L’enfer est ici.
9.0 Le nihilisme de son auteur se trouve à son apogée avec Croix de fer, récit d’un bataillon allemand en retraite sur la péninsule de Taman, en 1943, depuis la défaite à Stalingrad. Deux figures masculines s’y rencontrent et rivalisent : un sergent aussi rigoureux que désenchanté, admiré de ses soldats et qui méprise les hiérarchies, et un officier opportuniste, aristocrate prussien en quête du fameux symbole de bravoure, la croix de fer.
C’est La horde sauvage sur le front russe. Soit une plongée dans les entrailles de l’enfer, au sein de forêts désolées, tranchées de boues, terrains de barbelés sur lesquels s’entassent les cadavres. L’horreur de la guerre n’a plus de limites dans Croix de fer. On roule sur un corps dans une ornière. Un enfant se voit criblé de balles. C’est un chaos de chairs avant tout. La terre tremble en permanence. La bande-son est quasi exclusivement faite de tirs d’artillerie et autres explosions, au loin ou tout proche.
Comme à son habitude, Peckinpah use d’un montage cut lors des scènes de batailles, accentuant l’immonde absurdité du combat, d’un plan à l’autre, d’un ralenti à l’autre. C’est la représentation la plus sale de ce que peut être la guerre. Ça transpire de partout, des visages, des sons. On y sent presque la puanteur des sous-sols. D’un point de vue graphique c’est dément.
C’est son seul film de guerre. De guerre pure, disons. Il fait figure d’anomalie tant c’est un film très maîtrisé, ce qui semble improbable quand on connaît l’histoire de sa conception : le film est produit pour rien par un producteur de pornos, c’est à la base une commande (Peckinpah avait le choix entre ça et King Kong, qui se fera finalement par John Guillermin) et son réalisateur, alors en fin de course, est bourré du matin au soir.
C’est un film apocalyptique qui fait le portrait permanent d’une dichotomie fulgurante, dans la lignée de ses quatre minutes introductives, durant lesquelles des images d’archives de guerre, des troupes allemandes, d’Hitler, de bombardements sont entrecoupées de visages d’enfants, le tout accompagné par une mélodie enfantine qui côtoie une symphonie militaire. Il y a du Eisenstein dans cette introduction. Grosse claque, évidemment.