La ballade des sans-espoir.
8.5 Une merveille totale, un pré-code inouï, très cru, très sec, c’est Les raisins de la colère version Wellman, qui s’intéresse à Tommy & Eddie, deux adolescents pendant la grande Dépression des années 30, qui se retrouvent sur les routes, dans les trains, d’un État à l’autre, parce que leurs familles sont en grande difficulté financière et qu’ils ne veulent pas accabler leurs parents. Ils rencontrent bientôt Sally à bord d’un train de marchandise et de nombreux autres compagnons de voyage, et deviennent des vagabonds en quête d’un petit boulot.
Wild boys of the road (renommé chez nous Les enfants de la crise) symbolise presque les prémisses du film noir : La dérive vers la pègre devenant suite logique d’une jeunesse s’enlisant dans la pauvreté. Pas étonnant de la part de Wellman, juste après le superbe L’ennemi public, avec un James Cagney qui pourrait être le prolongement (le film se déroule à Chicago, ville vers laquelle les désœuvrés de Wild boys of the road vont) du personnage principal. La grande découverte c’est Frankie Darro. Il incarne Eddie et semble être une version rajeunie du même James Cagney qui campera aussi un Eddie bientôt dans une autre merveille, signée Raoul Walsh : Les fantastiques années 20.
Le film est jalonné de séquences fortes, indélébiles. C’est hyper violent (Une rixe policière où s’affrontent les jets d’œufs et coups de matraques, mais aussi un viol, une amputation…) d’une grande noirceur et in extremis rattrapé par un happy end improbable et artificiel auquel on ne croit pas : après vérification il s’agit d’un épilogue imposé par les studios Warner en forme de propagande pour le New Deal de Roosevelt. Wellman est suffisamment intelligent et fort pour accepter cette concession masquée et intégrer une fin à laquelle le studio va croire mais à laquelle nous ne sommes dupes, comme pour montrer qu’il aurait fait tout l’inverse avec ce juge et sa vision gentiment paternaliste. Le dernier plan reste par ailleurs hyper ambigu et l’issue est de toute façon beaucoup trop abrupte pour se loger dans la continuité d’un geste aussi radical et sans espoir.