3.0 Nicloux est un cinéaste atypique, indiscernable, un peu punk, à la fois très érudit (il y a toujours une volonté chez lui de convocation des maîtres, Antonioni, Van Sant, Rivette…) et très physique : Parmi le peu de films que j’ai vu de lui, j’ai toujours eu la sensation qu’il était intéressé par les corps dans l’image, rien de plus. Que ses films ne racontent rien d’autre que ça, notamment en utilisant des acteurs très identifiés : Depardieu, par trois fois, aura incarné le cinéma de Nicloux de façon très bizarre, un peu à part ; ça n’en faisait pas des bons films, loin s’en faut, mais il y avait cette matière-là malgré tout.
La tour évacue complètement cette donnée. Il n’y a pour ainsi dire que des inconnus dedans. Premier problème, majeur, ils sont quasi tous très mauvais. Mais qu’importe, le gros du problème se situe ailleurs, ou partout : C’est Buñuel qui rencontre The Mist, de Frank Darabont et Les misérables de Ladj Ly, dans un film post confinement. Les quinze premières minutes sont prometteuses : On comprend qu’il n’y aura qu’un lieu, la tour d’une cité, qu’on en sortira pas puisqu’un épais brouillard d’acide noir encercle la barre HLM et que quiconque souhaite le traverser s’en trouve désintégré et disparait dans le néant.
Mais le film se perd très vite, ne parvient pas à faire exister ni ce terrifiant néant, ni cette ambiance postapocalyptique, ni les lieux, ni les personnages, tentant de mêler dans un gigantesque gloubi-boulga tout ce qui peut arriver de pire dans un tel confinement et notamment les rapports entre les occupants, les communautés, de plus en plus absurdes et violents.
Ce serait un premier film plein de promesses pour un étudiant en cinéma, je crois. Une curiosité à Gérardmer. Or c’est le quatorzième film de son auteur, c’est assez embarrassant de sentir à ce point les manquements, les ratés, l’amateurisme, dans chaque plan, chaque scène, à l’image de ces nombreuses ellipses (qui ne parviennent jamais à nous faire ressentir le temps passé, les jours, les semaines ou les années) marquées par des fondus au noir interminables.