel, de créer de beaux personnages secondaires, féminins notamment, autour de cette figure centrale) dans son obsession à enchâsser les temporalités, offertes dans un code couleur complètement contre-intuitif.
C’est apparemment plus limpide que d’habitude – pour du Nolan – pourtant on n’y comprend pas grand-chose, au sein de ces multiples lieux, situations et périodes (Cambridge, Le Nouveau-Mexique, l’audition de sécurité, l’audition parlementaire) où les personnages vont, viennent et disparaissent dans l’indifférence complète de notre part.
Dès l’entrée en piste du projet Manhattan, le film m’a semblé plus clair dans ses intentions, offrant une deuxième partie absolument brillante : La ville fantôme de Los Alamos, l’essai Trinity (de très loin la meilleure scène du film, notamment le crescendo qu’elle impose et son parti-pris sonore au moment de l’explosion) ainsi que les discussions autour du largage de la bombe sur Hiroshima et Nagazaki.
Avant que ne déboule une troisième partie complètement asphyxiante, interminable, répétitive, bavarde et hystérique : 90% de dialogues, en débit mitraillette, lors de procès ou commissions d’enquêtes. Il n’y a plus aucun changement de rythme, tout y est monochrome, monocorde. Ne reste plus qu’une matière sérieuse, sophistiqué et des tunnels de dialogues au montage surcuté.
Au même titre, la musique omniprésente (chère à Nolan, quand bien même ce ne soit pas Zimmer cette fois) offre moins une sensation de voyage opératique (Comme on pouvait le sentir dans Inception ou Interstellar) qu’une bande-annonce / pudding géant, qui ne prend jamais le temps de rien, prend bien soin de nous interdire de penser. Le biopic psychologique empêche cette fois Nolan de s’épanouir dans le blockbuster cérébral. Le casting dément n’y change rien.
Bref c’est trop long. Ça se pliait en deux heures selon moi. Mais le film est couillu, malgré tout, d’autant qu’il est présenté comme un des blockbusters de l’été. Il a de quoi en perturber plus d’un, aficionados de Nolan ou pas. Ce qui m’a troublé, personnellement : j’ai vraiment eu la sensation que Nolan s’identifiait a Oppenheimer, par fascination/répulsion, qu’il se sent au cinéma ce que lui était à l’humanité, son génie et son destructeur.
Oppenheimer, le film, avait tout pour être le JFK de Nolan, en somme. Je pense qu’il se rate un peu car Nolan n’est pas Stone, et que pour que son cinéma s’épanouisse il a besoin d’un terrain de jeu (narratif, temporel, romanesque), en gros. Là, ce n’est plus ludique du tout. Ne reste que le plaisir d’observer cet acteur, magnétique Cillian Murphy, pure matière à fascination.
Le plus intéressant là-dedans réside dans la résonance macabre entre la réaction en chaine que la bombe provoque (l’issue du film est vraiment très forte, sans pourtant faire office de twist) et l’idée même que personne ne savait si cette bombe, par réaction atomique, ne détruirait pas la planète tout entière. Il me semble que le film parvient à transmettre ce vertige-là, malgré tout.