Pauvres créatures (Poor things) – Yórgos Lánthimos – 2024

???????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????Poupée d’images et de sons.

   8.0   La bande annonce me filait des boutons. Lanthimos m’avait exaspéré avec The Lobster, gonflé avec La favorite. Et pourtant, une force étrange m’a poussé à aller voir ce film en salle. J’avais envie de cette expérience ce soir-là, un quitte ou double de 2h20. Au moins, je savais qu’en cas de grosse souffrance, Lanthimos et moi c’était définitivement terminé.

     Et j’ai adoré. Inexplicable. Enfin si : j’ai entièrement acheté ce personnage et ce pitch incroyable : l’histoire de Bella, suicidée enceinte recueillie et ressuscitée par un savant fou lui ayant greffé le cerveau du bébé qu’elle portait, qui va peu à peu s’émanciper et découvrir l’espèce humaine via une odyssée tortueuse à travers l’Angleterre de l’époque victorienne puis l’Europe.

     C’est Frankenstein et Candide qui rencontrent Freaks et Nymphomaniac. En gros. Tout était surprise pour moi, exaltante, au diapason du voyage de Bella. Ses déambulations londoniennes puis son départ en bateau. L’escale à Alexandrie. Puis Paris. Un apprentissage accéléré, du plaisir sexuel, du rapport à la jalousie, la possession, du système capitaliste, de la transmission de la domination, elle qui était, au préalable, émancipée naturellement des codes de la société et du patriarcat.

     Toutes les extravagances visuelles (plans distordus au fisheye notamment) de Lanthimos soudain ont pris sens devant mes yeux, sens avec le destin de ce personnage, son voyage vers une humanité monstrueuse. Il y a mille choses à voir en permanence, dans chaque plan. C’est un vrai plaisir pour les yeux.

     J’ai tellement ri, aussi. Grâce à une Emma Stone démente. Et un Mark Ruffalo improbable. Et surtout j’ai senti que Lanthimos aimait cet univers, qu’il aimait son personnage, tous ses personnages, qui ne sont plus seulement des objets d’étude expérimentale mais des êtres qui existent, avec une histoire à défendre. On ressentait un peu la naissance de ça dans La favorite, mais ça manquait encore d’incarnation.

     Ici Lanthimos ajuste sa mise en scène au regard de Bella. Et par la même occasion il ne fait pas du savant un être abscons, d’une part car il reste dieu (Godwin, l’appelle-t-elle) aux yeux de Bella et d’autre part car il est une sorte de docteur Frankenstein doublé de la créature de celui qu’incarnait jadis son père.

     Il sera difficile d’oublier le vertige imposé par cette expérience visuelle, ces images folles, ces bulles d’acide gastrique qui côtoient des animaux hybrides, ces tapisseries et ces architectures hallucinantes. Je laisse volontiers Barbie aux autres et je garde Poor things.

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